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eft un abrégé de fa phyfique, dans la feconde il traite des météores, la troifiéme contient les principales maximes de fa morale. Il faifoit peu de cas de la rhétorique, & il méprifoit la dialectique, à la place de laquelle il recommandoit l'ordre, & la netteté,travaillant lui même à fe rendre intelligible, avec autant de foin que plufieurs autres philofophes en avoient eu de fe rendre obfcurs. Il donnoit à la pénétration de l'efprit la préférence fur toutes les autres qualités de l'entende

ment.

Le fage, fuivant Epicure, commande à fes paffions, il eft jufte, fincére, reconnoiffant, modéré, & fi constant, qu'il ne fe dément pas [] même en fonge. Il eft capable de s'expofer à la mort pour les amis, & à plus forte raifon pour la patrie. Epicure faifoit l'éloge de la frugalité, comme de l'affaifonnement exquis des chofes les plus fimples & les plus communes, qui entretient la fanté & la vigueur, & qui maintient l'homme dans la difpofition la plus avantageufe pour toutes les opérations de l'efprit & du corps. Il mettoit le fouverain bien dans la volupté, mais non pas dans la débauche ou dans la volupté des fens ; il entendoit par la volupté; le plus doux ufage de la raifon & de l'efprit, la fatisfaction intérieure d'une bonne confcience, la tranquillité d'une ame

exemte de trouble & de crainte, enfin [n] une volupté qui ne peut être que le fruit de la vertu.

Il avoit pour maxime que tout eft commun entre amis; mais il ne vou lut pas aftreindre fes difciples, à l'exemple des Pythagoriciens, à mettre leurs biens dans un dépôt commun, regardant cette obligation comme un effet de la défiance. Il rejettoit également l'empire du deftin & du hazard; il faifoit confifter l'un & l'autre dans le concours fortuit des atomes, & il exhortoit les hommes à fe conduire par les régles de la prudence. Il avoit tiré le fyftéme des atomes de la philofophie de Leucippe & de Démocrite.Il y ajoûtoit un mouvement de déclinaifon d'une partie des atomes, tandis que les autres fe mouvoient en ligne directe; afin de pouvoir expliquer leur accrochement & leur liaison, fur la quelle il fondoit la formation de l'univers. Cicéron fe mocque [o] de ces différents mouvements introduits dans les atomes, fans une caufe prémiére qui leur imprime ces mouvements.

Epicure enfeignoit que Dieu eft un être immortel, fouverainement parfait & heureux : il admettoit auffi des divinités inférieures; il difoit que l'im pie n'eft pas celui qui rejette la multitude des dieux, mais celui qui attribuë aux dieux des chofes indignes de la divinité. Il fuppofoit dans Dieu & dans

les.

[m] Diog. Laert. in Epicur.

[2] Negat Epicurus jucunde vivi poffe, nifi cum virtute vivatur. Cic.Tufcul.quaft. lib. 3.

Clamat Epicurus, is quem vos nimis voluptatibus effe deditum dicitis, non poffe jucundè vivi, nifi fapienter,honefte, jufteque vivatur, nec fapienter, honestè,

juftè, nifi jucundè: neque enim civitas in feditione beata effe poteft, nec in difcordia dominorum, domus: q10 minus animus à fe diffidens, fecumque difcordans guftare ullam partem liquida voluptatis ac liberæ poteft. Cic.de finib.bo nor. & malor. lib. v.

[o] Cic. de finih, bonor, dy malor, lib, 19

les divinités inférieures [p] une égale indifférence pour tout ce qui fe paf fe parmi les hommes, aiant pouffé l'aveuglement jufqu'à nier la providence.

Il donnoit une entiére croïance, & rapportoit toute régle de juger, au té moignage des fens, foutenant même [q]que le foleil, & la lune n'étoient pas plus grands, qu'ils paroiffent à nos yeux. Il difoit que le foleil s'allume touts les matins de nouveaux feux, & s'éteint touts les foirs dans les eaux

de l'Océan i pofoit pour principe que le foleil, la lune, les étoiles, les planétes, la terre, la mer, enfin touts les corps céleftes & terreftres avoient été produits par le mouvement & l'acrochement des atomes, dont ils font partie. Il a foutenu le vuide, & que fans le vuide il ne pour roit y avoir de mouvement; que l'u nivers étoit infini, fans quoi il ne pour roit éviter de fe diffoudre dans les cfpaces, par lefquels il feroit termi

Tom. 1.

né; que les atomes étoient immubles, éternels, indivifibles; que leurs différentes pofitions faifoient les couleurs; que l'atome de lui-même n'avoit aucune couleur, & étoit imper ceptible aux fens; que l'ame étoit matérielle, fans quoi elle ne pourroit avoir ni action ni fentiment.

