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Diverfes inions

monde.

Mercure Trifmégifte [e] adiftingué quatre mondes, l'archétype, le fpirituel, l'aftral, & l'élémentaire.

Agrippa dans fa philofophie occulte, endiftingue fix; l'archétype qui contient les modéles de touts les êtres & leurs idées qui font en Dieu; l'intellectuel ou l'ame du monde; le célefte qui contient les aftres;le monde élémentaire que nous habitons; le petit monde qui eft l'homme; & le monde infernal.L'imagination des Métaphyficiens à été plus féconde que celle des poëtes pour multiplier les mondes chimériques.

Pythagore,Archytas, Xénophane, Aladurée riftote, Théophrafte, & plufieurs autres ont cru le monde éternel. Platon dans le livre feptiéme des loix,dit que le monde a fubfifté éternellement & qu'il n'aura point de fin; il dit au contraire dans le

Cur habeat proprium mundum, propria entia fenfus,

Quæ vera exiftant, quæ percipiantur ab ipfo ?

At mens fola manens, proprio non gaudeat orbe,

Nilque habeat per fe exiftens? fed omnia

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Timée que le monde eft l'ouvrage de Dieu. On trouve auffi la même contradiction dans Ariftote. Il foutient dans le prémier livre du ciel [f]que le monde a exifté de toute ancienneté,& il reconnoit dans le prémier de fes livres métaphyliques [g] qu'une fubftance fpirituelle eft la caufe du monde. Parmi les Chrétiens mêmes, les Albigeois croïoient que le monde n'avoit point eu de commencement & qu'il dureroit toujours.

Empedocle, Démocrite, Epicure, & un grand nombre d'autres philofophes ont enfeigné que le monde a eu un commencement,& qu'il aura une fin.Le fentiment d'Anaximandre, de Leucippe,de Diogéne,de Zénon, & de touts les Stoïciens [b]étoit que le monde finiroit par un embrafement. Il falloit qu'Héraclite en fût bien vivement touché,puifque les

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larmes qui couloient continuellement de fes yeux étoient, dit-on,caufées par la douleur qu'il reffentoit de prévoir l'embrafement général du monde.

Les Epicuriens croïoient que les mondes mouroient & renaifoient de temps en temps comme des plantes ou des animaux. Macrobe[i]eftime que le monde eft éternel,mais que tout ce qui eft contenu dans le monde eft fujet à être détruit, & à renaître par des révolutions continuelles.

Les preuves que Lucréce apporte [k] pour prouver que le monde a commencé,font prémiérement le changement remarquable arrivé à plufieurs parties du monde;or ce qui eft fujet au changement doit avoir un commencement & une fin; fecondement l'hiftoire, troifiémement la nouveauté des arts.

Ariftote répondoit [] à ces objections beaucoup plus anciennes que Lucréce, que les révolutions générales arrivées au dedans du monde,mais fans le détruire,ou que les révolutions particuliéres arrivées en certains païs,avoient produit les changements qu'on remarquoit, &

[] Macr. in fomn. Scip. lib. 2 c. 10. [k]Lu.l.5.v.236.&.v.325 &.v.333.&. [1] Arifot. ap. Cardan, de fubtil, I. 2. [m] Ocell Lucan. de univerfi naturâ. [*]Macr.Sat.l.7.c.16. Pl.des prop.de.ta,l.v.3. Lo]Nullam rem ex nihilo gigni divinitus

unquam. Lucret. lib. 1. v. ISI. Nil igitur fieri de nilo poffe fatendum eft, Semine quando opus eft rebusL.l.1.2.207. [] Ipfe quidem, nifi religio prohibetet, & omnes Chriftologi obftarent tutantes dogmata. Mofis,

Gredere non aliud poffem, quàm femper ab ævo,

Ut nunc eft, mundum mundique ele menta fuiffe,

Principiique expertem efle ac fine fine futurum.

Nam cur non femper mundus fuit? an quia femper

Non potuit Deus, aut nefcivit condere? fed poft

avoient caufé la perte & le renouvellement des arts. Il fonde fon opinion de l'éternité du monde fur ce que de mémoire d'hommes, la mer a toujours été également falée.

