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Mais à moins que le Pyrrhonien ne renonce à fes principes, comment pour

ra-t-il recevoir les lumiéres de la ré- CHAPITRE DIXIÈME.

vélation? & s'il perfifte à foutenir qu'on ne peut faire aucun ufage de la lumié. re naturelle, comment diftinguerat-il la révélation de l'impofture, & la vérité de l'erreur?

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-La lumiére naturelle doit fe foumet tre a la révélation, avec toute la docilité qu'elle trouve ailément dans l'expérience de fa propre foibleffe: mais fi quelqu'un venoit à propofer cette inftance, il faut captiver notre entendement par l'obeiffance de la foi, jufqu'à ne pas fe fervir de la régle de juger , que la nature nous a donnée le pére Valérien Magni Capucin [p] dit qu'il répondroit que c'eft renverser la foi, étant abfolument impoffible de croire fans l'aide d'un raifonnement, qui Conclut que celui en qui nous croïons ne fe trompe ni ne nous trompe. Or ce raifonnement, fur lequel toute la religion eft appuïée, ne peut avoir aucune force, fi l'on détruit la régle naturelle de juger que Dieu nous a donnée.

Ce n'eft qu'en faifant ufage de ma raifon, que je puis m'allurer des vérités révelées. Et la raifon fuivant S. Auguftin ne fe foumettroit jamais, fi elle ne jugeoit qu'il y a des occafions où elle doit fe foumettre.

Tom. 1.

,

[p] Valerianus Magni, de Catholicorum credendi regula.

Des Pythagoriciens.

SOMMAIRE.

1. De Phythagore. 2. Etymologie da nom de Pythagore. 3. Le titre de philofophe inventé par Pythagore. 4. De l'abftinence des fêves. 5. Des fymboles de Pythagore. 6. De la métempfychose. 7. Du miroir de Pythagore. 8. Union & morale des Pythagoriciens.

'Ous avons divifé la philofophie

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en deux branches principales, Plonienne & l'Italique; & aprés l'abrégé fommaire des principales fetes émanées de la prémiére, il eft dans l'ordre de remonter à la feconde. L'échole Italique eft de quelques années feulement plus moderne que l'Ionienne: car Pythagore que l'échole d'Italie a reconnu pour chef étant jeune, connut Thales fondateur de l'échole Ionienne, qui étoit déja vieux, & qui lui confeilla de voïager en Egypte, pour cultiver les difpofitions qu'il avoit à la philofophie.

Suivant [4] Cicéron & Lactance, Pythagore perfuadé de l'immortalité de l'ame par les leçons de fon maître Phérécyde; quitta le métier d'athléte, pour fe donner tout entier à la philofophic.

X

[a] Cic, Tufcul. quaft. lib.1, LaƐtant, 7

спр. 8.

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Il y a plufieurs opinions différentes, fur la patrie de Phythagore [b], & fur le nom de fon pére le fentiment le plus général eft que Pythagore, fils d'un ftatuaire nommé Mnéfarque, étoit né à Samos vers la 47. Olympiade, environ 590. ans avant Jefus Chift, du temps des prophétes Jérémie, Ezechiel, & Daniel, du temps de la tranfmigration des Juifs à Babylone, & de l'expulfion des Tarquins de Rome [c]. Le roi Numa, que quelquesuns ont fait difciple de Pythagore, a donc été beaucoup plus ancien que ce philofophe.

S. Auguftin [d] fe fût aifément conformé à l'opinion qui fait Numa difciple de Pychagore, car il a mis Thalés du temps de Romulus. Or Thalés fut contemporain & même difciple, felon quelques-uns, de ce même Phérécyde [e], qui fut le maître de Pythagore. Phérécyde faiffa en mourant [f] les ouvrages à Thalés. Ainfi en plaçant Thalés du temps de Romulus, Pytha gore fe trouve du temps de Nu

ma.

