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qui ont pu connaître tous deux le peuple de Dieu; le premier dans la Syrie, où les Israélites étaient établis depuis longtemps, le second à Babylone, où les mêmes Israélites avaient été transportés, et où Zoroastre aura pu consulter Daniel, qui était tout-puissant dans la cour du roi des Perses.

Une autre réforme que fit Zoroastre dans l'ancienne religion des mages, c'est qu'il fit bâtir des temples, où l'on conservait avec grand soin le feu sacré, qu'il prétendait avoir apporté luimême du ciel. Les prêtres veillaient jour et nuit pour empêcher qu'il ne s'éteignît.

On trouve tout ce qui regarde les mages rapporté fort au long et fort savamment dans les deux premiers tomes de l'Histoire des Juifs, par M. Prideaux, dont je n'ai fait ici qu'extraire une très-petite partie.

Mariage et Sépulture.

L'article de la religion des peuples d'Orient, que j'ai cru devoir traiter avec quelque étendue, parce que je la regarde comme une partie essentielle de leur histoire, m'oblige d'abréger ce qui concerne leurs autres coutumes. Celles des mariages et de la sépulture ne doivent pas être omises.

Rien n'est plus horrible, et ne marque mieux les profondes ténèbres où l'idolâtrie avait plongé le genre humain que la prostitution publique des femmes de Babylone, non-seulement autorisée par les lois, mais commandée par la religion même dans une certaine fête de l'année, que l'on célébrait en l'honneur de la déesse Vénus sous le nom de Mylitta, dont le temple devenait par cette infâme cérémonie un lieu de débauche. Elle y régnait encore, et y était fort commune, lorsque les Israélites furent menés en captivité dans cette ville criminelle, et Jérémie se crut obligé de les prémunir et de les fortifier contre un scandale si abominable.

La dignité et la sainteté du mariage n'étaient pas plus connues chez les Perses. Je ne parle pas seulement de cette multitude incroyable de femmes et de concubines, dont le sérail des rois étaient rempli, à l'égard desquelles ils poussaient la

jalousie aussi loin que s'ils n'en eussent eu qu'une seule, les tenant toutes renfermées chacune dans un appartement séparé, sous la sévère garde des eunuques, sans aucune communication entre elles, et beaucoup moins encore avec les personnes du dehors. On ne saurait lire sans horreur jusqu'où ils avaient porté l'oubli et le mépris des lois les plus communes de la nature. L'inceste avec une sœur était permis chez eux par les lois, ou du moins autorisé par les mages, ces prétendus sages de la Perse, comme on l'a vu dans l'histoire de Cambyse. Un père même ne respectait pas sa fille, ni une mère son fils. Nous lisons dans Plutarque que Parysatis, mère d'Artaxerxe Mnémon, qui cherchait en tout à complaire au roi son fils, s'aper cevant qu'il avait conçu une violente passion pour une de ses propres filles nommée Atossa, loin de s'y opposer, lui persuada de l'épouser et d'en faire sa femme légitime, en se moquant des opinions et des lois des Grecs: car, lui dit-elle, en poussant la flatterie à un excès affreux, c'est vous que Dieu a donné aux Perses comme la seule loi et la seule règle de tout ce qui est honnête ou déshonnête, vertueux ou vicieux.

Cette coutume abominable durait encore du temps d'Alexandre le Grand, qui, étant devenu maître de la Perse par la défaite et la mort de Darius, fit une loi expresse pour la défendre. Ces excès nous apprennent de quel abîme l'Évangile nous a délivrés, et combien la sagesse humaine est une faible barrière contre les crimes les plus détestables.

Je finis, pour abréger, en disant un mot de la sépulture des morts. Ce n'était point la coutume dans l'Orient, et surtout chez les Perses, d'élever un bûcher dans les funérailles pour y consumer par les flammes les corps morts. Aussi voyons-nous que Cyrus en mourant recommanda à ses enfants d'inhumer son corps, et de le rendre à la terre 1, ce sont ses expressions, par lesquelles il semble marquer qu'il regardait la terre comme sa première origine, où il était juste qu'on le fit retourner. Et Cambyse, après avoir fait essuyer au cadavre d'Amasis, roi

Ac mihi quidem antiquissimum sepulturæ genus id fuisse videtur genus, quo apud Xenophontem Cyrus utitur. Redditur enim terræ corpus, et ita loca

tum ac situm quasi operimento matris obducitur. »

(CIC. lib. 2, de Leg., n. 56.)

d'Égypte, mille traitements indignes, crut y mettre le comble en le faisant consumer par les flammes, ce qui était également contraire aux usages des Perses et des Égyptiens. Ceux-ci avaient coutume d'enduire et d'environner de cire les corps morts, pour les faire subsister plus longtemps.

et

J'ai cru devoir traiter ici avec quelque étendue ce qui regarde、 les mœurs et les coutumes des Perses, parce que l'histoire de ce peuple doit occuper une grande partie de mon ouvrage, que je n'y reviendrai plus dans la suite. Le livre de Barn. Brisson 2, président du parlement de Paris, sur le gouvernement des Perses, m'a été d'un grand secours. Ces sortes de recueils, quand ils sont faits par une main habile, épargnent beaucoup de peine, et fournissent à un écrivain des traits d'érudition qui lui coûtent peu et qui ne laissent pas souvent de lui faire beaucoup d'honneur.

ARTICLE V.

Causes de la décadence de l'empire des Perses et du changement arrivé dans les mœurs.

