Page images
PDF
EPUB

l'état le plus conforme à la condition de l'homme, attacherait notre jeunesse aux rudes mais salutaires travaux des champs.

"Quand le nombre des ouvriers sera diminué dans les villes et réduit à des proportions convenables, ils trouveront plus facilement un salaire suffisant, et les grèves auront moins de raisons d'être qu'aujourd'hui.

"C'est donc une politique extrêmement sage pour un gouvernement que de porter le plus haut intérêt à l'agriculture et à la colonisation. La question ouvrière, au moins dans ce pays,trouverait là une solution qu'il sera difficile de rencontrer ailleurs. Prenons bien garde de nous laisser éblouir par du progrès factice; sachons sur quoi faire reposer la prospérité d'un état. N'imitons pas ces institutrices qui, à la veille des examens, bourrent leurs élèves avec quelques leçons de choses pour les montrer comme de petits prodiges, tandis qu'au fond ils ne savent rien. Si les grandes entreprises et les manufactures de toutes sortes jettent de l'éclat elles ne sont pas toujours le signe de la prospérité d'un peuple." G. DUGAS, Ptre.

Voici maintenant comment s'exprime un autre apôtre de la colonisation et de l'agriculture, M. l'abbé Provost, missionnaire agricole, qui, depuis trente ans, s'occupe activement de promouvoir les intérêts de la colonisation, dans un sermon prêché, le 15 août 1894, en l'église de Notre-Dame de Montréal :

"Le défrichement du sol, la bonne agriculture rentrent donc par un effet de l'ordre de Dieu dans le cercle infini de ses volontés adorables, tant pour étendre les pacifiques conquêtes de l'homme sur la terre que pour lui conserver une dignité pleine d'harmonie avec la perfection des œuvres divines. Oui! l'œuvre de la colonisation et de l'agriculture! voilà une œuvre qui, du côté du ciel, s'harmonise admirablement avec les desseins du Très-Haut, et du côté de la terre une œuvre de vie, une œuvre de progrès, une œuvre chère à l'homme."

..... ....

"La religion et la patrie y trouveront un bénéfice im

mense.

Car dans ces champs fortunés de la colonisation et de l'agriculture, n'en doutez pas, sont déposés comme ici, au milieu de vous, les germes les plus précieux d'intégrité publique, d'honneur et de conscience. En se développant, ils nous conservent et nous fortifient dans la détermination d'un avenir solide, définitif et prospère. Et puis il y a du roc dans les âmes comme dans la nature, voilà pourquoi la nationalité canadienne, une fois assise au sommet de sa plus haute prospérité, tel qu'un principe religieux, sera immuable et indestructible dans les hauteurs de sa destinée. Bénéfice de la religion!

"Achevons d'exprimer ici toute notre pensée. La hache du défricheur qui mord la forêt du matin au soir, ouvre un champ de carnage, il est vrai, mais cette dévastation n'est qu'un bienfait c'est l'entrée du règne agricole, c'est sa prise de possession des terres. La fertilité d'un sol vierge donne immédiatement de grands produits. Puis aux champs de céréales succèdent les prairies, les pâturages, et l'élevage des animaux. Enfin les voies de communications s'ouvrent, les produits s'exportent, de bons systèmes amènent le succès général. Bénéfice de la patrie!

“O règne béni de l'agriculture, le fer et le feu sont tes agents, la forêt tombe et recule à ton approche, l'homme est ton serviteur. Son courage à l'ombre des géants qu'il attaque est mille fois plus beau que la bouillante ardeur du soldat emporté par le prestige éblouissant de la gloire. Son travail opiniâtre attache un fleuron de vaillance à la couronne que tu lui destines. Son bonheur est ta fin. Là sur

ces terrains conquis par une émulation pacifique et fraternelle, il ne flotte aucune bannière de guerre, aucun trophée teint du sang des morts ou des blessés, là point d'engins destructeurs de la vie humaine, point d'éclairs foudroyants redoutables aux travailleurs; cependant il s'accomplit des choses aussi honorables et aussi utiles à l'humanité, et pour le moins aussi acceptables à Dieu, que le gain d'une bataille ou la prise d'une ville. Déjà il avait été dit: O fortunatos nimium sua si bona norînt agricolas ! mais j'emprunte une parole d'Evangile qui est bien plus explicite, je l'applique ici et je dis: Si scires donum Dei: trop heureux habitants de la campagne si vous connaissiez le don de Dieu!

"Plus nous aiderons le peuple dans sa marche vers la colo

1

nisation et l'agriculture, plus nous le pousserons selon les vues de la Providence vers la cime de sa vocation."

Nos hommes d'état, reconnaissons-le, ont rivalisé de zèle pour s'ingénier à trouver les moyens d'entraver le mouvement migratoire ou l'agglomération dans les centres, et à diriger ou retenir leurs compatriotes sur les terres, afin qu'ils y continuent les traditions de leurs ancêtres. Sans doute, ils ont pu ne pas toujours employer les moyens les plus effectifs pour parvenir à ce but, mais nous devons tenir compte de leur bonne volonté.

Ecoutons la chaude et énergique parole de Sir George Cartier (21 Octobre 1855):

"La population ne suffit pas à constituer une nationalité "il lui faut encore l'élément territorial. La race, la langue "l'éducation et les mœurs forment ce que j'appelle un " élément personnel national. Mais cet élément devra périr "s'il n'est pas accompagné de l'élément territorial. L'expé"rience démontre que pour le maintien et la permanence "de toute nationalité il faut l'union intime et indissoluble "de l'individu avec le sol.

