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Ce lion l'aïant apperçu de loin, s'arrêta prémiérement tout court, comme étant entréen admiration, & puis s'approcha " doucement d'une façon molle & paifible, » comme pour entrer en reconnoiffance ›› avec lui. Cela fait, & s'étant affuré de ,, ce qu'il cherchoit, il commença à battre de la queiie à la mode des chiens qui fleurent leurs maîtres, & à baifer & lefcher les mains & les cuiffes de ce miferable tout tranfi d'effroi & hors de foi. Andro» dus aïant repris fes efprits par la bénigni» té de ce lion,& raffuré la vûë pour le confidérer & le reconnoître, c'étoit un fingulier plaifir de voir les careffes & les "> fêtes qu'ils s'entrefaifoient l'unà l'autre. " De quoi le peuple aïant élevé des cris de "joie,l'empereur fit appeller cet efclave, >> pour entendre de lui le moien d'un fi », étrange événement. Il lui récita une hiftoire nouvelle & admirable. Mon maître, dit-il, étant proconful en Afrique, je fus contraint par la cruauté & rigueur qu'il me tenoit, me faisant "journellement battre, de me dérober >> de lui & m'enfuir. Et pour me cacher fûrement d'un perfonnage,aïant grande autorité en la province, je trouvai mon plus court de gagner les folitudes & les contrées fabloneufes & inhabitables de ce païs là : réfolu, fi le moïen de me nour "rir venoit à me faillir, de trouver quel» que façon de me tuer moi-même. Le foleil étant extrémement âpre fur le midi, & les chaleurs infupportables, je me rencontrai fur une caverne cachée & " inacceffible, & me jettai dedans. Bientôt "après y furvint ce lion, aïant une patte » fanglante & bleffée, tout plaintif & ,, gémiffant des douleurs qu'il y fouffroit: à fon arrivée j'eus beaucoup de fraïeur; mais lui me voïant muffe dans un coin de fa loge, s'approcha tout doucement >>> de moi, me préfentant fa patte offenfée, » & me la montrant comme pour deman

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der du fecours.Je lui ôtai alors un grand efcot qu'il y avoit ; & m'étant un peu « apprivoifé à lui preffant fa plaïe, en fis « fortir l'ordure qui s'y amaffoit l'essuïai, & nettoïai le plus promptement que je pus. Lui fe fentant allégé de fon mal, & foulagé de cette douleur, fe prit à " repofer & à dormir, aïant toujours la « patte entre mes mains. De là en hors, << lui & moi véquîmes enfemble en cette << caverne trois ans entiers de mêmes vian- " des, car des bêtes qu'il tuoit à sa chasfe, il m'en apportoit les meilleurs endroits, que je faifois cuire au soleil à « faute de feu, & m'en nourriffois. A la ce longue, m'étant ennuïé de cette vie ca brutale & fauvage, comme ce lion étoit allé un jour à la quête accoutumée, je partis de là, & à ma troifiéme journée fut furpris par des foldats qui me mé- " nérent d'Afrique en cette ville à mon <<< maître, lequel foudain me condamna à « mort, & à être abandonné aux bêtes. Or à ce que je vois, ce lion fut auffi pris bientôt après, qui m'a à cette heure voulu recompenfer du bienfait & guérifon qu'il avoit reçû de moi.Voilà l'hi-❝ ftoire qu'Androdus récita à l'empereur, « laquelle il fit auffi entendre de main en « main au peuple.Par quoi à la requête de " touts il fut mis en liberté & abfous de cette condamnation, & par ordonnance du peuple, lui fut fait préfent de ce lion. Nous voyions depuis, dit Apion, An- « drodus conduifant ce lion à tout une petite leffe, & fe promenant par les « tavernes à Rome, recevoir l'argent qu'on lui donnoit, le lion fe laiffer couronner des fleurs qu'on lui jettoit, & chacun dire en les rencontrant: Voilà le " lion hôte de l'homme, voilà l'homme «< médecin du lion... .... Ce que l'expé- « rience apprend à ceux qui voïagentfur « mer, & notamment en la mer de Sicile, de la condition des halcyons furpaf

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fe toute humaine cogitation. De quelle efpéce d'animaux a jamais nature tant honoré les couches, la naiffance & l'en"fantement? Car les poëtes difent bien » qu'une feule ifle de Délos étant aupara>> vant vagante,fut affermie pour le fervicede l'enfantement de Latone; mais Dieu a voulu que toute la mer fût arrê. tée,affermic & applanie fans vagues,fans >> vents,& fans pluïc,cependant que l'hal"cyon fait fes petits, qui eft juftement » environ le folftice, le plus court jour de l'an: & par fon privilége nous avons fept jours & fept nuits au fin cœur de l'hyver,que nous pouvons naviguer fans danger. Leurs femelles ne reconnoiffent autres mâles que le leur propre, l'affi» ftant toute leur vie, fans jamais l'a>>bandonner. S'il vient à être débile » & caffé, elles le chargent fur leurs épaules, le portent partout, & le fervent jufques à la mort. Mais aucune fuffifance n'a encore pû attein"dre à la connoiffance de cette mer» veilleufe fabrique, de quoi l'halcyon » compofe le nid pour fes petits, ni en deviner la matiére Les opinions fur les bêtes font des

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exemples très fenfibles, que les hommes gardent bien peu de mesures dans leur eftime ou leur mépris, & que prefque dans touts leurs fentiments, ils fe portent à des extrémités, qui font des fources d'erreurs. Il s'en faut bien cependant que je ne compare ce que j'appelle l'extrémité Cartéfienne, avec l'opinion de ceux qui prétendent trouver du raifonnement dans les bêtes. Le fentiment de Defcartes choque feulement les apparences, mais l'extrémité oppofée attaque les principes les plus effentiels & les plus évidents.

