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les grands défordres & dans les temps dangereux de la république. Augufte fit raffembler & apporter à Rome tout ce qu'il put trouver de vers & de monuments des Sibylles.

Ces oracles Sibyllins furent confervés jufqu'au temps d'Honorius & du jeune Théodofe [x], que Flavius Stilicho beaupére d'Honorius les fit bruler l'an 399. de l'ére Chrétienne, & fit détruire jufqu'aux fondements le temple d'Apollon où ils avoient été gardés.

Il n'eft pas douteux que ce ne foit un n des li- ouvrage fuppofé [y], que les vers Sibyl- Sibyllins qui nous reftent en huit livres. s que nous On y trouve des prédictions fur Moyfe,

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qui à été plus ancien qu'aucune des Sibylles. Ces livres font remplis de marques continuelles de leur fuppofition. Ils enfeignent par tout le culte du 'vrai Dieu, fans aucun mêlange d'idolâtrie [z],au lieu que les vers Sibyllins n'in1piroient que le culte des fauxdieux,& les facrifices inhumains. Les myftéres de la religion s'y trouvent marqués plus expreffément , que dans les véritables prophéties. On y lit les noms de Jéfus & de Marie, qui n'ont pas même été écrits dans Ifaïe ni dans aucun prophéte. Ces vers Sibyllins parlent clairement du baptême de N. S. dans le Jourdain, & des trois perfonnes de la fainte Trinité. Ils font écrits en fort mauvais ftyle, qui n'a aucun air de l'ancienne Gréce: il y a des barbarifmes & des puérilités.

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Quelques auteurs graves prévenus par leur zéle, & d'ailleurs mauvais

critiques, n'ont pas laiffé de faire beaucoup de cas de ces prédictions attribuées aux Sibylles, & les Chrétiens de la primitive églife étoient tellement perfuadés de leur authenticité, que les Payens [a], par raillerie, les appelloient Sibyllins.

CHAPITRE DIXIEME

Des Augures.

SOMMAIRE.

1. Les Augures font une inftitution de politique. 2. Les Augures réduits en préceptes. 3. L'inftitution des Angures avoit un fondement phyfique . 4. Diftinition des Augures. 5. Plaifanteries fur les Augures. 6. Exemples d'Augures emploïe's par politique. 7. Differents principes de la fcience augurale. 8. Crédit des Augures à Rome. 9. Régles de la dif›cipline augurale. 10. La vertu de l'art augural attribuée aux influences celeftes. 11. L'invention des Augures rapportée à différents auteurs. 12. Le fentiment de faint Cyprien, fur les prédictions augurales prouvé par les exemples tirés de l'hiftoire. 13. Mauvaise application de quel

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I.

Les anguzes font une

de politique.

ques paffages de l'écriture à la fcience augurale.

L

Es Augures, fuivant Cicéron [a], ont été inventés par politique,pour inftitution les emploïer à propos, & d'une maniére avantageule à la république. Il fe mocque de ceux qui vouloient défendre la fcience des Arufpice, par des principes de phyfique. Croïez-moi [b],leur difoit-il, vous livrez la ville de la philofophie, pour défendre quelques châteaux, car lorfque vous vous efforcez de juftifier la science des arufpices, vous renversez toute la phyfiologie. Quelle apparence y a-t-il, dit TiteLive [c],d'examiner fcrupuleufement, fi des poulets ont bon appétit, ou s'ils fortent lentement de leurs cages? de remarquer attentivement le chant des oifeaux ? ce font des bagatelles, mais c'eft en ne méprisant pas ces bagatelles que nos ancêtres ont rendu la république glorieufe & floriffante. A la vérité, Caton l'ancien difoit [d] qu'il étoit étonné qu'un augure n'éclatât pas de rire,à la rencontre d'un de fes collégues.

2.

Les augu

La maniére d'obferver les augures res réduits a été réduite en préceptes, & les anen préce- ciens en avoient fait une fcience, dans laquelle Amphiaraus, Tiréfias, Mopfus; Calchas, Telemus [e] ont été fort renommés parmi les Grecs.

