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16.

Des Urim

ceaux. Trajan mourut dans cette expédition,& fes os furent rapportés à Rome. Le ceps de vigne rompu pouvoit fe rap porter à toute forte d'événements.

Septime Sévére, Pefcennius Niger, & Clodius Albinus difputant l'empire, on confulta Delphes, pour fçavoir le quel des trois étoit à fouhaiter pour le bien public. L'oracle répondit [1]: Le noir ett le meilleur, l'Africain eft bon, la blanc eft le pire. Le noir & le blanc défignoient Pescennius Niger & Clodius Albinus; on reconnoiffoit à l'Africain, Septime Sévére originaire d'Afrique. On demanda qui demeureroit le maître? Il fut répondu [m]: Le fang du noir & du blanc fera verfé; l'Africain gouvernera le monde. L'oracle interrogé combien fon régne dureroit, répondit [u]. Il montera fur la mer d'Italie avec vingt vaiffeaux. L'oracle donnoit à entendre un régne de vingt ans, & il fe réfervoit une reftriction obfcure par ces paroles qui étoient ajoutées, fi cependant un vaisseau peut traverfer la mer.

S. Jérôme obferve [o] que fi les démous disent quelque vérité, ils y joignent toujours le menfonge, & qu'ils emploient des expreffions fi ambiguës, qu'elles peuvent également s'appliquer aux événements contraires.

Pendant que les faux oracles des dé& Thum- mons trompoient les peuples idolâtres, la vérité étoit retirée chez le peuple de

mim.

- [1] Optimus eft Fuftus, bonus Afer, peffimus Albus.

Spartian. in Pefcenn. Nigro.

[m] Fundetur fanguis Albi, Nigrique minantis,

Imperium mundi Pœnâ reget urbe profectus.

[n] Bis denis Italum confcendet navibus æquor,

Si tamen una ratis tranfiliat pelagus. M. de Fontenelle bhift. des orac

Dieu. Les Septante ont interprété Urim & Thummim, manifeftation [p]& vé. rité: ce qui exprime la différence de ces oracles divins, des oracles faux & ambigus des démons. Il eft dit au livre des nombres [9], qu'Eleazar fucceL feur d'Aaron, interrogera Urim felon la forme, & que fuivant la réponse on fe déterminera.

L'éphod appliqué far le vêtement facerdotal du grand prêtre à l'endroit de la poitrine, étoit une pièce d'étoffe couverte de douze pierres prétieules, fur lesquelles les noms des douze tribus étoient gravés. Il n'étoit permis de confulter le Seigneur par Urim & Thummim, que pour le roi, le préfident du Sanhedrin, le général d'armée, & autres perfonnes publiques, & fur des af faires qui regardoient l'intérêt général de la nation. Si la chofe devoit réüf fir, les pierres de l'éphod [r] rendoient une brillante lumière, ou le grand prêtre infpiré prédifoit [s] le fuccès. Jofeph l'hiftorien qui naquit trente ans après Jesus-Chrift, dit qu'il y avoit deux cents ans que les pierres de l'éphod ne répondoient plus aux confultations par cet éclat extraordinaire.

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La fainte écriture[] nous apprend feulement qu'Urim & Thummim étoit quelque chofe que Moyfe mit dans le pectoral du grand prêtre. Quelques Rabbins par des conjectures téméraires, ont crû que c'étoit deux Bbb 3

[o] Hoc fciendum quod femper mendacium junxerint veritati, & fic fententias temperarint, ut feu boni feu mali quid accidiffet, utrumque poffet intelligi. S. Hieronym, in lfer.c.42.

[ρ] γλωσινής αλήθεια,
[9] Numer c.27.

[r]Jofeph. antiq liv. 3. c.9. Philon Jaif, de la monarchie, v.30. liv.2.

[s] Efdr.c.2. Nehem c.7.

[] Exod.c.28.v.30 Levitic.c.8.2.8.

17.

De l'éphod

18. Les faux

petites ftatuës cachées dans la capacité du pectoral; d'autres, le nom ineffable de Dieu, gravé d'une manière myftérieufe. Sans vouloir découvrir ce qui ne nous a pas été expliqué, on doit entendre par Urim & Thummim l'infpiration divine attachée au pectoral confacré.

Plufieurs paffages [u] de la fainte écriture conduisent à croire qu'il fortoit une voix articulée du propitiatoire, ou faint des faints, au de là du voile du tabernacle, & que cette voix fe faifoit entendre au grand prêtre.