Ocellus Lucanus fameux Pythagoricien [m] prouve l'éternité du monde, parce que fa figure & fon mouvement font circulaires, & que le cercle n'a ni commencement ni fin.

D'autres [n]ont douté de fon éternité furce ridicule fondement qu'on ne peut affurer qui a précédé de l'œuf ou de la poule.

Touts les philofophes Payens s'accordoient aflez fur l'éternité de la matiére, fe fondant[o]fur cet axiome que rien ne peut être fait de rien.lls faifoient encore trop d'honneur à leurs efpéces de dicux de les croire capables d'agir fuivant les régles d'une méchanique ordinaire.

Pour monter jufqu'où fe porte la témérité de l'efprit humain, examinons les raifonnements par lefquels Palingenius prétend établir qu'à ne confulter que la raifon, le monde doit étre éternel.

Sila raifon, dit il [p], ne trouvoit

fas

Doctior evadens didicit,demumque peregit!

An femper fcivit, potuitque at noluit? unde hoc?

Cur potius voluit poft, quam prius? aut ratio quæ

Mutavit mentem illius? fi non erat

æquum

Utileque hunc mundum fieri, cur conditus unquam eft ? Ath conveniens erat illum atque utile condi,

Quare tam ferò fecitDeus?aut quare ætas Tam brevis eft mundi? nam fi fas credere cuncta

Chriftologis nondum annorum bis quattuor implet

Millia, ab antiquo bene fi numeremur Adamo.

Præterea quæ caufà fuit, qua condere vellet

Hunc mundum Deus? an quia mundi ipfe hujus egebat?

pas un obftacle dans la religion Chrétienne & dans les livres de Moyfe, que pourroit-elle nous perfuader autre chofe, fi non que le monde eft éternel? Car pourquoi auroit-il commencé?on ne dira pas que Dieu n'a pas pu le créer plûtôt. C'est donc une néceffité de dire que Dieu ne l'a pas voulu? Mais pourquoi l'a-t'il voulu dans un temps plûtôt que dans un autre: Comment fuppofer des changements de volonté en Dieu:S'il n'étoit nijufte ni utile que le monde exiftât,pourquoi en tout a-t'il été créé? mais s'il étoit utile qu'il fût créé, pourquoi Dieu a-t'il attendu fi tard? Pourquoi la durée de ce monde eft-elle fi courte puifqu'on ne compte pas huit mille ans depuis Adam?D'ailleurs,quelle raifon a déterminé Dieu à la création? Avoit-il befoin du monde? il ne devoit donc pas refter fi long-temps dans l'indi gence. On ne peut pas dire que Dieu ait créé le monde en vain ; car la fageffe divine ne fait rien en vain. Dieu a donc eu un motif de créer le monde,& ce motifa été fans doute de manifefter fa bonté & fa puissance infinic,& puifque la bonté & la puiffance de Dieu font éternelles,la raifon nous dicte que le monde doit être

éternel comme ces attributs de Dieu.

C'eft demander compte à Dieu & de fes ouvrages, & des motifs qu'il a eus en les produifant, & des temps que fes décrets ont fixés. Mais à n'écouter que cetTom. I.

Si fic,debebat prius ipfum condere,ne fe Torqueret talis tam longo tempore egeftas.

Si non, cur fecit ? fruftrane? at non
decet ipfum

Fruftra aliquid facere; hic etenim infi-
pientibus eft mos.
Caufa aliqua ergo fuit. Sed quæ ? nempe
illius ingens

Haud dubiè bonitas, nec non immenfa
poteftas,

Ne fruftra intra fe femper conclufa ma

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te même raifon dont Palingenius abufe-fi évidemment, il ett immpoffible qu'un monde créé foit éternel, puifque l'effet ne peut être égal en ancienneté à fon principe. A l'égard des objections frivoles de ce poëte fur ce que Dieu a différé filong-temps la création du monde Palingenius ne devoit pas ignorer qu'il n'y a en Dieu aucune diftinction de temps paffé, préfent ou avenir, & que. le temps a commencé avec le monde.