12.

fur les ames

Les impies & les incrédules ne peu- Réponse à vent fe prévaloir de la comparaifon des robjection ames des bêtes avec les ames des hom- des impics mes: car c'est chercher à s'aveugler foi- des bêtes même, que d'oppofer aux preuves les plus claires de l'immortalité de l'ame, tirées de la nature & de la révélation, une objection fondée. fur la plus inconnuë de toutes les fubftances, & de prendre pour principe d'une comparaison,& de la connoiffance de l'ame humaine, la chofe du monde la plus généralement ignorée, qui eft l'état intérieur des bêtes.

CHAPITRE SIXIÈME.

De la Magie.

SOMMAIRE.

1. La magie écueil des efprits forts & des efprits crédules. 2. Quatre efpéces de magie. 3.Opinion de Pomponace réfutée. 4. De la magie Egyptiennes. Miracles de N.S. attribués à cette magie. 6. Plufieurs opinions frivoles touchant les vertus magiques. 7. De la magie naturelle. 8. De la magie artificielle ou mathématique. 9. Des Statues parlantes. 10. De la magie empoisonneufe. 11. Des tranfformations magiques. 12. Des philtres. 13. De l'hippomane. 14. Des vertus magiques des paroles. 15.Toute magie fuperftitieufe condamnée par les loix divines & humaines. 16. Le parlement de Paris condamne les Sor. ciers au feu, lorfqu'il y a maléfice. 17. Opinion du P. Mallebranche fur les forciers. 18. De la magie cérémoniale. 19. La magie démoniaque niée par plufieurs philofophes. 20. Livres de magie fauffement attribués aux plus faints & Sçavants perfonmages. 21. Plufieurs faits de magie rapportés par les hiftoriens. 22. Chi te de Simon le magicien .23. Statue

[a] Les démons ne peuvent faire aucun mal par eux mêmes & fans la permiffion de Dieu. Non quod idola vel dæmones affidentes idolis mala fæpè non fecerint: fed quod, nifi conceffa eis fuerit poteftas, hoc facere non poffint: denique in evangelio de precantur ut habeant poteftatem in porcorum gregem, Et in Job, legimus abfque

de marbre érigée à Simon le magicien à Rome. 24. Prédiction de l'avènement de Théodofe à l'empire. 25. Autres faits hiftoriques concernant la magie. 26. Hiftoire suspecte de la médaille de Catherine de Médicis.27. Les démons trompent ceux qui les confultent. 28. Les démons ne peu. vent procurer ni richeffes ni honneurs. 29. Fables débitées fur la magie. 30. Agrippa rend les opérations de magie impoffibles, par le grand nombre de circonftances qu'il prefcrit d'obferver .31. Hiftoire d'Agrippa. 32. jugement de la magie par Agrippa. 33. Triple lien de la magie. 34. Réalité de la magie · 35. Bekker croit le fentiment de la réalité de la magie contraire aux principes de la foi .36. Différentes espéces de magie. 37. De la confrérie de la Rofe-Croix,

A magie eft en même-temps l'écu- ·

1.

pris cies

eil des efprits forts,& des efprits cré-L écueil d dules: des efprits forts, lorfqu'ils nient efprits for entiérement les effets magiques; & des & de efprits crédules, lorfqu'ils étendent trop les. loin les opérations de la magie, & qu'ils font injure à la toutepuiffance & à la bonté de Dieu [a], en faifant intervenir des diables dans tout ce qu'ils ne comprennent point: ce qui leur arrive d'autant plus fouvent, que leurs connoiffances font plus bornées. C'eft une impiété [b] de nier qu'il puiffe y avoir des forciers, c'est

une

domini juffione eos viri fan&ti, næ jumenta quidem aut poffeffiones valuiffe deperdere. S. Hieronym. comment. in laï.c.41.

[b]Quibus mens eft longè alia, non poffunt in animum inducere ulla effe fpiritûs commercia cum homine. Ac fæpe fæpius mihi cum tali

1

2.