Il joignoit quelquefois à la phyfique des explications empruntées de la géométrie, comme lorfqu'il difoit que la glace eft formée par le brifement des parties, qui compofent l'eau, & par l'accrochement des triangles aigus & fcalénes. Epicure mourut a l'âge de 72. ans, la 2. année de la 127. Olympiade, 270. ans avant Jésus-Chrift. Sa mort fut caufée par les douleurs les plus vives d'une rétention d'urine, au milieu defquelles, il fe difoit heureux par le fouvenir de fa vie paffée [r], tenant à fes difciples des propos dignes d'admiration, au jugement même,[s] de Sénéque ennemi, comme Stoïcien,

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Quidquid id eft, nihilo fertur majore figurâ

Quàm noftris oculis, cùm cernimus, effe videmus.

Lucret. lib. 5.

[r] Epicurus Hermacho falutem: cùm ageremus vitæ beatum eumdemque fupremum diem, fcribebamus hæc. Tanti autem morbi aderant veficæ & vifcerum, ut nihil ad eorum magnitudinem poffet accedere. Compenfabatur tamen cum his omnibus animi ætitia quam capiebam memoriâ rationum inventorunique noftrorum. Sed tu ut dignum eft tuâ erga me & erga philofophiam voluntate ab adolefcentiâ fufcep tâ, fac ut Metrodori tueare liberos. Cic. de finib. bonor. malor. lib. 2. Tufcul. quest. lib. 5.

[s] Sen. epift. 14.79. & passim.

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eft reconnu pour chef de la fecte Eclectique, qu'il a plûtôt formée par fon exemple que par les préceptes, puifque ce n'eft pas, à proprement parler, une fecte nouvelle, mais un compofé de toutes les autres. Elle ne s'attache à aucun maître, & choifit dans toutes les autres fectes les opinions les mieux prouvées,ou au moins les plus vraisemblables. Diogéne de Laerce témoigne que la fecte Eclectique étoit récente de fon temps [b], il y a cependant cent foixante & dix-neuf ans depuis la mort d'Augufte, fous lequel Potamon a vécu jufqu'à l'empereur Sévére, fous lequel on place communément Diogéne de Laërce.

On peut affurer que la Philofophie Eclectique eft la meilleure de toutes, car chaque fecte a atteint par quelqu'endroit à la vérité, & il n'y en a aucune qui n'ait avancé des erreurs. Origéne [c Javoit coutume de parcourir les fectes des philofophes, & de choisir entre leurs différents fentiments. Il fuivoit en cela la méthode de faint Clément d'Aléxandrie [d] fon maître, qui jugeoit que la feule fecte qui méritoit le nom de philofophie étoit celle, non qui reclame Platon

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2.

pour fon auteur, ou Ariftote, ou Zé non, ou Epicure, mais celle qui prend dans chacune de ces fectes ce qu'il y a de meilleur. Lactance [e] déclare qu'il eft de l'avis de ceux, qui ramaffant de côté & d'autre la vérité répanduë parmi les différents philofophes, la rédigent en un feul fyftéme.

L'efprit de la fecte Eclectique a commencé long-temps avant Potamon, & il eft prefque auffi ancien que la philofophie elle-même. Platon difoit: Aimons Socrate, mais aimons encore davantage la vérité: maxime dont Ariftote fe fervit contre fon maître.Platon dit dans le Criton [f], qu'il ne fuit Ec etique point d'autre autorité que celle de la ate celle raifon. Ariftote déclare la vérité [g] grands phi. préférable à toutes les autorités. Plapaes ton [b] & Cicéron [i] avoient pour principe qu'il ne faut pas confidérer, par qui une opinion a été foûtenue, mais fur quelles raifons elle eft appuïće.

La fette

des plas

Platon avoit tiré de Pythagore la maniére d'appliquer la vertu des nombres & les démonftrations géométriques aux chofes naturelles. Il avoit emprunté d'Héraclite, une partie de fa phyfique; d'Epicharme, la doctrine

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des idées; de Socrate, fa morale, fa politique & fon [k]œconomique : & il avoit pris des Egyptiens, la méthode d'expliquer fes opinions,par des fictions & des allégories.