Cicéron [g] & Apulée [b]ont dit que Pythagore fut difciple de Phérécyde, & le plus grand nom

bre des auteurs[i], qui ont écrit touchant Pythagore, veulent qu'il ait été auffi difciple du fameux Zo roaftre à Babylone. Il voiagea prémiérement en Egypte, où il s'arrêta pendant l'efpace de vingt-deux ans, appliqué à l'étude & fréquentant divers colléges des prêtres qui étoient à Memphis, à Thèbes, & à Héliopolis. Il fe fit initier dans touts leurs mystéres, il palla à Babylone douze ans, qu'il emploia à recevoir les inf tructions des Mages, & aïant pouffé poussé fes voïages jufqu'en Ethiopie, en Arabie, & dans les Indes, il revint par l'ifle de Créte & par Delphes. il profita des lumiéres des fçavants de touts ces différents païs, & il vifita les oracles les plus célébres. Suivant Hermippus [k], il s'attacha princi palement aux opinions des Juifs, & des Thraces. Origéne [7] rapporte que Pythagore puita une grande partie de fa doctrine dans celle des Juifs, & Porphyre [m] nous apprend que non feulement Pythagore avoit confulté les Egyptiens, mais qu'il avoit eu auffi des conférences avec les Arabes, les Hébreux, & les Chaldéens. Au retour de ces longs voïages, il s'établit à Crotone ville d'Italie, dans le voisinage de Tarente.

[b] Stanl. hift. philof. part.8. in Pythag. c. 1. p. 658.

[] Pythagoras fuit in Italiâ temporibus iifdem, quibus L. Brutus patriam li, beravit. Cic. Tufcul. quaft. lib.4.

Pythagoras, cùm regnante Tarquinio fuperbo, in Italiam veniffet, tenuit magnam illam Græciam cùm honore & difciplinâ, tùm etiam autoritate, Cic. Tufcul. quaft. lib.1.

[d] Eodem Romulo regnante, Thales Milefius fuiffe perhibetur unus è le

ptem fapientibus. S. Aug. de civit. Dei, lib. 18 c.24.

[e]Tzetz.ap.Menag.in Diog.Laërt,c.1.
[f] Diog. Laërt. in Pherecyd.
[g] Cic. Tufcul quaft. lib.1.
[h] Apul.floridør. lib.2.
[i]Jamblich, in Pythag. Apul. floridor.

lib. 2.

[k] Hermipp. ap. Iofeph. lib.x. adverfus Apion.

[1] Orig. lib. 1. adverf.Celf [m] Porphyr. in Pythag

Etymologie

Les uns prétendent que le nom de da nom de Pythagore lui fut donné, parceque fa Pythagore naiflance avoit été prédite par l'oracle d'Apollon; les autres[n], parce qu'il n'y avoit pas moins de certitude & de fageffe dans les difcours, que dans les réponfes de la Pythie: mais pour que cette feconde opinion fût foutenable, il faudroit que ce nom lui eût été donné fort tard, & qu'il en eût porté un autre dans fa jeuneffe. Il paroît que fes difciples regardoient les paroles comme des oracles: & la meillear raifon qu'ils puffent apporter en tr'eux, c'étoit ces trois mots [], Il l'a dit.

Pythagore changea le nom de fage Le titre de en celui de philofophe [p], titre plus Philofophe inventé par modefte, & qui exprime feulement Bythagore. en Grec le défir de la fageffe. La mort de Pythagore eft rapportée par Eufé. be[9]à la derniére année de la 70, Olympiade. Cette mort a été racontée[r]fort diverfement. Les uns ont écrit que Pythagore & fes difciples vivant d'une maniére fort retirée [], & fe féparant du refte des citoïens, pour paffer les journées entiéres dans les affemblées myftérieufes qu'ils fai foient entr'eux, ils furent foupçonnés de conjuration contre la patrie: & que les Crotoniates mirent le feu à la mai

[n] Dacier vie de Pythagore.
[ο[ Αυτὸς ἔφα .

[] Cic.Tufcul.quaft.libs.
[9] Eufeb.chronic.

[r] Stanl.hift. philof. part.8.c.19.p.688. Forphyr. &Jamblich in Pythag.

[1 Trecenti è juvenibus, cum fodalitii jure, facramento quodam nexi feparatam à cæteris civibus vitam exerce rent, quafi cœtum clandeftinæ conjurationis haberent, civitatem in fe converterunt, quæ eos, cum in unam domum conveniffent, cremare voluit. In quo ' tumultufexaginta ferè perire: cæteri in

fon, où Pythagore s'étoit enfermé avec fes difciples, dont il perit un grand nombre par les flammes; que Pythagore fe fauva & s'enfuit hors de la ville, mais que s'étant trouvé fur le bord d'un champ deféves [], il s'arrêta & aima mieux fe laiffer tuer par ceux qui le pourfuivoient, que de traverfer ce champ & de gater les féves Dacier [] rapporte une autre caufe de cette émeute de Crotone, & prétend qu'elle fut excitée par Cylon jeu. ne Crotoniate, que Pythagore avoit refufé de recevoir au nombre de fes difciples; qu'il prit le chemin de Locres, mais que les Locriens envoïé rent au-devant de lui leurs principaux magiftrats, pour le prier de fe retirer ailleurs, & lui offrir touts les fecours dont il auroit befoin, pour continuer fon voïage; qu'il paffa à Tarente, d'où une nouvelle perfécution l'aïant obligé de fortir, il fe retira à Métapont; mais que la fédition de Crotone aiant été comme le fignal d'un embrafement général, les écholes de Pythagore furent détruites luimême âgé de 80. ou 90. ans fut tué à Métapont.

