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8.

Augures à

terre d'ailleurs où a-t'il pris les connoiffances qu'on lui attribue? Cicéron, qui parloit ainfi de la fcience augurale, étoit néanmoins du collège des Augures. La marque de leur dignité étoit un Crédit des baton [e] courbé. Romulus avoit mis Rome. ce baton augural en ufage. Les Augures furent d'abord créés au nombre de trois, un pour chaque tribu. Tarquin [f] aïant voulu ajouter de nouvelles Centuries, & leur faire porter fon nom, l'augure Accius Nævius dit à ce roi, que ce changement ne pouvoit fe faire, à moins que les fignes tirés des oifeaux ne fuffent favorables. Ce fut en cette occafion que l'augure Accius Nævius fit le miracle de couper une pierre avec un rafoir. On lui éleva LgJune ftatue dans le lieu même où il avoit opéré ceprodige. Depuis ce tempslà les Romains ne firent aucune entreprife importante, foit dans la paix, foit dans la guerre, fans confulter les Au

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[e] Macrob. Sar,lib.6. c. 8.

[f] Tarquinius ad Ramnes, Tatienfes, Luceres, quas centurias Romulus fcripferat, addere alias conftituit, fuoque nomine infignes relinquere. Id quia inauguratò Romulus fecerat, negare Accius Nævius inclytus eà tempeftate augur ne que mutari, neque novum conftitui, nifi aves addixiffent,poffe.Tir Liv.lib.x.

[g] Statua Accii pofita capite velato, quo in loco res acta eft,..... auguriis inde, facerdotioque augurum tantus honos acceffit, ut nihil belli domique pofteà, nifi aufpicato, gereretur. Tit. Liv. loc.

citat.

[h] Qui urbem novam condit, tauro

Les Augures des poulets s'obfer voient ainfi on enfermoit deux poulets dans une cage; & le matin on les en faifoit fortir pour leur donner à manger [k]. Si les poulets n'avoient point d'appétit, s'ils fortoient lentement de leurs cages, s'ils ne mangeoient point, c'étoit un très mauvais augure; mais s'ils prenoient la nourriture offerte avec tant d'avidité, qu'une partie tombât de leur bec, l'augure étoit fort heureux.

Si le laurier [ en brulant faifoit beaucoup de bruit, c'étoit un augure favorable: s'il ne rendoit aucun fon, c'étoit un mauvais figne.

On obfervoit auffi [m] les henniffements des chevaux, & les heurle ments des loups. Les chofes imprévûës & effraïantes avoient leurs fignifications. Plufieurs regardoient le côté droit comme heureux. Plutarque eftime que c'est le côté gauche [n]; & la raifon qu'il en donne, c'eft que ce qui eft à la gauche des chofes terreftres, eft à la droite des fupérieures & céleftes. Les Allemands, au rapport de Tacite [], ajoutoient beaucoup de foi aux augures tirés des chevaux.

C'étoit un mauvais [p] augure parmi les Egyptiens, que le bœuf

& vaccâ aret; ubi araverit, murum faciat: ubi portam vult effe, aratrum fuftollat & portet, & portam vocet. Cato. [] Imprimeretque muris

Hoftile aratrum exercitus infolens. Hor. [k] C'est ce qui fe nommoit pullorum tripudium.

[] Laurus ubi bona figna dedit gaudete coloni : Tibull, Et tacet extincto laurus adufta foco: Propert.

[m] S. Ifidor. orig. lib. 12.c.1.
[n] Plutarq. quaft. Rom.c. 78.
[o] Tac. de morib. Germanor.
[p] Plin. lib. 8.c.46.

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Stace [9] raifonne affez mal à ce fujet. Le créateur du ciel, dit ce poëte, a-t-il mis cet inftinct dans les oifeaux, dès le commencement du monde ou bien ces corps ailés font-ils guidés par des ames humaines, qui en paffant dans les oiseaux, n'aïent pas oublié leur prémiére origine? ou la pureté de la région qu'ils habitent, l'innocence deleur vie, & leur peu de commerce avec la terre, leur enfeignent-ils la vérité ?