Quoique Cicéron fe donne pour académicien, il choifit cependant dans les écholes des autres philofophes, & s'approprie tout ce qui eft à fon goût. Il fuit quelquefois les Stoïciens, & quelquefois les fentiments particuliers. Horace [1] n'eft pas fi fidéle à Ariftippe & à Epicure, qu'il ne devienne [m] de temps en temps Péripatéticien & Stoicien, fans fe lier à aucune fecte. Sénéque a quelquefois abandonné la doctrine du Portique, & il déclare [n] que fi quelqu'un s'attache tellement aux opinions d'un autre, qu'il ne s'en départe jamais, il montre plûtôt en cela le fentiment d'un homme factieux, que d'une perfonne raifonnable. Il témoigne [] ouvertement qu'il ne fuit aucun maître, & qu'il ne veut porter le nom d'aucune fecte; qu'il n'eft point efclave de ceux qui l'ont devancé, mais qu'il leur prête fon confentement, en fe réfervant la liberté de le retirer, quand il le juge à propos. Qu'il faut faire dans la philofophie [pl, comme

Z 2

do quàm rationis momenta quærenda funt. Cic. de nat. deor, lib. 1.

[k] L'œconomique eft la fcience de gouverner la maison particuliére > comme la politique eft la fcience de gouverner la vil. le. Ces mors viennent des mots Grecsoins, domus, & onus urbs.

[1] Nullius addictus jurare in verba magiftri. Hor.

[m] Hor. Carm, lib. 1. Od. 34. & epift. lib. 1. epift. 1.

[n] Sen. epift. 113. & 117. & de vitâ s beatâ, c. 3. & de otio sapientis in init.

[] Sen. epift. 12.21.33.

[P] Quod fieri in fenatu folet, faciendum ego in philofophis quoque exiftimo, Cùm cenfuit aliquis, quod

T.

Perfé cutions de la philofo. phie.

dans le Sénat où lorfque quelqu'un propofe un avis dont une partie plaît, & l'autre n'agrée pas; on divife l'avis, & on n'en prend que ce qu'on veut.

Si la philofophie Eclectique eft la meilleure de toutes, c'eft auffi la plus difficile; elle demande bien plus d'étendue de connnoiffances, & de juftef. fe de difcernement, pour choisir ce que chaque fecte a de meilleur. Profitons de cette belle exhortation de Cicéron, dont faint Auguftin [ 9 ] avoue qu'il a été touché, de fuivre non pas une fecte particuliére, mais la fageffe même, en quelque lieu qu'elle fe trouve.

DES DE DE DE DE → Debshop CHAPITRE QUATORZIEME.

De la philofophie moderne.

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tion des fommes immenfes qu'il avoit dépenfées pour des recherches magiques, & dans lesquelles il s'étoit engagé fur les promeffes trompeufes des philofophes, les chaffa de Rome. Domitien les profcrivit non feulement de Rome, mais de toute l'Italie. Il fit même mourir quelques Romains fous ce prétexte de philofophie. Il haiffoit les philofophes, comme gens dangereux & propres à foulever les peuples. Apollonius de Thyane, qui trouvoit dans la philofophie un obftacle à la réputation & au crédit de fes preftiges, excita fecretement, dit-on, la colére du tyran, qui étoit déja fort irrité de ce fa mort prochaine avoit été prédite par les aftrologues.

que

La philofophie profcrite par Caligula, Nèron, & Domitien, commença à refleurir fous Adrien, & fes fucceffeurs : & elle vit fes plus beaux jours fous le régne de Marc Auréle Antonin. Pline, Dion Chryfoftome, Plutarque furent des prémiers, qui remirent la philofophie en honneur; Epicéte, Arrien fon difciple, Galien, Diogène de Laërce, Aulu-Gelle, Maxime de Tyr, Taurus de Bérite, Athénée, Alexandre d'Aphrodifée, Philoftrate, Plotin Apulée, Porphyre, & quelques autres rétablirent fon ancien éclat. Bientôt après, les irruptions des Barbares, qui renverférent l'empire d'Occident, enveloppérent la philofophie fous fes ruines; & l'ignorance générale qui fe répandit dans les fiécles fuivants l'empêcha long-temps de fe relever. Elle ne commença d'être tirée de l'oubli,

ex parte mihi placet, jubeo illum divide. te fententiam, & fequor. Sen,epift, 21.

[q] S. Aug.confeff. lib. 3. c. 4.

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