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31.

Fernel.

le pére prémier médecin de la reine Louife de Lorraine, femme d'Henri III. & de la reine Marie de Médicis, femme d'Henri IV. étant décédé en 1637. à l'âge de 90. ans, & le fils prémier médecin de Gafton de France due d'Orléans, étant mort en 1678. à 91. ans.

Parmi les médecins François, aucun De Jean n'a égalé la réputation de Jean Fernel natif d'Amiens, prémier médecin d'Henri II. & à qui la reine Catherine de Médicis difoit qu'elle étoit redevable de fa fécondité. Il a embraffé toute la médecine [r] dans des écrits également dotes & polis, & il s'eft acquis une telle réputation

[r] Thuan, bist, lib. 23.

dans toute l'Europe, que l'univerfité de Paris fe fera honneur dans touts les fiécles à venir d'un tel éléve. Il laiffa une fille unique mariée à Philippe Barjot, maître des requêtes, & préfident au grand confeil. Il mourut en 1558. âgé, fuivant de Thou de 2. ans, & fuivant Caftellan [s], de 49. feulement.

Le dix-feptiéme fiécle à été fort occupé de la difpute, au fujet de l'émétique; j'en parlerai dans le chapitre de la médicine ancienne & moderne, où je ferai mention des découvertes attribuées à la médicine moderne. Je remets auffi à traiter de la médecine chimique, dans le chapitre de la chimie.

[s] Petr, Caftell. in Fernel.

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LIVRE TROISIEME.

HISTOIR E,

DE LA METAPHISIQUE.

CHAPITRE PREMIÈR.

De la Divinité. Sommaire du Chapitre premier.

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1. Objet de la Métaphysique 2. La Métaphyfique eft la partie de la Philofophie la plus interessante. 3. Dif pofition de l'efprit humain par rapport à la verité. 4. Les Hommes ont adoré tout ce qu'il y a de plus vil & de plus déteftable. 5. Nombre des Dieux dans l'ancienne Rome.6.Chaf fe des Cauniens pour fe délivrer de leurs Dieux. 7. L'Idolatrie flatoit les paffions. 8.Des divinités qui préfidoient aux crimes.9.Crimes des Dieux eux-mêmes. 10.Opinions infenfées & ridicules des Philofophes fur la Divinité. 11. Tolérance des Athéniens pour les Poëtes, & féverité sur les Philofophes. 12. Des railleries que les Payens faifoient de leurs Dieux. 13.Différentes Opinions fur les Temples & les Statues. 14. Des deux efpéces les plus anciennes de l'Idolatrie. 15. Exemples des Apotheofes. 16. Apothéofes des Empereurs.17. Dieux punis par les Hommes. 18. Culte des fauffes Divinités. 19.Opinion outrée de Porphyre fur la Spiritualité du culte. 20. Mortifications pratiquées dans les fauffes Religions. 21. Lequel est plus injurieux à Dieu de la

Tom. I.

Superftition ou de l'Athéisme.22 Une Société ne peut fubfifter fans Religion. 23.Les Perfuafions de l'esprit influent peu fur la conduite des Hommes.24.// ne peut y avoir d'Athées de conviction. 25. Différentes fortes d'Athées. 26. Les Athées de cœur font engrand nombre. 27. Foibleffe des efprits forts. 28. Sentimens fublimes des Payens fur la Divinité. 29. Les Payens reconnoiffoient un feul Dieu fuprême. 30. Preuve de la Divinité dans Platon. 31. Du confentement unanime des Hommes à reconnoître la Divini té.3 2.Preuve de la Divinité par DesCartes qui eft dans le fond un Paralogifme. 33. De la pensée de Pafchal du rifque de ne point croire. 34. Preuves de notre fainte Religion.

ON deffein n'eft pas dë donner ici un Traité de Métaphyfique, mais de retracer à l'efprit la propre hiftoire, dans les opinions qui concernent cette fcience. Je n'aurai pas la complaifance de le ménager, encore moins de le flater. La reprefentation de fes défordres, eft le motifle plus fort pour l'engager à fecoiier le joug tyrannique de l'Opinion, en fe foumettant à l'empire légitime de la raifon. Parmi les objets de la Religion, qui font du reffort de l'entendement, l'examen des ex

Ee

I.