Hécatée d'Abdére racontoit [r] qu'une troupe de cavaliers étant en chemin vers la côte de la mer Rouge, il fe préfenta un Augure, qui leur fit remarquer un oifeau, & leur dit: fi cet oifeau s'arrête, il faudra que vous vous arrêtiez auffi; s'il avance, il faudra continuer le voiage; & s'il retourne il faudra rebrouffer chemin. Un Juif de la troupe prit alors une fléche, fans rien témoigner de fon deffein, &

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Mais ce raifonnement ne prouvoit rien contre les Augures, qui ne prétendoient pas [s] que les fignes & les indications des oifeaux vinffent d'une connoiffance, que ces animaux aëriens euffent de l'avenir, mais de la direction de quelque autre caufe,

II.

L'inven

portée à

Les uns ont rapporté l'invention des Augures[] Tagés espéce de demi dieu, tion des qu'un laboureur Tofcan avoit déterré augures d'une façon affez difficile à comprendre différents. [#], avec le foc de fa charuë, & qu'il auteurs avoit trouvé endormi fous une motte de terre: Suidas en fait honneur à Télé-, gone fils d'Ulyffe; Paufanias, à un fils de Neptune, nommé Parnafus, qui vivoit avant le déluge [x] d'Ogygés, d'autres à Cham fils de Noë, qu'ils prétendent avoir été le même que Pan & Zoroaftre; Pline [y] prétend que Carés qui donna fon nom à la Carie, inventa les augures tirés des oiseaux, & qu'Orphée inventa ceux tirés des autres

animaux.

Plufieurs auteurs, tels que Carnéade, Chryfippe, Diogéne, Philon Jofeph, & autres fe font mocqués des Augures. Homere met dans la bouche d'Hector un fentiment fort Ddd 3

avium dirigit Deus, ut roftrum fonans, aut prætervolans penna turbido meatu vel leni futura præmonftret. Amm, Marcell. lib. 21.

Aves feu prætervolando, feu ftando, futura pennis vel voce fignificant nefcientes Macrob. in fomn. Scipion. lib. 1. c. 19!

[r] Ut fibris fit nulla fides, fed conditor artis.

Finxerit ifta Tages. Lucan [u] Ovid, metam.lib, 15. Cic. de divinat lib. 2. Cenforin de die natali, c. 3.

[x] Le déluge d'Ogygés fubmergea la Baosie.On le place du temps d'Ifac. [y] Plin. lib. 7. c. 56.

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Fabius Maximus, après avoir confulté deux fois [b] les oifeaux, & fait un facrifice, trouva que les aufpices étoient peu favorables, & l'avertiffoient de quelque danger,il fe tint fur fes gardes, & évita une embuscade qui lui étoit dreffée par Hannibal.

Gordius revenant de labourer fon champ [c], un aigle fe repofa longtemps fur le joug de fes bœufs; com me il alloit à la ville pour confulter les Augures à ce fujet, il rencontra une fille très belle, qui lui prédit la roïauté, & s'offrit à lui en mariage. Peu après leur mariage, il s'éleva une fédition parmi les Phrygiens, qui aïant confulté l'oracle, en eurent pour réponfe, d'élire pour roi le prémier homme, qu'ils trouveroient allant autemple de Jupiter dans un chariot. Cet homme fut Gordius, qui devint ainfi roi de Phrygie.

Romulus & Remus confultant les Augures [d], Remus vit le prémier fix vautours; mais un inftant après, Romulus en aperçut douze.

Germanicus, fur le point de charger

[2]Εις οιωνόςἄριστος ἀμύνεσδαι περί πάτρης.. Il. M. v. 243. [a] Cyprian. de idolor. vanis. [b] Tit. Liv. lib. 27. Plutarch in Fab. [e] Arriande expedit. Alex.l.2.Justin.lib. 1 1. [d] Den, d'Halicarn, liv. 1. Plutarch,in Rownl

les Chérufces [e] à la tête des légions, vit passer huit aigles, & il s'écria qu'il n'y avoit qu'à fuivre des oifeaux qui fervoient de guides, auffi bien que de dieux tutélaires aux légions. Ce récit paroît fabuleux à Lipfe à caufe de ce grand nombre d'aigles; mais Tacite eft juftifié par ce qu'il dit au fecond livre de fon hiftoire,que comme il feroit contre la dignité de l'hiftoire d'amufer le lecteur par des contes fabuleux, il y auroit auffi de la témérité à fupprimer de fon autorité privée ce que la renommée a publié. Ces fortes d'opinions, qui ne doivent pas être rejettées de l'hiftoire générale, entrent à plus forte raifon dans l'hiftoire de l'efprit humain.