Si les Urim & Thummim ne rendoient point de réponse, c'étoit figne de la colére de Dieu. Saül abandonné de l'ef prit du Seigneur, le confulta en vain, & n'obtint [x] aucune forte de réponfe. Il paroît par l'évangile de S. Jean [y], que du temps de Jéfus-Crift, l'exercice du fouverain facerdoce donnoit encore le don de prophétie.

Les faux oracles ont perdu leur créoracles de dit [z], à mefure que les hommes ont crédités par été inftruits & éclairés par la philofoJa philofo phic. phie.Chryfippe remplit un volume entier d'oracles faux ou ambigus. Oeno. maus, pour fe venger de quelque oracle qui l'avoit trompé, fit une compilation des oracles, pour en montrer le ridicule & la vanité. Eufébe [ a ]a confervé quelques fragments de cette critique des oracles par Oenomaus. Je pourrois, dit Origéne [b], me fervir de l'autorité d'Ariftote & des Péripatéticiens, pour

[ * ] Judic.c.1.0.1. & 2. & c.20 v.18. 23. 28.

Reg.lib.1.c.10.22. c. 23. v. 2.4, 11, 12. & c.30. v.7. & 8.

Reg.l.2.c.2.v.1. &c. 5. v.19. & 23.

[x] Confuluitque Dominum (Saül) & non refpondit ei neque per fomnia neque per facerdotes,neque per prophetas, Reg. kb 1.6.28.0.6.

rendre la Pythie fort fufpecte. Je pourrois tirer des écrits d'Epicure & de fes fectateurs, une infinité de chofes qui décréditeroient les oracles, & je ferois voir que les Grecs eux-mêmes n'en faifoient pas grand cas.

19.

forts de

La réputation des oracles diminua beaucoup lorfqu'ils devinrent un arti. Oracles m fice de la politique. Thémistocle [c] politiqu voulant engager les Athéniens à quitter Athénes, & à s'embarquer pour être plus en état de réfifter à Xerxés, fit rendre par la Pythie un oracle, quileur commandoit de fe réfugier dans des murailles de bois.

Démosthène difoit que la Pythie philippifoit, pour faire entendre qu'el le étoit gagnée par les préfents de Philippe. Cléoméne fuborna [d] la prêtreffe de Delphes, pour déclarer que Démarate roi de Lacédémone n'étoit pas fils d'Arifton. Lyfandre corrompit [e] les prêtres de Delphes, & les fit entrer dans le projet qu'il avoit formé de changer le gouvernement de Sparte, & d'ôter le droit de fuccéder à la couronne, aux deux branches des Héraclides qui en étoient en poffelfion.

Dans la concurrence comique qui eft décrite par Ariftophane [f], entre Cléon général des armées Athé niennes, & Agoracrite charcutier, à qui féduira le mieux le peuple, un des artifices des deux compétiteurs, eft de produire à l'envi l'un de l'autre, des

[y [Joann.c.11.0.90. 51.& c.18. v.13. 14.

[z] Minut. Felic, Octav.

[a] Eufeb. prapar.evangel 1.6.c.6. [b] Orig,contr. Celf. lib.7

[c] Plutarch.in Themiftocl.Hérodot,liv.q. [d] Herodot, Clio.

[e] Plutarch in Lyfandr.

[f] Ariftoph. dans les chevaliers a&.z.

20.

pris des cles

ns les au

anes.

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Sur le mariage d'Augufte avec Livie, l'oracle répondit [8] que jamais les mariages n'étoient plus heureux, que lorsqu'on époufoit une perfonne déja groffe:

Cicéron [b] témoigne que les oracles étoient tombés dans le dernier mépris, rs pro- non feulement de fon temps, mais de puis plufieurs fiécles; que la caufe de cette décadence des oracles étoit attribuée à l'épuisement des exhalaifons de la terre, qui excitoient anciennement l'efprit de la Pythie à prophétifer;qu'à un pareil raifonnement, on croiroit qu'il s'agit de quelque vin éventé, ou de quelque viande moifie.

21.

e la ceffa

on

acles.

Long-temps avant Cicéron [i], Euripide avoit dit que les prédictions des oracles étoient frivoles & pleines de menfonges. Et au fujet de l'oracle qui avoit prédit que la guerre du Péloponnéfe dureroit trois fois neuf ans ou vingt-fept ans, Thucydide[k] remarque qu'il n'y a guéres que cet oracle qui ait eu une vérité conftante & folide.

