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Pont, païs fertile en venins. Je l'ai vu fouvent par la vertu de ces plantes,fe métamorphofer en loup, & s'enfoncer dans les forêts, faire fortir les morts de leurs tombeaux, & tranfporter les moiffons d'un champ dans un autre. Hérodote [] parle de ces Lycanthropies ou changements en loup. Lucius de Patras avoit fait un recueil Des trans- da métamorphofes magiques. Lucien, magiques. pour s'en mocquer, a compofé le traité intitulé, l'Ane ou Lucius. L'âne d'or d'Apulée eft auffi une fatire de la crédulité qui étoit répanduë de fon temps au fujec des transformations opérées par les magiciens.

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Nous avons cependant le témoignage très refpectable [] de S.Auguftin, qui affûre que certaines femmes en Italie convertiffoient les hommes en chevaux par une forte de poifon,& qu'après s'en être fervies à porter leurs fardeaux, elles leur rendoient leur prémiere forme; que le pere d'un prêtre nommé Præftantius, aïant été changé en mulet, portoit le bagage: non que les corps des hommes puiffent être changés par les

[1] Hérodor. liv. 4. Melpomen. [m]S.Aug.de civit. Dei,lib. 18.0.18. [n] Ariftot,magnor moral lib.1.c.17. [o]S. Hieronym in Rufin. Politian.in nutrit. [p] Cornel. Nep. in Lucull. Plutarch. in Lucull. Plin. lib. 25. c. 3.

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[q]Jofeph.am.l.19.c.3.Tiraq.in leg.con. 14. [r] . . . . ut avunculus ille Neronis, Cui totam tremuli frontem Cæfonia pulli Infudit. Juvena.. fat.6. [s] Cette matiére des philtres a été traitée par le P. Delrio,difquifit magicar.lib.3 quast.3. par Tiraqueau; ad leg.connub.14.par Pomponace deincantat c.8 par Apulée,apolog.lib.par Calius Calcagninus de amatoriá magia, &c. [t] Ariftot.hift.animant.l.2.c 14.1.9.c.17. [u]Solin.6.45.Salmaf.in Plinian, exercitat. ad Solin 1.2 p.397.& feq. Ariftot.hift.animant. .lib.6.c.18. 22.Bayle à la fin du dict.cri.&c. Hippomanes fic dicitur ἀπό τῆς ἴππε μανίας.

diables,mais ils font apparoître des corps phantaftiques, qui reflemblent au vrai corps tandis qu'il repofe endormi en quelque endroit.

.12.

L'Areopage [z] ne condamna à au- Des pl cune peine une fille qui avoit empoi- tres. fonné fon amant, en lui donnant un breuvage pour le rendre fidéle. Un philtre rendit furieux le poëte Lucréce [o] quife tua lui-même. Lucullus & Properce perdirent [p] la vie par de femblables breuvages, qu'on leur fit prendre à leur infçu pour les rendre amoureux: & Céfonie ne contribua pas peu [q] aux extravagances de Caligula, en lui faifant avaler un philtre [r] compofé de l'hippomane. Ferdinand le Catholique fut empoisonné par un philtre [] qui lui fut donné par Germaine de Foix fa feconde femme, dans le défir d'en avoir un garçon.

Les deux poiffons appellés la remore & la féche, font mis par Ariftote [t] au nombre des philtres: mais le plus renommé de touts a été l'hippomane, l'objet des recherches [] de plufieurs manc. fçavants.

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De l'Hipp

14.

Des vertus

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L'hippomane eft un des exemples les plus fenfibles du grand nombre d'auteurs qui concourent fouvent à accréditer des fables.

Léonard Vaire[y]donne le foie du chaméléon pour un remède des philtres.

Paracelfe [z] avance que les paroles magiques ont quelquefois des vertus magiques dejaroles. femblables à celles des plantes,& qu'el. les leur font communiquées par la force de la nature. Cette opinion [a] n'eft pas nouvelle puifqu'on lit dans [b]Homére,que le fang d'Ulysse blessé fut arrêté par des paroles.

Q. Serenus Sammonicus, précepteur du jeune Gordien, ordonne pour la fiévre de pendre au col le nom fuperftitieux, Abracadabra, enveloppé d'une toile de lin, d'en ôter chaque jour une Tom. I.

equæ Olympiæ mares equos ad rabiem coïtus agat. Plin. l.28.c.11.

Et fanè equis amoris innafci veneficium Hippomanes appellatum, in fronte, caricæ magnitudine, colore nigro: quod ftatim edito partu, devorat feta, aut par. tum ad ubera non admittit. Si quis præ. reptum habeat, olfactu in rabiem id genus agitur. Plin. l.8.c.42.