Quatre ef ces de gle.

une bêtife de placer partout. Agrippa diftingue plufieurs efpé ces de magie; la naturelle, qui n'eft qu'une connoiffance plus rare & plus parfaite des propriétés & des vertus inconnues au vulgaire, que la nature a mifes en plufieurs chofes: par le moïen defquelles cette efpéce de magie peut opérer des effets furprenants & merveilleux, comme produire des fleurs & des fruits hors des faifons, exciter des nuages, engendrer des animaux, & autres prodiges. Ces effets de la magie naturelle font exaggérés par Agrippa, & portés au delà des bornes raisonnables. Le pére Kircher [] définit la magie naturelle plus fenfément, une connoiffance de la fympathie, & de l'antipathie des chofes. Dans cette efpéce de magic ont été illuftres Zamolxis, Hermés Trifmégifte, Zoroaftre. Les Indiens, Chaldéens, Ethiopiens, & Perfes passent pour y avoir excellé. C'eft dans cette fcience, que Platon [d]dit qu'on élevoit les fils des rois de Perfe. La feconde espéce de magie eft la mathématique, laquelle joignant les fubtilités de l'art, avec les influences célestes, fe vante de produire des effets qui paroiffent miraculeux, comme des machines qui ont du mouvement, & des ftatues qui parlent Archytas, Albert le grand, Boëce ont eu beaucoup de réputation dans cette partie de la magic.

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Agrippa appelle la troifiéme efpéce de magie empoisonneufe. Ceft celle qui opére les métamorphofes effraïantes, par les compofitions & les breu

Tom. I.

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vages; qui produit l'amour & la haine par les philtres, & renferme plufieurs fortes de maléfices.

La quatriéme efpéce eft la magie cérémoniale, divifée en goëtie, qui s'exerce par le commerce avec les cfprits immondes, & théürgie qui confite dans le commerce avec les anges bienheureux.

3.

pomponac e

Pomponace traite toute la magie de naturelle. Il attribue les effets Opinion de magiques, non aux enchantements, refutés mais aux enchanteurs. Il prétend que comme certaines pierres, & certaines herbes ont des vertus fuprenantes, de même quelques hommes, par les influences céleftes, ont le pouvoir de faire des chofes extraordinaires. Mais ces vertus naturelles font attachées à toute l'efpéce de ces plantes, & de ces pierres, au lieu que les effets magiques, étant produits feulement par un petit nombre d'hommes, il faut qu'ils foient opérés par une puiffance étrangère à la nature humaine.

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Miracles

dans le païs. Ariftote [e ] qui a re-
cueilli tout ce qu'il avoit pu appren-
dre de merveilleux, & furpaffant les
caufes ordinaires de la nature, ne fait
aucune mention de la magie Egyptien
ne. Dans l'hiftorien Jofeph [f], Moy-
fe traite la magie Egyptienne de natu-
relle. Lorfque Dieu [g] a permis
que les mages de, Pharaon fiffent pa-
roître des enchantements magiques,
foit réels, foit illufoires, ça été une
occafion extraordinaire, dans laquelle
Dieu a voulu qu'ils fuffent vaincus
avec plus d'éclat, par la vertu divine
qui opéroit dans Moyfe. C'eft ainfi
qu'il fut permis [b] aux mages de
Pharaon, de convertir leurs baguet-
tes en ferpents, afin que les ferpents
provenus de ces baguettes fuffent dé-
vores par
le ferpent produit de la
baguette d'Aaron. Ceftainfi qu'il leur
fut permis d'imiter feulement les deux
prémiéres plaies d'Egypte, afin que
leur impuiffance & celle des malins
efprits dont ils étoient les miniftres,
fût mieux reconnuë, foit en ce qu'ils
ne pouvoient procurer aucun foulage-
ment à Pharaon ni à fon peuple; foit
en ce qu'il ne leur fut pas poffible
d'imiter les autres plaïes dont le Sei-
gneur frappa l'Egypte.

Les Payens ne pouvant attaquer la de J.C. at certitude des miracles de Jésus-Chrift, tribués à la les attribuoient [i] à la magie Egypmagie Egy-tienne: objection qui ne fert qu'à établir la vérité des faits, fans répandre aucun doute fur la divinité

tienne.

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de la caufe; puifque quelque vertu qu'on attribue à la magie, ses effets ne peuvent commencer avant l'exiftence du magicien, ni durer après fa mort; & que les prophéties qui ont annoncé notre Seigneur, & fa divine réfurrection, confondent tous les artifices du menfonge.

La plupart des effets qui paroiffent magiques, doivent être rapportés à une magie illufoire qui n'a rien de réel, & qui ne produit que des phantomes, & de vaines apparences, au moïen des vapeurs, parfums, lumićres, breuvages, miroirs, & autres drogues, ou inftruments qu'elle emploie.

Apulée eft d'avis que ceux qui forment des accufations de magie, n'y ajoutent eux-mêmes aucune foi, parce que fi un homme étoit bien perfuadé qu'un autre fuc magicien, il appréhenderoit de l'irriter, en l'accufant de magie.

Plufieu

cpinion

dement

Jufqu'à ce que la caufe des éclipfes". de lune ait été connuë, on croïoit que ces éclipfes étoient caufées par fans for la magie qui forçoit la lune à defcen- vertus dre du ciel. De la venoit la coutu- giques. me [k] de fecourir la lune, par le bruit confus de toute forte d'inftru ments pour l'empêcher d'entendre les vers magiques [7], & les autres fortes de conjurations & d'enchantements.

Mercure dans Homére indique à Ulyffe [m] la plante nommée Mo

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