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Des fages

Mithra, cetcombeau couvre le corps de Chyndonax grand-prêtre : Retire toi, impie, les dieux libérateurs gardent mes cendres.

18. Les fages de la Gréce peuvent être Grece regardés comme les précurfeurs de la philofophie chez les Grecs. On n'en compte que fept: Pittacus, Bias, So fon, Thalés, Cléobule, Chilon, Périandre. Touts s'accordent à mettre au nombre des fages les quattre prémiers, mais à la place des trois derniers, quelques uns mettent Phérécyde, ou le Scythe Anacharfis, ou Mifon, ou Epiménide, ou Pifftrate. Phérécyde, & Thalés ont été les fondateurs de la philofophie chez les Grecs. Il en fera par lé dans le chapitre suivant ; à l'égard des autres fages, voici quelques traits de leu: hiftoire échappés de l'oubli, & des ténébres d'une antiquité fi reculée.

Pittacus commanda [f] l'armée de Mityléne fa patrie, contre les Athé niens, dont il fut vainqueur,aïant tué dans un combat fingulier Phrynon leur général,Pittacus ufa de ftratagême dans ce combat; il porta un filet caché fous fon bouclier, & enveloppa tout d'un coup de ce filet la tête de Phrynon, qui ne s'attendoit pas à ce genre de combat. Il gouverna pendant dix ans, avec une autorité abfoluë, & remit enfuite la fouveraineté au peuple. Pit tacus mourut à l'âge de 78. ans, fous la 52. Olympiade, vers l'an 579.avant Jésus-Chrift.

Bias étoit citoïen de Priéne, ville de la dépendance de Thébes. Diogène de Laerce rapporte [g] que Priéne étant affiégée par Halyatcés roi de Lydie, pé

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re de Cræfus, & les affiégés étant prêts à fe rendre faute de vivres, Bias fit en. graiffer deux mulets, qui furent mis en. fuite hors des portes de la ville: Halyattés aïant jugé, par l'état où il vit ces animaux, de l'abondance qui étoit dans Priéne, il en leva le fiége. Valére Maxime raconte au contraire, que les citoïens les plus riches de Priene en étant fortis par la crainte du fiége, & aïant emporté leurs effets les plus pré tieux, Bias en fortit auffi, mais qu'il n'emporta aucun de ses effets; & com me plufieurs s'en étonnoient, il leur fit cette réponse, qui eft depuis deve nuë fi célébre: Je porte touts mes biens avec moi. Bias floriffoit fous la 42. Olympiade, vers l'an fix cents dix avant Jésus-Chrift. Il mourut dans le barreau, étant fort âgé après avoir défendu avec beaucoup de véhémence, la caufe d'un de fes amis accufé d'un crime capital, il expira aïant la tête appuïée fur les genoux de fa fille.

Selon nâquit à Athènes, la fecon. de année de la trente-cinquieme Olympiade, fix cents trente-neuf ans avant Jésus-Chrift. Il a été le législateur des Athéniens. Ses loix font fort célébres dans l'antiquité. Il les publia étant Archonte, la 3. année de la 46.Olympiade, fuivant le témoignage de Soficrate. Il contrefit l'infenfé, pour perfuader aux Athéniens la guerre de Salamine, dont un décret du peuple avoit défendu fous peine de mort de faire la propofition. Il libéra les débiteurs, par l'augmentation de la valeur des monnoïes: il s'oppofa à la tyrannie de Pififtrate, & n'aïant pû lui ôter le gou

wra Xuvdiraxres TεpiwpXNY & SUσσeßes, ἀπένα, λύσιοι κοινορῶσι .

[f] Suid. in voc, Пrrax, Dieg. Laërt

in Pittac. Strab. lib. 13. Eufeb, in Chro [g] Diog. Laërt, în Biant.

nic.

vernement d'Athénes, il s'en éxila volontairement, quelqu'inftance que Pififtrate lui fit pour l'y retenir. I mourut âgé de quatre-vingts ans, la feconde, année de la domination de Pififtrate, fous l'Archontat d'Hégeftrate,fuivant Phanias d'Eréfe.

Pififtrate s'étoit emparé du gouver nement d'Athénes, par des ftratagemes, qui prouvent la fimplicité des anciens peuples. Il plaça fur un char élevé une courtifanne belle & bien faite: il la revêtit d'un égide, & d'un cafque, & la promenant par toute la ville d'Athénes, comme fiç'eût été Minerve elle-même la déeffe tutelaire des Athéniens, illeur fit commander par elle, de déférer à Pififtrate la principale autorité. Quelque temps aprés, il fe montra couvert de fang,quoiqu'il n'eût aucune bleffure, il expofa au peuple,que fes envieux l'avoient percé de coups, & fe fit donner des gardes, avec le fecours defquels il s'empara de la citadelle, & envahit la pleine puissance, dont il ufa avec modération & juftice.