La ceffation des oracles eft atteftée des par plufieurs auteurs prophanes, comme Strabon [1], Juvénal [m], Lu

[g] Idque deum fortes & Apollinis antra dederunt

Confilium, nunquam melius nam cedere tædas

Refponfum eft, quam cùm prægnans nova nupta jugatur.

S. Prudent l.1. contr. Symmac.

[b] Cur ifto modo jam oracula Delphis non eduntur, non modò noftrâ ætate, fed jam diu, ut nihil poffit effe contemptius? hoc loco cùm urgentur, evanuiffe afunt, vetuftate vim lociejus,unde anhelitus ille terræ fieret,quo Pythia mente incitata oracula ederet; de vino aut falfamento putes loqui, quæ evanefcunt vetuftate. Cic. de divinat. 1.2.

[;] ἀλλάτοι τά μάντεων

Εσείλων ὡς φᾶυλ ̓ ἐστι ξ ψευδῶν πλέα,

cain [] & autres. Plutarque[] en attribue la caufe, tantôt à ce que les bienfaits des dieux ne font pas éternels comme eux; tantôt à ce que les génies qui préfidoient aux oracles font fujets à la mort; tantôt à l'épuifement des exhalaifons de la terre.

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Suidas [p], Nicéphore [9] & Cédréne [r] ont rapporté,qu'Augufte confultant l'oracle de Delphes,il n'en tira que cette réponse: L'enfant Hébreu a qui touts les dieux obéïffent, me chaffe d'ici, & me renvoie dans les enfers. Sors de ce temple fans parler. Suidas ajoute qu'Augufte dédia un autel dans le capitole avec cette infcription: Au fils aîné de Dieu. Malgré ces témoignages, la ré ponfe de l'oracle de Delphes à Auguste paroît fort fufpe&te. Cédréne cite Eufebe fur cet oracle qui ne s'y trouve point aujourd'hui; & le voïage d'Augufte en Gréce précéda de plus de dixhuit ans la naiffance de Jefus-Chrift.

Suidas [s] & Cédréne [] ont rapporté un ancien oracle rendu à Thulis roi d'Egypte, de l'authenticité duquel il n'eft pas moins permis de douter. Ce roi aïant confulté l'oracle de Sérapis, pour fçavoir s'il y avoit jamais eu, & s'il y auroit jamais quelqu'un

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aussi puissant que lui; il reçut cette réponfe[u]: Prémiérement Dieu, enfuite le Verbe,& le S. Efprit avec eux. Ils font également éternels, & ne font qu'un, dont la puiffance ne finira ja mais. Pour toi, mortel, retire-toi, & fonge que la fin de la vie de l'homme eft incertaine.

Van-Dale dans fon traité des oracles, ne croit pas qu'ils aïent ceffé à la venue de Jefus-Chrift. Il rapporte plufieurs exemples d'oracles confultés jufqu'à la mort du grand Théodofe. Il cite les loix des empereurs Théodofe, Gratien & Valentinien, contre ceux qui confultoient les oracles, comme une preuve certaine que du temps de ces empereurs la fuperftition des oracles duroit encore. Je ne puis adhérer ni à l'opinion de ceux qui croientque les démons n'ont cu aucune part aux oracles, & que la venue du Meffie n'y a apporté aucun changement ni à l'opinion oppofée de ceux qui prétendent que l'incarnation du Verbe a impofé un filence général aux oracles. J'eftime qu'il faut Peux fortes diftinguer deux fortes d'oracles, les uns Liftinguer. dictés par les cfprits de ténébres, qui trompoient les hommes par leurs réponfes obfcures & ambigues, les autres qui étoient de purs artifices, & des fourberies des prêtres des faufes divinités. A l'égard des oracles rendus par les déLes oracles mons, le regne de Satan a été détruit les démons par l'avènement du Sauveur; la vérité

22.

d'oracles à

23.

rendus par

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ceffe gee

me temps

a fermé la bouche au menfonge; mais n'ont r Satan a continué les anciennes rufes par- ale miles idolâtres. Touts les démons n'ont & ea Li pas éte forcés au filence en même temps par la venue du Messie ; c'étoit dans les occafions particulières qui se présentoient, que la vérité fermoit la bouche au menfonge, & que la vertu des faints impofoit filence aux démons. S. Atha- nafe [x] défie les Payens, & leur dit qu'ils viennent être témoins eux-mêmes que le figne de la croix met les démons en fuite, fait taire les oracles, & diffipe les enchantements. Ce pouvoir de faire taire les oracles & de mettre les démons en fuite, eft attesté par [y] Arnobe, par [z] Lactance, par [a] S. Prudence, par[b] Minutins Félix & plufieurs autres. Leur témoignage eft une preuve certaine que la venue du Meffie n'avoit pas impofé un filence général aux oracles.

