Page images
PDF
EPUB

changements dans la médecine. Sous le même empire de Claude florifoit Xénophon, originaire de l'ifle de Cos, & illu de l'ancienne famille des Afclépiades. L'empereur Claude [z], dont il étoit médecin, aprés avoir fait en plein Sénat l'éloge d'Efculape & de fes defcendants dont il cita les plus célébres, dit que le fçavoir & la naiffance de Xénophon méritoient, que les habitants de l'ifle de Cos fuffent en fa confidération exempts de touts impôts; ce qui leur fut accordé. On doit [a] placer fous ce régne Scribonius Largus, dont les ouvrages font venus jufqu'à nous. Cœlius [b] Aurelianus, dont nous avons auffi les ou vrages vivoit fous les prémiers empe. reurs, fans qu'on fçache précisément fous quel régne.

Theffalus de Lydie [c]affecta, fous le régne de Néron, de blamer [djavec beaucoup d'aigreur touts les médecins, qui l'avoient précédé. Il n'étoit pas du fentiment d'Hippocrate, qui dic [e] que l'art de la médecine eft long. H promettoit de l'enfeigner en fix mois, ce qui lui attiroit un grand nombre de difciples. Il prit le titre [f] de vainqueur des médecins qu'il fit graver fur fon tombeau: il avoit l'air d'un bateleur, lorfqu'il paroiffoit en public. Theffalus fit plufieurs changements dans les maximes d'Afclepiade & de

Thémifon.

[blocks in formation]

Andromachus médecin de Néron compofa la thériaque, dont on fe fert encore aujourd'hui, & qui eft une imitation de l'antidote de Mithridate, tel qu'il eft décrit par Celfe. La feule différence effentielle confiftant en l'addition des vipéres. Vers le même temps Critias de Marfeille rapporta toute la médecine à l'afrologie. Il gagna des richeffes immenfes : peu après Charmis de la même ville de Marfeille fit de grandes innovations dans tout ce qui avoit été pratiqué jufqu'alors; & au lieu des bains chaud [g Jqui étoient en usage, il mit fi fort à la mode les bains froids, qu'on voïoit dans le plus fort de l'hyver les vieillards Confulaires fortir du bain tout roides de froid.

Antoine Caftor fçavant botaniste a été contemporain de Pline l'ancien mais plus âgé. Il a fait honneur à la médecine par fa belle vieilleffe. Nous voïons, dit Pline [b], ce vieillard âgé de plus de cent ans, qui n'avoit aucune incommodité, qui avoit confervé toute fa mémoire, & qui cultivoit fon jardin des plantes, avec une vigueur qui n'étoit poin affoiblie par un âge fi avancé.

Quelques modernes ont foutenu qu'il n'y avoit que des efclaves qui exerçaffent la médecine à Rome dans le temps des prémiers empereurs, & même long-temps depuis. On rappor

Dd 2

[blocks in formation]

27. De Galien.

te un grand nombre de paffages pour appuier ce fentiment: toutes ces autorités prouvent qu'il y a eu des efclaves médecins, mais aucun des paffages cités, ne dit qu'il n'y eut pas de médecins d'une autre condition. C'eft une opinion, qui vient d'être folidement réfutée [i] par M. Vink.

Claude Galien, regardé aprés Hippocrate comme le fecond fondateur de la médecine, étoit de Pergame, ville de l'Afie mineure, fameufe à divers égards, & particuliérément par fon temple d'Efculape. Le prénom de Claude ne doit pas nous porter à croire que Galien ait été Chrétien. Il prit apparemment ce prénom, parcequ'il s'étoit mis fous la protection de la maifon Claudia; car il étoit d'ufage que les clients, ou les affranchis portaffent les noms de leurs patrons, ou de leurs anciens maîtres. Galien étoit né vers l'an 131. de l'ére Chrétienne, environ la 12. année du régne d'Adrien . Il étoit fils de Nicon célébre architecte de Pergame. Il s'attacha à l'étude de la médecine, dés l'âge de dix-fept ans, déterminé par un fonge de fon pére. Il floriffoit fous les régnes de Marc Au

[i] Danielis Vink amoenitates philologicomedica.

[k] Suid. in voce Taλrvos:
[1] Cal. Rhodig. lib.30.c.12.
[m] Petr. Caftellan. in Gaien.

[n] Languebam, fed tu comitatus
protinùs ad me

Venifti centum, Symmache, difcipulis.

