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19.

Des mar

calcul défectueux, ils ont donné aux antiquités Grecques trois ou quatre cents ans plus qu'il ne falloit. Il confent à évaluer trois générations fur le pié d'un fiècle, mais il foutient que fuivant l'ordre naturel, on doit don ner une bien moindre étenduë aux régnes ou aux fucceffions. Il parcourt la plupart des anciens roïaumes, & recueillant la fomme totale de touts les régnes, il trouve que dans tel roïaume on a fait régner chaque roi l'un portant l'autre 45. ans, & il n'évalue la durée des régnes & fucceffions, le fort portant le foible, qu'aux en virons de vingt ans. Sur ce principe il rapproche de trois cents ans l'expédi tion des Argonautes.

Un monument célébre de la chrobres d'Aron-nologie Grecque nous a été tranfmis par les marbres de Paros ou d'Arondel. Ils contenoient une ancienne chronique d'Athénes, gravée dans l'ifle de Paros, l'une des Cyclades, 263. ans avant Jésus-Chrift. Thomas comte

[y] Mélanges de Vigneul-Marville, 1. 2. P.311.

[z] On lis dans de vieux titres de l'onzita

d'Arondet, fit apporter ces marbres du Levant à grands frais. Ces reftes curieux de l'antiquité [y] ont été tellement négligés, que la plupart de ces marbres ont été emploïés à réparer des cheminées.

20.

Différents

de la nait

Quoique l'ére Chrétienne vulgaire foit une date à laquelle touts les fentiments chronologiftes fe conforment dans l'u- fur l'année fage, les opinions fur l'année de la fance de Jé. naiffance de Jésus-Chrift font fort fus-Christ. partagées & elles s'étendent depuis l'an de Rome 748. jusqu'à l'an 755. cinq ans avant & deux ans aprés l'ére vulgaire. Tantôt on a compté de l'incarnation de N. S, tantôt de sa nailfance, & tantôt de fa paffion. Il y a quelques vieux titres, qui joignent les deux dates [z] de l'incarnation & de la paffion. J'en ai assez dit, pour prouver que la chronologie eft pleine d'incertitudes, & enveloppée de ténébres, que les efforts des plus laborieux modernes n'ont pû diffiper.

NJ 3

me fiécle: Actum anno ab incarnatione Domini 1060, à paffione 1028,

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102

LIVRE SECOND.

HISTOIRE

DE LA PHILOSOPHIE.

CHAPITRE PREMIER.

De la Philofophie avant qu'elle ent comencé chez les Grecs.

SOMMAIRE. 1.Avantages procurés par la philofophie 2. La philofophie fource de contradictions. 3. La philofophie décriée com me impie dans les fauffes religions,n'est pas inutile dans la religion véritable. 4. L'hiftoire des fectes des philofophes eft une partie confidérable de celle de Tefprit humain. 5. La philofophie eft auffi ancienne que le monde. 6. Philofophie des patriarches. 7. Prétentions des Egyptiens. 8. Différentes opinions fur Mercure Trifmégifte. 9. Philofophie des Chaldéens. 10. Des Phéni ciens, 11. Des Perfes. 12. Differentes opinions fur Zoroastre. 1 3.Description par Béde des mages qui vinrent à Bethleem. 14. Des Gymnofophiftes. 15. Des philofophes Libyens. 16. Des Thraces. 17. Des Druides. 18. Des fages de la Gréce.

[a] Ovitæ philofophia dux, o virtutis indagatrix, expultrix que vitiorum, quid non modo nos, fed omnino vita hominum Gne te effe potuiffet? Tuurbes peperifti, tu diffipatos homines in focietatem vitæ convocafti. Tu eos inter fe primò domiciliis, deinde conjugiis, tum litterarum & vocum communione junxifti tu inventrix legum. Tu magiftra morum & difciplinæ fuifti. Cic. Tufcul. quaft. lib. 5.

