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cependant on en jugé généralement d'une manière toute différente. Car, à l'égard des ́ qualités de la seconde espèce, qui ne sont autre chose que la puissance de produire en nous différentes idées par le moyen des sens, on les regarde comme des qualités qui existent réellement dans les choses qui nous causent tels et tels sentiments mais pour celles de la troisième espèce, on les appelle de simples puissances, et on né les regarde pas autrement. Ainsi les idées de chaleur ou de lumière que nous recevons du soleil, par les yeux ou par l'attouchement, sont regardées communément comme des qualités réelles qui existent dans le soleil, et qui y sont quelque chose de plus que de simples puissances. Mais lorsque nous considérons le soleil par rapport à la cire qu'il amollit ou blanchit, nous jugeons que la blancheur et la mollesse sont produites dans la cire, non comme des qualités qui existent actuellement dans le soleil, mais comme des effets de la puissance qu'il a d'amollir et de blanchir. Cependant, à bien considérer la chose, ces qualités de lumière et de chaleur, qui sont des perceptions en moi lorsque je suis échauffé ou éclairé par le soleil, ne sont point dans le soleil d'une autre manière que les changements produits dans la cire, lorsqu'elle est blanchie ou fondue, sont dans

cet astre. Dans le soleil, les unes et les autres, sont également des puissances qui dépendent de ses premières qualités, par lesquelles il est capable, dans le premier cas, d'altérer en telle sorte la grosseur, la figure, la contexture ou le mouvement de quelques-unes des parties insensibles de mes yeux ou de mes mains, qu'il produit en moi, par ce moyen, des idées de lumière ou de chaleur; et dans le second cas, de changer de telle manière la grosseur, la figure, la contexture et le mouvement des parties insensibles de la cire, qu'elles deviennent propres à exciter en moi les idées distinctes de blanc et de fluide.

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La raison pourquoi les unes sont regardées communément comme des qualités réelles, et les autres comme de simples puissances, c'est apparemment parce que les idées que nous avons des couleurs et des sons, etc., ne contenant rien en elles-mêmes qui tienne de la grosseur, figure et mouvement des parties de quelque corps, nous ne sommes point portés à croire que ce soient des effets de ces premières qualités, qui ne paraissent point à nos sens comme ayant part à leur production, et avec qui ces idées n'ont effectivement aucun rapport apparent, ni au

cune liaison concevable. De là vient que nous avons tant de penchant à nous figurer que ce sont des ressemblances de quelque chose qui existe réellement dans les objets mêmes parce que les sens ne nous montrent pas que la grosseur, la figure, ou le mouvement des parties, contribuent en rien à leur production; et que d'ailleurs la raison ne peut faire voir comment les corps peuvent produire dans l'esprit les idées du bleu, ou du jaune, etc., par le moyen de la grosseur, figure et mouvement de leurs parties. Au contraire, dans l'autre cas, je veux dire, dans les opérations des corps dont les qualités se changent ou s'altèrent réciproquement, nous voyons clairement que la qualité produite par ce changement, n'a ordinairement aucune ressemblance avec quoi que ce soit qui existe dans le corps qui a produit cette nouvelle qualité. C'est pourquoi nous la regardons comme un pur effet de la puissance qu'un corps a sur un autre corps. Car, bien qu'en recevant du soleil l'idée de la chaleur, ou de la lumière, nous soyons portés à croire que c'est une perception et une ressemblance d'une pareille qualité qui existe dans le soleil; cependant, lorsque nous voyons que la cire, ou un beau visage reçoivent du soleil un changement de couleur, nous ne saurions nous figurer que ce soit une émanation,

ou ressemblance d'une pareille chose qui soit actuellement dans le soleil, parce que nous ne trouvons point ces différentes couleurs dans le soleil même. Comme nos sens sont capables de remarquer la ressemblance ou la dissemblance des qualités sensibles qui sont dans deux différents objets extérieurs, nous ne faisons pas difficulté de conclure, que la production de quelque qualité sensible dans un sujet n'est que l'effet d'une certaine puissance, et non la communication d'une qualité qui existe réellement dans celui qui la produit, quand nous n'y trouvons point une telle qualité sensible. Mais lorsque nos sens ne nous font découvrir aucune dissemblance entre l'idée qui est produite en nous et la qualité de l'objet qui la produit, nous sommes portés à croire que nos idées sont des ressemblances de quelque chose qui existe dans les objets, et non les effets d'une certaine puissance, qui consiste dans la modification de leurs qualités premières, avec lesquelles les idées produites en nous n'ont aucune ressemblance.

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Distinction qu'on peut mettre entre les secondes qualités.

Enfin, excepté ces premières qualités, qui sont réellement dans les corps, je veux dire, la grosseur, la figure, l'étendue, le nombre et le mouvement de leurs parties solides, tout le reste par où nous connaissons les corps et les distinguons les uns des autres, n'est autre chose que différents pouvoirs qui sont en eux, et qui dépendent de ces premières qualités, par le moyen desquelles ils sont capables de produire en nous plusieurs différentes idées en agissant immédiatement sur nos corps, ou d'agir sur d'autres corps, en changeant leurs premières qualités, au point de les rendre capables de faire naître en nous des idées différentes de celles que ces corps y excitaient auparavant. On peut appeler les premières de ces deux sortes de puissances, secondes qualités qu'on aperçoit immédiatement, et les dernières, secondes qualités qu'on aperçoit médiatement.

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