Le temps a été une fource de difputes métaphyfiques. Les uns l'ont fait confifter dans les révolutions des plané tes; les autres comme Platon & Ariftote ont entendu par le temps, les nombres qui expriment le progrés du mouvement; Epicure & Demetrius de Lacédémone l'ont défini un accident qui fuit les jours,les nuits,les affections, le mouvement & le repos. Car fuivant les fituations de l'efprit & du corps, le temps paffe plus ou moins vite. Zénon, Chryfippe & Poffidonius expliquoient le temps par la mesure de la viteffe & de la lenteur; Eratosthéne par l'espace que le Soleil parcourt; Straton l'a appellé la mefure du mouvement & du repos; Enélidéme & Héraclide regardoient le temps comme une fubftance corporelle, Pythagore le repréfentoit comme la fphère du ciel qui embrasse tout l'univers.

Les uns ont foutenu qu'il n'y avoit
Mm

Fruftra etenim bonus atque potens is
dicitur, à quo

Nil unquam fieri magnum egregiumque videtur

Si Deus ergo fuit femper bonus atque potens, cur

Non voluit femper tam pulchrum condere mundum?

Cur in tam feros tantam rem diftulit annos?

Nulla quidem ratio effe poteft, nifi fin

gere quifquam

Aftutus velit,& nugas poft ponere vero. Quare fi humanæ rationi credere par efl

De la divifibilité à l'infini du temps,

que le temps préfent, puifque le paffé n'existe plus & que le futur n'exifte pas encore; d'autres ont fupprimé le temps préfent, & ont prétendu que cet instant qu'on appelle préfent, appartient au paffé pour une partie, & que l'autre est confondue dans l'avenir. Sur ce fondement ils n'ont diviféle temps qu'en paffé & en futur. Il s'en eft trouvé qui ont nié que le temps exiftât, à cause de la difficulté de connoître la nature. Gaf fendi fe mocque de ceux qui difent que le temps n'eft rien,parce que le paffé n'eft plus,que le futur n'eft pas encore,&que le préfent eft dans un flux perpétuel qui l'empêche d'exifter.C'eft de même que fi l'on difoit que le feu n'eft rien,parce que ce qui eft confumé n'eft plus ; ce qui fe confumera n'eft pas encore du feu, & que ce qui eft feu, fe confume actuel

lement.

Le temps eft indépendamment des chofes qui fubfiftent en lui. Le cours du Soleil & de la lune eft la mesure du temps, mais il n'eft pas le temps luimême.

Platon dans le Timée dit,[g]que Dieu voïant l'univers qu'il avoit formé fe mouvoir & être très beau, il en fut fort fatisfait & voulut le rendre encore plus conforme à fon idée éternelle:mais comme il étoit impoffible que l'éternité fût communiquée à un être fini, Dieu produifit une image mouvante de l'éternité, c'est-à-dire, le temps qui ne fubfiftoit pas avant le monde,

De même que l'espace eft une étendue fixe & permanente, le temps eft une étendue fucceffive que plufieurs philo.

Eternus certè mundus dicetur,& omni Principio prorfus, prorfus quoque fine

carere.

Marcell, Paling Zodiac, cant.11 in Aquario, [q]Cette réflexion de Dien fur la bonté de fon ouvrage, femble empruntée par Platon du commencement de la Genéfe, où il eft dit que Dieu confidera fes ouvrages, & qu'il trouva qu'ils étoient très-bons.

Viditque Deus cuncta quæ fecerat : &

כו

fophes ont foutenue divisible à l'infini, auffi bien que l'étenduë matérielle. Arillote [r]& Chryfippe [s] ont été de ce fentiment; Zénon & le plus grand nombre ont régardé le temps, comme étant compofé de moments indivisibles, & ont rejetté fa divifibilité à l'infini n'y aiant pas les mêmes raisons ou plûtôt la même néceffité pour l'admettre dans le temps que pour l'admettre dans la matiére, & les mêmes conféquences inconcevables s'y rencontrant, puifque fi le temps étoit divifible à l'infini, l'instant le plus court renfermeroit une éternité. A l'égard de la maniére dont la durée du temps a été réglée, il en est traité dans les chapitres de la chronologie & de l'aftronomic.

Opinion

prémiers

Examinons les raifonnements des philofophes fur l'origine du genre hu-intentées main. Si ces beaux génies, qui ont l'origine fait l'honneur de la raifon & de l'intel- hemmes. ligence humaine, ont débité à ce sujet les opinions, les plus pitoïables, nous y trouverons une preuve que la raifon abandonnée à elle même, & deftituée de la véritable lumiére, eft plongée dans de profondes ténébres.

