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malheureux, mais il faut avouer qu'ils excellent sur le violoncelle Dong, dong...

La cérémonie faite

Mironton, mironton, mirontaine,

La cérémonie faite

Chacun s'en fut s'coucher.

Mais avant de se séparer, une scène.

Notre compagnon de voyage, Frigon, nous fit asseoir par terre et par chaise et "tenez votre sérieux, je vais prendre votre binette." Vous nous voyez d'ici, essayer de nous tenir au calme. Il faut voir ce tableau, les uns pâmés, les autres bouffis pour se contenir. Tout de même on se reconnaît tous, ainsi étampés au clair de la lampe.

Savez-vous que c'est une merveille que ce petit appareil photographique portatif. Voulez-vous une image d'un beau paysage, vous visez votre plan et pan! le voilà tracé. Jeune garçon, vous voyez passer une jolie fille, au lieu de la graver dans votre cœur qui pourrait être affecté tout le long de la route, vous l'imprimez sur une plaque, et vous pouvez au loin vous vanter qu'elle vous a donné son portrait. Il n'y a rien de traitre comme ça, par exemple.

XIV

SOMMAIRE DE LA CHUTE AUX IROQUOIS AU NOMININGUE. SES LACS.- LES CANNEBERGES OU OTTAHALTE. LA FEMME DU COLON.

CANTON MARCHAND.

CAS.

- LE DÉFRICHEMENT.

LE CHEMIN BOILEAU ET LE CHEMIN CHAPLEAU.

Mais remontons à notre premier voyage (1884).

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Le matin, à bonne heure, le soleil n'était pas encore sorti de sa couche empourprée, que nos chevaux hennissaient attelés dans la cour de l'hôtel. Il le fallait bien, car la journée s'annonçait chaude et nous voulions profiter de la fraîcheur du matin! Quelle belle matinée ! Les vapeurs s'échappaient de la rivière et des lacs qui semblaient secouer les gazes de leur couche, pour sourire à l'aube matinale, les odeurs des prés embaumaient l'air; la rosée brillait des teintes de l'aurore, les oiseaux gazouillaient dans les branches des grands arbres, et les animaux ruminaient aux barrières du parc en attendant les fermières qui venaient les unes après les autres traire qui Marrette, qui Rougette, qui Barrée, etc. Et nous partons fusil au poing, pavillon à la tête des chevaux. On jetait aux échos des alentours des détonations de nos armes, des cris de nos poitrines et le refrain zouavitique:

C'est le bataillon, morbleu !
Des diables du bon Dieu.

Et nous sommes déjà sur les hauteurs qui dominent le village quand l'Angelus sonne du haut du clocher de l'église. Ave Maria... Et la Chute aux Iroquois disparait derrière nous, et la forêt s'épaissit.

Nous quittons le canton Joly, l'un des plus riches du Nord et qui comptait en 1891, 9,870 acres arpentées.

Nous entrons dans le canton Marchand, que longe la

Rouge à l'est, et qui est un des plus beaux cantons du Nord. La population de Marchand en 1891 était de 414. Il y a dans ce canton 18,878 acres en disponibilité.

De la Chute des Pins, à quelques milles de la Chute aux Iroquois, on prend le chemin Chapleau, qui est aujourd'hui tout construit. Ce chemin part de la Rivière Rouge, près du Rapide des Pins, dans Marchand traverse ce canton, celui de Loranger et celui de Montigny, puis se continue presqu'en ligne droite jusqu'au canton Kiamika, sur la rivière La Lièvre.

Cette route, par la quantité et la qualité des terres qu'elle ouvre à la colonisation, est peut-être la plus importante de tout le Nord. Elle pourra même servir de débouché aux établissements de la rivière du Lièvre, qui communique presqu'en ligne directe avec Notre-Dame du Désert, sur la Gatineau, où les Rév. Pères Oblats ont un établissement. Ce chemin jusqu'à la Kiamika a été fait sous la conduite intelligente de M. Pierre Bohémier.

Le chemin de fer "Montreal et Occidental," dont le terminus est actuellement à Labelle, suivra probablement, en se prolongeant, le chemin Chapleau, pour se diriger vers le Nomininge, la Kiamika et la Lièvre. Peut-être aussi bifurquera-t-il pour atteindre l'Annonciation.

Nous voilà lancés en pleine forêt de merisiers, d'érables, de hêtres; et tantôt dans les ravins, tantôt sur le flanc des montagnes, nous traversons des ruisseaux pittoresques qui annoncent le voisinage de poétiques nappes d'eau.

