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Platon difciple de Socrate & chef des Académiciens, nâquit à Athénes, en la quatrième année de la 87. Olympiade. Il defcendoit par fon pére Arif. ton, de Codrus roi d'Athénes, & par fa mére Perictyone, il defcendoit de Solon, législateur des Athéniens. L'une & l'autre famille rapportoit fon origine à Neptune. Speufippus, & Cléarque ont écrit qu'Apollon fut fon pére; ce fut bi en moins l'opinion de cette origine, que l'éloquence de fes écrits, qui Jui acquit le furnom de divin. Son prémier som fut celui d'Ariftoclés, qu'il quitta pour prendre celui de Platon,foit à caufe de la largueur de fes épaules, ou de fonfront, foit à caufe du ftyle ample & diffus de fes écrits. Il s'appliqua dans La jeuneffe aux exercices des athlétes, à la poësie, & à la peinture; mais il les quitta bientôt pour fe donner tout en tier à la philofophie, & s'attacher uniquement à Socrate.

On peut juger de la galanterie de Platon, par cette épigramme qu'il compofa à l'honneur d'une vieille courtifanne, nommée Archaïnaffe[r]. Je pofféde ArTom. 1.

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chainaffe de Kolophon, dans les rides de laquelle les amours font logés. O vous, qui avez été à portée d'admirer les attraits de fa plus charmante jeunesse, à quelles flammes ne fûtes-vous point expofés?

Platon voïagea en Italie,pour y avoir des conférences,avec les difciples de Pythagore, il alla en Egypte, pour y apprendre la théologie des prêtres [s], il fe transporta en Perfe, pour y confulter les mages, & fon deffein étoit de pénétrer jufq'aux Indes, pour y entendre les Gymnofophiftes; mais les guerres, qui furvinrent en Afie, mirent obftacle à ce dernier voïage,&l'obligérent de retourner à Athénes. Il y établit fon échole dans un jardin appartenant à un citoïen nommé [t] Academus, dont le nom a été immortalifé, pour avoir cédé ce terrain à Platon, & à fes difciples, qui prirent de-là le nom d'Académiciens.

Platon compofa fa philofophie de celles d'Héraclite, de Pythagore, & de Socrate. Il fuivit Héraclite, dans la phyfique, il fe conforma dans la métaphysique à Pythagore, & il emprunta fa morale de Socrate. Il s'attira une facheufe affaire en Sicile,aïant offenfé Denys tyran de Syracufe par la liberté, avec laquelle il parla du gouvernement. Vos difcours, lui dit le tyran, fentent le veillard oifif; & les vôtres, répondit Platon, fentent le tyran. Denys vouloit le faire mourir, mais fléchi par Dion & Ariftoméne, il le mit entre les mains d'un envoïé de LacéQ

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de Lacédémone, qui le vendit, comme efclave, à un marchand de Cyréne. Ce marchand, aïant reconnu Platon, le renvoïa à Athénes, & les Athéniens, pour témoigner leur joie du retour de Platon, & leur reconnoiffance envers le marchand, firent toucher à ce dernier une groffe fomme tirée du thréfor public. Platon mourut fubitement, dans un feftin, le jour de fa naiffance,étant âgé de 81.ans,dans la prémiére année de la 108. olympiade. Toute fa doctrine eft répandue, dans fes dialogues, fans fuite, & fans liaifon. Il eft même difficile de fixer un objet principal à chaque dialogue particulier. Il fe contredit [u] en plufieurs endroits de fes ouvrages. Les expreffions de géométrie, & les allégories fort fréquentes, le rendent tresobfcur, & fouvent inintelligibile, furtout dans fa métaphyfique & dans fa phyfique.

Diogène le Cynique avoit demandé à Platon deux ou trois bouteilles de vin; Platon lui en envoïa trois douzaines: Diogéne le rencontrant le lendemain, lui dit: Quand on vous demande, Platon, combien font deux fois deux, au lieu de répondre quatre, vous répondez vingt, fe moc quant ainfi de fon ftyle diffus, & fouvent peu jufte. Platon avoit défini l'homme un animal à deux piés, n'aïant point de plumes. Diogéne prit un coq, le pluma, & l'apportant dans l'échole de Platon, dit à fes difciples: Voilà l'homme de votre maître. Platon paroit peu fçavant

[u] Jam de Platonis inconftantiâ logum eft dicere. Cic. de nat, deor. lib. 1.