Centum me tetigere manus Aquilone gelatæ ;

Non habui febrem, Symmache

[ocr errors]

nunc habeo. Martial.lib 5 epigr.9. [ο] Ερμογένην τὸν ἰατρὸν ἰδὼν Διόφαν

τὸς ἐν ὕπνοις,

Ουκέτ ̓ ἀνηγέρθη καὶ περίαμμα φέρων.. [p] Lotus nobifcum eft hilaris, cæ navit & idem

Inventus mane eft mortuus Andra

goras.

réle Antonin le philofophe, de Com mode fon fils, & de leurs fucceffeurs. Suidas donne à Galien 70. ans de vie ; Tzetzés le fait vivre un peu davantage;Cœlius Rhodiginus [7], & Caftellam[m]rapportent les opinions deceux, qui ont prolongé la vie de Galien jufqu'à cent quarante ans fans infirmités.

Les anciens médecins fe faifoient accompagner de leurs difciples, dans les vifites qu'ils rendoient aux malades . C'eft ce que Martial [] nous apprend dans une épigramme, où il fe plaint de ce que fon médecin lui a fait venir la fiévre,en lui faifant tâter le poulx par les cent mains glacées de fes difciples.

22.

Railleries

cine.

Il y a long-temps que la médecine eft expofée aux railleries. Lucile,dans de la méde une épigramme Grecque[0], dit qué Diophante,aïant vû en fonge le médecin Hermogéne, ne s'éveilla jamais,malgré la vertu d'un préfervatif qu'il portoit fur lui. On trouve dans Martial [p] une épigramme à peu prés femblable.

Le procés des médecins & des jurif confultes, à l'occafion du rang, fut jugé[9] fur les interrogatoires & réponfes des parties. Le juge leur demanda quelle étoit la coutume, en menant

Tàm fubitæ caufam mortis, Fauf-
tine, requiris ?

In fomnis medicum viderat Hermo

genem. Mart. lib 6.epig. 53. Aufone a traduit ainsi une épigramme Grecque du même poëte Lucile.

Alcon hefterno fignum Jovis attigit.
Ille

Quamvis marmoreus vim patitur
medici.

Ecce hodie juffus transferri ex æde

vetuftâ

Effertur: quamvis fit Deus, atque lapis.

La pensée roule fur l'équivoque du mor ef fertur, qui fignifie en même temps › être transporté d'un lieu à un autre, & étre porté en terre.

[q] Agripp. de vanit, fcientiar.c.82..

punis

23.

les condamnés au fupplice, & en quel ordre marchoient le larron & le bourreau. Eux répondant que le larron alloit devant, & que le bourreau fuivoit, le juge fonda là-deffus fa fentence, & dit : Que les légiftes donc précédent, & les médecins fuivent; faifant entendre les grands larcins des uns, & les téméraires homicides des autres. Socrate dit d'un peintre, qui s'étoit fait médecin,qu'il en avoit ufé finement, puifque fes fautes, qui avoient été expofées au grand jour,feroient à l'avenir couvertes par la terre.

C'est un beau privilége de cet art, d'être également récompenfé, quelque funefte que foit l'événement. On, Médecins a quelquefois dérogé à ce privilége. En Egypte, le traitement des malades, & l'événement des remédes, étoient au rifque & péril des malades jufqu'au troifiéme jour; mais fi le médecin con tinuoit de traiter le malade plus de trois jours, l'événement étoit imputé au médecin, & il en devenoit refponfable. Les médecins Egyptiens étoient obligés [r] de fe régler fur un livre qu'on appelloit facré, où étoient enrégiftrées toutes les maniéres de traiter les différentes maladies: en forte que s'ils s'en écartoient, & que le malade vînt à mourir, ils étoient condamnés à mort comme meurtriers. Alexandre, après la mort d'Héphæftion [], fit détruire le temple d'Efculape, & mourir en croix fon médecin Glaucias.

[r] Diod. Sic. lib. 1.

[s] Arrian. lib. 7. Q. Curt.lib. 1o. c.4. [] Gregor. Turon.hift. lib. 5. c. 35. [u] Hift. de Langued. t. 1. liv. 7.p.383.1 [x] Imperitia medici culpæ adnumeratur Inftit. lib. 4. tit. 3.

[y] Si ex eo medicamine quod ad falutem hominis vel ad remedium datum erat, homo perierit, is qui dede

Gontrand roi d'Orleans [+] fit couper la tête à deux médecins, à cause de la mort de fa femme la reine Auftrigilde, fuivant le ferment qu'il avoit fait à la défunte de venger fa mort.