Les uns au rapport de Juvénal [t], faifoient fortir les prémiers hommes du limon de la terre, les autres du creux des chênes de Dodone.

D'autres avoient imaginé qu'il étoit éclos de la terre une infinité de mau

vaifes conformations [u] & aufquelles les principaux membres manquoient, jufqu'à ce qu'il s'étoit produit à force

erant valde bona. Gen.c.1.v.ult.
[r] Ariftot. phyfic. 46 c.9.

[s] Chryfip ap. Stob.eclog.phf.c.11.
[r].qui rupto robore nati,
Compofitive luto nullos habuere pa-

rentes.

Juven. fat. 6.

>

[u] Crefcebant uteri terræ radicibus apti. Lucret. 1.5.

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Quelques-uns ont enfeigné, fuivant Plutarque [x], qu'un limon humide en dedans & encrouté dans fa fuperficie par la chaleur,avoit formé & renfermé les prémiers animaux,& que ces écorces après s'être defféchées de plus en plus, s'étant entr'ouvertes, les animaux couvés au dedans d'elles par les raions du Soleil,en étaient fortis comme unoiseau fort d'un œuf.C'eft auffi l'opinion attribuée aux Egyptiens par Diodore de Si cile [y], & par Cœlius Rhodiginus[z]. Cette nation fi célébre par fa fageffe, pour prouver que le genre humain avoit pris naiffance en Egypte, alléguoit l'exemple des grenouilles & des rats, qui naifoient dans fes marais arrofés des eaux du Nil. D'autres ont dit que les prémiers hommes furent engendrésdans les ventres des poiffons.

Anaximandre [a], fuivant Plutarque & Eufébe, étoit d'avis que l'enfance de l'homme aiant befoin de toute forte de fecours, il n'avoit pu être formé immédiatement du limon de la terre, & être confervé fans que perfonne en prît foin, mais qu'il avoit été produit par les accouplements des animaux, qui fe joignant à des bêtes de differentes efpéces avoient peu à peu formé de efpéces plus parfaites que les leurs, lefquelles fe raffinant toujours au moïen de ce que le mélange des conjonctions y mettoit de plus délié & de meilleur, avoient en fin produit l'homme qu'il faifoit, pour

[x] Plutarch. de placis.philosophor.l5.c.19. [y] Diod. Sie. l.i.

[z] Cal. Rhodig. l.2.c.19.

[a] Anaximander,referente Plutarcho & Eufebio,hominem ex animalibus diverfarum fpecierum ortum affirmavit. Joan.

ainfi dire, l'extrait des animaux ; & què de cette maniére les prémiers enfants avoient eu des méres pour les allaiter & pour les élever. Cette hypothefe qui ne fait pas defcendre touts les hommes d'une même origine, a quelque chose de bien riant pour l'orgueil de la nobleffe, qui eft apparemment iffuë de l'accouple ment des oifeaux de proie avec des lionnes, tandis que le peuple descend de la conjonction de quelque miférable bête de charge avec la berbis..

Platon [] représente les prémiers hommes fous une figure Androgyne c'eft à dire, compofée d'un corps maf culin & d'un corps féminin, & il prétend que les hommes & les femmes ne font plus que les moitiés des prémiers. hommes; que l'amour & le penchant d'un fexe vers l'autre, vient de ce que chaque moitié cherche à fe réunir à fa moitié.

Quelques philofophes [c] de mauvaife humeur contre le genre humain, ont foutenu que le chaos avoit été débrouillé, & la matiére animée par les intelligences malfaifantes.

Gorgias embarraffé de trouver une prémiére caufe [d], tachoit de prouver par fes fophifmes, que rien n'exifte dans la nature. Si quelque chofe pouvoit exifter, difoit-il, ce feroit ou une chofe éternelle, ou une chofe qui auroit été produite. Or ce qui exifteroit ne pourroit être éternel parce que tout ce qui eft éternel eft infini, & ce qui eft infini ne peut être nulle part, puifque s'il étoit en quelque lieu, il y feroit contenu, ce qui eft contraire à l'idée

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