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16,

cements de

piriques de la même maniére [d]: & en effet, ni la molleffe,ou la dureté, ni l'extenfion, ou la contraction, ni la couleur, ni la chaleur, ni le mouvement ne font les mêmes dans un homme. mourant, ou déja mort que l'on difféque; & toute l'inhumanité de l'anatomifte peut le conduire plûtôt à des erreurs qu'à de véritables connoissances.

Hippocrate a reconnu lui-même qu'il s'étoit trompé, en fondant une plaie a la tête, aïant pris les jointures du crane, pour une fracture de l'os. Celfe [e], & Quintilien [f]le louent de cette fincérité. Galien [g] ne fait aucune difficulté d'avouer que la ftructure du corps furpaffe l'intelligence humaine. Si vous voulez, dit-il, pénétrer dans la connoiffance du corps humain, vous donnez une marque bien fenfible de l'ignorance où vous êtes de votre propre foibleffe, & de la puiffance de l'ouvrier divin.

Non feulement la fcience de la médeCommen- cine paffa de fa Gréce à Rome, mais cetJa médecine te profeffion y fut refervée pendant long-temps aux feuls médecins Grecs. Pline [b] nous apprend que la médecine éroit le feul des arts de la Gréce,que la

à Rome.

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[d] Corpora noftra non novimus qui fint fitus partium, quam vim quæque pars habeat, ignoramus: itaque medici ipfi, quorum intererat ea noffe, aperuerunt, ut viderentur, nec eo tamen aïunt Empirici notiora eflè illa, quia fieri poffit, ut patefacta & detecta mutentur. Cic. acad. quaft. lib 4.

[] De futuris fe deceptum effe Hippocrates memoriæ prodidit, more magnorum virorum & fiduciam magnarum rerum habentium. Nam levia in genia quia nihil habent, nihil fibi detrahunt: magno ingenio multaque nihilominus habituro convenit etiam veri erroris fimplex confeffio, præcipueque in eo minifterio, quod utilitatis causâ pofteris traditur, Celf, lib, 8. c. 4.

gravité Romaine n'eut point encore exercé,nonobftant le grand profit qu'on y faifoit. Que le petit nombre des Romains [i], qui s'étoient appliqués à la médecine, avoient d'abord paffé chez les Grecs, c'eft à dire, avoient écrit en Grec, s'étant apperçus que ceux qui traitoient la médecine autrement qu'à la Grecque, n'étoient pas à beaucoup prés autant eftimés que les autres, le peuple aïant moins de foi aux confeils qu'on lui donne pour fa fanté, lorsqu'il les entend. Pline fait mention [k] de trois auteurs, qui ont traité de la médecine, parmi les Romains: Marc Ca. ton, dit-il, ena écrit peu de chofes, & il n'a pas négligé la maniére de traiter les bœufs. C. Valgius avoit dédié à Augufte un ouvrage, qui eft resté imparfait, & avant lui, Pompeïus Lenæus, affranchi de Pompée le grand, avoit compofé des livres de médecine dans le temps, que cette fcience commença à fleurir à Rome.

Caffius Hemina a écrit qu'Archagatus, fils de Lyfanias du Péloponéfe, fut le prémier médecin, qui vint à Rome, fous le Confulat de L. Æmylius & de M. Livius, l'an 5 3 5. de la

[f] Nam & Hippocrates clarus arte medicinæ videtur honeftiffimè feciffe, qui quofdam errores fuos, ne posteri errarent, confeffus eft. Quintil. inftit. lib. 3. c. 6.

[] Galen. de ufu partium.lib.15.c.1.

[b]Solam hanc artium Græcarum non. dum exercet Romana gravitas in tanto fructu. Plin. lib.29 e. 1.