[x] Hippomanis tria genera: plantula Arcadiæ; virus ftillans ex inguine equæ cupidæ, & pellicula revulfa à fronte pulliequini. Delrius, difquifit.magic ar.l.3 part. 1.quaft.3.

tyl Leonardus Vaire de fafcino, lib. 1.c.14. [] Natura vires fuas in verba imponit, ficut in herbas & radices. Paracelf. in philofoph. fagac. lib. 1.

[a] Veteres quidem medici etiam carmina remedia vulnerum norunt ut omnis vetuftatis certiffimus autor Homerus dixit, qui fecit Ulyffi de vulnere fanguinem profluentem fifti carmine. Apul. apolog. 1.1. [6] N'TAN S'O'Suonos duvμovos av 900

Δῆσαι ἐπιςαμένως, ἐπαοιδῆ δ ̓ αιμα Νέα

lettre, en commençant par la fin. Abracadabr, Abracadab,Abracada, Abracad, &c. Bafilides avoit [ c ]tiré d'Abracadabra fa divinité mystérieuse Abraxas,qui fe rapportoit au foleil; comme le nonbre[d] des lettres qui compofent le nom d'Abraxas, fe rapporte aux trois cents foixante cinq jours que le foleil emploie à fournir fa carriére.

par les loix

humaines.

Toute efpéce de magie fuperftitieufe IS. eft très févérement défendue par les loix Toute magie fuperdivines & humaines. On lit dans le Deu- ititieute téronome[e] ces paroles: Que perfonne condamnée parmi vous ne confulte ceux qui prédi- divines & fent l'avenir, n'obferve les fonges & les augures,n'exerce aucun maléfice ni enchantement, n'ait recours aux Pythons niaux devius,& n'évoque les morts pour leur faire des queftions: car Dieu a en abomination toutes ces impiétés, & détruira ceux qui en font coupables.

La peine eft prononcée par [f] le Lévitique: Que l'homme ou la femme dans lefquels il y aura un efprit de Py

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thon ou de divination, foient punis de mort, qu'ils foient lapidés.

La loi des douze tables [g] portoit des défenfes d'enchanter les champs & les moiffons.

Dion [b] rapporte que l'année 720 de la fondation de Rome, Augufte chaffa les aftrologues & les magiciens.

L'empereur Claude[i] condamna à mort un chevalier Romain qui portoit dans fon fein un œuf de ferpent pour enchanter fes juges.

La magie fut mife en vogue à Rome fous les prémiers empereurs,par Anaxilaus & Nigidius Figulus, Philofophes Pythagoriciens qu'Augufte exila,& par les magiciens que Néron fit venir d'Ara

bie..

Pline [k] donne pour exemple de la vanité de la magie, l'inutilité de toutes les recherches de Néron, & des grandes fommes qu'il dépenfa pour faire quel que découverte dans un art fidéteftable. Les féductions de la magie eurent plus de fuccès fous Domitien, par les impostures d'Apollonius de Thyane.

L'empereur Conftantin[/] en 321, étant déja Chrétien, fit une loi, par laquelle il condamnoit les fuperftitions

[g] Ne pelliciunto alienas fegetes, ne incantanto, ne agrum defraudanto. [b] Tes aspoλoyous Tes Te Yintas. Dio Caff. lib 49.

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[i] Plin. lib. 29. e. 3°
[k] Plin. lib. 3o. c 2.

[Conftantinus, leg. 4. Cod. de maleficiis, poftquam eos graviter puniri juffit,qui magicis artibus contra falutem hominum aliquid moliti funt,aut pudicos animos ad libidinem deflexerunt adjecit:Nullis verò criminationibus implicanda funt remedia hu. manis quæfita corporibus, aut in agreftibus locis innocenter adhibita fuffragia, ne maturis videmiis metuerentur imbres, aut ventis grandinifque lapidatione quaterentur. Balduinus de legib. duodec. tabular. c. 10. [m]Si quis autem omninò hâc præstigia

qui nuifoient à la fanté des hommes, ou qui les portoient à l'impureté: mais par cette loi il excufoit toutes les Pratiques qu'on emploïoit pour la fanté, ou pour détourner les orages. Cette loi de Conftantin inférée dans le code Théodofien, fut abrogée par l'empereur Leon [m] dans la nouvelle LXV.

Conftantius faifoit mourir ceux qui avoient recours aux enchantements pour la guérifon de quelque maladie. Valentinien fit punir de mort [n] une vieille femme qui promettoit de guérir par des paroles les fiévres intermittentes: & il fit couper la tête [o] à un jeune homme, qui pour guérir un mal d'eftomac, portoit alternativement les deux mains à un marbre & à fon eftomac, en calculant les fept voïelles de l'alphabet Grec.