Cléobule étoit de la race des Héraclides, qui régnoit fur le plus grand nombre des états de la Gréce. Il excelJoit dans le talent de compofer des énigmés en vers. L'antiquité faifoit beaucoup de cas des énigmes, ainfi qu'il paroît par le dialogue du banquet de Plutarque, & par la fainte écriture même. Diogène de Laerce rapporte cette énigme de Cléobule; pour décrire l'année, fes douze mois, & les trente jours, & les trente nuits dont le mois eft compofé, il difoit: Qu'un père avoit douze fils, chacun defquels avoit foixante filles, dont la moitié avoit le teint blanc, & l'autre moitié l'avoit noir. Cléobule mourut dans la 55.Olympiade, vers l'an s60. Avant Jésus-Chrift.

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Périandre étoit auffi de la race des Héraclides, iffuë d'Hercule, fils d'Alcméne. Il s'empara du gouvernement de Corinthe fa patrie, par des voies violentes. Sa tyrannie commença en la 38..Olympiade, l'an 628. avant Jéfus-Chrift. Son hiftoire est un exemple, que les Grecs faifoient plus confifter la fageffe dans les lumiéres de l'efprit, & dans l'étendue des connoiffances, que dans les fentiments du cœur, & dans la pratique de la vertu ; puifque Pé riandre, que plufieurs ont mis au nom bre'des fept fages, fut un tyran noirci de beaucoup de crimes.

Chilon Lacédémonien eut part au gouvernement de fa patrie, en qualité d'Ephore, fous la 6. Olympiade environ l'an 556. avant Jésus-Chrift .On lui attribue ces deux belles maximes, dans lesquelles il faifoit confifter la fageffe, de fe connoître foi-même, & de ne rien défirer de trop.

Mifon, qui étoit auffi de Lacédémone, vivoit fous la 48. Olympiade, vers l'an 187. avant Jésus-Chrift. Il donnoit au labourage de la terre tout le temps, qu'il n'emploïoit pas à l'étude. Uniquement occupè d'exercer fon efprit, & fon corps, il cultivoit fon champ paternel de fes propres mains. Il fut d'une humeur femblable à celle de Timon, & d'Apémas, & il témoigna qu'il avoit pour les hommes toute la haine, dont il les jugeoit dignes. La philofophie approuvoit cette haine des hommes: mais la religion bien differente de la fageffe humaine, met dans la charité le fondement de toutes les vertus, & nous ordonne d'aimer nos ennemis. Hipponax rapporte que l'oracle d'Apollon déclara Mison le plus fage des hommes, & il eut l'honneur de porter ce titre plus de cent vingt ans avant Socrate,

Anacharfis

Anacharfis acquit une telle fageffe, par les conférences qu'il eut à Athénes avec Solon, qu'il a été mis, quoique Scythe, au nombre des fages de la Gréce. Il difoit, que la vigne portoit trois fortes de fruits, la volupté, l'yvreffe, & le repentir. A fon retour en Scythie, aiant voulu facrifier à Cybéle, pour s'acquitter d'un væu, il fut tué par fes compatriotes (b), comme voulant introduire une religion étrangére: Si l'on s'en rapporte à Suidas, & à Diogène de Laërce, on trouve, qu'Anacharfis vivoit encore dans la 58. Olympiade, environ 550. ans avant Jésus-Chrift, lorfque Craefus fut vaincu par Cyrus.

La fable a plus de part que l'hiftoire, à ce qui nous refte d'Epiménide. Il étoit contemporain de Solon. Il floriffoit fous la 46. Olympiade, fuivant Diogene de Laerce [i]: quelques-uns l'on fait plus ancien, & l'ont reculé jufqu'à la 24. Olympiade. On a écrit de lui que s'étant endormi dans une caverne, ce fommeil dura vingt-fept ans. Epiménide confulté par les Athéniens, fur une pefte qui faifoit beaucoup de ravage, conduifit des brebis blanches & noires dans l'Aréopage, & ordonna qu'on les laiffât aller, de quel côté elles voudroient, & que les hommes qui les fuivroient, les immolaffent aux divinités [k] convenables, dans les endroits où elles s'arrêteroient. C'eft

l'origine des autels dédiés aux divinités annonymes, que les Athéniens confervérent depuis, & qui donnérent occafion à faint Paul de dire aux Athé niens [1] : J'ai trouvé dans vos temples un autel dédié à la divinité inconnuë, c'eft que vous ignorez, que je viens vous annoncer. Diogene de Laërce, qui vivoit plus de huit cents ans après Epiménide, dit [m] que ces autels fubfiftoient encore de fon temps. Suivant faint Clément [n] d'Alexandrie, c'eft Epiménide,qui a été défigné par faint Paul [o], fous le nom de prophéte Grec. Les uns ont prolon gé la vie d'Epiménide [p], jufqu'à 157. ans, les autres jusqu'à 299. ans.