Parmi les Vifigoths, les médecins convenoient d'une fomme pour la gue rifon d'un malade [], & file malade mouroit, le médecin n'étoit pas païé, S'il eftropioit quelqu'un en le faignant, il païoit une amende. Si le malade mouroit auffi-tôt après la faignée, la médecin étoit livré aux parents du mort, pour le punir à leur gré, lorfque le défunt étoit une perfonne libre: file malade, qui étoit mort auffi tôt aprés la faignée,étoit un ferf, le médecin en étoit quitte pour donner un autre ferfà la place.

Dans le droit Romain [x], l'ignorance étoit imputée au médecin par la loi Aquilia; & Cujas,dans fon commentaire fur le jurifconfulte Paul, marque expreffément [y] que fi celui, qui avoit fait mourir un homme par un remède, étoit d'une condition honnête, il étoit exilé ; & que fi c'étoit une perfonne vile, il étoit puni de mort. Achevons l'hiftoire des médecins.

Les deux médecins du nom de Serenus Sammonicus, qui ont été le pére & le fils[z], ont été confondus par plufieurs auteurs. Le pére florifoit [a] du temps de l'empereur Sévére, & fut tué par Caracalla [b], étant à table avec ce prince. Il laiffa à fon fils une excelDd 3

[merged small][ocr errors]

lente bibliothèque, compofée de foixante-deux mille volumes, que Serenus Sammonicus le fils légua par fon teftament à l'empereur Gordien le jeune [c], dont il avoit été précepteur. Nous avons un poëme en vers héroïques fur la médecine [d], qui porte le nom de Q. Serenus Sammonicus. Il eft écrit d'un ftyle rampant. On doute s'il eft du pére ou du fils.

Il y eut des médecins établis à Rome & à Conftantinople, par les empereurs[e], pour fervir gratuitement les pauvres. Le quatriéme fiécle a fourni encore des médecins célébres, Oribafe, Aëtius, Alexandre Trallien, Paul Eginéte. Oribafe fut favori de l'empereur Julien l'apoftat. Il tomba dans la difgrace des empereurs qui fuccéderent à Julien, & il fut relégué dans des païs fauvages. Il foutint avec beaucoup de courage ce revers de fortune. Eunapius a fait fon éloge. Nous ne connoiffons Aëtius que par fes ouvrages [f]. Il a compofé un abrégé de Galien, & plufieurs autres livres de médecine. Les ouvrages d'Alexandre Trallien ont été mis au jour par Pierre Caftellan évêque de Macon, qui les tira de la bibliothèque du roi pour les donner au public. Paul Eginéte [g] a reduit en abrégés les ouvrages d'Hipocrate, de Galien, & d'Oribafe.

Peu de temps après, la médecine fut envelopée de ces ténébres générales, qui obfcurcirent toutes les fciences:

[c] Jul. Capitol, in Gordian. c. 18. [d] 2 Sereni Sammonici de medicina pracepta faluberrima.

[e] Gothofred.not.in Cod. Theod.lib 6.tit. 16. de Comitibus & Archiatris. Ces médecins font nommés Archiatri populares.

[f] Petr.Caftellan.in Aëtio.

18] Petr. Caftellan.in Paul Eginet,

[ocr errors]

non que l'on doive croire que dans les fiécles les plus groffiers, il n'y ait pas eu des hommes, qui fe foient don nés pour médecins, l'hiftoire même nous apprend qu'il y en a eu; mais ils font fi obfcurs, qu'il ne nous en eft rien refté, qui mérite d'entrer dans l'hiftoire de la médicine.

Arabes.

Les Arabes ont reffufcité la méde- 24. La médici cine, & ont cu la réputation d'y ex- ne refifci celler. Les plus anciens médecins par- tée par le mi eux, ont été Ifac Ifraëlite, fils adoptif de Salomon roi d'Arabie, qui vivoit dans le feptiéme fiécle; Sérapion qui a fleuri dans le huitieme, & Avenzoar que les uns ont placé dans le neuviéme fiécle, & les autres dans l'onziéme. Ce médecin, Arabe d'origine, étoit né à Seville. On lui a donné cent trente-cinq ans de vie [b] fans aucune incommodité.

Les autres médecins Arabes qui font venus enfuite, font Rhasis, qui a vécu dans le dixiéme fiécle; Avicenne[] roi de Cordoue dans l'onziéme [k], Rabbi Moyfe, dans le douzième; Méfué, de la race roïale des fouverains de Damas, qui a auffi vécu dans le douzićme fiécle, & plufieurs autres.

