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§ 5.

Outre cela, nous pouvons trouver une autre raison pourquoi Dieu a attaché différents degrés de plaisir et de peine à toutes les choses qui nous environnent, et qui agissent sur nous, et pourquoi il les a joints ensemble dans la plupart des choses qui frappent notre esprit et nos sens. C'est afin que trouvant, dans tous les plaisirs que les créatures peuvent nous donner, quelque amertume, une satisfaction imparfaite et éloignée d'une entière félicité, nous soyons portés à chercher notre bonheur dans la possession de celui (a) en qui il y a un rassasiement de joie, et à la droite duquel il y a des plaisirs pour toujours.

§ 6.

Quoique ce que je viens de dire ne puisse peut-être pas servir à nous faire connaître les idées du plaisir et de la douleur, plus clairement que nous les connaissons par notre propre expérience, qui est la seule voie par laquelle nous pouvons avoir ces idées ; cependant, comme, en considérant la raison pourquoi ces idées se trouvent attachées à tant d'autres, nous

(a) Ps. XVI, 11.

sommes portés par là à concevoir de justes sentiments de la sagesse et de la bonté du souverain régulateur de toutes choses, cette considération convient assez bien au but principal de ces recherches, puisque la principale de toutes nos pensées, et la véritable occupation de tout être doué d'entendement, c'est la connaissance et l'adoration de cet Être suprême.

$ 7.

Comment on vient à se former des idées de l'existence et de l'unité.

L'existence et l'unité sont deux autres idées, qui sont communiquées à l'entendement par chaque objet extérieur, et par chaque idée que nous apercevons en nous-mêmes. Lorsque nous avons des idées dans l'esprit, nous les considérons comme y étant actuellement, tout ainsi que nous considérons les choses comme étant actuellement hors de nous, c'est-à-dire comme actuellement existantes en elles-mêmes. D'autre part, tout ce que nous considérons comme une seule chose, que ce soit un être réel ou une simple idée, suggère à notre entendement l'idée de l'unité.

§ 8.

La puissance, autre idée simple, qui nous vient par sensation et par réflexion.

La puissance est encore une de ces idées simples que nous recevons par sensation et par réflexion. Car, venant à observer en nousmêmes que nous pensons et que nous pouvons penser, que nous pouvons (quand nous voulons) mettre en mouvement certaines parties de notre corps qui sont en repos, et d'ailleurs les effets que les corps naturels sont capables de produire les uns sur les autres se présentant à tout moment à nos sens, nous acquérons par ces deux voies l'idée de la puissance.

$ 9.

L'idée de la succession, comment introduite dans l'esprit.

Outre ces idées, il y en a une autre qui, bien qu'elle nous soit proprement communiquée par les sens, nous est néanmoins offerte plus constamment par ce qui se passe dans notre esprit; et cette idée est celle de la succession. Car, si nous nous considérons immédiatement nousmêmes, et que nous réfléchissions sur ce qui

peut y être observé, nous trouverons toujours que, tandis que nous sommes éveillés, ou que nous pensons actuellement, nos idées passent, pour ainsi dire, à la file, l'une allant et l'autre venant, sans aucune intermission.

§ 10.

Les Idées simples sont les matériaux de toutes nos Connaissances.

Voilà, à ce que je crois, les plus considérables pour ne pas dire les seules idées simples que nous ayons, desquelles notre esprit tire toutes ses autres connaissances, et qu'il ne reçoit que par les deux voies de sensation et de réflexion dont nous avons déja parlé.

Et qu'on n'aille pas se figurer que ce sont là des bornes trop étroites pour fournir à la vaste capacité de l'entendement humain, qui s'élève au-dessus des étoiles, et qui, ne pouvant être renfermé dans les limites du monde, se transporte quelquefois bien au-delà de l'étendue matérielle, et fait des excursions jusque dans ces espaces incompréhensibles qui ne contiennent aucun corps. Telle est l'étendue et la capacité de l'ame, j'en tombe d'accord: mais, avec tout cela, je voudrais bien que quelqu'un prît la peine de marquer une seule idée simple qu'il n'ait pas

reçue par l'une des voies que je viens d'indiquer, ou quelque idée complexe qui ne soit pas composée de quelqu'une de ces idées simples. Du reste, nous ne serons pas si fort surpris que ce petit nombre d'idées simples suffise à exercer l'esprit le plus vif et de la plus vaste capacité, et à fournir les matériaux de toutes les diverses connaissances, des opinions et des imaginations les plus particulières de tout le genre humain, si nous considérons quel nombre prodigieux de mots on peut faire par le différent assemblage des vingt-quatre lettres de l'alphabet, et si, avançant plus loin d'un degré, nous faisons réflexion sur la variété des combinaisons qu'on peut faire par le moyen d'une seule de ces idées simples què nous venons d'indiquer, je veux dire, le nombre, combinaisons dont le fonds est inépuisable et véritablement infini. Que dirons-nous de l'étendue? Quel large et vaste champ ne fournit-elle pas aux mathématiciens!

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