Objet de la Métaphyfique.

exces de l'Idolatrie [a], & de quelques erreurs des Métaphyficiens, n'eft pas à négliger; l'efprity connoîtra de quoi il eft capable lorsqu'il s'abandonne à fes égaremens: & les illufions des fciences occultes auront l'avantage de lui infpirer une fage défiance,propre à corriger la crédulité.

1. L'objet de la Métaphyfique, cft la connoiffance des chofes purement intellectuelles, & qui ne tombent pas fous les fens. Les plus célébres Philofophes en ont fait leur principale étude. Le fentiment de Pline[bla été au contraire,que l'Homme n'est ni intéreflé dans ces récherches,ni capable de ces découvertes. 2. Cette partie de la Philofophie eft, phyfique malgré le fentiment de Pline,la plus ineft la partie térellante de toutes, puifqu'elle fe profophie la pofe de connoître la Divinité dont nous Pene dépendons, & l'ame qui eft la portion la plus noble de nous-mêmes.

2.

La Méta

de la Philo

plus inte

3.

humain par

Les ouvrages de Dieu, [c] qui nous élévent à la connoiffance de l'Etre fuprême, Créateur de l'Univers, font repréfentés par cette chaîne fatale d'Homére, qui partant du Ciel,& s'étendant jufqu'à la terre, exprime la correfpondance entre Dieu & les Hommes.

Difpofition Mais notre esprit eft rarement d'acde l'efprit cord avec lui-même il eft rempli naturapport à la rellement de l'ardeur la plus inquiéte vérité. pour la vérité,& il ferme les yeux le plus fouvent à fes rayons,comme à ceux d'un

[a] S. Aug, paffim de civitate Dei. [6] Mundi extera indagare, nec intereft nominis, nec capit humanæ conjectura mentis. Plin. lib. 2.4. 1.

[c] Cœli enarrant gloriam Dei, & opera manuum ejus annuntiat firmamentum. In Sole pofuit tabernaculum fuum. Pfalm. 18.

[4] Qui fcrutator eft majeftatis, opprimetur a gloria.

[e] Quafi quidquam fit infelicius homine, cui fua figmenta dominantur. Plin.

[f] S. Clem. Alex, in admonit, ad Gent.

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Soleil, que la foibleffe de fes regards ne peut foutenir: ou s'il prétend [a] fonder la Majefté Divine, fon éclat l'accable.

Alors, dans les ténébres où il s'eft plongé lui-même, féduit par des inclinations perverfes, & par un intérieur corrompu, il ne conçoit & ne produit que des erreurs proportionnées à une fource auffi déteftable.Il se rend auffitôt l'efclave de ces erreurs,& vérifie cette réflexion fi fenfée, [e]que la nature entiére ne renferme rien de fi foible & de fi miférable que l'Homme, qui s'af. fervit aux chiméres que lui-même a produites.

4.

Les ho

qu'il y

de plus

L'efprit & le cœur ont eu part à la naiffance de l'Idolatrie; de ces deux mes on fources empoifonnées l'une par l'autre, doré tout eft forti ce torrent d'impiétés, qui a plus vi inondé la terre. Les Nations les plus ce polies, n'ont pas été exemptes des égaremens les plus affreux. Les Lacédémoniens ont élevé des Autels à la mort & à la crainte;les Athéniens [f] ont con. facré des Temples à l'impudence, aux tempêtes,à la prostitution; les Romains [g]à la terreur, à la fièvre, à la mauvaife fortune.

Les Egyptiens [b], cette Nation si diftinguée par la fageffe, les fciences & les arts, prenoient pour objet de leur culte,les Choux & les Oignons de leurs Jardins. On a vû cette Nation adorer les Crocodiles, [i] les Ibis, les Singes.

[g] Alex.ab Alex. genial.dier,lib.1.c.13. Plin. lib. 2. c.7.

[b] Porrum & cæpe nefas violare &
frangere morfu:
Ofanctas gentes, quibus hæc nafcuntur
in hortis

Nomina: Juven. Jat. 15.
[i] Crocodilon adorat

Pars hæc, illa pavet faturam ferpentibus ibim,

Effigies facri hic nitet aurea cercopitheci Juven, ibid.

Quand le feu prenoit à leurs maifons, ils s'appliquoient moins à l'éteindre [k] qu'à fauver leurs Chats. N'ofant tou cher aux animaux facrés dans une famine [], ils mangeoient de la chair humaine, & en nourriffoient même ces animaux..