[blocks in formation]

Nous ne devons pas oublier l'honneur,que quelques papes médecins ont decins. fait à cet art. S. Eufébe pape fils d'un médecin a été médecin lui-même: Jean XXII.grand fectateur de la doctrine des Arabes, avoit été médecin de la faculté de Montpellier; il a compofé plufieurs livres de médecine [1], & entr'autres

[b] M Freind. hift. de la médec. depuis Gal. traduct, de l'Anglois, p. 157. Petr. Caftellan, in Avenzoar :

[i] Avicenne étoit fils d'un Chinois, fon nomen Arabe fignifie fils d'un Chinois Perroniana, art. Avicenne.

[k] Tiraquell. de nobilit. c. 31.
[1] Daniel Vink, amanit. §. 3. c.41

25.

De l'écho

[ocr errors]

celui qui eft intitulé: Le thréfor des pauvres. Paul II. après avoir été éle vé au pontificat [m], alloit voir luimême les malades, & leur diftribuoir les remédes qu'il avoit ordonnés. Nicolas cinquiéme eft auffi mis au nombre des médecins par le fçavant Tira queau [n], qui joint à ces quatre fouverains pontifes, la lifte de plufieurs faints canonifés, de plufieurs empereurs Romains,& de plufieurs rois, qui ont été médecins.

L'échole de médecine de Salerne fut de Saler- fondée par Charlemagne, l'an 802. Dans le commencement du douzième fiécle, cette échole compila l'ouvrage qui porte fon nom, & qui a été depuis commenté par Arnauld de Villeneuve. Ileft dédié à Rombert duc de Normandie, fils de Guillaume le conquérant. Cet ouvrage eft compofé en eft composé en vers Léonins, forte de poëfie fort eftimée dans ce temps-là. C'est ce Ro. bert duc de Normandie, à qui les médecins déclarérent qu'une bleffure qu'il avoit reçûë d'une fléche empoifonnée, étoit incurable, à moins qu'il ne la fitfucer [o]. Ce bon prince ne voulant point emploier un reméde, qui mettroit en grand danger de mourir celui qui s'y expoferoit, Sibylle fa femme prit le temps de fon fommeil, fuça cette plaïe empoifonnée, & perdit la vie, en la fauvant à fon cpoux.

28.

De fierce

[merged small][ocr errors][merged small][merged small][merged small]

Arnauld de Villeneuve célébre médecin, & chimiste né en 1300. fut D'Arnauld en grande faveur [9], auprés de Fré neuve, deric roi de Sicile, & il fut médecin du pape Clément V. Pierre Caftellan dans l'abrégé de fa vie donne la lifte de fes ouvrages.

eurs méde

dernes.

Depuis le renouvellement des feien ces, plufieurs médecins ont fait honneur à leurs fiécles par leur profond fçavoir. Ouremarque parmi eux, Jé- 30. rôme Savonarole, Marfile Ficin, An- De plufidré Vefalius, & Gabriel Fallope célé- cins mobre par la fcience de l'anatomie, Jérôme Fracaftor, Jérôme Cardan, Jérôme Mercurialis, Jean Argenterlus grand novateur & chimifte, Goropius Becanus, qui a mérité de porter le titre de Varron de fon fiècle, Adam Fumée prémier médecin de Charles VII. & de Louis XI, maître des requêtes en 1474. & garde des fceaux en 1494. les trois Mirons, dont le prémier aïant été appellé pour être prémier médecin des Charles VIII. mourat en chemin, le fecond fut prémier médecin de la reine Anne de Bretagne,

&&

Pierre d'Apon natif de Padoue [p], 'A ̧on. a été célébre dans la philofophie, & dans la médecine. Il fut profeffeur à Boulogne, il faifoit païer fort cher fes

ce,

de Claude de France reine de Franfemme de François I. & le troifiéme qui fut prémier médecin de Charles IX. Les deux Riolans célébres par les ouvrages de médecine qu'ils ont compofés; & les deux de Lorme, qui ont fçu prolonger leurs propres jours,

[m] Platin.in Paul. II. [n] Tiraquell. de nobilit. c. 31. [o] M. Freind. hift. de la médec, depuis Galien.

[p] Petr.Caftellan in Petr. Apono. V. le c. de la magie, t. 2. liv. 3. p. 379.

[q] Petr.Caftell.in Arnaldo Villanovanos V. le c. de la chimie, t. 3. liv. 4. p. 536.

« PreviousContinue »