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cy.de.

tées fort diverfement. Thalés un jour occupé de la contemplation des aftres, tomba dans une foffé, & il effuïa cette raillerie d'une vieille fervante: Vous entreprenez, Thalés, de parcourir les cieux, & vous ne voïez pas ce qui eft à vos piés. Il difoit, que rien n'eft fi fort que la néceffité, à qui tout céde; rien fi rapide que l'efprit, qui parcourt les efpaces immenfes plus promptement, que la lumière; rien fi difficile, que de fe connoître foi-même. Etant jeune, il répondit à fa mére, qui le preffoit de fe marier, qu'il n'en étoit pas encore tems, & étant plus avancé en âge, il répondit qu'il n'en étoit plus tems. Il mourut fort vieux, fous la 58. olympiade, vers l'an 545. avant Jésus-Chrift.

Phérécyde plus jeune que Thalés, a De Phéré- été fon contemporain. Il nâquit en Syrie, ou plûtôt dans l'ifle de Scyros, l'une des Cyclades. Il a été mis, par quelques-uns, au nombre des fept fages de la Gréce. Il vivoit encore, dans la 55. olympiade; environ 560. ans avant Jésus-Chrift. Il ne doit pas être confondu avec Phérécyde l'Athénien, qui avoit écrit dix livres des antiquités de l'Attique, intitulés les Autochtones. Phérécyde le philofophe, fut auteur d'un traité du principe univerfel de la nature. Il paffa pour avoir fait de grands progrés dans la phifique. On conte de lui [o], que fur l'infpection de l'eau tirée d'un puits, il annonça un tremblement de terre. Pythagore fut difciple [p] de Phérécyde, qui légua en mourant [q] fes ouvrages à Thales.

[o] Cic. de divinat, lib. 1.

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ceffeurs

Anaximandre de Milet fut difciple & fucceffeur de Thalés. Pline attribue Des fuc à Anaximandre l'invention de la fphé- Thales. re, & Strabon le fait auteur des prémiérés Cartes géographiques. Il s'écarta en plufieurs articles, de la doctrine de fon maître: il établit plufieurs mondes [r], & plufieurs éléments. Il enfeigna, que les dieux naifoient, & mouroient aprés de longs intervalles. Il étoit âgé de 64. ans, la deuxième année de la S. olympiade, 547. ans avant JésusChrift.

Anaximéne tint l'échole de Milet aprés Anaximandre. Pline rapporte qu'Anaximéne fit le prémier cadran folaire, & qu'il fut tracé à Lacédémone. Mais on trouve dans les livres faints, qu'il y avoit un cadran folaire à Jérufalem, dans le palais d'Ezéchias roi de Juda, que le roi Achaz fon pére y avoit fait mettre. Ce cadran étoit donc plus ancien, qu'Anaximéne de plus de deux fiécles. Ifaïe fit reculer l'ombre du foleil de dix degrés [s] fur ce cadran de Jérufalem, pour figne de la guérifon du roi Ezéchias, & des quinze années ajoutées à fa vie. S. Auguftin fait mention [] du fentiment d'Anaximéne, que l'air étoit le principe général de toutes chofes, & que les dieux mêmes en tiroient leur origine.

Anaxagore fuccéda à Anaximéne Anaxagore enfeigna que la lune eft habitée, que les animaux avoient été produits par la chaleur du foleil, & par l'humidité de la terre. Lucien [] fait dire à Jupiter, au fujet de ce philofophe:,, J'ai brifé deux pointes de mon

jam defcenderat in horologio Achaz,

[p] Cic. Tufcul. quaft. lib. x. Apul, Florid, retrorfum decem gradibus. Reg. lib 4.

lib.2.

[q] Diog. Laërt. in Pherecyd.

[r] Stanl. in Anaximandr.

[] Reduxit umbram per lineas quibus

6. 20. V. II.

[r] S. Aug. de civit. Dei, lib, 8. c. 2. [u] Lucien, dial, de Timon.

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fophe du théatre, & Socrate que l'ora
cle de Delphes déclara le plus fage de
touts les hommes. Anaxagore étoit de
Clazoméne : il mourut dans la 88.
olympiade, environ 428. ans avant
Jésus-Chrift.

CHAPITRE TROISIEME.

Des cinq Académies.