Un Soldat Romain [m] ayant tué un Chat par hazard & fans deffein dans une fête folemnelle, célébrée à l'occafron du titre de Roi & d'allié de la République donné à Ptolémée Auletés par le Sénat & le peuple Romain, ce Soldat fut mis en piéces, fans que la crainte du nom Romain ni les priéres du Roi puffent le fauver.

Les Mouches [n] ont été adorées, & il y avoit un Dieu [o] Pet.Cæfar, & Pline décrivent avec quelle Religion nos anciens Druides alloient cueillir le gland nouveau. Les Paleftins Amorrhéens adoroient les Moutons, qu'ils appelloient Efthérot, & qu'ils mangeoient pourtant.. En quoi s'e abufé Cicéron [p]qui a écrit, qu'aucune: Nation n'avoit pouffé la ftupidité au point de fe nourrir de ce qu'elle a déïfié. Les Syriens alloient chercher leurs Dieux parnri les poiffons [9], en l'honneur de Dercéto, mere de Sémiramis, parce que Dercéto, felon eux, avoit été moitié femme, & moitié poiffon.

Charron[] remarque, qu'il n'y a rien dans la nature, qui n'ait été déïfié. Xaca, Philofophe célébre parmi les Orientaux, a attribué la Divinité au néant même. Sous l'Empire du grand Mogol, la Vache eft l'objet de l'adoration publique.Les Samogitiens ont une

[k] Herodot. Euterp.,

[!] Diod. Sic lib. 1. Juft, lipf. exempl.& menit, politic.lib. 1. c.3.

[m] Fuft.lip/monit.& exempl.polit.lib. 1.c. 3. è Diod.Sic.lib.2.

[n] Beelzebuth eft dérivé de Baal-Zebub, Seigneur des mouches.

Le] Deus crepitus. Chevra ana,1,2,,

Vache d'Or, qui leur eft ce qu'étoit le Veau d'Or aux Ifraëlites Idolatres, & le Veau d'Or lui-même étoit une imitation du Dieu Apis des Egyptiens..

A Bengale, l'Eléphant blanc eft en poffeffion des honneurs de la Divinité; & certains Tartares adreffent leur culte à la prémiére bête qu'ils rencontrent dans la journée. Pigafetta raconte, que plufieurs Indiens Orientaux déïfient pour le refte de la journée, la prémiére chofe qu'ils trouvent en leur chemin. Marc Paul, & autres voïageurs témoignent la même abfurdité des peuples. de la grande Giava, & des noirs de la. côte de Guinée..

Un Temple de Calicut, dédié à un Singe [s], eft orné de fept cens Piliers de marbre.Rien n'eft plus célébre dans les Relations des Indes Orientales, qu'une dent deSinge,dont lesIdolâtres offrirent une prodigeufe quantité d'Or pour la racheter des Portugais;ce que l'Archévêque de Goa ne voulut pas permettre..

Quelques peuples d'Afrique [t] adorent encore aujourd'hui les Raves & les Oignons.Dans le Pégu [4],on croit que celui qui devient la Proïe d'un Crocodile,eft fanctifié. Dans le Congo,onadore les Serpens, les Chévres, les Tigres, les Oifeaux, & plufieurs Plantes. Les Habitans de l'Ile Formofa obfervent le: culte du Diable bien plus religieufement que celui de Dieu: car Dieu, difent-ils,qui eft bon de fa nature,ne peut nous faire aucun mal, au lieu qu'il eft de la derniére importance d'appaifer par des Sacrifices, le Diable qui eft porté à mal faire. Tant d'extravagances.

E e 2.

[p]: Nulla gens eft tam ftupida, quæ id quod vefcatur, Deum. effe putet. Cic. de nat. Deor.l.3..

[q] Diod. Sic. lib. 2.

[r] Charron, de la Sageffe..

[] Chevreau, Hift.du Monde,t:7 p.275. [t] Atl.Hiftoriq.t.6. Differt.fur l'Afrique.. [u]Cérémon.& cout. Rel.des Reuplidol t.4..

