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quoit par le devin qui répondoit fans remuer les lévres, en forte qu'on croïoit entendre une voix aërienne. On appelloit Amiomantie, les opérationsfuperftitieufes,dans lesquelles on emploïoit la coëffe apportée par quelques enfants en venant au monde.Les a vocats Romains achetoient fort cher [b] cesfortes de membranes,perfuadés qu'elles leur faifoient gagner leurs caufes.

La Catoptromantic faifoit voir dans des miroirs.L'empereur Didius Julianus fe fervoit de cette efpéce de magie. La Christallomantic emploïoit le chriftal au lieu de moirs. La Clidomantie fe fervoit de clefs; la Dactylomantic d'anneaux marqués de charactéres magiques. Tel étoit l'anneau qui rendoit Gygés invifible.

L'Alphitomantic dont parle Jambli-· que,étoit la prédiction par la farine; la Lithomantic par les pierres; Proclus Platonicien parle de la Daphnomantie par le laurier confacré à Apollon; la Pégo. mantie dont Paufanias fait mention []; confiftoit à faire flotter un miroir attaché avec une fifcelle, fur les eaux de la fontaine de Patras,pour fçavoir l'événement d'une maladie.Si la fontaine repréfentoit un cadavre, le malade devoit mourir; files eaux repréfentoient une perfonne en vie, le malade en revenoit

Pour découvrir un coupable, l'Axinomantie fufpendoit une hache en équi libre fur un pieu rond. On prononçoit enfuite les noms fufpects.Si la hache fai foit quelque mouvement à la prononcia tion d'un de ces noms c'étoit la conviction du coupable.

La Cofcinomantic fufpendoit un crible fur le doigt; c'est ce qu'on appelle tourner le fas.Si le crible à la prononcia tion de quelque nom fait un mouve

[b] Lamprid. in Diadum. ~[c] Paufan, in Athaïc, [d] Jofué, c. 7.

ment, s'il panche ou s'il tourne, il indique le criminel.

La fainte écriture fournit quelques exemples de divinations par le fort. Jofué jetta [d] un fort,& devina la tribu, la famille, la maifon, & l'homme en particulier qui avoit volé, & caché un manteau, une régle d'or, & deux cents fi cles.La contravention[e]de Jonathas aux ordres du roi fon pére, qui avoit maudit & dévoué à la mort, celui qui cefferoit de pourfuivre les Philiftins, & qui mangeroit avant la fin du jour, fut découverte,par le fort. Ces exemples, bien loin d'autorifer les forts, les condamnent plus expreffémere, n'étant pas permis de tenter Dieu,& d'imiter par fuperftition, les moïens qui ont été quelquefois emploïés par l'infpiration divine.

La Céphalaionomantic faifoit griller la tête d'un âne fur des charbons, & ce facrifice aux démons les engageoit à répondre aux queftions qu'on leur faifoit. L'Onychomantie confiftoit à frotter d'huile l'ongle d'un jeune garçon qui avoit fon pucelage, & à réchauffer cet ongle, par les fuffumigations des drogues compofées de certains mêlanges mystérieux. Ce garçon devoit enfuite expofer le même ongle aux raïons du foleil, & on voioit l'évé nement dont on vouloit être éclairci, fe peindre fur cet ongle.

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Ammien Marcellin [f] explique de quelle maniére les femmes, parmi les Alains, pratiquoient la Rabdomantic. Elles coupoient des verges bien droites, avec des enchantements fecrets, & dans certains temps marqués fort exactement Par les mouvements de ces verges, elles prédifoient l'avenir.. Les Allemands, au rapport de Tacite Eg, étoient fort attachés à la divi

[e] Reg, liv. 1.c. 14.

[f] Amm. Marcell, lib. 31. 1OK
[g] Tac, de morib. Germanor,

nation.Ils.divifoient de petites baguettes en plufieurs parties, fur lesquelles ils faifoient des marques particuliéres.' L'ufage de deviner par la baguette, femble être une imitation de la verge d'Aaron. Nous lifons dans l'exode, que les magiciens de Pharaon fe fervoient de baguettes. Strabon [h] dit que les Brachmanes de Perfe devinoient en tenant à la main de petites branches d'arbres. Hérodote [i] a écrit que parmi les Scythes il y avoit beaucoup de devins, qui avoient appris de leurs ancêtres, l'art de deviner avec des baguettes de faules. Cicéron faifant allufion à cet ufage dit: Si quelque baguette divine,fuivant le commun proverbe, nous fournifoit ce qui nous est néceffaire.

