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9.

tonicienne

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chrétienne, tint l'échole d'Aléxandrie, vers l'an 500. Quoique d'autres le faffent bien plus ancien, & le reculent même jufqu'au temps de Marc Auréle. Apollonius, dont Photius fait mention dans fa bibliothéque, compofa l'hiftoire des dames Platoniciennes parmi lesquelles une des plus illufres fut Hypatia, que l'évêque Synefius appelle fa maîtreffe en philofophie. Non feulement elle fut fçavante dans la philofophie de Platon, mais elle en fit des leçons publiques dans Alexandrie, aïant fuccedé à Plotin. Elle furpaffa touts les philofophes fes contemporains. On accouroit de toutes parts pour l'entendre; & les envieux de fa gloire prenant pour prétexte[n], qu'elle entretenoit la difcorde, entre l'ar. chevêque Cyrille, & Orefte gouver neur d'Alexandrie, fe jettérent fur elle, & la mirent en pieces.

Les principaux commentateurs de Platon ont été Maxime de Tyr fous l'empereur Marc Auréle dans le deuxiéme fiécle; Plotin dans le troifiéme, Porphyre difciple de Plotin; Jamblique difciple de Porphyre dans le quatriéme fiècle, & Proclus dans le fixiéme.

Les prémiers philofophes, parmi les La Philo- Chrétiens, furent [o] prefque touts fophie Pla- Platoniciens, à l'exemple de S. Juftin, en vogue de Tatien, d'Origéne. S. Auguftin parmi les dit, en plufieurs endroits de fes ouvraChrétiens. ges que de touts les auteurs prophanes, il n'en trouve aucun, avec lequel on puiffe entrer en quelque forte d'accommodement fur la religion, plus

prémiers

[n] Socrat. hiftor. ecclef. lib. 7. c.15. [o] Rapin, compar. de Plat. & d'Arifot. réflex. fur la philof.

[p] S.Aug. de civit. Dei, lib. 8. c. 6. [q] S. Aug.confeff. lib. 7. c. 9.

[r] S. Clém. Alex. ftrom, lib. 1.

aifément, qu'avec Platon : & il donne aux Platoniciens [p] le prémier rang parmi les philofophes. Le même pére dit qu'il s'eft fervi de plufieurs livres des Platoniciens [9], pour fe faciliter. l'intelligence de beaucoup de vérités chrétiennes.

Amelius Platonicien étant conduit

par curiofité dans une églife, & entendant le commencement de l'évangile de S. Jean dit: Ce barbare a beaucoup de conformité avec mon maître Platon. S. Clement [r] d'Alexandrie approuve le mot de Numenius [s], qui appelloit Platon le Moyfe Athénien. S.Ambroise a cru que Platon avoit été inftruit en Egypte par le prophéte Jérémie : opinion que S. Auguftin ([], avoit fuivie, & dont il a reconnu l'erreur, parce que les temps de Jérémie & de Platon ne fe rapportent pas. Eufébe [#] place les prophéties de Jérémie, en l'Olympiade 37. & 3S. & la naiffance de Platon, en la quatrième année de la 87. Olympiade. En donnant à Jérémie plus de 40. ans de vie, depuis qu'il commença à prophétifer, il y auroit de fa mort à la naiffance de Platon environ cent foixante ans. Platon eft mort foixante ans avant la verfion des Septante [x]; mais il peut avoir eu quelque notion de la fainte écriture, par les entretiens qu'il eut avec les Juifs répandus en Egypte. S. Irenée a fouvent allégué l'autorité de Platon, contre les hérétiques [y] aufquels il le préfere. Le cardinal Beffarion [z] montre combien faint Denys &

[5] Μωσης Ατζικίζων.

[r] S. Aug. de civit. Dei, l. 8, c. 11. [u] Eufeb. in Chronic.

[x] S. Aug. de civit. Dei, lib. 8. c. 11. [y S. Iren, adv.hares. lib. 3. c. 45. [z] Beffar. in calumniat. Plat, lb, za

19.

tonicienne décrée par

péres de l'églife.

autres théologiens l'ont eftimé emploiant fes paffages aux myfteres de la foi. La philo- Il fe trouve d'un autre côté, plufephie Pla fieurs péres de l'églife fort contraires à la philofophie de Platon. Tertullien plufieurs [a le décrie, pour avoir fourni des armes aux hérétiques; Lactance & Arnobe le cenfurent avec véhémence; faint Chryfoftome dans la préface des homélies fur faint Matthieu le traite de vifionnaire; faint Epiphane prétend que fon échole a été une échole d'héré. fies; faint Cyrille l'appelle la fource de l'ignorance & de l'impieté. S. Grégoire de Nazianze traite fes ouvrages, de chiméres & d'illufions. Saint Auguftin [b]fe repent; dans fes retractations, des louanges qu'il lui a données. Il ajoute [c] que s'il n'eût cherché la voie du Seigneur, la lecture de Platon ne le conduifoit pas à la fcience mais à fa perte.

