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carrées. Et la France contient environ 40,000,000 d'habitants, c'est-à-dire environ 70 habitants par kilomètre carré ou par 17 arpents, 12 pieds, 0,232 pouces français.

Si donc notre vallée d'Outaouais était comparativement aussi peuplée que la France, elle contiendrait dix millions d'habitants; tandis qu'elle n'en contient que 514,475, c'està-dire qu'un peu plus d'un demi million.

Nous pouvons en conclure qu'il y a place, dans la seule vallée de l'Outaouais, (qui n'a qu'un peu plus qu'un sixième de l'étendue de la Province de Québec, laquelle a 62,896 lieues carrées) pour encore neuf millions d'habitants, c'està-dire plus de sept fois plus que n'en contient la province de Québec tout entière, dont la population, d'après le recensement de 1881, était de 1,359,027 habitants, et en 1891 de 1,488,535 habitants.

III

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SOMMAIRE.-L'INTÉRÊT QUE PORTENT A LA COLONISATION L'ÉPISCOPAT, LE CLERGÉ ET LES HOMMES POLITIQUES. PAROLES DE MGR BOURGET, DE MGR FABRE, DE M. L'ABBÉ DUGas, de M. L'ABBÉ PROVOST, DE SIR GEORGE CARTIER, DE L'HON. MERCIER; LA POLITIQUE DES GOUVERNEMENTS. - DISCOURS DE L'HON. M. BEAUBIEN A LA LÉGISLATURE EN 1893. — INSTITUTIONS PROPRES A PROMOUVOIR LES INTÉRÊTS DE LA COLONISATION ET DE L'AGRICULTURE. - LA SOCIÉTÉ GÉNÉRALE DE COLONISATION ET DE RAPATRIEMENT DE LA PROVINCE DE QUÉBEC.-SON BUT. CEUVRES. DEDICACE DE L'AUTEUR.

- SES

Depuis longtemps les hommes les plus importants se sont occupés de colonisation. L'épiscopat, comme toujours, quand il s'agit des grands intérêts de la nation, a fait entendre sa voix sympathique pour activer le zèle des hommes politiques et de ceux qui sont en état d'aider à cette cause religieuse et patriotique. Il lui a prêté les plus distingués des membres du clergé. C'est ainsi que nous avons vu se dépenser pour cette œuvre les Labelle, les Brassard, les Provost, les Moreau et tant d'autres, qui se sont jetés dans la forêt pour y entraîner et y maintenir des colons, en partageant avec eux leurs privations et leurs fatigues, et en leur faisant apprécier les mérites qu'il y a à ouvrir à la société une voie d'extension et d'adhésion au sol. Nos évêques se sont mis à la tête de sociétés de colonisation, ont consacré un jour de prière en l'honneur du patron de l'agriculture, saint Isidore; et aujourd'hui encore, ils ont consenti, à la demande du commissaire de l'agriculture, à constituer un corps de missionnaires agricoles, qui donnent des conférences dans toutes les paroisses organisées.

Ecoutez les paroles de S. G. Mgr Bourget, qui, en quinze endroits différents de ses mandements, s'efforce de stimuler le zèle de ses prêtres et de ses ouailles en faveur de l'œuvre.

Il s'agit ici de seconder les efforts de "l'Association des établissements canadiens des townships":

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"Cette association, écrivait-il dans une lettre pastorale "du 17 juin 1848, est une œuvre de foi, quoique sous un "rapport, elle doit être considérée comme une affaire tempo"relle, puisqu'il s'agit de procurer des terres à nos compa"triotes. Quoi qu'il en soit elle ne saurait, sous aucun rapport, être étrangère à la religion, car tous les jours nous "demandons à notre Père céleste notre pain quotidien................ "Rien donc de bien surprenant si aujourd'hui nous faisons "entendre la voix de la religion, dans toutes les chaires de "ce diocèse, pour vous exhorter, N. T. C. F., à encourager "cette œuvre naissante, en vous y associant avec zèle et en "grand nombre."

Ces paroles si vibrantes de patriotisme sont celles de tout l'épiscopat canadien.