[6] Αρχὴ τῆς σοφίας ἀπιεία. Ariftote

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terminer touts leurs differends fous fon autorité. Cette efpèce de gens ne s'accommode jamais, parce que c'est la va nité, & la paffion, qui font les fondements de leurs difputes, fans aucun égard pour la vérité.

Lucien dit [e] qu'aïant voulu confulter les différents philofophes, il de vint femblable à ces perfonnes, qui fommeillent, & qui donnent de la tête, tantôt d'un côté, tantôt d'un autre,fans pouvoir trouver d'affiéte ferme & affu. rée. Il fait ailleurs [f] une fatire fort ingénieufe de leurs incertitudes, & de leur orgueil. La philofophie peut être comparée à l'homme lui-même, qui eft un compofé de lumiéres & de ténèbres, de grandeur & de mifere. On ne peut rien avancer de fi abfurde, dit Ciceron [g], qu'on ne rencontre l'opinion de quelque philofophe. Il n'y a point, fuivant Varron [h], de fonge de malade fi extravagant, qui ne foit conforme au fentiment de quelque philofophe.

Il femble que dans l'harmonie des entendements humains, il y ait une con fonance par des cordes montées fur le même ton: en forte que toutes les fois qu'une de ces cordes vient à rendre un fon, quelque bizarre qu'il puiffe être, touts les efprits qui font à l'uniffon éprouvent les mêmes vibrations,dans les cordes qui répondent à celle qui a été re, muée. C'eft pourquoi Ariftote [i]donne pour précepte de fe fervir d'arguments

ut nollent ætatem in litibus conterere, poffe rem convenire, & fimul operam fuam fe illis pollicitum, fi poffet inter eos aliquid convenire. Cic.de legibus, lib. 1. [e] Lucien dans le dial, init. La Nécromancie,

[f] Lucien dans le dial, init. Icarome. nippe.

[] Nefcio quo modo nihil tam abfur de dici poteft, quod non dicatur ab aliquo philofophorum Cic. de divinar. lib. 2.

[b] Poftremò nemo ægrotus quicquam fomniat tam infandum, quod non aliquis

apparents, autant que de folides, parce qu'il y a des efprits, qui font plus frappés des apparences que de la réalité.

me impic

gions n'eft

La philofophie étant tres propre à La philofo. diffiper le nuage fuperftitieux d'une re- phie deligion pleine d'extravagances & de cri- criée com mes, les philofophes anciens [k]furent dans les décriés, comme aiant des fentiments faules relioppofés à ceux du vulgaire fur la reli- pas in utile gion. Cicéron []expliquant les con- ligion vórifequences probables,que l'orateur peut table. faire valoir, & qu'il peut tirer de fon fujet,dit:Si c'eft une mére,elle aime fon fils,fic'eft un avare, il eft peu religieux fur fon ferment; fi c'eft un philofophe, il penfe mal des dieux, Mais aujourd'hui, la philofophie eft de toutes les fciences celle qui s'accorde le mieux avec notre fainte religion, & rien n'est plus capable d'élever l'homme au fouverain être [m] que de contempler la nature. Origéne obligé de se justifier de l'attachement [n] qu'il avoit à la lecture des philofophes, emploïa une comparaifon, que faint Clément d'Alexandrie, qui fut fon maître, avoit faite avant lui, disant qu'il sembloit [•], que Dieu eût voulu apprendre à faire triompher la philofophie, lorsqu'il ordonna au peuple d'Ifraël, de fe fervir des richeffes, & des dépouilles de l'Egypte, pour contribuer à l'ornement de la véritable religion.

Pour entendre les differentes opi- L'histoire nions des philofophes, il eft néceffaire des tectes

dicat philofophus. Fragm. Varron.

[i] Ariftot.ethic. Eudem. lib. 1. c. 6.
[k] Apul. apolog.

[1] Probabile eft hujufmodi: fi mater
eft,diligit filium:fi avarus eft, negligit jus
jurandum. In eo autem, quod in opinione
pofitum eft, hujufmodi funt probabilia:
impiis apud inferos poenas effe præpara-
tas, eos qui philofophiæ dent operam,non
arbitrari Deos effe. Cic. de invention.lib.1.
[m] M. Derham,théol physiq:& astronom.
[n] Eufeb, hift. lib. 6. c. 17.
[o] Orig. Philocal, 13.