[] Pauciffimi Quiritium attigere, & ipfi ftatim ad Græcos transfuge, imò verò autoritas aliter quàm Græce eam tractantibus, etiam apud imperitos expertefque linguæ non eft: ac minus cre dunt quæ ad falutem fuam pertinent, intelligunt. Plin. lib. 29. c. T. [k] Plin. lib. 25. c. 2.

f

fondation de Rome, ajoutant qu'on lui avoit donné le droit de bourgeoisie, & que le public lui avoit acheté à fes dé pens, un logement dans le carrefour d'Acilius; qu'au commencement on lui avoit donné le furnom de médecin des bleffures, & que fon arrivée fut trés-agréable aux Romains; mais que peu de temps après, la pratique de couper & de brûler dont il fe fervoit, aïant paru cruelle, on changea fon prémier nom en celui de bourreau, & l'on prit dés lors une grande averfion, pour la médecine & les médecins.

Pline rapporte [] une lettre de Caton l'ancien à fon fils,écrite environ 70. ans aprés Archagatus. Cette lettre por, te: Soïez affuré, comme fi un devin vous l'avoit dit, qu'auffitôt que la na tion Grecque nous aura communiqué fes arts,elle nous apportera une corruption générale, qui s'introduira encore plus aifément,fi cette nation nous envoie fes médecins. Ils ont juré entr'eux d'exterminer les Barbares par le moïen de leur médecine;& encore exigent-ils un falaire pour cela de ceux qu'ils traitent, afin d'attirer mieux leur confiance, & de les faire périr plus furement.

Pline [m]remarque ailleurs que Caton faifoit un grand ufage des choux,

[1] Plin. lib. 29. c. 1. [m] Plin.lib. 20. c. 9.

[n] Cato tradit populum Romanum fexcentis ferè annis medicinâ brafficæ ufum. Plin. Valerian. paraph, in Plin. lib. 20. c. 9. Harduin. not. in Plin. loc. citat.

[e] Den. d'Halic. liv. 10.

[p] Agripp. de vanit, scientiar. c.83; [q] Ell. de Montag, liv. 2.c.3.6. [r] Galen.de fimplic, medicamentor.facult. lib. 10. de compofit. medicamentor.per genes ra.lib. 1. c. 13. de antidot.lib. 1. c. 1.

[s] Aul. Gell.lib. 17.c.17. Appian. de bell. Mithridatic. Plutarq. de la différence de l'ami & du flateur.

& [n] que dans leur ufage confifta toute la médecine des Romains pendant fix cents ans.

Si l'on s'en rapporte à Denys d'Halicarnaffe, la médecine a été beaucoup plus ancienne à Rome : car on lit dans cet auteur [o] qu'une furieuse pefte s'étant allumée à Rome, en la 82. Olympiade, elle emporta presque touts les efclaves, & la moitié des citoïens: & que les médecins ne pouvoient fuffire au nombre des malades.

Agrippa [p], & Montagne [ 9 ]ont avancé fans fondement, que les médecins furent chaffés de Rome, du temps de Caton l'ancien.

17.

De Mithri

Attalus roi de Pergame, & Mithridate roi de Pont effaïoient des contrepoifons, fur des criminels [r] condamnés à mort. Attalus travailloit aussi à la compofition des médicaments. Mithridate roi de Pont fut trés-fçavant date roi de [s], & fur-tout en médecine. Ce roi Pont. n'eft guéres moins connu par l'anti dote qui porte fon nom, que par les longues guerres, qu'il foutint contre la république Romaine, quoiqu'il fe trouve des auteurs, qui ont prétendu [] que ce préfervatif étoit fort fim. ple,& différent du contrepoifon qui porte aujourd'hui le nom de Mithri

thridatica fertur

Confociata modis; fed Magnus fcrinia regis

Cum raperet victor, vilem deprehendit in illis. Synthefin, & vulgata fatis medicamina rifit.

Bis denum rutæ folium, & falis breve granum Juglandefque duas, totidem cum corpore ficus

Hæc oriente die, pauco confper. fa lyæo

Sumebat metuens dederat quæ pocala mater.

[] Antidotus verò multis Mi- Q. Serenus Sammonicus.