Deux ferpents, l'un mâle & l'autre femelle, s'étant trouvés dans le lit de Gracchus [f], les Augures confultés déclarérent que Gracchus & fa femme Cornélie mourroient touts deux, fi les deux ferpents étoient tués, ou fi l'on confervoit la vie à l'un & à l'autre : que fi l'on tuoit le ferpent mâle feul, Gracchus feul mourroit, & que fi l'on ne tuoit que la femelle, Cornélie fa femme mourroit feule. Sur cette réponse, Gracchus faifant tuer le ferpent mâle, conferva les jours de fa femme aux dépens des fiens.

Alius préteur [g] rendant la juftice dans fon tribunal, un piquebois vint fe pofer fur fa robe, & fe laiffa prendre à la main. Les Augures dirent que fi l'on confervoit la vie à l'oifeau, ils arriveroit quelque malheur

[e]Tac. annal, lib. z.
[f] Plutarch. in Gracch.

[g] Val. Max. lib. 5.c. 6. Ce préteur eft nommé Célius dans Frontin. Stratag, liv. 4. c. 5. Quelques auteurs l'ont appellé Lélius. d'Ablancourt,tradu&t.de Frontin.

à la république; que s'il étoit tué, le préteur mourroit. Elius aïant enten du cette réponse mit auffitôt l'oifeau en piéces de fes propres mains.

Génutius Cipus [b], autre préteur Romain, fortant de Rome, il parut tout d'un coup fur fon front deux boffes comme deux cornes. Les Augures lui annoncérent qu il feroit roi, s'il rentroit dans Rome. Cette prédiction lui fit prendre le parti de Le condamner lui même à un exil perpétuel.

Un aigle s'arrêta fur le bouclier d'Hiéron, & lui préfagea fon éléva tion & fes victoires. Xénophon [] rapporte qu'aïant vû un aigle à droite, il fe fervit de cet augure pour encourager les foldats. Deux aigles demeurérent fur la maifon où naquit Aléxandre, pendant tout le jour de fa naif fance, & on obferva un aigle qui voloit fur la tête de ce conquérant à la bataille d'Arbelle.

Ce fut le devin Ariftandre [] qui fit remarquer cet oifeau aux Macédoniens pendant la chaleur du combat, & il y a beaucoup d'apparence qu'ils s'en rapportérent plus au témoignage du devin qu'à leurs propres yeux.

Les hiftoriens de Charles Quint ont rapporté, que dans le même temps qu'il faifoit paffer l'Elbe à l'infanterie Espagnole, on vit un aigle qui voloit doucement, tantôt au-def. fus de la tête de l'empereur, & tan. tôt au-dessus des troupes, qui paffoient le fleuve.

Un aigle fe pofa fur la tête de

[h] Val, Max. lib. 5. c. 6. Ovid. metam. lib. 15.

[i] Xénophon. retraite des dix mil. [k] Vates Ariftander albâ vefte indutus, & dextrâ præferens lauream, militibus in pugnam intentis avem monftravit, haud dubium victoriæ aufpicium.Ingens ergo alacritas ac fiducia paulò antè

Tarquin l'ancien, fils de Démara te, fimple négociant de Corinthe, & prognoftiqua ainfi l'élévation de Tarquin à la roïauté de Rome. Dejotarus averti par un aigle, évita la chute d'un bâtiment. Un aigle aïant enlevé le javelot d'un des gardes de Denys le jeune, & aïant jetté ce javelot dans la mer, cet Augure lui annonça la fin de fa tyrannie, & les calamités qui lui arrivérent.

Lejeune Octavius [7] qui fut depuis l'empereur Augufte, étant élevé à la campagne, une aigle lui enleva un morceau de pain qu'il avoit à la main, & après avoir volé fort haut, elle revint lui rapporter le même morceau de pain.

Des coqs préfagérent à Thémistocle, la victoire de Salamine. Le cheval prognoftique la guerre Anchise voïant des chevaux blancs, en débar quant dans un païs inconnu, dit [m] O terre étrangére tu nous annonces la guerre.

Des nids [n] d'oifeaux, & furtout de corbeaux, étoient de mauvais augures; quelque meuble renversé par un finge paffoit pour le figne d'un accident facheux.