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.5. La philo

cienne que

On ne peut douter que la philofo fophie eft phie n'ait commencé avec le monde. auffi an- Adam eut une philofophie infufe:& par le monde. les noms[p] qu'il donna aux animaux, & aux plantes, il montra la connoiffance, qu'il avoit de leurs propriétés. Il femble,que Platon [9]eût appris de la fainte écriture, combien le prémier homme excelloit dans la fcience de la nature,lorfqu'il dit que les noms primi tifs exprimoient les vertus des chofes,& qu'ils avoient été infpirés de Dieu mê

me.

La philofophie, en naiffant, fut dans un état bien plus parfait, qu'elle n'a pû être rétablie depuis. La métafifique d'Adam étoit incomparable: forti des mains du créateur, il avoit puifé à la fource même les notions des fubftances fpirituelles, & il avoit reçû immédia tement de Dieu les préceptes de fa morale. Le péché originel répandit bientot d'épaiffes ténebres dans l'efprit humain: les Patriarches, en confervant la faine tradition,tranfmirent à un peuple choifi de Dieu, quelques principes de cette philofophie émanée du ciel; & en Philofo- écartant toutes les fables de l'antiquité, on peut fe perfuader avec beaucoup de vraisemblance, que la philofophie a commencé par les Patriarches. Un paffage de Bérofe[r] porte, qu'à la dixié

6,

phie des patriar

ches

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me géneration aprés le déluge, ily avoit, chez les Chaldéens, un homme jufte, & verfé dans l'aftronomie. L'hif torien Jofeph, qui cite ce paffage de Bérofe,en fait l'application à Abraham, qui étoit le dixiéme defcendant de Noé. Le témoignage d'Eupoléme[s]dans Eufébe, attribue à Abraham l'invention de l'aftrologie,& de la fcience des Chaldéens. Jofeph dit [t], qu'Abraham,dans le voïage qu'il fit en Egypte, enseigna l'arithmétique& l'astronomie auxEgyp tiens, qui n'avoient aucune notion des fciences,avant l'arrivée d'Abraham;que ce fut par lui,qu'elles furent tranfmifes de Chaldée en Egypte, d'où elles pafferent enfuite chez les Grecs: & faint Auguftin obferve [n], que la philofophie beaucoup plus ancienne chez les Egyptiens, que chez les Grecs, n'avoit commencé en Egypte,qu'aux temps des Patriarches Abraham, Ifaac, & Jacob.

Abraham [x] étant parti de la ville d'UrenChaldée,porta fes connoiffances dans la terre de Chanaam, & entr'autres peuples de ces contrées, chez les Phéniciens. Dans les voïages, qu'il fit en Egypte [y], il communiqua fes lumiéres aux Egyptiens. Ainfi l'hiftoire de ce feul Patriarche femble concilier les difputes de ces trois nations; la Chaldéenne, la Phénicienne, & l'Egyptienne, fur la gloire d'avoir donné la naiffance à la philofophie.

La providence divine aïant rendu Jofeph toutpuiflant en Egypte, ce Patriarche, & fes frères renouvellérent, & étendirent les connoiffances

portées

[5] Καὶ τὴν ἀκρολογίαν, η Χαλδαϊκήν super. Eupol.ap Eufeb.de Abraham.

[+] Την τε αριθμητικὴν αὐτοῖς χαρίζεται, κ τὰ περὶ τὴν ἀςρονομίαν παραδίδωσι προ γὰρ τῆς Αβράμε παρυσίας εις Αίγυπτονο Αιγύπτιοι εἶχον ἀμαθῶς ἐκ Χαλδαίων γάρ ταῦτ ̓ ἐπεφοίτησεν εις Α' φύπτον, ὅταν ἀνῆλθεν κλειστές Ελληνας. Jofeph. antig. lib.x. c.8. [u] S.Aug.desivir. Dei, lib. x8.c.39. [x] Gen.c.11. [y] Genef. c. 12.