[x] Nihil affirmantis Academiæ clariffimum antiftitem. Pomp. Mel. lib. 1.

dans l'anatomie, lorfqu'il fait la defcription du corps humain dans le Timée, en termes éloquents & magnifiques.

*.

feurs de

6.

chef de

Speufippus, fucceffeur de Platon, fit tort à la réputation de l'Académie, Des fucce par l'avarice, qui lui faifoit exiger de Platon. groffes fonimes de fes difciples. Xénocrate de Calcédoine tint l'école aprés Speufippus, & méla, dans la doctrine de Platon, quelques fentiments d'Ariftote. Il mourut la prémière année de la 116. Olympiade, âgé de 82. ans Polémon, Cratés, & Crantor, qui fe fuccédérent, ne firent aucun changement à la philofophie de Platon: mais Arcéfilas, que Pomponius Mela [x] appelle l'illuftre prince de l'Aca- D'Arcéfila démie, pouffa les doutes, & l'incer- feconde titude bien plus loin que Socrate, & que Platon Il avoit été difciple de Crantor par fa nouvelle doctrine il fonda la feconde Académie. Il foutint que tout [y] étoit incompréhenfible; que l'efprit humain n'avoit aucune régle, pour difcerner la vérité; que nous ne fçavions même pas, fi nous ne [z] fçavions rien; qu'aucune chofe n'étoit ni vraie, ni vraisemblable; qu'il faloit toujours fufpendre fon confentement. Ainfi bien loin de déclarer jamais fon fentiment, il ne vouloit même pas, qu'on eût de fentiment.

Pour autorifer des propofitions ft infoutenables, il les rapportoit à Héraclite, à Parménide, à Socrate, & à Platon; mais elles lui avoient été infpirées par Pyrrhon, auquel il s'é

[1] Πάντα ἀκατάληπτα.

[z] Itaque Arcefilas negabat effe quidquam quod fciri poffet; næ illud quidem ipfum quod fibi Socrates reliquif fet. Cic. Acad. quaft, lib, 1,

académic

de fes difciples: Cela ne peut être au trement, répondit-il; vous ferez bien un chapon d'un coq, mais vous ne ferez pas un coq d'un chapon. Arcéfilas né la prémiére année de la 116.0lympiade, mourut âgé de 75. ans, la quatrième année de la 134. Olympiade.

toit attaché, aprés avoir quitté Théo phrafte, Crantor, Diodore, & Mé. nédéme. Il fut donc véritablement Pyrrhonien, quoiqu'il enfeignât dans l'académie, & qu'il fit profeffion de reconnoître Socrate, & Platon pour fes maîtres. C'eft pourquoi Cicéron le traite de féditieux, & dit [a], que comme Tiberius Gracchus troubla le repos public, dans un gouvernement tranquille, de même Arcéfilas renverfa touts les principes d'une philofophie trés-folide.

Arifton lui appliquoit plaifamment le vers d'Homére, qui fignifie, que la chimére étoit lion par devant, dragon par derriere, & chévre par le milieu: Arcéfilas étant, felon lui, Platon par devant, Pyrrhon par derriére, & Diodore par le milieu; car fa philofophie étoit un Pyrrhonifme orné de l'éloquence de Platon, & fortifié de la dialectique de Diodore. Arcéfilas varioit continuellement dans fes difcours, & dans fes enfeignements, il n'avoit aucune opinion arrêtée, & ne [b] foutenoit jamais la même deux fois: il eftimoit, que le pour & le contre pouvoit être défendu par des raifons également bonnes, & il regardoit comme un jeu d'efprit, de difputer tantôt pour un fentiment, tantôt pour un autre.

Quelqu'un aïant raillé Arcéfilas, de ce que plufieurs de fes difciples quittoient fon échole [c], pour fuivre celle d'Epicure, au lieu qu'on ne voïoit aucun Epicurien fe ranger au nombre

[a] Ut in optimâ republicâ Tiberius Gracchus qui otium perturbaret, fic Arcefilas qui conftitutam philofophiam everteret. Cic. Acad. quaft. lib. 4.

