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A mes douze enfants, je dédie ce modeste opuscule pour les engager à apprécier l'agriculture, le plus noble des arts et le plus propre à assurer l'avenir de notre race.

A MES COMPATRIOTES

Il y a quelque dix ans, après un voyage au Nominingue, je publiai une brochure intitulée "Le Nord "; et comme elle avait été tirée à un nombre d'exemplaires très limité, l'édition en fut promptement épuisée.

Les lettres d'appréciations que j'ai reçues de la part de plusieurs évêques, prêtres et hommes distingués, m'ont fait croire à son utilité, et les demandes nombreuses que je n'ai pu satisfaire m'ont décidé à en publier une seconde édition.

Mais depuis dix ans, ce Nord que je décrivais a merveilleusement prospéré, et la colonisation s'est avancée à grands pas dans ces régions que je n'avais pas toutes visitées.

Je suis allé, l'an dernier, constater la marche rapide qu'à suivie le progrès, et j'en suis revenu plus persuadé que jamais de l'excellence de l'œuvre de la colonisation, qui offre à notre peuple des ressources faciles à atteindre et dont il devrait s'empresser de s'emparer.

Aujourd'hui que la grande question sociale, pour notre pays, est d'équilibrer les différentes industries commerciales, manufacturières et agricoles, il est de la plus grande importance de montrer que cette dernière n'est pas encombrée comme les autres, qu'elle n'est pas non plus suffisamment comprise, appréciée et exploitée.

Il incombe à la classe dirigeante de faire pénétrer cet te vérité dans toutes les classes de la société, de faire l'éducation du peuple sous ce rapport, et comme pour tous les genres d'éducation, il importe de l'introduire parmi les jeunes gens et même dans l'école. Aussi est-ce dans le but de faire apprécier par mes compatriotes ces immenses richesses, mises en réserve par la Providence, que j'ai entrepris de publier cette seconde édition considérablement augmentée.

J'ai la prétention de croire que ce livre dévoilera des mines inépuisables, autrement importantes que celles du

Colorado, de la Californie et de l'Australie où quatre-vingt dix pour cent de ceux qui les ont fouillées, se sont ruinés de corps, de biens, et, disons-le, trop souvent de moralité.

Je n'ai jamais vu un colon qui s'est enfoncé dans la forêt, qui y a consciencieusement travaillé et qui y a persévéré sans qu'il ait réussi à vivre et à élever sa famille sur la terre qu'il a défrichée.

Et, qu'on le remarque, ce n'est pas seulement en cultivant la terre que l'homme travailleur trouvera cette richesse, mais l'homme intelligent trouvera bien d'autres ressources en utilisant ces forêts, ces rivières, ces lacs qui abondent autour de lui, et en exerçant les petites industries annexes à l'agriculture, et dont peuvent s'occuper les femmes et les enfants.

Ce livre, que j'offre sous la forme d'un récit de voyages et où je me permets souvent de rire sérieusement, me paraît propre à faire estimer cette profession d'agricul teur, dont la collaboration et le but seuls font comprendre toute la noblesse, puisqu'elle est la nourricière du genre humain et qu'elle s'exerce en société avec l'Auteur même de la nature.

B. A. T. DEMONTIGNY,

Recorder de la Cité de Montréal, Chevalier de l'Ordre Militaire de Pie IX.

MONTÉE DU Zouave,

Montréal.

LA COLONISATION

I

SOMMAIRE: LA COLONISATION. SON IMPORTANCE. - DEVOIR DE TOUS D'EN PROMOUVOIR LES INTÉRÊTS. - PAROLES DE L'HON. CHAPLEAU. - L'AGRICULTURE EST-ELLE RÉMUNÉRATRICE EN CE PAYS? POUR RÉUSSIR IL FAUT AVOIR LES VERTUS DES PREMIERS PIONNIERS.

La Colonisation! Pour moi, c'est l'une des plus importantes questions sociales. Que dis-je, une question? C'est une solution, qui offre un remède effectif à notre mal social. En effet, de quoi notre peuple des villes surtout souffre-t-il ? Au moral il est exposé, quand même sa robuste foi ne lui fait pas entièrement défaut, aux vices qui naissent du manque de travail, ou bien du travail énervant des manufactures et des grandes agglomérations, vices qu'engendre le chômage forcé ou volontaire, et qui, en ce dernier cas, proviennent de la paresse. Au physique, il s'étiole dans cette atmosphère malsaine des centres encombrés, voué pour la vie au genre de travail auquel il est soumis, aux inquiétudes du lendemain, et à la dissipation qu'il achète pour étouffer ses soucis.

Aussi voyez la plupart des rejetons de cette race si forte de nos campagnes. Ils n'ont plus le cachet si viril de cette nation, dont la vigueur et la fécondité sont célébrées par les historiens et les poètes.

Mais comment retirer de ces milieux délétères une population que la nécessité rarement, le luxe quelquefois, l'imprévoyance souvent, ont jetée sans acclimatation préalable dans les grands centres manufacturiers?

Ceux qui végètent dans les villes apprécient pourtant la vie des champs, surtout quand ils y ont goûté, et comprennent bien que pour eux et leurs enfants il faut un air plus sain, des habitudes plus simples.

Mais, comment y parvenir ? La plupart n'ont amassé dans les villes que des ennuis, des déboires et des maladies. Ils voudraient bien retourner à la campagne; mais il leur faudrait quelqu'avoir pour qu'ils pussent se diriger sur les terres en friche, s'y accrocher, y prendre racine.

C'est donc un immense service à lui rendre, ainsi qu'à la société, que de tendre la main à l'homme du peuple que la crise a jeté sur le pavé ou que l'encombrement prive de la part du bien-être qu'il mérite.

C'est en poussant ces braves gens, et mieux, en les entraînant dans ces régions merveilleusement remplies de richesses variées, prodiguées par la Providence à ces enfants privilégiés du travail et de l'industrie, d'autant plus aptes maintenant à cette existence qu'ils ont goûté du pain amer de la privation, que l'œuvre s'accomplira, et que cette race vaillante entre toutes retournera à la culture des champs, se consacrant ainsi à la mission sublime qui lui a été assignée de faire sur cette terre d'Amérique les œuvres de Dieu. (Gesta Dei per Francos.)

Car ils sont les fils des pionniers de la Nouvelle France, de ces apôtres de la civilisation, qui ont parcouru tous le continent, semant partout l'amour de la France et le culte du Dieu d'amour et de vérité.

"Amour immense de l'humanité, insouciance de savoir si l'humanité se souviendra d'eux; exécution héroïque de cette pensée d'amour; intrépidité contre les dangers; sangfroid devant la mort; vie sacrifiée sans autre regret que celui de ne pouvoir la renouveler pour la sacrifier encore; oubli des injures; pardon magnanime à leurs bourreaux; triomphe de la vérité dans l'esprit; justice dans l'âme; dévouement dans le cœur; résignation dans les tortures;

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