Pretentions

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portées en ce païs par Abraham L'hiftorien Jofeph rapporte formellement, que ce fut Jofeph le Patriarche, qui apprit la géométrie aux Egyptiens. Il n'y a aucun doute, que Moïfe ne joignît aux autres dons du ciel, une connoiffance trés étendue de la nature: & lorfqu'il eft dit, qu'il fut êlevé dans la fcience des Egyptiens, cette science ne peut s'entendre de leurs illufions, & de feur magie,qu'il confondit dans la faite avec éclat: il eft donc vraisemblable,qu' il fut inftruit de ces difciplines[2],ou de cette philofophie, qui tiroient leur ori. gine de fa nation,& qui avoient passé en Egypte en prémier lieu avec Abraham, & depuis avec Jofeph, & les frères.

Nous lifons dans l'écriture fainte,que Salomon traita de toutes les plantes, depuis le Cédre,jufqu'à l'Hyffope.Les pro. phétes, & les autres docteurs des Juifs furent trop occupés des chofes divines,pour cultiver avec foin l'étude prophane de la philofophie:& les livres mêmes de Salomon [a], qui contenoient une phyfique fi utile & fi curieufe, furent brûlés par Ezéchias, de peur qu'ils ne détournaffent le peuple de fon attention à fes faintes écritures,& à fa loi.

La négligénce des Hébreux pour la des Egy- philofophie, donna lieu à plufieurs anciens peuples, de s'en attribuer l'origine & l'invention. Les Egyptiens fe piquoient, d'avoir tranfmis toutes les difciplines aux autres peuples. Ils fe don noient pour les péres du genre humain, & pour les auteurs de toutes les fciences, difant:que le monde n'avoit rien de bon, Tom. 1.

[ 2 ] Καὶ ἐπαιδιεύθη Μωσῆς ἐπὶ πάση σο
ia AiyuπTir. Act.apoft.c.7.v.22.
[a] Cedren. hift. Compend.
[b] Diod, Sic.lib.1.

[c] Sorion ap. Diog.Laërt, in proœm.
[d] S. Aug.de civit. Dei,lib.8.c.23.
[e] Mercuri, facunde nepos Atlan-
tis, Hor.

dont l'origine ne dût être rapportée à l'Egypte. Mais ce qu'il racontoient d'eux-mêmes,a l'air si fabuleux,& leurs prétentions étoient enveloppées de fi épaiffes ténébres, qu'on ne peut fe laiffer perfuader, en fe rapportant à leur propre témoignage. Ils attribuoient l'origine de leur philofophie [b]à Ifis Ofiris, Vulcain, Mercure, & Hercule. Ils difoient que Vulcain fils de Nilus avoit enfeigné [c] les fciences dans l'Egypte, quarante-huit mille huit cents foixante & trois ans, avant le régne d'Alexandre, qui a détruit la monarchie des Prefes.

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Ils ont débité un grand nombre de fables, fur leurs deux Mercures, dont le prémier fut nommé Thot, & le fecond eut le furnom de Trifmégifte Quelques ouvrages de Mercure Trifmégifte, avoient été conservés jusqu'à faint Auguftin [d], qui en cite des paffages. Ce pére de l'église ajoûte qu'Atlas frére de Prométhée fut contemporain de Moyfe; qu'il êtoit l'aïeul maternel [e] de l'ancien Mercure,dont le petit fils a été Mercure Trifmégiste [f]. Selon quelques chronologiftes modernes, les deux Mercures font beaucoup plus anciens. Le prémier eft placé peu de temps aprés le déluge, & le fecond étoit contemporain d'Abraham. Ils prétendent qu'Abraham Ofiris roi d'Egypte, & Mercure Trifmégifte vivoient dans le même temps, environ 2000, ans avant Jésus-Chrift, vers l'an 2004. de la création du monde, fuivant Ufferius; vers l'an 2714

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