[6] Nunquam fuit in Arcefilâ, ut unum bis diceret, neque putabat ingeniofi ef

Quelques efforts que faffent les fectateurs modernes d'Arcéfilas & de Pyrrhon [d], pour prouver que de toutes les difpofitions de l'efprit, la meilleure pour la religion, eft celle de fufpendre fon confentement à toutes les vérités naturelles,qu'un efprit vuide de toute opinion eft plus humble, & plus propre à recevoir les lumiéres de la foi; qu'un entendement libre de toute prévention eft plus docile, qu'il eft rempli d'une falutaire défiance de foimême:il eft clair que les doutes outrés & cette incertitude générale,qui n'admet aucune vérité naturelle, ferment aux verités furnaturelles touts les paffages pour arriver à notre entendement, puifque toutes les vérités, même révélées, font fondées fur la certitude de quelques faits, & fur l'évidence de quelques raisonnements.

S.Auguftin dit [e] que par la grace, & la miféricorde de Dieu, il eft venu à bout d'ôter de fon efprit ces doutes académiques, fuivant lefquels toutes chofes paroiffent également obfcures & incertaines. Tertullien [f] faic ces reproches à ces philofophes: Que faistu téméraire académicien? tu renverfes tout l'ordre de la vie, tu troubles toute l'economie de la nature; tu dépeins

fe viri in iifdem permanere

Q 2

Cic.

[c] Diog. Laert. in Arcefil. [d]Oeuvres de la Mothe le Vayer. Traité de la foibleffe de l'efprit humain. Effais de Montagne. [e] S. Aug. retract. lib. 1. c. I. [f] Tertull, de animâ c. 17.

nic.

comme aveugle la providence de Dieu, qui,felon toi, pour rendre fes ouvrages intelligibles, habitables, pour nous les difpenfer, & nous en faire jouir, les a fait dépendre des fens entiérement trompeurs, & de leurs rapports pleins de menfonges. Il ajoute qu'il ne nous eft pas permis de douter de la fidelité des fens,de peur que l'on n'en doute auffi en ce qui regarde le Chrift, & que l'on ne dife peut-être,qu'il aura vû fauffement Satan précipité du ciel, ou qu'il aura entendu fauffement la voix du ciel,qui lui rendoit témoignage.

Suivant Diogene de Laërce, Lacydés De la troi- a fondé la troifiéme académie: Cicéron, fiene acadé& S. Clément d'Alexandrie rapportent fon commencement à Carnéade: Sextus Empiricus joint Clitomaque à Carnéade dans fon inftitution. La différence de la feconde & de la troifiéme Académie étoit que la troifiéme avouoit qu'il y avoit des chofes vraies, & fauffes en elles-mêmes, mais que nous n'avions pas des régles fûres, pour les difcerner, au lieu que la feconde n'admettoit rien de vrai. Carnéade eftimoit auffi, que quoique nous ne connuffions pas le vrai. nous pouvions au moins déméler quelque vraifemblance, au lieu qu'Arcéfilas rejettoit toute vraisemblance, auffi-bien que toute vérité. Cette troifiéme académie adouciffoit donc un peu le pyrrhonifme de la feconde.

Mais elles s'accordoient, en ce qu'elles rejettoient également toute forte d'évidence: ils alleguoient toujours par maniére de doute) que l'évidence ne pouvoit être une regle de verité, puifque touts ceux, qui portent de faux jugements font féduits par elle. C'eft l'évidence, qui guide les infenfés, qui prête fa clarté à l'yvreffe, au dé

[g] Stanl. hift. philof. in Carnead.

lire, aux fonges. Il eft même à rémarquer, que ceux qui ont l'efprit enveloppé des ténébres de quelqu'un de ces accidents, font ceux qui fe perfuadent, que l'évidence les éclaire davantage. Qu'ainfi le véritable philofophe doit toujours être dans une juste défiance, & dans une fufpenfion continuelle, de même que Zeuxis trompé par le rideau peint dans le tableau de Parrhafius, après avoir reconnu fon erreur,eût douté en voïant un rideau véritable,fi ce n'étoit point une peinture.

Carnéade[g]nâquit la prémiére année de la 162. Olympiade, & mourut âgé de 85.ans dans la 184.Olympiade. Cicéron lui donne 90. ans de vie.

8,

me aca

Sextus Empiricus a encore diftingué Des qua une quatrième, & une cinquième aca. & cinqu démie. La quatrième fut fondée par mies. Philon, & Charmidés fucceffeurs de Clitomaque. Cette quatrième académie fe rapprochoit de plus en plus de l'ancienne ou des fentiments de Socrate, car elle permettoit au philofophe de fe déterminer quelquefois par la vraisemblance, à une opinion plûtôt, qu'à une autre; de prendre parti pour ou contre ; & d'avoir plus de penchant pour certains fentiments, que pour les fentiments oppofés. Elle admettoit un petit nombre de chofes compréhenfi- · bles.