La Xylomantie emploïoit de petits morceaux de bois. Philoftrate [k] rap porte que les Brachmanes des Indes fe fervoient de batons, pour prédire l'avenir. Dieu reproche cette fuperftition à fon peuple, dans Ofée. Mon peuple [7] a interrogé les bois, dit le prophéte, & le bois lui a répondu, car l'efprit de fornication les a trompés. Suivant Ezechiel [m], Nabuchodonofor fe fervit de fléches, pour deviner l'événement de la guerre qu'il faifoit aux Juifs. Cette espèce de divination a été nommée par les Grecs Bélomantie. Marc Paul dit qu'elle eft fort con mune dans tout l'Orient.

Saint Jérôme[ » ] remarque,de quel le maniére on devinoit par les fleches. On mettoit dans un carquois confufément les fléches, fur lefquelles les noms des villes ennemies étoient écrits: on les

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tiroit au hazard, & la ville dont le nom fortoit le prémier du carquois, étoit la prémiéré affiégée.

Thévenot [] explique la façon, dont les Turcs devinent l'événement d'une guerre. Ils prennent quatre flé. ches, & en oppofent deux en pointe, contre les deux autres. Ils attachent en idée à deux de ces fléches la deftinée des armes des Mufulmans, & aux deux autres la destinée des armes des Chrétiens. Puis ils mettent fur un couffin une épée nuë, & lifent un certain chapitre de l'Alcoran. On poufle enfuite ces fléches les unes contre les autres; & celles qui montent fur les autres, font cenfées prédire la victoire au parti qu'elles repréfentent. Il dit qu'un Turc faifant cette expérience devant lui, foutint que les fléches fe battroient toutes seules, mais que l'expérience manqua.

La Céromantie ufitée par les Turcs diftille des goutes de cire fondue, & obferve la figure qu'elles prennent.

On trouve dans l'hiftoire, des forts dont les prédictions ont été fort renommées. Les forts de Prénefte étoient des morceaux de bois qu'on jettoit au hazard comme des dez. Quelquefois on les mêloit & brouilloit touts enfemble, en remuant de touts fens le coffre d'olivier où ils étoient contenus. Enfuite un enfant en tiroit un; & c'é toit la réponse qu'on domoit au con fultant. Numerius Suffetius fut averti en fonge de couper le rocher d'où ces forts furent tirés. On y avoit gravé d'anciennes lettres, & fur quelques uns des prédictions entiéres. CicéYy 3

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ron[p] en porte ce jugement que c'eft une tromperie pour faire des dupes ou des fuperftitieux. A l'imitation des forts de Prénefte, plufieurs autres villes d'Italie [q]en eurent, comme Antium & Tibur. Avant la bataille de Thrafyméne, les forts de Préneste [r] s'appetifférent, & parurent diminués d'eux-mêmes, & il en tomba un où on lifoit: Mars prépare les armes.

Il y avoit une forte de divination fondée fur les treffaillements des membres [s], & particuliérement fur le

bourdonnement de l'oreille.

La Pyromantie [] examinoit les mouvements & les attitudes de la flamme. La Capnomantic confidéroit l'épaiffeur, les évolutions, & touts les accidents de la fumée. Homére [] dans le dernier livre de l'Iliade, fait mention des devins qui prédifoient par la fumée de l'encens. Les plus habiles eftiment cette divination la meilfeure de toutes, à caufe de la relation fpécifique qui eft entre la fumée & l'art de prédire.

S. Thomas [x] a recueilli la plupart de ces différentes fortes de magie, qui fe trouvent auffi dans [y] Peucer, dans Wierus [z], dans Agrippa

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[p] Tota res eft inventa fallaciis aut ad quæftum aut ad fuperftitionem. Cic. de divinat. lib. z.

[9] Macrob: lib. z. Saturnal. c. 23. []Sortes fponte fua attenuatas, unamque excidiffe ita fcriptam: Mavors telum fuum concutit. Tit. Liv. lib. 22..

[s] Saliffatores vocati funt, quia dum eis membrorum quæcunque partes falierint, aliquid fibi exinde profperum feu trifte prædicunt. S. Ifidor.orig.1.8.c.9 Jeande Sarisbéri rapporte la même chose dans fon trai ré de nugis curialium, lib.1.c. 12-Paffidonius avoir fait un traité des treffaillements intitulé Harun Melampe qui vivoit 200. ans avant la guerre de Froïe, avoit écrit de l'art de deviner par les palpitations.