Des corbeaux portant dans leurs nids des morceaux de poulets, qu'ils avoient mis en piéces [], prélagérent la guerre civile de Sylla & de Marius; & ces mêmes oifeaux prognoftiquérent à Alexandre & à Cicéron leurs morts prochaines, Les bourdonnements importuns des abeilles, qui fembloient pourfuivre Dion &

territos accendit ad pugnam. 2. Curt. lib. 4. c. 15.

[ Suet. in O&av. Dio. lib. 45. [m] .... bellum & bellum, terra hef. pita, portas. Virg. [n]Bulengerus,de prodigiis,lib.4.c.39.& 64. [•] Peucer. de pracip, divinas, generib ubi de augur, & arufpic.

82.

Pompée, prédirent leurs défaites. Vitellius étant à Vienne dans les Gaules, une troupe d'oifeaux l'environna; ils fembloient l'attaquer & fondre fur lui. Ils lui annoncérent ainfi fes malheurs & fa mort.

Céfareut les augures les plus finif. tres la veille du jour qu'il fut tué dans le fénat: deux victimes fe trouvérent fans cœur & fans foie. La même cho fe arriva à Marius dans la ville d'Uti que, & à l'empereur Pertinax, peu de jours avant qu'il fut affaffiné. La mort de [p] Marcellus, celles des empereurs [q] Caligula & Claude leur furent femblablement annoncées par des victimes qu'ils trouvérent fans foie en facrifiant.

Amilcar affiégeant Syracufe [r], les augures lui promirent que le lendemain il fouperoit dans la ville affiégée. La promeffe fur vérifiée d'une maniére fatale au général Carthaginois; car le lendemain il fut fait prifonnier, & conduit dans Syracufe.

L'empereur Galba facrifiant [s], l'arufpice lui rapporta que les entrailles contenoient des fignes funeftes, qu'el les le menaçoient d'embuches fecrettes, & d'un ennemi domestique. Mauvaife Quelques auteurs ont eu la témériapplication té de rapporter des paffages de la fainpallages de te écriture à la vanité de la fcience l'écriture à augurale [1]: comme ces paroles du augurale. livre de Job: Qui a donné l'intelligence [#] au coq? & ce verfet [x] de l'Eccléfiaftique: L'oifeau du ciel

de quelques

la fcience

[p]Plutarch-in Marcell.
[q]Plin.lib. 11. c. 37.
[r] Diod. Sic. lib. 20.

[] Sacrificanti Galba arufpex triftia exta, & inftantes infidias, & domefticum hoftem prædicit. Tac. hift. lib. 1.

[] Raguf. de divinar. lib. 2. c. 9. [x] Quis gallo dedit intelligentiam ?Job. c. 38. v. 35.

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fera entendre fa voix, l'oifeau donnera des indices: comme fi ces passages qui ne doivent s'entendre que du témoignage rendu par les bêtes même à la providence divine, pouvoient être appliqués à la fuperftition & à l'erreur.

Ces auteurs ajoutent que le patriarche Jofeph [y] dit dans la genéfe: Ne fçavez-vous pas qu'il n'y a point d'Augure qui ait une fcience femblable à moi? & qu'Elifée fit la prédiction [x] d'un Augure, lorfqu'il annonça à Joas roi d'Ifraël, qu'il remporteroit trois victoires fur les Syriens, parce que ce roi avoit frappé trois fois la terre de fon javelot. La réponse eft, que Jofeph infpiré de Dieu, laiffoit croire aux Egyptiens qu'il étoit verfé dans la fcience des augures, & qu'il ne parla ainfi à fes frères, avant que de fe faire connoître à eux, que pour leur faire peur pendant quelque temps, & leur donner à entendre quelle étoit l'opinion des Egyptiens fur fon compte. A l'égard d'Elifée, fa prédiction fut fondée fur la révélation divine, qui ne peut être tirée à conféquence pour des fuperftitions augurales.

La divination par les augures eft très ancienne, puifqu'elle eft interdite & condamnée dans les livres de Moyfe. Vous ne confulterez point [a] les augures, dit le Seigneur dans le Levitique; & dans [b] le Deuterono me: Qu'il n'y ait perfonne dans le peuple qui obferve les augures.

CHAPI

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