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peut avoir ni plus, ni d'autres que celles qui lui sont suggérées. Il ne peut se former d'autres idées des qualités sensibles que celles qui lui viennent du dehors par les sens, ni des idées d'aucune autre sorte d'opérations d'une substance pensante, que de celles qu'il trouve en lui-même. Mais, lorsqu'il a une fois acquis ces idées simples, il n'est pas réduit à une simple contemplation des objets extérieurs qui se présentent à lui, il peut encore, par sa propre puissance, joindre ensemble les idées qu'il a acquises, et en faire des idées complexes, toutes nouvelles, qu'il n'avait jamais reçues ainsi unies.

§ 3.

Les Idées complexes sont ou des modes, ou des substances, ou des relations.

De quelque manière que les idées complexes soient composées et décomposées, quoique le nombre en soit infini, et qu'elles occupent les pensées des hommes avec une diversité sans bornes, elles peuvent pourtant être réduites à ces trois chefs:

1. Les modes.

2. Les substances.

3. Les relations (60).

(60) « Cette division est assez à mon gré je crois que

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Ce que c'est que les Modes.

Premièrement, j'appelle modes, ces idées complexes, qui, quelque composées qu'elles soient, ne renferment point la supposition de subsister par elles-mêmes, mais sont considérées comme des dépendances ou des affections des substances: telles sont les idées signifiées par les mots de triangle, de gratitude, de meurtre, etc. Que si j'emploie dans cette occasion le terme de mode dans un sens un peu différent de celui qu'on a accoutumé de lui donner, je prie mon lecteur de me pardonner cette liberté; car c'est une nécessité inévitable dans des discours où l'on s'éloigne des notions communément reçues, de faire de nouveaux mots, ou d'employer les anciens termes dans une signification un peu nouvelle; et ce dernier expédient est peut-être le plus tolérable dans cette rencontre.

« les qualités ne sont que des modifications des substances, << et l'entendement y ajoute les relations; il s'ensuit plus qu'on ne pense.

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§ 5.

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Deux sortes de Modes, les uns simples, et les

autres mixtes.

Il y a deux sortes de ces modes qui méritent d'être considérés à part. 1. Les uns ne sont que des combinaisons d'idées simples de la même espèce, sans mélange d'aucune autre idée, comme une douzaine, une vingtaine, qui ne sont autre chose que des idées d'autant d'unités distinctes, jointes ensemble (61). Et ces modes, je les nomme modes simples, parce qu'ils sont renfermés dans les bornes d'une seule idée simple. 2. Il y en a d'autres qui sont composés d'idées simples de différentes espèces, qui, jointes ensemble, n'en font qu'une: telle est, par exemple,

(61) « Peut-être que dizaine et vingtaine ne sont que << des relations, et ne sont constituées que par le rapport « à l'entendement. Les unités sont à part, et l'entende«ment les prend ensemble quelque dispersées qu'elles soient. << Cependant quoique les relations soient de l'entendement, << elles ne sont pas sans fondement et réalité. Car le premier entendement est l'origine des choses; et même la « réalité de toutes choses, excepté les substances simples, « ne consiste que dans le fondement des perceptions des « phénomènes des substances simples. Il en est souvent de « même à l'égard des modes mixtes, c'est-à-dire qu'il fau<< drait les renvoyer plutôt aux relations. »>

l'idée de la beauté, qui est un certain assemblage de couleurs et de traits, qui fait du plaisir à voir. Ainsi le vol, qui est un transport secret de la possession d'une chose sans le consentement du propriétaire, contient visiblement une combinaison de plusieurs idées de différentes espèces, et c'est ce que j'appelle modes

mixtes.

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Substances singulières ou collectives.

En second lieu, les idées des substances sont certaines combinaisons d'idées simples, qu'on suppose représenter des choses particulières et distinctes, subsistant par elles-mêmes; parmi lesquelles idées, l'idée de substance, qu'on suppose sans la connaître (62), quelle qu'elle soit en elle-même, est toujours la première et la principale. Ainsi, en joignant à l'idée de substance celle d'un certain blanc pâle, avec certains degrés de pesanteur, de dureté, de malléabilité et de fusibilité, nous avons l'idée du plomb. De

(62) « L'idée de la substance n'est pas si obscure qu'on << pense. On en peut connaître ce qui se doit, et ce qui << se connaît en autres choses; et même la connaissance des << concrets est toujours antérieure à celle des abstraits. On <«< connaît plus le chaud que la chaleur. »

même une combinaison d'idées d'une certaine espèce de figure, avec la puissance de se mouvoir, de penser et de raisonner, jointes avec la substance, forme l'idée ordinaire d'un homme.

Or, à l'égard des substances, il y a aussi deux sortes d'idées, l'une des substances singulières, en tant qu'elles existent séparément, comme celle d'un homme ou d'une brebis, et l'autre de plusieurs substances jointes ensemble, comme une armée d'hommes, et un troupeau de brebis: car ces idées collectives de plusieurs substances jointes de cette manière, forment aussi bien une seule idée, que celle d'un homme, ou d'une unité (63).

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La troisième espèce d'idées complexes, est ce que nous nommons relation d'une idée avec une autre, qui consiste dans la comparaison : comparaison qui fait que la considération d'une

(63) « Dans le fonds, il faut avouer que cette unité de «< collections n'est qu'un rapport ou une relation dont le << fondement est dans ce qui se trouve en chacune des << substances singulières à part. Ainsi ces étres par aggréga«tion n'ont point d'autre unité achevée que la mentale : « par conséquent leur entité aussi est, en quelque façon, << mentale ou de phénomène, comme celle de l'arc-en-ciel. >>

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