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(a) Aufpicia ifta ad utilitatem effe reipublicæ compofita. Cic. de legib. lib. 2. (6) Urbem philofophiæ, mihi crede proditis, dum caftella defenditis. Nam dum arufpiciniam veram effe vultis,phyfiologiam totam pervertitis. Cic. de divinitar lib. 2.

(e) Quid enim intereft, fi pulli non pafcentur fi ex caveâ tardiùs exierint, fi occinerit avis; parva funt hæc,fed parva ifta non contemnendo, majores noftri maximam hanc rempublicam fecerunt.

(4) Vetus illud Catonis admodùm fci

La nymphe Bigois avoit écrit dans la Tofcane un livre de l'interprétation des éclairs: ce livre étoit gardé dans le temple d'Apollon. Loríque le tonnerre commençoit à fe faire entendre, l'arufpice regardoit le ciel, & obfervoit avec foin de quel côté venoit le bruit, fi c'étoit de fa gauche [f], qui étoit regardée comme la droite des dieux, l'augure étoit favorable: s'il tonnoit à sa droite, c'étoit un figne de malheur. Le nombre impair des coups de tonnerre [g]étoit un bon augure, le nombre pair, un augure malheureux.

Les augures étoient des plus finiftres, lorsque la victime s'enfuioit de l'autel, quand elle crioit, quand elle tomboit du côté où elle ne devoit pas tomber.

Les Comices ou états des Romains, fe feparoient fans rien faire, pour peu qu'il tonnât, ou fi quelqu'un du peuple tomboit du mal caduc, nommé pour cette raifon mal comitial: Le bruit d'une fouris [b] obligea Fabius Maximus de fe démettre de la dicta

ture, & Flaminius du commandemer.t de la cavalerie. Q. Sulpitius fut dépofé du pontificat, parce que le chapeau facerdotal étoit tombé de sa tête en facrifiant. Marcellus [i] abdiqua le Confulat, à cause d'un coup de tonnerre entendu pendant fon élec

tion

tum eft, qui mirari fe aïebat quòd non rideret arufpex, arufpicem cùm videret. Cic. de divinat, lib. 2.

(e) Telemus Eurymedes, quem nulla fefellerat ales. Ovid. metam. lib. 13. (f) Intonuit lævum. Virgil.

(g) Alex, ab. Alex. genial, dier. lib. 5.c. 13. (b) Occentus autem foricis auditus Fabio Maximo dictaturam, C. Flaminio magifterium equitum deponendi caufam præbuit. Val. Max. lib 1.c. 1. (i) Plutarq, vie de Marcell.

3.

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on des au

tion;& il eut le titre de Proconful, pour pouvoir commander l'armée. Cicéron [k]parle des livres qui renfermoient la doctrine des Arufpices, fur les éclairs & fur la foudre.

Démocrite avoit compofé plufieurs livres fur les augures. Jules Céfar, au rapport de Macrobe, avoit fait au moins feize livres des entrailles des victimes.

L'inftitution des augures avoit eu L'intitu- un fondement raifonnable & phyfiures avoit que, de connoître par les entrailles un fon- des bêtes, la qualité de l'eau, de la ementphy Eque terre, de l'air, des viandes. Mais ces conje&ures fimples & purement naturelles dégénérérent bientôt en fuperftition & en fourberic.

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naire. A l'égard du vol,fi les oiseaux étoient feuls ou en troupe, de quel côté ils alloient, s'ils tournoïoient fouvent, s'ils montoient ou defcendoient.

Les oifeaux que les augures obfervoient avec le plus de foin étoient les vautours, les aigles, les corbeaux, les chats huants, les corneilles [m], les tourterelles, les cygnes [n], les geays, les coqs, les abeilles, les cigales, & en général, les oifeaux de proie, & les infectes.