Enfin Numenius rapporte, qu'Antiochus, qui fut le troifiéme fucceffeur de Carnéade, fit de grands changements dans l'échole de l'académie, en y introduifant la doctrine de plufieurs fectes étrangères. Cet Antiochus fut le chef de la cinquiéme académic.

ne paroît pas avoir jamais eu de fyfteme bien lie:comme il étoit véhément, fubtile, & éloquent dans la difpute, ilattira dans fon échole un grand nom

bre de difciples. Il fit toujours profef fion d'adhérer aux fentiments de Socrate, & de Platon, mais il mêla avec la doctrine de l'ancienne académie, & avec fa méthode irrefoluë de difputer plufieurs opinions des dogmatiques, & entr'autres plufieurs décifions des Stoïciens. Non content de faire paffer ces dogmes dans l'académie, il les at tribuoit à Platon,foutenant que la doctrine des Stoïciens étoit émanée de l'ancienne académie. Antiochus eut l'avantage de voir parmi fes auditeurs, les plus illuftres Romains, dont la mode étoit alors de voïager en Gréce, & de féjourner à Athénes, pour s'y former le goût par l'étude de la philofophie & de l'éloquence. Ce qui fit beaucoup d'honneur à l'échole d'Antiochus, fut d'y avoir inftruit,en mêmetemps, Varron le plus favant des Romains,Lucullus le plus magnifique, & Cicéron le plus éloquent.

Ce dernier [b] avoit une déférence fi parfaite pour Platon, qu'il avoue, que la feule autorité de ce philofophe fuffiroit, fans apporter aucune raifon, pour entraîner fon fentiment. Il l'ap pelle [ le Dieu de la philofophic. Quintilien [k] préfére Platon à touts les philofophes, pour la fubtilité, & pour l'éloquence. Cicéron n'eft pour tant pas fi prévenu en faveur de Platon, qu'il ne reconnoiffe [ que ce philofophe fe perd fouvent dans fes idées, au fujet de la géométrie, de la mufique, des aftres, & des nombres.

[b] Ut enim rationem. Plato nullam afferret ( vide quid homini tribuam ipfâ autoritate me frangeret, Cic. Tufcul. quaft.lib.1.deor. lib. 2.

[i] Plato quidam quafi Deus philofophorum Cic. de nat.

[k] Philofophorum quis dubitat Platonem fuifle præcipuum, five acumine dicendi, five cloquentiæ facultate di

Toutes les variations furvenues dans l'académie, déterminérent les difciples de Platon, à prendre le nom de Platoniciens: celui d'Académicien resta aux fectateurs d'Arcéfilas & de Carnéade, aux difciples de la feconde & de la troifié.ne académie. Les plus illuftres des Platoniciens ont été Apulée,qui fut accufé de magie; Calcidius, qui a fait un commentaire fur le Timée; Alcinoiis, auteur d'un abregé de la philofophie platonicienne, traduit par Marcile Ficin; Maxime de Tyr [m],qui, fuivant quelques uns, à été précepteur de l'empereur Marc Auréle; Galien, dont le nom et révéré dans la médecine, Philon Juif; Ammonius philofophe Chrétien, qui enfeigna à Aléxandrie,& tacha de concilier les fentiments oppofés de Platon & d'Ariftote. Il eut pour difciples Origéne, & Plotin qui fut le maître du célébre Amelius. L'empereur Gallien,& l'impératrice Salonine fa femme, donnérent à Plotin une ville en Italie,pour y établir un gouvernement conforme aux livres de Platon de la république & des loix, ce qui demeura fans effet.Plotin mourut l'an de Jésus-Chrift 270.âge de 66.ans.

Porphyre philofophe platonicien, & difciple d'Amelius, fut fort attaché à la doctrine de Plotin, il a vécu juf qu'au regne de Do:létien, & peut être au delà. Jamblique difciple de Porphyre a vécu fous Dioclétien, & fes fucceffeurs, jufqu'au régne de Valens. Proclus, qui écrivit contre la religion Q 3

vinâ. Quintil. lib. 10. c. 1.

Rabelais appelle Platon l'animal de touts le plus philofophe

[] Plato in geometria, musicâ, aftris & numeris fe contrivit. Cic. de finib. lib. 1

[m] Daniel Heinfius a commencé les ouvrages du Maxime de Tyr.

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