Les anciennes loix Romaines font d'une extréme févéritè [p] condamnant au feu les magiciens, punissant de mort leur complices, & condamnant au banniffement perpetuel dans les ifles ceux qui gardoient des livres de magie, & même à mort fi c'étoient des perfonnes viles.

Gilles de Laval, baron de Rêtz [g],

toriâ arte uti deprehenfus fuerit, five corporis medelæ prætextu, five avertendæ a fructibus noxæ,extremum luat fupplicium, apoftatarum, pœnam fubiens.

[n] Amm. Marcel!. lib. 16.
[o] Amm. Marcell. lib. 29.

[p] Mâgicæ artis confcios fummo fupplicio affici placuit, id eft bestiis objici, aut cruci fuffigi. Ipfi autem magi vivi exuruntur. Jacob. Cujac. interpretatán Julii Pauli receptarum fententiarum l.s.ad leg.Corneliam.

Libros magicæ artis apud fe neminem habere licet: & fi penes quofcunque reperti fuerint,bonis ademptis, ambustisque his publicè, in infulam deportantur: humiliores capite puniuntur. Cujac.ib.

[g] D'argentré hift. de Bret liv.10.ch.47. Monftreler rapporte que ce maréchal confeffa

maréchal de France, fut brûlé à Nantes en 1440. pour magie. Les arrêts [r] de touts les Parlements du roiaume ont condamné touts ceux qui ont été con16. vaincus de fortilége. On trouve dans Le Parle- les régiftres du Parlement une très is conda- grande quantité d'arrêts qui ont conane les for- damné des forciers au feu.

lent de Pa

dre des illufions pour des réalités.

Dans l'arrêt du Parlement qui condamne la maréchale d'Ancre à avoir la tête tranchée,&àêtre réduite en cendres, ce qui fut exécuté le 8. Juillet 1617, le crime de fortilége eft au nombre des caufes de la condamnation

Le Parlement ne fait ni richercher ni punir les prétendus forciers qui ne nuifent à perfonne, & qui vont, dit-on, invisiblement à des affemblées nocturnes.

des anciens capitulaires du neuviéme fiécle, qui laiffent à l'églife le foin de punir par l'excommunication ceux qui ont recours aux fortileges.

iers au feu, Un plaidoïer de l'avocat général Ser. alefices. vin, inféré dans un arrêt de la Tournelle criminelle du prémier Décembre 1601.prouve fort au long, par l'an-Il ne fait en cela que fuivre les maximes cien & le nouveau teftament, par la tradition, les loix & les hiftoires, qu'il y a des devins, des enchanteurs & des forciers, & réfute ceux qui veulent couvrir ce crime de l'ombre de l'aftrologie judiciaire, & ofent écrire qu'il n'y a point de forciers, & que c'eft une illufion d'humeur phantaftique. Il fait voir que les devins & ceux qui ufent de fortilèges, doivent être punis, & par les loix générales de l'écriture & des faints décrets, & par les conftitutions [] de nos rois. Toute la précaution que le procureur général demande, eft qu'on ne puniffe qu'après des preuves certaines & évidentes, de peur de pren

avoir fait mourir des enfants & des femmes
enceintes jufqu'au nombre de huit vingts &
plus. Monftrel. vol.2. fur l'ann. 1440.

[r] Ces arrêts en grand nombre font rap
portés dans Charendas en fes rép. liv. 9. ch.43.
liv.12.ch.64. dans Chenu, centur 2. quaft.
8. dans Bacquer; dans la démonomanie de
Bodin: dans Lancre; dans Papon en les ar
réts,liv.22. tit. 3. dans Baffet,liv.6.titr.19.ch.
6. dans Févret de l'abus,liv.8.ch.2. n.3. dans
le traité de la police de la. Marre,t.1.li.3 titre
7. &c.

[] Spécialement par la conftitution qui eft écrite au premier livre des Capitulaires des rois Charlemagne Louis le débonnaire ch. 64. Les Capitulaires de France publiés au concile de Créci en 873. prononcent la peine de mort contre les forciers coupables de maléfices, & tours.complices...

Ces capitulaires recommandent auf fi aux pafteurs de l'églife de défabuser les fideles fur ce qu'on difoit de plufieurs femmes qu'elles alloient au fab bath. Il eft ordonné aux pafteurs de faire entendre aux peuples, que ce font-là des réveries de cerveaux creux, ou des illufions produites par l'efprit féducteur..