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Selon Dicéarque, il fe réfugia dans le temple des Mufes, & y mourut aprés avoir réfifté à la faim [x], penX 2

exilium profecti. Juftin. lib.8.

Pythagoras Samius fufpicione domina tionis injuftâ vivus concrematus in fano eft. Arnob. lib.t.

Aufone avertit à cette occafion d'éviter L'humeur farouche & trop folitaire:

Vive, & amicitias femper cole: crimen ob iftud Pythagoræorum periit fchola tota Sophorum. Aufon. Idyll. 15. [] Diog. Laert in Pythag [u] Dacier, vie de Pythag. [x] Tzetz Chil. 11. hiftor.366

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dant quarante jours. D'autres auteurs racontent qu'au retour d'un voïage qu'il avoit fait à l'ifle de Délos, il termina fa vie par une mort volontaire, en s'abftenant de toute nourriture.

Enfin fuivant quelques autres, il me na touts fes difciples au fecours des Agrigentins, contre ceux de Syracu. fe [y], & cette petite armée Pythago ricienne aïant été défaite, il fut tué prés d'un champ de féves, autour duquel il fuïoit.

Juftin rapporte [z]que la mémoire de Pythagore fut en figrande vénération, que l'on fit un temple de la mai fon dans laquelle ce philofophe mouphilofophe mourut à Métapont, & qu'il y fut adoré comme un dieu.

Onlit dans Pline [a] que l'oracle aïant ordonné aux Romains, pendant la guerre des Samnites, d'élever deux ftatues,l'une au plus grand capitaine, Fautre au plus illuftre philofophe de la Gréce, ils drefférent ces deux ftatues en l'honneur d'Alcibiade & de Pythagore. La raifon de préférer Pythagore à Socrate fut apparemment, que ces anciens Romains connoiffoient beaucoup davantage la réputation de Pythagore, qui avoit établi fon échole dans cette partie de l'Italie, qui étoit appellée la grande Gréce. Ovide fait cet éloge magnifique de Pythagore [b] que fon efprit s'éleva jufqu'aux cieux, & que ce philofophe pénétra

[y] Diog. Laërt. in Pythag.

[z] Cùm annos viginti Crotonæ egiffet, Metapontum migravit, ibique deceffit. Cujus admiratio tanta fuit, ut ex domo ejus templum facerent, cumque pro Deo colerent. Juftin. lib.201

[a] Plin. hift. nat. lib.34.c.6.

[b] Mente Deos adiit, & quæ natura negavit

Vifibus humanis, oculis ea pectoris baufit. Ovid. meram lib.15.

par les lumiéres de l'entendement les chofes les plus cachées, que la nature a dérobées aux regards des hommes.

:

Jofeph [trouve une grande conformité entre les Efféens, & les Pythagoriciens: S. Clément d'Alexandrie témoigne [d] que Pythagore fe conforma à Moife: quelques fçavants ont pris Pythagore [e] pour le prophéte Ezechiel S. Ambroife [g] croit que Pythagore étoit Juif: Théodoret [g] & S. Clément d'Alexandrie [b] avan cent même, qu'il fut circoncis. Il a paru une théle foutenue par quelques Carmes, dans un chapitre général tenu à Beziers vers la fin du dernier fiécle[i], dans laquelle ils avançoient que Pythagore avoit été Carme, & qu'en qualité de prieur des Carmes il avoit gouverné leurs convents de Samos & de Crotove.

Plutarque [k] fe trompe, en difant que Pythagore n'a laiffé aucuns ouvra ges, & qu'il ne vouloit pas que fes préceptes fuffent écrits. Cette autori té ne peut balancer les témoignages nombreux, qui prouvent que Phythagore avoit compofe plufieurs ouvra ges. Le petit poëme, qui eft venu juf qu'à nous, fous le titre de vers dorés de Pythagore, eft un ouvrage de Lylis philofophe Pythagoricien, qui fuc précepteur d'Epaminondas.