Snidas dit que Poffidonius a expliqué ce

dans la démonomanie de Bodin, dans le P. Delrio [4], dans [b] Voffius & dans plufieurs autres auteurs.

Toutes ces impoftures ont été groffiérement imaginées pour attraper l'argent des fots. Car il n'y a point d'opinion plus infenfée, que de s'imaginer que des fcélérats puiffent à leur gré emploïer la malice des efprits de ténébres.

37.

Rolc-Cro

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En l'année 1623, on trouva [c]à De la co Paris plufieurs affiches en ces termes: frerie de Nous député, du collège principal des freres de la Rofe-croix, faifons féjour vifible & invifible en cette ville, par la grace du très-haut, vers lequel fe tourne le cœur des >> juftes. Nous montrons & enfeignons » fans livres ni marques, toute forte » de langues des païs où nous habi- » tons, pour tirer les hommes nos fem- » blables d'erreur de mort.,,

Il courut plufieurs ouvrages fur l'examen de cette fecte, & fur les conventions avec le diable. Cette confrerie fe donnoit deux cents ans d'ancienneté, mais quelques fçavants la regardoient comme moins ancienne, & comme un rejetton du Luthéranifme, mêlé d'empirifme & de magie. Naudé [d] qui

que fignifie la palpitation de l'œil droit. Suid in voce Ποσειδώνιος.

[r] Faditicum forbens vultu flagrante faporem.

Papin. Stat Thebaïd. lib. 10.

[u] Homére nomme ces devins Svooxóot. ·Il. a. v. 221. `

[x] S.Thom.fumm.z.z.quaft. 95. [y]Peucer de pracipuis divination. generib. [2] VVier.de praftig.damon. lib. 2. c. 12. [a] Delrius, difquifit. magicar. lib. 4. c.2quaft. 6.7.

[b] Voff.de natura artium, lib. 5. c. 22. [e] Mercure François t.9. ann. 1623. P. 371.

[d] Naudé, de la confrér. de la RoseCroix

a fait un traité fur cette fecte, dit que fon prémier fondateur fut un Allemand né en 1378 de parents fort pauvres, qui s'appliqua aux mystéres de la magie & de la cabale, & vécut cent fix ans. Les confréres de la Rofe-croix exerçoient charitablement la médecine. Ils fe vantoient d'avoir reçu des graces fin, guliéres de Dieu; que les méditations de Rofe-croix leur fondateur furpaf foient tout ce qui avoit jamais été connu ni inventé; qu'ils poffédoient la fageffe & la piété, qu'ils n'étoient fujets ni aux maladies, ni aux infir mités de la vieilleffe; qu'ils avoient un volume, dans lequel ils pouvoient apprendre toute ce qui eft contenu dans les autres livres; qu'ils forçoient toute forte d'efprits à les fervir, & à obeïr à toutes leurs volontés. Ils ajoutoient que le pape eft l'antechrift. Naudé conclut que ces confréres de Rofecroix n'étoient que des impofteurs chimistes & de paracelfiques, altérés & quinteffenciés du cerveau auffi bien que de la bourfe.

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efpése de cabale la plus fuperftitieufe. 7. Mépris d'Agrippa pour la cac bale. 8. Des dix noms de Dieu, & des dix féphirot on attributs. 9. Des cinquante portes d'intelligence. 10. Vertus du nombre de dix, & du prémier nombre fphérique, ou du nombre de cing. 11.Joľné a perdu une porte d'intelligence. 12. Des trentedeux fentiers d'intelligence. 13. Sia gnifications des noms des anges.14. Noms des dix fephirot. 15. L'efprit humain fe fatigue à des recherches vaines & mystérieuses. 16. Lacabale ne peut être traduite. 17. Cornette de Judas Machabie peinte de fi gures mystérieuses. 18. Impiété & vas nite de la cabale. 19. Vertus attribuées aux lettres des noms. 20.Decouverte de Du Pleffis-Mornai. 212 De l'onomantie, on prédiction par les noms. 22. Vertus attribuées aux nombres. 23. De la geomantie.24. Efpece d'aftrologie numérique. 25. Prédictions attribuées aux bons efprits, ou aux infpirations de Dieu. 26. Prophéties des papes. 27. Pré, dictions de Savonarole fur Char

les VIII.

CHAPITRE SEPTIÉME. L

E lecteur ne doit pas s'atten dre à trouver ici des gnomes, des fylphes, & tout ce qui eft a

De la Cabale, & des Nombres. gréablement décrit dans le petit

SOMMAIRE.