18. D'Afclépiade.

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Mais Pompée trouva plufieurs livres écrits en diverfes langues, qui contenoient les plus rares fecrets de la médecine,& que Mithridate avoit recueillis de toute part. Pompée chargea Leræus son affranchi, de les traduire en latin; & Pline[] dit que cette victoire fut non feulement avantageufe à la république, par l'aggrandiflement de fes états, mais par l'utilité que les Romains en tirérent pour leur fanté.

Dans le même temps, floriffoit Af clépiade originaire de Bithynie. Nous avons obfervé que les defcendants d'Ef culape s'appelloient Afclepiades. Ils portoient ce nom, comme iffus d'Afclépius, qui eft le nom Grec d'Efculape. Afclepiade, originaire de Bithynie, n'eut rien de commun avec cette famille, que fa profeffion & fon nom. Il vint s'établir à Rome, il promettoit de guérir [a]furement, promptement, & agréablement: C'est ce qui feroit à fouhaiter, dit Celfe [y], mais il y a ordinairement du danger à vouloir guérir trop vîte, & à ne fe fervir que de remédes agréables. Afclepiade rejet toit toute la doctrine d'Hippocrate,

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qu'il appelloit [z] une méditation de mort. Il fe faifoit un principe d'accommoder fes ordonnances aux défirs de fes malades: il profita de l'exemple d'Archagatus, qui s'étoit rendu odieux environ cent ans auparavant,par une méthode rigoureufe. Il fuivit une route entiérement oppofée[a]. Il n'ordonnoit que des chofes faciles & communes, comme la diéte, l'abftinence du vin, le frottemement du corps, l'exercice: il miten ufage la boiffon rafraichie, & fe faifoit honneur d'un titre, qui fignifie [b] le médecin de la fraicheur. Il in venta des lits fuspendus, où il faifoit bercer les malades [c], pour les exciter au fommeil. Il faifoit auffi fufpendre les bains, pour les rendre plus falutaires & plus agréables par le mou vement. Il évitoit foigneufement les remédes, pour lefquels la nature a quelque averfion; & au lieu que le commun des médecins traitoit la nature, avec la févérité d'un écuïer, qui châtic un cheval qui bronche, Afciépiade, en la flattant continuellement, l'invitoit à reprendre fon cours.

Aïant un jour rencontré un convoi [d], il découvrit que le corps, que l'on portoit au bucher, avoit un refte de vie, & il parut reffusciter plutôt un mort, que guérir un malade. Une médecine fi douce enleva touts les fuffrages: Afclepiade fut regardé comme un homme envoié par les dieux. Il confentoit, difoit-il, à paffer pour un ignorant [e]; s'il devenoit jamais malade.

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ne medicus crederetur, fi unquam invalidus fuiffet ipfe; victor & ¡in fupremâ fenectâ, lapfu fcalarum exanimatus eft. Plin. lib.7.c.37.

[f] Suid, in voce A'oxiding. [g] Il en fera parlé dans le chapitre des Naturaliftes.

[b] Alia eft Hippocratis fecta, alia Afclepiadis, alia Themifonis. Sen. epift. 95. Plin.lib. 29. c. 1. Celf. in proœm.

[i] Nous aurons occafion de parler plus amplement de ces fectes dans le chap. de la médecine ancienne & nouvelle.

[k] Thémifon de Laodicée auteur de la fette Méthodique eft beaucoup plus ancien que le temps de l'empereur Domitien du poëte Juvenal. Ainfi le vers fatirique de Juvenal qui parle de Themifon, doit s'entendre de quelque fectateur de Thémifon, ou d'un autre médecin de même nom.

Promptiùs expediam quot amaverit
Hippia machos,
Quot Themifon ægros autumno oc-
ciderituno. Juven, Sat, 10.

toutes celles des médecins qui l'avoient précédé. On dit que Thémifon [7] aiant été morlu par un chienenragé eut la rage, & qu'il en guérit. La fecte méthodique fut proprement une troifiéme branche de la dogmatique: on diftinguoit de touts ceux-là les [m] Empiriques, qui n'ajoutant aucune foi aux raifonnements de la doctrine dogmatique, fe fondoient uniquement fur l'expérience.