Quoiqu'Efope n'ait pas été mis au nombre des fept fages de la Grèce, il doit trouver fa place ici, puifque fes fables ingénieufes enveloppent les inftructions les plus morales. Il nâquit en Phrygie, dans la 51. Olympiade, environ l'an 576. avant Jésus-Christ. Quelques-uns croient, qu'Elope eft le même, qui fous le nom de Locman, eft deveuù célébre chez les Orientaux. Efope fut d'abord efclave: Crafus le fit venir à fa cour, pour fe fervir de fes confeils. Les habitants de Delphes firent mourir Efope, foit parce qu'il avoit détourné Crafus, d'envoier de grandes largeffes à leur temple, foit parce qu'il avoit fait des railleries de leur oracle dans fes fables.

Tom. 1.

P

[b] Hérodot, liv. 4.
[] Diog.Laërt, in Epimen.
[4] Τῷ προσήκοντι Θεῷ.

[] Inveni & aram, in quâ fcriptum erat, ignoto Deo. Quod ergo ignorantes colitis, hoc ego annuntio vobis. 48,

Apoftolor. c. 17.0.23.
[m] Βωμοὶ ἀνώνυμ το

[n] S.Clem. Alex. Strom, lib. x.
[o] Epift. ad Titum,6, 1. v,129
[p] Diog.Laërt, in Epimen

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Les Grecs te préten

seurs de la

CHAPITRE SECOND. gine aux Grecs. Preuve peu concluan [e], une preuve qu'elle devoit fon'ori

De la fecte Ionique.

SOMMAIRE.

1. Les Grecs fe prétendoient inventeurs de la philofophie. 2. Deux branches principales de la philofopbie, les fectes Ionique & Italique. 3. De Thales. 4. de Phérécyde. s. Des fucceffeurs de Thales. 6. L'échole transférée de Milet à Athénes.

Ous venons de voir que la phi lofophie a été longtemps flodoient au riffante [4], chez les Barbares, ahilofophie.vantqu'elle ait commencé chez les Grecs. Diodore de Sicile [b [ témoigne que la Grèce avoit emprunté prefque toutes les connoiffances des Barbares: ce qui eft confirmé par[c] Eufébe. Les anciens ont nommé Barbares, tout ce qui n'étoit ni Grec ni Romain. Les nations étrangères à la Gréce & à l'Italie, en parlant d'elles-mêmes, fe donnoient le nom de Barbares; & dans la fuite des temps, vers la décadence de l'empire Romain, le nom de Barbare devint trés-honorable, tandis que ceux de Grec & de Romain étoient tombés dans le mépris: les révolutions de la fortune s'étendant jufqu'aux noms mê

mes.

Les Grecs appellant donc toutes les autres nations Barbares, ne pouvoient fouffrir, qu'elles leur conteftaflent l'invention de la philofophie. Le nom même de philofophie [d]étoit, felon eux

[α] Ειλοσοφία τοίνυν απολυωφελές τι χρί μα πάλαι μέν ήκμασε παρὰ βαρβάροι, κατά τα θνη διαλάμψασα, ὕφερον δὲ ξ εις Έλληνας warnλde. S. Clem. Alex, Strom, lib, «. [6] Diod, Sic, lib. 1.

te, puifque ce terme étoit inconnu du temps des fept fages de la Gréce, & qu'il fut inventé par Pythagore, qui voïagea jufqu'aux extrémités de la terre, pour confulter les fages, dont les fetes étoient établies depuis longtemps chez les autres nations.

La vanité des Grecs, la difpofition naturelle de leurs génies, & l'exemple des autres peuples, les portérent à débiter auffi leurs fables, fur l'ori gine de la philofophie. Peu aprés que l'Actique eut produit fes habitants, difoient-ils, avant qu'aucun peuple fût répandu fur la terre, Mufée fils d'Eumolpe, avoit déja enfeigné la génération des dieux, & la fphére. Lis nus fils de Mercure, & de la mufe Uranie, avoit écrit de la formation du monde, du cours des aftres, de la production des animaux, & des fruits: & Orphée fils de la mufe Calliope, quoiqu'étranger, & natif de Thrace, avoit puifé, chez les Grecs, toutes les connoiffances, par lefquelles il devint fi cher aux dieux qu'il lui fut permis de defcendre aux enfers, pour en ramener fa femme Eurydice. Mais quittons les temps fabuleux, & venons à ce que l'hiftoire nous apprend de la philofophie, dont l'origine & la fuite non interrompue doit être rapportée à Thalés, qui fut le chef de l'école Ionienne ou Grecque, à peu prés dans le même tems, que Pythagore fut fondateur de l'échole Italique.