S. Grégoire Thaumaturge létant entré dans un temple d'Apollon, oùr fous le nom de cette fauffe divinité, un démon rendoit des oracles, & le faint l'en aïant chaflé, le prêtre de ce temple vint le trouver, & le fupplia de rétablir fon oracle. S. Grégoire écri vit fur le champà Apollon, en ces termes: Grégoire à Apollon, Je te permets de rentrer dans le temple d'où tu as été chaffé, & de retourner à tes fonctions. Le démon fut contraint d'obéir, & le prêtre de la fauffe divi

nité

[b] Hæc omnia fciunt plerique vef trum, ipfos dæmones de femetipfis confiteri, quoties a nobis tormentis verborum & orationis incendiis de corporibus exi guntur Ipfe Saturnus, & Serapis, & Jupiter, & quidquid dæmonum colitis vidi dolore, quod funt eloquuntur. Minut. Felic. Offav.

[c] S. Gregor. Nyffen. in vitâ S. Gregor. Neocafar, Ruffin, bift. Ecclef. lib.7.

hité aïant reconnu le pouvoir des Chrétiens, fur fes faux dieux, fe convertit, & fut reçu au nombre des Cathécuménes.

L'empereur Julien [d] confultant l'oracle d'Apollon dans le fauxbourg d'Antioche, le démon ne put répondre autre chofe, finon que le corps de S. Babylas enterré dans le voifignage lui impofoit filence. Cet empereur tranf porté de fureur & de dépit, voulut venger fes dieux [e], en éludant une prédiction folemnelle de Jéfus-Chrift. il ordonna aux Juifs de rebâtir le temple de Jérufalem; mais lorsqu'ils commencérent à creufer les fondements, il fortit des globes de feu, qui confumérent les ouvriers & les maté

reaux.

Le Sophifte Libanius [f] ennemi des Chrétiens avoua, que les reliques de faint Babylas avoient fait taire l'oracle d'Apollon, du fauxbourg d'Antioche. Plutarque rapporte [g] que le pilote Thamus entendit une voix aërienne, qui crioit: Le grand Pan eft Tom. 1.

[d] Théodorer. hift. ecclef. lib. 3. e. 9. [e] Hift. ecclef. de Fleuri, liv. 15. Amm. Marcell, lib. 23. S. Chryfoftom. orat. 2.S.Grégor. Nazianz. orat. 4. Théodoret, hift, ecclef. lib. 3. c. 20. Sozom, hift. ecclef.lib. 5. c, 22. Socrat hift. ecclef. lib. 3. c. 20.

[f] Libanius ap.S. Chrifoft. lib.de S.Babyia. [g] Plutarch. de oraculor. defeciu. [b] Eufeb. praparat, evang. lib. 5. 6. 17. [i] S. Hieronym. in Isai, c. 42. [k] Eufeb. preparat, evang. lib. 5.c.1.6 demonftrat, evang. lib. 5. in init.

[1] S. Cyrill, contralulian, lib. 6. & comment. in Ifaï. lib. 4. orat. 2.

[m] Théodores, adverf. Grae, fermon, 10. de oraculis.

[n] Ex quo mortalem præftrinxit fpiri, tus alvum,

Spiritus ille dei deus, & fe corpore matris

Induit,atque hominem de virginitate creavit;

mort. Sur quoi Eufébe [b] obferve que les hiftoires de la mort des démons commencérent à fe répandre fous l'empire de Tibére, dans le temps que Jésus-Chrift chaffoit ces malins efprits. Il en eft des oracles comme des poffeffions; c'étoit dans les occafions particuliéres, qui fe préfentoient par la permiffion divine, que les Chrétiens chaffoient les démons, ou faifoient taire les oracles, en préfence & de l'aveu des Payens mêmes.

C'est ainsi qu'on doit entendre, ce me femble, les paffages de faint Jérôme [i], d'Eufébe [k], de faint Cyrille [7], de Théodoret [m], de faint [#] Prudence, & des autres auteurs, qui ont dit que l'avés nement du régne du Sauveur avoit impofé filence aux oracles.

24. Les oracles qui étoient

A l'égard de la feconde espéce d'oracles, qui étoient de purs artifices & des fourberies des prêtres des fauf- des artifices fes divinités, & qui ont été vraifem- n'ont ceffé blablement en plus grand nombre. quavec l'idolatrie, Cc c

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des hommes

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