Or, à tout moment nos éclaireurs crient: "Voilà un lac." En effet, à travers les arbres nous apercevons, là au fond d'un grand ravin creux, un étang en partie couvert d'herbes aquatiques, et dont les abords sont mousseux. Du rivage s'élèvent de grands hérons qui semblent se douter que nous ayons parmi nous des. Nemrods. Comme fiche de consolation nos jeunes amis leur envoient une salve désespérée de

cris sauvages, qui jettent l'alarme jusque chez les grenouilles de la localité, et il y en a, je vous en réponds, et de grosses aussi. Dire que pas un colon ne s'est encore imaginé d'utiliser ces chétives pécores,... pas pour essoucher, dame ! mais pour en faire un plat dont nos gourmets se lèchent les barbes. Il paraît pourtant que c'est excellent. Dire que moi-même je n'en ai jamais mangé qu'aproximativement.

Pauvres grenouilles, comme elles vont m'en vouloir de les offrir aux gourmets. C'est à elles maintenant de s'organiser pour se protéger. Et pourquoi ne pas appeler à leur secours la société protectrice des animaux? En étudiant leur constitution les savants pourraient trouver le moyen de leur extraire les pattes sans souffrance, et les cuisses aussi, beau dommage.

La pile de Volta, qui leur doit son existence, profitera peut-être de la circonstance pour leur témoigner sa reconnaissance en rendant leurs cuisses périodiques, comme un autre fruit. Je m'arrête, bonjour les grenouilles, et au revoir chez les restaurateurs, quand j'aurai appris à vous apprécier.

Un fruit qui n'est pas utilisé et qui croft en abondance autour de ces lacs, ce sont les ottacas ou canneberges. Notre grand naturaliste, l'abbé Provancher, donne la manière de les cultiver, à la page 128 du "Verger, Potager et Parterre."

Dans une petite brochure que j'ai sous la main, publié par un spécialiste, il établit que chaque arpent de terre préparée pour cette fin, produit en moyenne $600.

Nous cheminons gaiement dans ce pays grandiose où la nature est forte, en passant sous ces hauts érables, dont les rameaux forment sur notre route des arcs majestueux. Pas de parc plus beau que ces solitudes que protègent de leurs grands bras ces géants séculaires qui semblent, là, imposer silence au bruit étranger pour écouter les mille voix qui s'élèvent du sein des forêts. C'est le roitelet qui siffle en

duo son petit refrain sur le ton de l'interrogation; le merle qui roule dans son gosier les notes les plus tendres. Aussi est-ce le temps où les petits sont nés. — Là-bas . est une cascade qui gémit en se jetant sur les pierres du ruisseau; et du sein de ce sol, enrichi des dépouilles annuelles de la végétation, s'échappe une odeur variée des fleurs sauvages et des plantes croissantes. Des allées formées par le passage fréquent des chevreuils, qui viennent s'abreuver aux lacs, ménagent des éclaircies où se plonge l'œil enchanté. Des ponts rustiques jetés sur les ruisseaux offrent toutes les originalités de la nature. Les troncs renversés à leurs côtés ajoutent à leur aspect champêtre une grande solidité. Sur le bord du grand chemin, des arbres couchés par le vent qui s'engouffre dans ce vaste tunnel, soulèvent leurs racines chevelues, comme pour nous montrer le secret de leur force; les plantes les plus variées garnissent les allées de ce parc féerique où tout se trouve: rochers, vallons, collines, lacs, ruisseaux, arbres, plantes, pavillon, terreau excellent, fleurs variées. A qui est donc destiné ce royal domaine où courent l'orignal, l'ours et le lièvre, où voltigent la perdrix, l'outarde et le canard? Le seigneur que ce séjour attend, c'est le colon, qui peut là s'entourer d'affection et de bonheur.

C'est là, dans ces grands bois de hêtres, que la tourte, espèce de tourterelle, se dirigeait autrefois en nombre incroyable. Qui donc conduisait ces pigeons sauvages dans cette direction plutôt que dans une autre? Est-ce aux sens ou à l'intelligence qu'il faut attribuer ce phénomène ? "Assurément, dit un naturaliste, ce n'est pas à la vue, ni à l'ouie, ni au toucher, ni au goût, ni à l'odorat. Ces phénomènes ne peuvent s'expliquer que par la sensibilité générale de l'oiseau, par son impressionabilité au chaud et au froid. Lancé dans l'atmosphère il se dirige d'après les sensations qu'il éprouve; il sait quelle sortie il doit suivre pour

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