Quand on compare ce qu'étaient les Perses avant Cyrus, et sous le règne de ce prince, avec ce qu'ils furent depuis sous ses successeurs, on a peine à comprendre que ce fût le même peuple; et l'on touche au doigt cette vérité, que, dans un État, la décadence des mœurs entraîne toujours après elle celle de l'empire.

Entre plusieurs causes du changement arrivé dans celui des Perses, on en peut surtout considérer quatre principales : la magnificence et le luxe portés au dernier excès; l'asservissement des peuples et des sujets, poussé jusqu'à l'esclavage; la mauvaise éducation des princes, qui fut la source de tous les désordres; le manque de bonne foi dans l'exécution des traités et des serments.

« Condunt Ægypii mortuos, et eos domi servant: Persæ jam cera circumlitos condiunt, ut quam maxime permaneant diuturna corpora. »

(CIC. Tuscul. Quæst. lib. 1, n. 108.)

2 « Barnab. Brissonius, de regio Persarum principatu, etc. Argentorati. » (An 1710.)

SI. Magnificence et luxe.

I

Ce qui fit regarder les Perses du temps de Cyrus comme des troupes invincibles, c'était la vie sobre et dure à laquelle ils étaient accoutumés dès l'enfance, ne buvant ordinairement que de l'eau, se contentant pour leur nourriture de pain et de quelques légumes, couchant sur la dure, s'exerçant aux travaux les plus pénibles, et ne comptant pour rien les plus grands dangers. La température du pays où ils étaient nés, âpre, hérissé de forêts et rempli de montagnes, pouvait y avoir contribué; et c'est pourquoi Cyrus ne voulut jamais consentir au dessein qu'on avait de les transplanter dans un climat plus doux et plus commode. L'excellente éducation qu'on donnait aux Perses, dont nous avons parlé ailleurs avec assez d'étendue, qui n'était point abandonnée au caprice des parents, mais soumise à l'autorité des magistrats, et réglée sur les principes du bien public, les préparait à garder en tout et partout une discipline exacte et sévère. Ajoutez à cela l'exemple du prince, qui se piquait de passer tous les autres en régularité, le plus sobre pour le vivre, le plus simple dans ses vêtements, le plus endurci à la fatigue, le plus brave et le plus intrépide dans l'action. Que ne pouvait-on point attendre de soldats formés et exercés de la sorte! Aussi fut-ce par eux que Cyrus fit la conquête d'une grande partie du monde.

Quand il s'en fut rendu maître, il les exhorta fort à ne point dégénérer de leur ancienne vertu, pour ne point dégénérer de leur gloire, et à conserver toujours avec soin la simplicité, la sobriété, la tempérance, l'amour du travail, qui les en avaient mis en possession. Mais je ne sais si lui-même, dès lors, ne jeta point les semences du luxe qui gagna et corrompit bientôt toute la nation. Dans cette auguste cérémonie que nous avons décrite ailleurs fort au long, et où il se montra pour la première fois en public à ses sujets nouvellement conquis, il crut devoir étaler avec pompe, pour rehausser l'éclat de la royauté, tout ce que la magnificence a de plus brillant et de plus capable d'éblouir les yeux. Entre autres choses, il changea pour lui-même Plut. in Apophth. p. 172.

la manière de se vêtir, et la fit changer aussi à tous ses officiers, leur donnant des habits à la mède, tout éclatants d'or et ⚫de pourpre, au lieu de ceux des Perses, qui étaient fort simples et fort unis.

Ce prince ne comprit pas combien l'exemple contagieux de la cour, la pente naturelle qu'ont tous les hommes à estimer et à aimer ce qui frappe et qui brille, le désir de se distinguer audessus des autres par un mérite facile à acquérir à proportion de ce qu'on a plus de biens et de vanité; combien tout cela ensemble était capable de corrompre la pureté des anciennes mœurs, et de rendre le goût du faste et du luxe bientôt domi

nant.

Ce faste et ce luxe furent, en effet, portés à un excès qui était une véritable folie. Le prince menait avec lui toutes ses femmes, et l'on juge aisément de quel attirail cette troupe était suivie. Les généraux et les officiers en faisaient autant chacun à proportion. Le prétexte était de s'animer à bien combattre, par la vue de ce qu'ils avaient de plus cher au monde; mais la véritable raison était l'amour du plaisir, par lequel ils étaient vaincus et domptés avant que d'en venir aux mains avec l'ennemi.

Une seconde folie était de vouloir qu'à l'armée le luxe pour les tentes, pour les chars, pour la table et la bonne chère, passât encore celui qui règne dans les villes 2. Il fallait que les mets les plus exquis, le gibier le plus fin, les oiseaux les plus rares, vinssent trouver le prince, en quelque endroit du monde qu'il campåt. Les vases d'or et d'argent étaient sans nombre, instruments du luxe 3, non de la victoire, dit un historien, propres à attirer et à enrichir l'ennemi, non à le repousser ni à le

vaincre.

Je ne vois pas quelles raisons Cyrus put avoir de changer de conduite dans les dernières années de sa vie. On ne peut nier que la grandeur des rois n'ait besoin d'une magnificence qui y

Xenoph. Cyrop. 1. 4, p. 91 et 99. 2 Senec. 1. 5, de Ira, c. 20.

Non belli sed luxuriæ apparatum... Aciem Persarum auro purpuraque ful

gentem intueri jubebat Alexander. prædam non arma gestantem. » (Q. CURT. [III,11, 9]. )

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