Hercule regardoit le vautour, comme un augure très favorable. C'eft le moins malfaifant de touts les animaux, il ne gâte aucun des fruits de la terre, il ne fe nourrit que de chair morte, il ne tuë, ni ne bleffe aucun animal vivant. C'eft pour cette raifon que les vautours étoient confacrés à Ilis, & que la tête de fa ftatue étoit ornée de plumes de ces oiseaux .

C'étoit unaugure [o] des plus heureux, lorfqu'on voïoit un chathuant, fans entendre fon cri.

Agrippa [p] qui fut roi de Judée, étant prifonnier à Rome, & s'appuïant contre un arbre dans la cour de la prifon, un hibou vint fe percher fur cet arbre: un Allemand lui prédit, non feulement fa prompte délivrance, mais encore la fouveraineté de fa patrie.

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Agathoclés [9] étant à la tête de fes armées faifoit lacher fecrettement quelque hibou, pour infpirer la confiance à fes troupes, par cet heureux

augure.

L'oifeau obfervé & l'augure qui l'examinoit, devoient être en parfaite fanté, parce que cette fontion étoit regardée comme pure & facrée. Origéne a réfuté férieufement des philofophes, qui prétendoient qu'en fe rendant attentif au chant des oifeaux, on pourroit prédire l'avenir. Caton répondit [] plaifamment fur les au- à un homme qui lui paroiffoit effraïé, de ce qu'un de fes fouliers s'étoit trouvé rongé par une fouris, qu'il n'y avoit point en cela de prodige, que le prodige feroit fi la fouris avoit été rongée par le foulier.

Plaifanteries

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Hannibal [] conseillant à Prufias de livrer la bataille, ce roi répondit, que les augures l'avertiffoient de n'en rien faire. Eh! quoi, repliqua Hannibal, aimez-vous mieux ajouter foi aux fibres d'un veau, qu'écouter les avis d'un vieux capitaine?

Un certain Novius, dans le champ de Pompée, fondant un augure infaillible de la victoire fur la vue de quelques aigles, l'augure feroit bien plus certain, dit Cicéron, fi nous faifions la guerre aux pies. Quelqu'un dans une autre occafion tirant un bon augure du chant des coqs: J'avoue, dit Cicéron, que l'augure feroit impreffion fur mon efprit, fi j'entendois

[9] Diod Sic. lib. 20.

[r] S. Aug. de doctrinâ Christianá, lib. 2. c. 20.

[s] Rex Prufias cùm Hannibali apud cum exulanti pugnare, placere negabat fe audere, quod exta prohiberent: Antu, inquit, carunculæ vitulinæ mavis quàm veteri imperatori credere?

Claudius bello Punico primo per jo

chanter des poiffons & non pas des coqs.

Comme on eut annoncé à P. Claudius [], que les poulets fortis de leurs cages ne mangeoient point : Qu'on les jette dans la mer, dit ce général; puifqu'ils ne mangent point il faut les faire boire. Cette plaifanterie lui couta cher, l'armée navale qu'il commandoit fut entiérement défaite.

6.

des augurc

que.

Papyrius au contraire [ ] craignant que la confiance de fes foldats ne fût Exemple diminuée, parce que le rapport des emploiés Arufpices avoit varié, l'un d'eux aïant par politi affuré que l'augure étoit favorable, l'autre aïant dit qu'il étoit finistre, ce général plaça au prémier rang l'arufpice qui avoit rapporté que les poulets n'avoient point mangé: lequel y aïant été tué d'un trait avant la mêlée, Papyrius s'écria que les dieux fe déclaroient, & que le criminel étoit puni. Il fit en même temps donner le fignal de la charge, & remporta la victoire. Il y a bien de l'apparence que le trait n'étoit pas parti de l'armée ennemie.

A la bataille de Platées [x], les Lacédémoniens attaqués par les Perfes fe laiffoient tuer dans leurs poftes fans fe défendre, en attendant que Paufanias donnât le fignal du combat, ce qu'il refufa toujours de faire, jufqu'à ce qu'il eût rencontré une victime, dont les entrailles lui fuffent favorables.

cum deos irridens, cùm caveâ liberati pulli non pafcerentur, mergi eos in aquam juffit, ut biberent, quoniam effe nollent. Qui rifus, clafle devictâ, multas ipfi lacrymas, magnam populo Romano cladem attulit. Cic, de nat dear. lib.2. Val. Max. lib. 1.c.4.