Ce fut alors que la philofophie devint célébre dans toute la Grèce. Ces

[c] Eufeb.prapar. evang, lib. 10, c. I. [d] Philofophie en Grec fignifie l'amour de la fagefe.

[e] Diog. Laërt.in proœm.

2.

ches princi

peuples lui eurent de grandes obligations. Elle répandit parmi eux l'efprit du bien public, & l'amour de la patrie. La philofophie fe divifa en deux Deux bran- branches principales, la fecte Ionienne, qui a reconnu Thalés pour fon enne & prémier maître, & la fecte Italique italique inftituée, comme il vient d'être dit, par Pythagore. Ceux qui ont eu dans leurs opinions le plus de conformité avec Pythagore, font compris dans l'échole Italique, quoique fort étrangers à l'Italie, comme Democrite, & Epicure, le prémier d'Abdére, & le fecond d'Athénes: & par la même raifon, ceux qui ont adhéré à quelqu'une des fectes, qui partagérent l'échole lonienne ou Grecque, font rapportés à cette échole, quoique nés en Italie, comme Cicéron, qui étoit Académicien, Caton, & Brutus qui étoient Stoïciens. Je fuivrai les principales fectes de la philofophie Ionienne ou Grecque, avant que de remonter à la philofophie Italique.

La philofophie Ionienne commença par Thalés, fondateur de l'échole de Milet, ville de l'lonie. Quelques auteurs ont reculé la naiffance de Thalés, jusqu'à la 35. & même à la 31.[f] Olympiade. Pline[g]a écrit, que Thalés floriffoit du tems d'Halyattés, roi de Lydie; & Cicéron [b] le fait contemporain d'Aftyage, roi des Médes: ce qui fe râpporte parfaitement, ces deux rois s'étant fait la guerre.

Thalés étoit originaire de Phénicie, De Thales, & de la plus illuftre naiffance, defcendant de Cadmus, & d'Agénor, fuivant le témoignage de Platon. Il fut furnommé Miléfien, foit parce qu'il

[f] Apollod. ap. Diog, Laërt, in Thal. [g] Plin. lib 2. c. 12. [h] Cic. de divinat. lib. x. [i] Apul. Florid. lib. 4.

nâquit à Milet, foit parce qu'il s'y établit. S. Juftin prétend, qu'il tira une grande partie de fes connoiffances des poëfies d'Homére. Il enfeigna [i] aux Grecs la géométrie, & l'astronomie, & leur expliqua la formation du tonnerre, & des autres météores. 11 obferva les folftices, & les équinoxes: il perfectionna la navigation des Phéniciens, en leur découvrant le cours de la petite ourfe autour du pole. Eudemus, dans l'hiftoire de l'af tronomie [k], rapportoit, que Thalés annonçoit d'avance les éclipfes de foleil, & de lune. Il prédit l'éclipfe de foleil, qui arriva fous le roi Halyattés, la quatrième année de la quarante-hui tiéme Olympiade, l'an de la fondation de [] Rome 170. Il rapportoit l'ori gine de tout [m] à l'eau, comme à l'unique élément. Pour prouver l'excellence de la philofophie à ceux qui n'eftiment que les richeffes, il fit ungrand amas d'olives [n], dont il prévoïoit la rareté, & gagna des fommes immenfes.

De jeunes gens de Milet,aïant trouvé des pêcheurs fur le bord de la mer, achetérent le coup de filet, avant qu'il fut jetté. Mais s'étant trouvé dans le filet retiré de la mer un trépié d'or, il s'éleva une grande conteftation, fur laquelle l'oracle confulté ordonna que le trépié fût porté au plus fage de la Gréce. Il fut porté d'abord à Thalés, qui l'envoïa à Solon: & aprés que ce trépié eut fait la ronde des fages de la Gréce, dont aucun n'êut la préfomptionde fe l'approprier, il revint à Thalés, qui le confacra à Apollon, dans le temple de Delphes. Les circonstances de cette hiftoire font à la verité racon

P 2

[k] Eudem. ap. Diog. Laërt. in Thal. [1] Plin.lib. 2. c. 12.

[m] Stanleius in Thal.
[n] Ariftot.polit. lib.1.c. 11,

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