Le Parlement veut des preuves certaines & évidentes, & il a infirmé ou modéré un grand nombre de fentences des juges fubalternes, qui condam

Vu 2

Et quoniam audivimus quod malefici homines & fortiariæ per plura loca in noftro regno infurgunt, quorum maleficiis. jam multi homines infirmati, & plures. mortui funt; quoniam ficut fancti Dei homines fcripferunt, regis minifterium eft impios de terrâ perdere maleficos & veneficos non finere vivere, exprefsè præcipimus, ut unufquifque comes in comitatu fuo magnum ftudium adhibeat, ut tales perquirantur & comprehendantur...... Si verò nominati vel fufpecti, & necdum comprobati funt, vel per teftes veraces inde comprobari non poffunt. Dei judicio. examinentur...... & non folùm tales illius mali autores, fed & confcii ac com-plices illorum difperdantur.

Capitular.reg. Francor.Baluz, t. 2 in. Carols. Calu p.230.

noient de prétendus forciers; illes a même quelquefois renvoïés abfous, crai gnant de condamner au feu des vifionnaires [], plutôt que des malfaiteurs.

Mais lorsqu'il eft évident qu'il y a quelques maléfices joints à l'accufation de fortilége, le Parlement les punit rigoureufement par la peine de mort & dufeu.

Cette jurisprudence du Parlement de Paris eft confirmée par Barthélemi Faye d'Efpeffes, préfident aux enquêtes du même Parlement, qui fe plaint dans les œuvres, de ce que quelques juges ne décernent aucune peine contre les forciers, & ne fuivent l'autori té & la jurifprudence du Parlement qui les a fait brûler de toute ancienneté. On doit donc être perfuadé de Ja fauffeté de ce qui fe dit communé ment; que le Parlement ne reconnoit point de forciers.

Un prêtre nommé Gaufridi, fut brûlé par arrêt du Parlement de Provence du dernier Avril 1611. rapporté dans [#]le Mercure François, où l'ont peut voir le détail des confeffions de ce prêtre, la manière dont il avoua qu'il donnoit de l'amour,& les malheurs qui arrivérent pendant fon fupplice, conformément à fes prédictions.

Il y a un traité particulier des confeffions de Gaufridi au moment de fon fupplice. Jean Chartier, historien de Charles VII. témoigne que Guillaume Edelindocteur de Sorbonne, fut condamné pour magie la veille de Noël 1453, qu'il avoua qu'il avoit été plu

[r] Le jurifconfulte Duaren approuve l'u fage du Parlement de Paris de rejetter l'accufation d'aller au fabbath, lorfque cette accufation ne fe trouve jointe à aucun maléfice · Deaniculis quæ volitare per aëra..., itaque curia Parifienfis [ fi nihil aliud admiferint] eas abfolvere ac dimittere meritè

fieurs fois au fabbath, & qu'il y avoit adoré le diable fous la forme d'un bouc.

La juftice féculiére ne fouffre pas non plus ceux qui devinent par l'eau, par les fas ou autrement. Les ordonnances de Charles VIII. en 1490. de Charles IX. dans les états d'Orléans de 1560. font formelles fur ce point, & elles fe trouvent renouvellées par une déclaration du mois de Juillet 1682. dont le deuxième article défend expreffément toutes pratiques fuperftitieufes, de fait, par écrit, ou de parole, foit en abufant des termes de l'écri ture fainte, ou des priéres de l'églife, foit en difant, ou en faifant des chofes qui n'ont aucun rapport aux caufes naturelles ordonnant que ceux qui les auroient mifes en ufage, & s'en feroient fervis, feroient punis exemplairement felon l'exigence des cas. Le troifiéme article ordonne que s'il fe trouvoit des perfonnes affez méchantes pour ajouter & joindre à la fuperftition l'impiété & le facrilege, ceux qui en feroient convaincus, feroient punis de mort.

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Bodin [x]rapporte les preuves des transformations magiques, par plu fieurs procédures criminelles, faites en divers temps & en différents lieux Mais il y a fouvent plus de malignité que de vérité dans les accufations de fortiléges. La Mothe-le-Vayer [y]à raifon de dire qu'aux païs tels que la Lorraine, quand les feigneurs confifquoient le corps & les biens de ceux qui étoient condamnés pour fortilé

confuevit. Duarenus, in tit. ad leg. Corneliam de ficariis apud Martin. Delrium dif quifit. magicar, in appendice libri 5.

[u] Mercur. Franç. fur l'an 1611.p.19. [x] Bodin, démonom. liv.2 ch.6. [y] La Mothe-le-Vayer, inftruct. de M le Dauphin, ch de la magie.

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