Celfe [] fait Serapion d'Alexandrie le chef de la médecine Empirique: Galien [o] en rapporte l'inftitution à Philinus de Cos., difciple d'Hérophile: Pline, & les Empiriques eux-mêmes remontant plus haut, ont regardé Acron d'Agrigente [p] plus ancien qu'Hippocrate, comme le fondateur de cette fećte. Outre ces fectes des Dogmatiques, des Méthodiques, & des Empiriques, il y avoit parmi les médecins, comme parmi les philofophes, une fecte d'Eclectiques, qui ne s'attachant à aucune fecte en particu

Dd

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20.

Dc Celfe.

lier, prenoient dans toutes ce qu'ils jugeoient de meilleur.

Arctorius médecin d'Augufte lui fauva la vie, le jour de la bataille de Philippes, non pas à la vérité par fes remédes [9], mais par l'avis qu'il lui donna, en conféquence d'un fonge, de fe faire porter fur le champ de bataille, tout malade qu'il étoit, & de , & de ne pas refter dans fon camp. L'aile de l'armée, qu'Augufte commandoit, aiant été battue, fon camp fut pris, & il eût infailliblement été tué s'il y fût demeuré.

La guérifon d'Augufte par Antoine Mufa [r] fit accorder à touts les mé. decins la qualité de chevaliers Romains, & le privilége de porter l'an neau d'or: & le Sénat fit èlever à Mufa [June ftatue d'airain qui fut placée à côté de celle d'Efculape.

Cornelius Celfus, qui a écrit huit livres de médecine, & qui a été nommé l'Hippocrate d'Italie, vivoit fous l'empire de Tibére. Il est beaucoup plus ancien,que Celfe l'ennemi de la religion Chrétienne, contre lequel Origéne a écrit. Tibére étoit fort incrédule[] fur l'article de la médecine, & il avoit coutume de railler ceux [u] qui aïant paffé 30. ans, étoient obligés de demander confeil fur les chofes convenables ou nuifibles à leur fanté C'étoit auffi le fentiment de Démocrite, qui dit à Hippocrate [], que touts les hommes devoient fçavoir la médecine, c'eft-à-dire , que

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chacun devoit être fon médecin à foi même.

C'eft ne guéres connoître les hommes, que de les croire capables en général des réflexions, aufquelles ils ont l'intérêt le plus fenfible. Les prédicateurs leur reprochent d'être fort indif férents fur les chofes de l'autre vie, & d'être fort occupés des chofes de ce monde. Le reproche fur l'indifférence de l'autre vic eft trés-bien fondé mais le plus grand nombre des hommes n'eft guéres moins indolent, fur les intérêts de ce monde. A moins qu'un objet préfent ne les frappe, la pareffe naturelle de l'efprit fait oublier, & negliger tout ce qui leur eft le plus important. Les hommes n'ont rien de plus précieux que la fanté: combien y en a-t-il, qui s'appliquent à connoître leurs tempéraments, pour éviter ce qui leur eft nuifible? Ils font plus de cas des richeffes qu'ils ne devroient, & cependant il y en a bien peu qui s'inftruifent affez des loix, pour fçavoir régir & défendre leurs biens.Cette nonchalance eft peutêtre un avantage, car les demi-fçavants font plus capables de fe nuire par leur opiniâtreté, que de tirer du profit de leurs connoiffances.

Vectius Valens, médecin fous l'empire de Claude, cut beaucoup de part aux intrigues de cette cour fort orageufe; & ce qu'on en fçait de plus particulier, c'eft qu'il fut aimé de l'impératrice Meffaline, & qu'il te prévalut de fon crédit [y], pour faire des

[ * ] Χρὴ πάντας ανθρώπες ἰατρικὴν τέχνην ialçada. Petr. Caftellan de vitis illuftr. medicor. in Democr.

[y] Vectius Valens adulterio Meffalinæ Claudii Cæfaris nobilitatus, pariterque eloquentiæ affectator. Is eam potentiam nactus, novam inftituit fectam. Plin. lib. 29. c. 1,

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