TT.

Difpute

La philofophie de Platon fut peu eftimée, fous les fucceffeurs de l'empereur Julien, parce que ces empereurs Chrétiens fe conformérent aux fentiments des péres de l'églife. La perfécution de l'empereur Léon III, acheva de ruiner entiérement, & de détruire l'étude & l'efprit de la philofo. phie, & les fiécles d'ignorance, qui fuccédérent, la firent oublier. Dans le douzième fiecle, faint Bernard [d] a repris Abelard de ce qu'en voulant trop faire paroître Platon Chrétien, il fe montroit lui-même prefque payen.

Vers le milieu du quinziéme fiécle far la préfé. [e], peu avant la prife de Conftantireace de Pla-nople par les Turcs, il s'éleva une dif

ton & d'Ariftote.

pute fort vive entre les philofophes, au fujet de la préférence de Platon, ou d'Ariftote. Gémifthe Pléton en donna le fignal, par un écrit intitulé, Sentiments d'Ariftote différents de ceux de Platon, Dans tout cet ou. vrage, la philofophie de Platon eft préférée à celle d'Ariftote, & l'auteur fait voir que Platon a toujours tenu le prémier rang parmi les philofophes jufqu'à Averroëz. George Scholarius, qui fut depuis patriarche de Constantinople, & connu fous le nom de Gennadius, Théodore Gaza, & George de Trebyzonde, qui eft auffi appellé Trapezonce, défendirent avec chaleur la doctrine d'Ariftote.

Gémifthe Pléton, aïant fait un traité des loix, & de la meilleure forme de gouvernement,où il faifoit paroître un zéle exceffif pour les opinions de Platon fur la religion, & pour les projets chimériques de fes livres de la république, il fut accufé de vouloir établir fes propres fentiments, fous prétexte de développer la doctrine de Platon. Le patriarche Gennadius cenfu ra ce livre de Pléton,& le condamna au feu. Cette exécution rigoureuse flétrit tellément la mémoire de Pléton, qui étoit mort peu auparavant dans le Péloponnéfe, que les Platoniciens même abandonnérent sa défense. Le cardinal Beffarion, quoiqu'il le montrât tout Platonicien, porta les efprits à fe concilier, ou du moins à bannir l'aigreur de leurs difputes [f], & il écrivit une lettre, qui contribua beaucoup àramener le calme & la paix.

Ethnicum. S. Bers, epift. ad Innocent,

190.

[e] Mémoir. de l'Acad. des bell, lettr. 1, 2. P. 775.

[a] Philofophi patriarchæ, ut ita dicam, hæreticorum. Tertull. de anim.c.3. [b] S. Aug. retract. lib. 1. 6. I. [c] S. Aug. confeff. lib. 7. c. zo. [d] Dum multum fudat quomodo Platonem faciat Chriftianum, fe probat.

[f] Hift. de l'Acad. des bell, len. 1. 3. 302.

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Excés de

Platoniciens

Platen.

lu

Dans le fiécle fuivant, Bernardin Donat de Vérone fembla vouloir re

nouveller la querelle, par un dialogue latin intitulé [g], de la différence de la philofophie de Platon & d'Ariftote; les fçavants d'alors fe trouvérent dans la difpofition d'imiter le cardinal Beffarion; ils s'appliquérent à éteindre le feu de la difcorde,& il parut plufieurs traités, pour accommoder les deux partis, ou donner aux principaux points de la difpute, des explications dont l'un & l'autre parti puffent être fatisfaits.

Marcile Ficin a le plus contribué à quelques faire revivre la philofophie de Platon, fur les fus en traduifant fes ouvrages, & ceux des miéres de Platoniciens les plus renommés, comme Plotin, Alcinous, Jamblique. Mais il a fait plus de tort que d'honneur à cette philofophie, par les excés dans lefquels il eft tombé, en difant, que le dialogue de Criton eft le fommaire de la morale chrétienne, que la doctrine de Platon renferme le myftére de la fainte Trinité, & que c'eft un decret de la providence divine, que les efprits les plus incrédules, & rebelles à l'autorité de l'écriture fainte, foient obligés de céder aux raifons de Platon.

