Page images
PDF
EPUB

peu plus haut, à un endroit appelé "Crique aux brochets," il y a de la bonne argile à briques.

Les Jésuites avaient obtenu, entre les deux Nominingue, vingt lots qu'ils ont en grande partie cédés aux colons, ne gardant pour eux qu'un terrain pour l'église et une pointe où ils avaient dessein de bâtir un collège industriel ou agricole. Ce collège est même incorporé par le 45 Vict., ch, 54.

Ces lacs fournissent une grande quantité de poissons qu'on pourrait augmenter en les cultivant. Les forêts donnent des essences précieuses. Le bois que le colon est obligé de brûler sur place, pour faire sa terre, alimenterait les villes de la Province des années durant. Le sol y est d'une fertilité prodigieuse, et, sans les gelées qui y font des ravages faute d'éclaircie, ce serait une vraie terre d'abondance. Il y a bon nombre de petits lacs. Outre le Petit et le Grand Nominingue, on en compte six autour de l'emplacement du village de Saint-Ignace. Le plus éloigné n'en est pas à un mille. Une des plus jolies rivières qui serpentent entre les montagnes est la Sawguay, qui passe au nord du Grand Nominingue et va se jeter dans le Petit. Elle est charmante de caprices, son aspect est sauvage, mais agrémenté par des lacs qui en élargissent le cours à différents endroits. Près du chemin Chapleau, qui la traverse, se trouvent entre autres le lac Bourget et le lac Laflèche, qui sont d'une limpidité et d'une sérénité remarquables. Ils sont tous deux protégés par des forêts de haute futaie où s'arrêtent les vents et les tempêtes. Sur ces lacs se promènent toujours des quantités considérables de canards, qui y vont chercher une nourriture substantielle pour leurs petits, lesquels peuvent facilement y prendre leurs ébats

On voit dans cette rivière Sawguay, plusieurs vestiges des travaux des castors, qui dénotent de la valeur et de l'intelligence de ces amphibies.

A ceux qui aiment les mots scientifiques il convient de dire que les castors (hors la politique,) appartiennent au septième ordre des mammifères, les rongeurs. Sont-ils intelligents? le Rév. P. Paradis m'a raconté qu'un jeune castor, capturé par des voyageurs et laissé libre toutes les nuits, s'amusait à ramasser les chaussures, les chaussettes et les nippes des hommes qui y étaient couchés et à en construire une espèce de chaussée. C'est donc de l'instinct.

Sur ces petites rivières du Nord on aperçoit des traces nombreuses de rats musqués, autre espèce de rongeurs, qui

ressemblent extraordinairement aux castors.

Leur fourrure est moins précieuse que celle du castor; mais on en tire un excellent parti, surtout depuis qu'on en arrache le grand poil et qu'on le teint. J'ai vu chez M. Lanthier, notre marchand de fourrures à la mode, et chez M. Desjardins, notre fourreur populaire, des ouvrages en rat musqué qui imitent les plus belles pelleteries.

Voici ce que dit Kalm, dans ses mémoires de son voyage en Amérique, en 1749, p. 98. "Les rats musqués sont très communs en Amérique Septentrionale, et vivent près de l'eau, sur les bords des lacs, des rivières et des ruisseaux. Ils se nourrissent de moules principalement. Linné a donné à cet animal le nom de Castor Zibethicus, et celui de Castor Moschatus au rat musqué d'Europe."

Chose remarquable, et qui dénote chez cet animal un instinct extraordinaire, c'est que les réduits qu'il fabrique sous terre sont généralement à l'abri des inondations, et quand l'eau est pour monter beaucoup au printemps, il construit l'automne ces caves plus éloignées de l'eau.

A propos des moules que l'on trouve dans les lacs, je crois qu'elles offriraient un mets délicieux en les assaisonnant convenablement.

Kalm raconte que les sauvages étaient très friands d'une

espèce de moules, (Mytilus Anatirus) qu'ils ramassaient dans les rigoles des prairies.

On trouve quelquefois dans ces moules des perles très jolies qui ne dépareraient pas les pierreries précieuses que l'on se procure à grand prix. N'oubliez pas, lorsque vous irez au Nominingue, mes jeunes amis, d'en recueillir quelques-unes que vous offrirez à celles qui sauront les apprécier. Venant de vous, ces parures si simples trouveront, je suis sûr, leur place dans les écrins les mieux choisis; elles ajouteront aux grâces de celles qui les porteront l'inappréciable qualité qui consiste dans un goût simple et distingué.