[u] Tit. Div. lib. 10.
[x] Plutarch, in Ariftot.

Les Lacédémoniens faifoient accompagner leurs rois d'un augure, qui diri. geoit leurs principales démarches.

Alexandre pour affermir le courage de fon armée au paffage du Granique, furtout dans un mois réputé malheureux par les Macédoniens [y], fit tracer dans la main du devin Arif tandre, au moïen d'une liqueur préparée à cet effet, des charactéres qui s'étant imprimés fur le foie de la vitime, pafférent pour une affurance que les dieux donnoient de la victoire. Il est étonnant qu'Alexandre après avoir connu & pratiqué les rufes de la fuperftition, foit tombé lui même [z] dans les égarements d'une fuperftition exceffive.

Dans un facrifice [4], que Sylla fit dès qu'il fut arrivé à Tarente, à fon retour d'Afie, il fe fervit du même ftratagéme. On remarqua fur le foie de la victime, une couronne de laurier, d'où pendoient deux bandelettes. Les prêtres marquoient dans leurs mains les figures qu'ils vouJoient faire paroître, & en preffant un peu le foie, ce vifcére tout chaud, & fort tendre, recevoit aifément l'empreinte.

Augufte, facrifiant [] près de Péroufe, & les augures étant très finiftres, les ennemis furvinrent, qui mirent en fuite les facrificateurs, fur

[y] Supplem. Freinshem. lib. 2. ftratag. Frontin. lib. 1.

[2] Qui poft Darium victum ariolos & vates confulere defierat, rurfus ad fuperftitionem humanarum gentium ludibria revolutus, Ariftandrum, cui credulitatem fuam addixerat, explorare eventum rerum facrificiis jubet.2.Curt. l. 7.c.7. Alexander fuperftitionis potens non erat. Id. lib.7.c.7.

[a] Plutarque, vie de Sylla. [b] Suet. in Octav.c.96.

[] Solebat ex me Dejotarus percontari noftri augurii difciplinam, & ego il

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Les principes des Augures chez les Romains, étoient différents de ceux Différents des autres nations. Dejotarus [c] de la fcience principes dit Cicéron, s'informoit de moi augurale. quels étoient les principes de nos Augures, & je lui demandois quels étoient les fiens. Dieux immortels! quelle différence! nous ne convenions ni des oifeaux, ni des fignes. Les obfervations & les réponses fe trouvoient différentes. Ne faut-il pas avouer que cette prétendue fcience a été produite par l'erreur, la fuperftition, & la tromperie?

Cicéron nous a confervé ce paffa ge de Pacuvius [d]: car pour ces devins qui fe piquent d'entendre le langage des oifeaux, & qui tirent leurs réponfes du cœur des bêtes & non de leur propre cœur, je fuis d'avis qu'il vaut mieux les laiffer dire, que leur obeïr & les croire.

Cicéron âjoute: fi Tagés l'inventeur de ces belles connoiffances chez les Tofcans étoit un Dieu, pourquoi étoit-il caché dans une terre labourée? que n'a-t'il inftruit les hommes. de quelque lieu élevé, avec la dignité d'un Dieu ? Si c'étoit un homme, comment pouvoit-il refpirer & vivre fous.

Ddd 2

lius. Dii immortales, quantùm differebat!... hæc quanta diffentio eft? Quid cùm aliis avibus utuntur, aliis fignis, aliter obfervant, aliter refpondent, non ne. ceffe eft fateri partim horum errore fufceptum effe, partim fuperftitione,multa fallendo? Cic. de divinat, lib.2.

[d] Nam iftis qui linguam avium intelligunt,

Plufque ex alieno jecore fapiunt quàm ex fuo,

Magis audiendum, quàm aufcultandum cenfeo. Pacuv. ap. Cic. de divinat. lib 1.

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