SOMMAIRE.

foudre, en le lançant trop brufquement, contre le philofophe Anaxagore, qui vouloit perfuader à fes " difciples, que nous autres dieux n'étions que des chanfons. Mais il fe mit » à couvert, fous l'autorité de Périclés, ›› & cependant j'allai mettre en poudre "le temple de Caftor & de Pollux qui ne m'avoit fait ni bien ni mal Anaxagore [x] fut accufé d'impiété, pour avoir dit que le foleil étoit une male enflammée. Les uns rapportent, qu'il fut condamné à une amende de cinq talents, & à l'exil; d'autres qu'il fut mis en prison, & condamné à mort, mais que Périclés obtint la commutation de cette peine, en un banniffement: d'autres ont écrit qu'il toucha fes juges, par l'abattement, & la maigreur, dans laquelle il parut. S. Auguftin [y] s'étonne qu'Anaxagore ait été accufé, & pourfuivi en juftice à Athénes, pour avoir dit, que le foleil n'étoit pas un dieu, puifqu'on y fouffrit les Epicuriens, qui nioient ou-mi les premiers Chrétiens. 10. Elle a vertement la providence divine, & les Cyrenaïques qui faifoient con fifter le . fouverain bien dans la volupté des fens. Il eft vraisemblable,que depuis Anaxagore, le peuple d'Athénes s'accoutuma aux opinions, & aux difputes des

6.

L'echole

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1. De Socrate. 2. De Xénophon. 3. Cinq fectes formées par les difciples de Socrate. 4. De Platon. s. Des fucceffeurs de Platon.6. D'Arcéfilas, chef de la feconde académie. 7. De la troifiéme académie. 8. Des quatrième & cinquième acadèmies. 9. La philofophie Platonicienne est en vogue par

été décriée depuis par plusieurs pères
de l'églife. 11. Difpute fur la préfé-
rence de Platon & d'Ariftote, 12.
Excés de quelques Platoniciens fur
les lumiéres attribuées à Platon.

Rchelaus Athénien fut le fuccef

philofophes, & qu'il devint moins zé-feur d'Anaxagore,dans l'échole
lé pour les fauffes divinités : peut être
auffi que le regret, qu'il eut d'avoir
fait mourir Socrate, le rendit plus in-
dulgent pour les philofophes, du tems
d'Ariftippe, & d'Epicure.

Anaxagore transféra l'échole de Mistrée à let, à Athénes: il eut pour difciples, l'illustre Périclés, qui gouverna pendant 40. ans la république d'Athénes, le poëte Euripide furnommé le philo.

[x] Diog. Laërt.in Anaag. & Suid, in τος. Αναξαγ.

transférée de Milet à Athénes. Arche-
laüs eft regardé [a], comme le vé-
ritable maître de Socrate, qui ne fut
difciple d'Anaxagore, que pendant
fa prémiére jeuneffe. Socrate fils du
fculpteur Sophronifque, & de Pha-
naréte fage-femme, nâquit à Athénes
la quatrième année de la 77. Olym-
piade, l'an 469. avant Jésus-Chrift.
P 3

[y] S. Aug. de civit. Dei, lib. 18. c 41.
[a] S. Aug. de civt. Dei, lib. 8. c. 2.

I.

De Secrite.

Il exerça le métier de fon pére pendant fes prémiéres années. Diogéne de Laërce, qui a écrit fes dix livres de la vie des philofophes, fous l'empire d'Alexandre Sévére, dit qu'on voïoit encore de fon temps dans la citadelle d'Athénes, les ftatues des Graces, travaillées de la main de Socrate. Il fit paroître beaucoup de valeur, en portant les armes pour la patrie, & il fauva la vie à Xénophon, dans un combat. Il fupportoit les injures, avec une modération, & une patience, qui montroient, combien il fçavoit fe rendre maître de lui même. Il trouva dans les caprices, & dans les emportements de fa femme Xantippe, une épreuve continuelle de fa vertu. Il l'avoit époufée, connoiffant toute la mauvaise humeur ; afin, dit-il à Antifthene [b], de s'agguerrir contre les orages du dehors, par le vacarme domeftique, & pour imiter les meilleurs écuïers, qui cherchent dans les manéges les chevaux les plus difficiles.

La philofophie étoit encore bornée à quelques principes de phyfique, & de dialectique, lorfque Socrate [c] s'appliqua principalement à l'étude de la morale, dont Pythagore avoit déja donné quelques préceptes, fous les myftéres de fes fymboles; mais Socrate eft regardé comme la fource [d] de cette partie de la philofophic, la plus utile de toutes. Il

eut une fi grande réputation, que les différentes fectes rapportoient leurs doctrines à ce centre commun, & que touts les philofophes fuivant le témoignage de Cicéron [e], fe difoient difciples de Socrate, & vouloient paffer pour tels.