Ficin n'eft pas le feul, qui ait donné à Platon ces louanges exceffives. On a prétendu trouver [b] le facrement de pénitence dans le dialogue 'de Phædon, & le mystére de la fainte Trinité[i]dans le dialogue de Gorgias, & dans l'épitre à Denys. Saint Juftin [k], & faint Clément [] d'Alexandrie accordent eux-mêmes à ce philofophe quelque notion de ce mystére. Eufébe [m] fait

[g] Imprimé à Paris en 1541. [b] Huet. quaft. Alnet. lib. 2. c. 20. [i] Huet, quaft Alnet. lib. 2. c. 3. [k] S. Juftin apolog. lib. z. s. Clem. Alex, ftrom, lib.5.

un détail de la conformité de la doctri ne Platonicienne, avec la fainte écri ture. On a fait l'application au Sauyeur, du portrait que Platon fait de l'homme jufte [n], lorsqu'il introduit Socrate cherchant l'idée de la perfection & de la plus haute vertu, & lui fait tenir ce difcours; Que comme de touts les méchants, celui-là feroit le plus méchant, qui fçauroit fi bien couvrir fa malice, qu'il pafferoit pour homme de bien, & jouiroit par ce moïen de tout le crédit que peut donner la vertu; de même le plus vertueux devoit être fans difficulté celui à qui fa vertu attire par fa perfection la jaloufie de touts les hommes,en forte qu'il n'ait pour lui que fa confcience, & qu'il fe voie expofé à toute forte d'injures, jufqu'à être fouetté & attaché à une croix.

Sur ce que Platon a dit que le trian gle équilatéral eft de toutes les figures la plus approchante de la divinité, les prémiers Chrétiens lui ont attribué. une idée quoiqu'imparfaite de la fainteTrinité. Mais il n'y a rien que de trésnaturel, & même de fort borné dans. cette explication de la divinité par le triangle équilatéral, dont le prémier côté fignifie, fuivant Plutarque [o], l'exemplaire ou le pére, le fecond la matiére ou la mére, & le troifiéme l'enfant ou la production du monde. Platon a donné à Dieu la figure d'un triangle, avec ce même efprit de ténébres & d'erreur, qui portoit Zénon, & Xénophane à faire la divinité de figure ronde..

Dacier, dans la vie de Platon attribuë

[m] Eujeb, praparat, evangel. lib. 1

C. 10.

[n] Plat. de republ. lib› z. [o] Plutarq, dlfis & d'Ofiris.

bue à ce fublime philofophe quelque connoiffance de l'Incarnation & de la Paffion du Sauveur; mais touts fes lecteurs ne l'admirent pas autant que Dacier. On le trouve obf. cur, confus, rempli de fables, & de vifions. Le hazard feul a produit les termes, qu'on veut appliquer aux vérités chrétiennes. Il n'eft pas étonnant,qu'un philofophe auffi diffus ait fouvent emploïé le terme de dif cours [p], ou de verbe, ou de raifonnemont, fans y entendre aucun myftére. Ce qu'il dit de la perfécution de la vertu la plus pure, cft un fentiment qui devoit nécessairement étre gravé dans l'efprit de Platon, témoin de la mort de fon maître Socrate, & de toutes les injustices des Athéniens, peuple accoutumé à ne pouvoir fouffrir la vertu de fes citoïens, & à la regretter, dés qu'ils ne l'avoient plus devant les yeux.

Le cardinal Bellarmin[9] détourna le pape Paul V. d'ordonner qu'on, enfeignât à Rome la philofophie de Platon, au-lieu de celle d'Ariftote. Les fectateurs de Platon ne font pas aujourd'hui en grand nombre, & ils font beaucoup moins zélés, que ceux du quinziéme fiécle, qui embrafférent les intérêts de ce philofophe avec tant de chaleur. L'ancienne philofophic ne fe foûtient plus, que par la réputation qu'Ariftote a

confervée dans les écholes.

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T.