XVI

SOMMAIRE: RIVIÈRE ST-IGNACE. LES LACS STE-MARIE ET ST-JOSEPH.-LE MOULIN.-LA "LAURETTE".-BÉNÉDICTION DE CETTE PREMIÈRE EMBARCATION.--LE GRAND NOMININGUE.-LA FAMILLE RICHARD. UNE LETTRE DE M. LALANDE, UN COLON MODÈLE. MADAME NORMAND. - LES FRANCISCAINES DE MARIE. - QUELQUES PLANTES MÉDICINALES. LE CLIMAT ET LE SOL DE LA LE SARRASIN.-LES GELÉES PRÉCOCES.LA SARRACÈNE CONTRE LA PICOTTE.-LES LÉGUMES: LA PATATE, SON UTILITÉ. — FROMAGE DE POMMES DE TERRE.

RÉGION.

LE TABAC.

[merged small][merged small][ocr errors]

- LES MINÉRAUX.

LES ÉTRAN

Parallèle à la Sawguay est une rivière plus modeste et que j'appellerai rivière St-Ignace. Elle offre à l'industrie d'immenses ressources, quoique la pente de son cours soit à peu près nulle.

Sur cette rivière sont deux petits lacs: Ste-Marie, de 3 milles de tour, et St-Joseph, d'un mille de longueur sur dix arpents de largeur. C'est à l'embouchure du St-Joseph, situé à environ 5 arpents en bas du Ste-Marie, qu'a été érigé le moulin des Pères Jésuites. La manière d'obtenir une force motrice sans rapide apparent est remarquable. L'endroit endigué est très étroit, et l'on parvient à barrer presque complètement le passage de de l'eau, qui s'accumule dans le lac en quantité énorme, sans cependant s'élever d'une manière perceptible. L'eau ramassée pendant une nuit suffit, même dans les temps de grande sécheresse, à alimenter le moulin durant plusieurs jours. D'autant plus que ce moulin, qui a été construit par M. Matte, est à turbine et exige peu de pression pour faire mouvoir les machines qui sont nombreuses.

En l'été de 1884, il n'y avait encore que les scieries, mais bien perfectionnées, certes. Il fallait voir dévorer un billot par ces mâchoires circulaires. Aujourd'hui on y a placé un appareil pour confectionner le bardeau, la latte, la

planche pour lambris, et des moulanges pour y moudre le grain. Le tout a coûté environ $5,000. On y a ajouté un jeu de cardes. C'est d'une importance majeure que le colon ait un moulin. Et, après l'église, qui cultive le moral, rehausse le courage du colon, c'est bien le moulin qui doit venir dans le canton, pour préparer le bois avec lequel il bâtira sa maison, et pour moudre son grain. De ce moment le pionnier est chez lui; il est à l'abri des éventualités causées par les mauvais chemins. C'est ce qu'ont compris les Pères Jésuites qui, aidés par la société de colonisation du diocèse de Montréal, ont consacré à cette construction des sommes assez considérables.

La chapelle, où la première messe fut dite le 26 avril 1883, et qui ressemblait à la crèche de Bethléẹm, a été remplacée par une petite église que les Rév. Chanoines Réguliers de l'Immaculée Conception, à qui les Jésuites ont fait don de tout leur établissement, y ont fait construire ces années dernières, ainsi qu'un cloître qui a été incendié l'hiver de 1894. Ces bons Pères, qui sont d'un dévouement admirable pour la colonisation, desservent l'Annonciation en même temps que St-Ignace du Nominingue.

Le premier baptême y a été fait le 3 août 1883; la première sépulture le 3 mars 1884, et le premier mariage le 25 novembre 1884.

Le premier curé du Nominingue a été le Rév. P. Martineau, S.J., et le premier vicaire le Rév. P. E. Proulx, S.J., arrivé à son poste le 8 août 1885.

Le jour même de notre première visite au moulin, M. Beaubien se mit en frais de faire construire une embarcation pour voyager sur le Petit Nominingue où est son domaine. Vous dire la peine qu'il s'est donné pour noliser ce vaisseau, c'est incroyable. Il en avait pris le plan dans le Gentleman Farmer qui, d'après lui, contient toute science. Vous savez ce que c'est, quand un homme est toqué d'un livre.

« PreviousContinue »