Socrate protestoit hautement que la feule chofe qu'il fçavoit, étoit qu'il ne fçavoit rien; mais il n'appliquoit ce principe qu'à confondre la curiofité des Phyficiens, ou la vanité des Sophiftes, & il étoit tellement perfuadé des vérités morales, qu'il facrifia fa vie pour elles. C'est donc avec juftice que Cicéron [f] l'exempte du reproche d'être l'auteur de l'opinion outrée de ces académiciens, qui prétendirent depuis que l'efprit de l'homme eft incapable de difcerner aucune forte de vérité.

Socrate juroit par le chien, l'oye, le platane. Saint Auguftin [g]interprete ces ferments d'une manière avantageufe, comme fi Socrate cût voulu faire entendre par-là aux Athéniens que les bêtes, & les plantes étant des ouvrages de Dieu, étoient préférables à toutes les idoles, par lefquelles il étoit en ufage de jurer. Lucien, dans le dialogue des fectes à l'encan, fait parler ainfi Socrate: Rien n'eft plus vrai, j'en jure par le chien, & par le platane. Voilà, dit le marchand, de plaifantes divinités. Eh! quoi, répond Socrate, n'est-ce

[b] Diog.Laërt. in Socr.Xenoph. in Sympof [c] Socrates mihi videtur (quod conftat inter omnes) primus à rebus occultis & ab ipfà naturâ involutis avocaviffe philofophiam, ut de virtutibus & vitiis quæreret. Cic. Tufcul. quaft. lib. 1.

[d[ A quo omnis quæ eft de vitâ &

moribus philofophia manavit. Cic. Tufcul. quaft. lib. 3.

Socrates primus philofophiæ moralis autor fuit .Cic. academ. quet. lib. 4. [e] Cic. de orat. lib. 3.

[f] Cic. Academ, qusft. lib. 4.
[g] S. Aug. de verá relig. in init.

donc pas un dieu confidérable que le chien? ignorez-vous ce que c'eft qu'Anubis en Egypte, la Canicule dans le ciel, & Cerbère dans les enfers ? Vous avez raison, replique le marchand, je n'y penfois pas.

Diogéne de Laërce [b] rapporte, que Socrate a travaillé aux tragédies d'Euripide. Il avoit une éloquence forte & véhémente, dont les trente tyrans d'Athénes [] prirent ombrage, &lui défendirent d'enfeigner la rhétorique. Socrate faifant allufion au métier de fa mére, feignoit que fon démon familier lui avoit défendu de produire lui-même des penfées [k], ne devant fervir qu'à faire accoucher les autres de leurs fentiments, & de leurs opinions. C'est auffi la méthode, que Platon lui fait tenir dans touts fes dialogues. Socrate ne foutient pas la vérité, mais par fes détours, & fes queftions [1],il améne celui contre qui il dispute, à la découvrir lui-même ; ce qui produit une conviction bien plus efficace: Socrate lui perfuade qu'il rappelle feulement dans fa mémoire, ce qu'il fçavoit déja. Ariftophane, dans la comédie des nuées, le décrie comme fçachant emploïer un tour apparent & fubtile, Four faire valoir de mauvaises raifons. Cette comédie eft pleine de traits fatiriques contre Socrate. Elien rapporte[m] qu'elle fut compofée à la fug

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geftion d'Anytus, & de Melitus accufateurs de Socrate, & il trouve vraisemblable que le poëte fe laissa corrompre par argent, pour difpofer le peuple par cette piéce, à la condamnation de Socrate. Mais ce philofophe ne fut accufé, & condamné, que plus de vingt-trois ans, aprés la repréfentation de cette comédie, qui fut jouée sous l'archontat d'Ifarchus, la neuvième année de la guerre du Péloponnéfe, & la prémiere année de la 89. Olympiade. Elien [n] raconte encore qu'à la représentation de la comédie des nuées, Socrate fe plaça en vûë de touts les fpectateurs, & fe tint de bout pendant toute la pièce. Plutarque [ 0 ], dans la traduction d'Amiot, lui fait dire ces paroles:,, Comme quelqu'un « des affiftants à l'heure qu'on le far- « çoit, & gaudiffoit ainsi, lui de- «< manda, Ne te courrouces tu point, c Socrate, de te voir publiquement blafonner? Non certainement, répondit-il, car il m'eft avis, que je “ fuis en ce théatre, ne plus ne << moins qu'en un grand feftin, l'on fe gaudit joïeufement de moi, Eupolis poëte comique avoit fait auffi beaucoup de railleries de Socrate.