Nombre

dans l'an

me

méritent-elles l'indignation [x], ou la pitié? Jean Léon rapporte [y], qu'une Secte du Mahométifme foutient,qu'on ne peut errer dans aucune Religion, toutes aïant l'intention & la volonté d'a dorer ce qui le mérite le mieux. Cette Opinion, également abfurde & impie, compte pour rien d'offenfer la Majesté Divine par les plus indignes profana

tions.

Suivant la fupputation de Varron, des Dieux le nombre des Dieux paffoit trente milcienne Role:parmi lesquels il y avoit[z]trois cents Jupiters, & quarante trois Hercules, quoique Cicéron [a] n'en compte que fix.Rome[b]ajoutoit à fes Divinités,toutes celles des Nations vaincuës. Le nombre des Dieux étoit monté à un tel excés, que quelques Auteurs[c]ont dit,qu'il y en avoit plus que d'Hommes. Varron entre dans le détail des différents emplois des Divinités, en ce qui concerne P'homme depuis fa naissance jusqu'à fa mort. Il marque touts ceux à qui l'on doit avoir recours pour touts les befoins [x] O Proceres, Cenfore opuseft an Harufpice nobis ? Juven. fat.z.

[y] Jean Léon, de l'Afrique, liv.3. [z] M. l'Abbé Banier, explicat, hiftoriq. des fables, entret. 5.

[a] Cic. de nat. Deor.lib. 3. [6] Roma triumphantis quoties Dueis inclyta currum Plaufibus excepit,toties altaria Divùm Addidit, & fpoliis fibimet nova Numina fecit.Prudent.in Symmach 1.2. [] Quamobrem major Cœlitum populus etiam quàm hominum intelligi po teft. Plin.lib.2.c.7.

Utique regio noftra tam præfentibus ple. na eft Numinibus, ut faciliùs poffis Deum quàm hominem invenire. Petron. fragm.

[d] Denique & ipfe Varro commemorare & enumerare Deos cœpit à conceptione hominis, quorum numerum exorfus eft à Jano;eamque feriem perduxit, uf que ad decrepiti hominis mortem, & Deos ad ipfum hominem pertinentes claufit ad Næniam Deam, quæ in funeribus fenum cantatur. Deinde cœpit Deos alios often

de la vie,mais il n'en indique aucun, dit S. Auguftin [d],à qui les priéres doivent être adreffées pour obtenir la vie éternel-' le, qui eft le feul objet des Chrétiens.

Il y avoit des Divinités fupérieures, moïennes, & inférieures. Les douze Divinités appellées majeures étoient Jupiter [e], Junon, Minerve, Neptune, Apollon, Mars, Mercure, Vulcain,Cérés, Diane, Venus, & Vefta. D'autres Dieux étoient les Confeillers d'Etat [ƒ] de Jupiter. L'Evénement étoit [g]un de ces Dieux: on ne pouvoit affurément choifir un meilleur Confeiller, & plus néceffaire à toutes les délibérations.

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Il en eft, dit Montagne [b], de ces Dieux fi chétifs & populaires,,, qu'il en faut entaffer bien cinq ou fix, à produire un épy de blé, & en pren- „ nent leurs noms divers trois à une porte, celui de l'ais, celui du gond celui du feuil; quatre à un enfant, Protecteurs de fon maillot, de fon: boire, de fon manger, de fon teter. La Déeffe Segetia [] n'eut-elle pas dere, qui pertinerent non ad ipfum hominem,fed ad ea quæ funt hominis, ficuti eft vicus, veftitus, & quæcunque alia, quæ huic vitæ funt neceffaria. Oftendens in omnibus, quod fit cujufque munus, & propter quid cuique debeat fupplicari. In quâ univerfà diligentiâ, nullos demonftravit vel denominavit Deos,à quibus vitaæterna pofcenda fit, propter quam unam propriè nos Chriftiani fumus. S. Aug.de civit Dei, lib.6.c.9.

[e] Ennius a renfermé dans ces deux vers les noms des douze grandes Divinités : Juno, Vefta, Minerva, Ceres, Diana, Venus, Mars, Marcurius, Jovi, Neptunus, Vulca nus, Apollo. ff] Dii confentes.

[g] Sous le titre de bonus eventus: [b] Eff. de montaigne liv.2.ch 12.

[i] Cui non fufficere videretur illa Segetia, quamdiu feges ab initiis herbi dis ufque ad ariftas aridas proveniret ? non tamen fatis fuit hominibus Deorum multitudinem amantibus, ut ani

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