[ocr errors]
[ocr errors]

Canadiens-Français, n'oublions pas que si nous voulons assurer notre existence nationale il faut nous cramponner " à la terre. Il faut que chacun de nous fasse tout en son "pouvoir pour conserver son patrimoine territorial. Celui qui n'en a point doit employer le fruit de son travail à l'acquisition d'une partie de notre sol, si minime qu'elle "soit. Car il faut laisser à nos enfants, non seulement le sang et la langue de nos ancêtres, mais encore la propriété "du sol. Si plus tard on voulait s'attaquer à notre natio"nalité quelle force le canadien-français ne trouvera-t-il pas

[ocr errors]

pour la lutte dans son enracinement au sol! Le géant "Antée puisait une vigueur nouvelle chaque fois qu'il tou"chait la terre, il en sera ainsi de nous."

L'hon. M. Mercier, étant premier ministre de la Province de Québec, s'exprimait ainsi à son tour:

"La colonisation, cette grande cause nationale, si digne des efforts des hommes publics, et qui porte dans son avenir

l'avenir même du pays, doit être encouragée par tous les moyens à notre disposition.

"Pour cela, il faudra adopter le système d'octrois gratuits de terres à tout colon de bonne foi et à tout fils de colon, rendu à l'âge nécessaire, et pousser, avec toute la vigueur que nous permettront nos ressources, la construction des chemins de colonisation. Ce qu'il manque à nos colons, ce sont des chemins, non parce que nous ne donnons pas assez d'argent pour cet objet important, mais parce que nous le dépensons mal, sans discernement, sans jugement, pour des fins mesquines de partisannerie.

L'agriculture, disait Sully, le grand ministre d'un grand roi, est une des deux mamelles du pays." La charrue, en traçant le premier sillon, a creusé les fondations de la société. Ce n'est pas du blé seulement qui sort d'une terre labourée, c'est une civilisation toute entière. N'oublions pas qu'il n'y a pas de code de législature ou de morale, la religion exceptée, qui contienne autant de moralisation qu'un champ qu'on possède et qu'on cultive."

Les gouvernements qui se sont succédé dans la Province de Québec se sont fait un devoir d'inscrire en première ligne de leur politique les intérêts de la classe agricole et le progrès de la colonisation.

Les gouvernements de la Puissance ne nous ont pas refusé leur concours. Encore à l'heure qu'il est, l'hon. Daly, ministre de l'agriculture, suivant en cela la direction de Sir John Thompson, se montre toujours favorable au repatriement des Canadiens Français, et donne des preuves effectives de sa sincérité.

Les membres du gouvernement actuel de la Province de Québec, semblent avoir puisé dans les différents systèmes précédents les moyens que leur patriotisme leur indiquait comme les plus énergiques, et ils ont ajouté aux institutions déjà créées, d'autres leviers de colonisation, qui semblent donner de la vigueur aux anciennes par leur bon fonctionnement. Je ne pourrais mieux faire connaître la valeur de ces moyens qu'en résumant le discours de l'honorable M.

Beaubien, Commissaire de l'agriculture et de la Colonisation, prononcé à la Législature, en sa session de 1893, où il parle des auxiliaires qu'il a appelés à son aide pour exécuter ses projets :

LES CERCLES AGRICOLES,

au nombre de quatre cent onze, sont réellement entrés dans l'arène. Leur puissance pour le bien, considérable, illimitée, se fait déjà efficacement sentir. Je dirai incidemment : un grand éleveur de l'Isle de Montréal, M. Andrew Dawes, m'écrivait l'autre jour: "Les cercles agricoles vont changer la face du pays, depuis qu'ils sont créés je n'ai pu suffire aux demandes de bétail de race.'

[ocr errors]

La loi de la dernière session créant ces cercles a répondu, nous pouvons le dire, à un besoin réel. Elle a été la bienfaisante DECENTRALISATION AGRICOLE permettant aux différents groupes de la population rurale de s'organiser commodément, et de tirer parti de l'expérience et des conseils de tous ceux qui d'ordinaire, dans la localité, guident l'opinion; de faire d'eux des conseillers dévoués et bien écoutés conduisant doucement, mais sûrement, dans les sentiers nouveaux pour plusieurs, de la culture intelligente et rémunératrice.

Les membres d'un même cercle, à proximité les uns des autres, peuvent se rendre tous les bons services de voisins généreux; l'instrument coûteux acheté par le cercle sera, de ferme en ferme, utilisé par la paroisse; des discussions intéressantes auront lieu auxquelles on assistera en grand nombre, et pour cela, on n'aura pas une longue distance à parcourir. Quand le conférencier ou le missionnaire agricole sera annoncé il y aura foule à l'entendre.

Les sociétés d'agriculture ne peuvent répondre à tous ses besoins locaux. Leurs membres ont plus de peine à se réunir, vu les grandes distances à parcourir, aussi restreignent-elles leur action à la tenue d'expositions, aux concours de ferme et de labour pour tout un comté.

Nous étions loin de nous attendre au succès obtenu par cette législation sur les cercles; pour ma part, je suis heureux de dire qu'il a grandement dépassé mon attente. Les

« PreviousContinue »