Pythagore laiffa fes écrits à Damo

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De l'abfti

féres.

fa fille, avec défenfe de les publier. Da-
mo obéit fi exactement, que, quoique
réduite à une extrême pauvreté, elle
refufa une groffe fomme, qui lui fut of
ferte de ces ouvrages.Diogene de Laer-
ce [1] rapporte qu'il n'étoit pas permis
d'expliquer les dogmes de Pythagore,
jufqu'à Philolaus qui développa le pré-
mier te fens de fes fymboles, & de fes
expreffions énigmatiques. Platon aïant
appris qu'il s'étoit trouvé un exemplai
re des ouvrages de Pythagore en Sicile,
l'acheta trois cents mines, ou cinq ta-
lents qui reviennent à quinze mille
francs de notre monnoie

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Pythagoricien, dont le fens eft qu'il y a autant de mal à manger des féves,qu'à manger les têtes de fes parents. Sextus Empiricus fe fert [o] de la même comparaifon. Hérodote témoigne [p] que les Egyptiens s'abftenoient des féves qu'ils n'en femoient point, & qu'ils avoient même de la répugnance à regarder ces légumes:ce qui a donné lieu de penfer que Pythagore avoit pris chez les Egyptiens cette averfion que Lucien [9] attribuë, à ce que les féves cuites & expofées à la lune pendant un certain nombre de nuits, fe convertif fent en fang. C'eft peut-être fur l'opi

Si l'on en croit Jamblique[m], Tinion de ce changement des féves en ence des micha célébre Pythagoricienne fe cou- fang, que Pythagore fondoit une papa la langue, avec les dents, à la quef- renté myfterieufe[r],avec ces légumes. tion, pour ne point révéler le fecret Cicéron [s]eft d'avis que les féves avoide fa fecte. Il ne s'agiffoit que de dé ent été défendues par Pythagore, parcouvrir à Denys tyran de Syracufe, cequ'elles étoient contraires à la vérité ce que Pythagore entendoit par le pré des fonges. D'autres [] prétendent que cepte de l'abftinence des féves. Theano le précepte de l'abftinence des féves doit femme de Pythagore avoit été mife à être entendu figurément, foit que ce mort, & avoit eu la langue coupée, philofophe enfeignât à fes difciples, par avant qu'on la fit mourir, parcequ'elle ce fymbole,l'abftinence des magiftraturefufoit de donner l'explication de ce res & de toute adminiftration publimême précepte. De touts les fymbo- que, parce qu'aux élections & aux jules Pythagoriques,aucun n'a tant exer- gements, on donnoit les fuffrages avec cé les fçavants, que celui par lequel des féves noires & blanches; foit que par Fufage des féves étoit défendu. les féves il défignât l'impureté, & qu'il recommandât la continence. Toute cette difpute fera terminée, fi l'on ajoute foi à ce qui a été écrit [ n ] par Áristoxene difciple d'Ariftote, que Pythagore faifoit fa nourriture la plus X 3

Les uns ont prétendu que le motif de cette défenfe étoit de peur que leur fuc groffier n'appelantît le cerveau, & ne le rendit moins propre à l'étude. S.Clément d'Alexandrie[n] cite un vers d'un

[1] Diog. Laërt. in Pythag.
[m]Jamblich. in Pythag. Menag, bit.
mulier. Philofophicar, in Timych

[n] Ισόν τοι κυάμες τρώγειν, κεφαλάς
TE TOXYWY. S. Clem. Alex.Strom. lib. 3.

[ο] Τᾶττον ἂν τὰς κεφαλὰς φαγεῖν φασὶ
τῶν πατέρων, ἢ κυάμες . Sext. Εmpir, Pyr.
î
rhon, hypotyp. lib. 3.c.25.

[p] Herodot, Enterp.

[g] Lucien, dial, des fectes à l'encan. [] Faba Pythagoræ cognata. Hor. [s] Cic. de divinat. lib. 1.

[r] Erafm. adag. Dacier,vie de Pythag. [4] Πυθαγόρας δετῶν ἐσαρίων μάλιστα τὸν κυάμον ἐδοκίμασε λίαν. κινητικόν τε γὰρ είναι η διαφορετικόν. Διό και μάλιστα κέ by Xparaιaur@. Id eft, Pythagoras in leguminibus fabam præcipue approbavit; mo

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