1. Définition de la cabale. 2. Objets de la cabale. 3. Elle a été fort estimée de Jean comte de la Mirandole. 4. Diftinction de la cabale en deux par ties. 5. Sur quoi font fondées les opérations de la cabale. 6. Troisième

traité qui porte le nom du comte de Gabalis. C'est un jeu d'imagination, qui n'a aucun rapport avec ce que les fçavants entendent par la cabale.

Elle eft définie dans les mémoires 1. [a] de Trévoux, une espéce de théo- Définition logie fecrete, reçue par tradition, qui bale. enfeigne à découvrir dans l'écriture

de la ca

[a] Mémoir, de Trév. Septemb, 17317

2.

la cabale.

des fens myftiques & allégoriques, que les Rabbins ont prétendu y être cachés. La cabale proprement dite, eft, fuiObjet des vant les cabaliftes, une fcience [b] qui éléve à la contemplation des chofes céleftes, & au commerce avec les efprits bienheureux.lls prétendent qu'elle fait connoître la nature & les attributs dela divinité, les ordres & les fonctions des anges, le nombre des fphéres, les propriétés des aftres, les proportions des éléments, les vertus des plantes & des pierres, les fympathies, l'inftinet des animaux, & les penfées les plus fecrétes des hommes, qu'elle fut prémierément communiquée à Adam dans un fonge; que Moyle, Jofué, Salomon en ont été inftruits par Dieu même; mais que nul autre que le divin Sauveur ne l'a poffédée dans toute fon étenduều tin đkok

3.

fort cftimée

la Miran

Le fameux Jean Pie comte de la Elle até Mirandole, qui à fibien renversé touts de Jean Fic les fondements de l'aftrologie judiComte de ciaire, témoigne une grande vénéradole. tion pour cette fcience; & il fe vante d'avoir acheté fort cher, & d'avoir lû avec une grande attention foixante & dix ouvrages traitants de la cabale, où il dit qu'il a trouvé toute la doctrine de Moyfe, la Religion Chrétienne, les mytéres de la fainte Trinité & de la rédemption, les hiérarchies des an ges, la chûte des démons, les peines de l'enfer.. si

tion de la

fi!

Il y a deux parties de la cabale, l'une DiAinc appellée Béréfith, qui eft la science cabale en des vertus occultes que le monde ren deux par ferme, l'autre plus fublime, appellée Mercana, qui eft la faience des chofes furnaturelles. :

ties.

operation

Le pouvoir prétendu de la cabale fe tife de la connoiffance des noms facrés Surquoi de Dieu & des anges, & de l'inter- font it prétation des mots contenus dans la dées les fainte écriture: & c'eft au fujet de cet-de la cabal te connoiffance & de l'application que les Cabaliftes en font, qu'ils trouvent de grands fecrets dans les lettres qui compofent les mots de l'écriture fainté, dans les traits de ces lettres, & dans les points même. Ils cherchent auffi de fens mystérieux dans la valeur numéraire de ces Lettres. Ils les tranfpofent quelquefois, & intervertiffent l'ordre des fyllabes ou des mots contenus dans les livres faints, pour en ajouter le texte à leurs idées & à leurs explications chimériques.

cabale la

Il y a une autre forte de cabale [r] la plus fuperftitieufe, méprifée des Troféme Juifs mêmes, qui confifte à pronon- espèce de cer, écrire, porter au col; ou em plus tupes plofer de quelque autre façon certains furicule. mots, dont la vertu évoque les efprits, chaffe les démons, éteint le feu, rend invulnérable, & produit plufieurs autres effets furprenants.

Le nom de cabale eft tiré du mot Hébreu, qui fignifie révélation, Jean Pic comte de la Mirandole, & Cardan ont reffufcité cette philofophie fecrete de la cabale, qui remplit le monde d'efprits, aux quels elle enfeigne qu'on peut devenir femblable par la pureté du régime & de la contemplation.

d'Agripp

Agrippa [4] après avoir fait une profonde étude de la cabale dans la Mépris jeuneffe, la traite dans fon livre de la pour la c vanité des fciences, de rhapsodie fu- bale. perftitieufe & magique..

Le

[b] Ragufeius, de divinas, lib. 2. c. 5. [c] Grammaire Hébraiq. du P. D. Ga rin, liv 3. ch. 4.

[d] Cabbala artem, quam ego multo

labore aliquando scrutatus fum, non nifi miram fuperftitionis rhapsodiam, ac theürgicam quamdam magiam agnofco. Agripp. de vanis fcientiar, c. 48.

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