Le véritable motif de fa condamnation fut l'envie de fa fagefle. Les plus puiffants citoïens d'Athénes voulurent le perdre, offenfés de ce con

Socrates ipfe fibi detrahens in disputatione plus tribuebat iis, quos volebat refellere. Cic Acad. quaft. lib.4.

Socrates percontando interrogandoque, elicere folebat eorum opiniones, quibu cum differebat.Cic. de finib, lib. 1.

[m] Cl. Elian, variar, hiftoriar, lib.za c. 13.

[n] Ælian.ib.
[o] Plutarch, de l'éducas,

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,

trafte de modeftie, qui choquoit leur orgueil. Le prétexte fut qu'il changeoit l'ancienne religion par fes opinions fur les dieux, & fur les démons, & qu'il corrompoit la jeuneffe par la doctrine qu'il enfeignoit. Ce fut le fommaire de l'accufation de Melitus. Socrate avoit prévu fon fort, & il avoit dit fouvent aux Athéniens qu'il devoit s'attendre à être traité par cux, comme un médecin qui feroit accusé par un fâtiffier, devant une troupe d'enfants. Sa mort fut un grand exemple de conftance & de générofité. Il pouffa le fcrupule, jufqu'à refufer les moiens, qui lui furent offerts, de s'enfuir de la prifon [p] pour n'être pas rebelle aux ordres du gouvernement; & il avala avec beaucoup de tranquillité, le breuvage de jus de ciguë, que le bourreau lui porta: en la prémiére année de la 95. Olympiade, étant âgé de foixante & dix ans, fuivant Diogène de Laërce. Mais quelle apparence d'en faire un faint, & un martyr? Erafme [9] témoigne, qu'il a peine à retenir le tranfport, qui le porte à s'écrier, Saint Socrate, priez pour nous. Comment concilier cette prétendue fainteté, avec les derniéres paroles, qu'il devoit un coq à Efculape? Elles font connoître que Socrate n'avoit pas même fuivi ces grandes vérités, que la nature feule indépendamment de la révélation offre à l'efprit, touchant la divinité. Ceux qui ont bonne opinion de fon falut, l'excufent, en difant qu'il emploïoit alors l'ironie, qui lui avoit toujours été trés-familiére mais étoit-il temps de tenir un dif cours ironique en mourant? Environ

[p] Plat, in Criton.

:

né d'un petit nombre d'amis fidéles; ne devoit-il pas leur infpirer dans ces derniers moments, l'attachement aux vérités, pour lesquelles on fuppofe. qu'il mouroit?

Les Athéniens témoignérent bientôt aprés par un deuil public, le regret qu'ils avoient de fa condamnation: ils firent mourir Melitus le principal de les accufateurs, ils exilérent les autres, & ils érigérent une ftatue à Socrate. Il n'a laiffé aucuns écrits: Xénophon, & Platon fes dif ciples, ont tranfmis à la postérité fes fentiments & fa doctrine.

2.

phon.

La grande réputation de Xénophon, en qualité de capitaine & d'hiftorien, De Xeno n'a point obfcurci celle qu'il a méritée en qualité de philofophe, & par le zéle qu'il à témoigné, pour la mémoire de Socrate fon maître, dont il a recueilli les traits les plus mémorables. Xénophon prévenoit en fa faveur, par les avantages extérieurs d'une aimable figure: rien n'étoit plus infinuant que fon chractére, ni plus doux que fon ftyle. Il fut furnommé l'abeille Attique. Il devint le favori de Cyrus, qui difputa le roïaume de Perfe à fon frére Artaxerxés: & ce jeune prince en plaçant fi bien fes bonnes graces, confirma la haute idée, que les peuples avoient de fes grandes qualités. Cyrus aïant été tué,Xénophon ramena de l'extrémité de l'Afie, les dix mille Grecs qu'il commandoit, & acquit par cette belle retrai te une gloire immortelle. Il fut exilé par les Athéniens, pour avoir paru trop attaché aux interêts d'Agéfilas, roi de Lacédémone. Xénophon né la prémiére année de la 82. Olympia

de,

Sancte Socrates, ora pro nobis. Erafm. in

[q] Vix mihi tempero, quin dicam, conviv, religiof.

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