Ingratitude ARISTOTE difciple de Platon, a été accufé d'ingratitude envers reprochée à fon maître. Diogéne de Laerce [a] rap- Ariftote. porte que Platon s'en plaignoit, en difant: Il a rué contre nous, comme les poulains font contre leurs méres. Elien [b] pour expliquer cette penfée, obferve que les poulains donnent des coups de pié à leurs méres, lorf qu'ils fe fentent fortifiés, & raffafiés de leur lait. Il ajoûte qu'Ariftote éleva une échole dans Athénes, pour contrequarrer celle de Platon. Elien raconte ailleurs [c] qu'Ariftote avoit R

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[b] Cl. Elian, variar, hiftoriar. lib. 4. cap. 9.

[c] 1b, lib.3.c.19.

2.

Etymologie

icien.

déplu à Platon, par fon luxe & par fes railleries, & que Platon l'en avoit repris publiquement.

L'auteur ancien de la vie d'A

riftote foûtient, que que ce fondateur de la fecte Péripatéticienne n'érigea l'échole du Lycée, non feulement qu'aprés la mort de Platon, mais même, qu'aprés la mort de Speufippe fucceffeur de Platon. Ariftote avoit demeuré huit ans en Macédoine auprés d'Alexandre, en qualité de fon précepteur. Ce ne fut qu'aprés fon retour, qu'il enfeigna dans le Lycée, qui lui fut donné par les magiftrats d'Athénes, pour y af fembler fes difciples. Le Lycée étoit un terrain; que Périclés avoit fait fervir [ d ] aux éxercices militai

res.

Les difciples d'Ariftote furent nomde Pér paté més Péripatéticiens, du mot Grec, qui fignifie le promener, parce que la coutume d'Ariftote, étoit de leur donner fes leçons, en fe promenant avec eux. Ce philofophe donnoit deux fortes de leçons, les intérieures, ou les plus fçavantes [e], réfervées aux difciples choifis (ces leçons fe faifoient le matin ;) & les extérieures, qui étoient plus à la portée du commun de fes difciples: il faifoit ces leçons l'aprés-dînée.

Ariftote étoit né à Stagyre, la prémiére année de la quatrevingt-dix neuviéme Olympiade [f], 384. ans avant Jésus-Chrift. Cette patrie d'Ariftote étoit anciennement une ville de Thrace, mais il doit être regardé

[d] Suid, in voc. AúжHoy,

[ + ] Ακροαματικά, περίπατος εωθινός: Εξωτερικά. περίπατος δειλινά.

[f] Apollod, ap. Diog. Laërt. in Arifios. [g] Athén. déipnof. liv.8.c.6. [h] Diog, Laert. in Ariftot.

comme Macédonien, parce que lorf qu'il eft né à Stagyre, cette ville faifoit partie du roïaume de Macédoine. Il defcendoit de Machaon fils d'Ef culape. Nicomachus pére d'Ariftote fut prémier médecin d'Amyntas roi de Macédoine, pére de Philippe, & aïcul d'Alexandre. Ariftote est traité par Athénée [g], d'homme fort adonné à la bonne chére & aux plaifirs de la table. Aiant diffipé fon bien par les débauches, il fit pout fub. fifter un petit trafic de poudres de fenteur, & de remédes qu'il débitoit à Athènes.

S'étant depuis appliqué à la philofophie, & y aïant acquis une grande réputation, Philippe le fic venir a Pella, capitale de la Macédoine, pour être précepteur d'Alexandre, en la quatrième année de la cent huitiéme Olympiade [b], & il en continua les fonctions, iufqu'à ce qu'Alexandre fuccédât à fon pere, la prémiére année de la cent onzième Olympiade.

Ariftote étoit un peu bégue: il étoit fi appliqué à l'étude, que la nuit il tenoit à la main une boule d'argent audeffus d'un baffin d'airain, pour fe réveiller au bruit, que cette boule faifoit en tombant, lorfqu'il fe laiffoit aller au fommeil. Alexandre le grand fon difciple imita cette ardeur pour le travail, & mit en pratique[i]cette méthode de réfifter au fommeil, qu'il avoit apprife d'Ariftote.

7.

Ariftote a

Dans la fuite, Ariftote fut foupçonné, quoiqu'abfent, d'avoir eu part à café d'avo la conjuration d'Hermolaus ; & de Cal- été comp

[i] Alexander æneâ conchâ fuppofitâ, brachio extra cubile porredo, pilam tenebat argenteam, ut cùm nervorum vigorem fopor laxaflet infufus, tinnitus fomnum abrumperet. Amm Marcell, lib. 16.

ce de la

mort d'A lexandre.

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