Sa Grandeur Mgr Fabre, archevêque de Montréal, fait appel, en différents endroits de ses Mandements, au dévouement de son clergé et des hommes politiques. Il s'est mis lui-même à la tête de sociétés de colonisation et s'est fait un plaisir d'accepter, avec Son Honneur le LieutenantGouverneur Chapleau, le patronage de la société générale de colonisation et de repatriement de la Province de Québec. Aussi s'est-il empressé, lors de l'inauguration de cette société, au Monument National, de répondre à l'invitation de présider l'assemblée, et d'y faire entendre des paroles de sympathie qui ont porté grands fruits dans son diocèse, et ont grandement favorisé l'œuvre de cette société.

Un grand et dévoué ami du peuple, et qui fait depuis des années son passe-temps d'écrire sur les questions sociales les plus importantes, M. l'abbé G. Dugas, écrivait dans le Colonisateur Canadien du 1er juin 1894, ces pages saisissantes de bon sens et d'esprit pratique :

"Je félicite hautement notre gouvernement provincial de l'attitude qu'il a prise cette année sur la question de l'agri

culture et de la colonisation. Favoriser l'agriculture est le fait d'un gouvernement sage, car elle est la base de la prospérité d'un peuple, où en toutes choses il faut considérer le principe et la base, si l'on veut qu'une œuvre soit durable. Le plus bel édifice, la construction la plus élégante ne seront d'aucune valeur s'ils reposent sur de méchantes fondations; tôt ou tard ils s'écrouleront entraînant la ruine du propriétaire et la honte de l'architecte. Les travaux de l'esprit suivent la même loi; tout raisonnement qui n'est pas bien appuyé sur des principes incontestables ne résistera pas à l'argumentation du logicien.

"Eh bien, c'est sur l'agriculture que repose la prospérité d'un peuple. Tout autre progrès peut éblouir un moment l'esprit qui ne réfléchit pas, mais, quand on en vient à considérer attentivement le besoin continuel qu'on a du cultivateur dans tous les rangs de la société, on est vite convaincu que son état est la base sur laquelle repose toute la prospérité des états.

"Une profession,un métier, peuvent disparaître de la société sans que la société cesse d'exister; elle en souffrirait quelque dommage, mais ce serait tout. Il n'en est pas de même de l'agriculture. Faites disparaître l'agriculture, aussitôt la société se meurt.

"On peut vivre sans plaider, on peut n'avoir nul besoin du médecin; mais on ne vit pas sans manger. Le même homme aura très rarement besoin du notaire ou de l'avocat, tandis que tous les jours la vie de tous dépend des travaux du cultivateur. C'est lui, le cultivateur, qui règle le commerce. La bonne ou la mauvaise récolte fait hausser ou baisser la bourse. Tous les marchands, tous les spéculateurs comptent sur les produits de la terre pour régler leurs achats. Les marchés des villes et des villages attendent chaque matin les produits de la campagne pour nourrir les familles ouvrières, les classes bourgeoises, les pauvres et les riches. C'est donc du cultivateur que tous attendent les aliments nécessaires à la vie. Le boulanger achète sa farine, le boucher les produits de ses troupeaux et de sa basse-cour; la cuisinière les légumes de ses jardins. Enfin, le beurre, le fromage, les œufs, tout est apporté dans les villes par le cultivateur. Comment un état aussi nécessaire à la vie des hommes ne serait-il pas appelé la base de tout

progrès chez un peuple? Sans doute, dans une société bien organisée, il faut des professions et des métiers pour compléter le bien-être. Les fondations d'une maison ne font pas l'édifice complet. Des fondations seulement ne logeraient pas une famille confortablement, mais sans fondations on construirait un château en l'air. Pareillement un gouvernement, qui ne s'occuperait qu'à favoriser les grandes spéculations manufacturières et les grandes entreprises publiques, en négligeant la classe agricole, bâtirait un progrès en l'air.

L'expérience nous le prouve tous les jours. L'agriculture trop peu appréciée et le progrès manufacturier loué à l'excès, sont deux des principales causes qui ont fait déserter les campagnes à notre jeunesse pour aller chercher, dans les villes et les grands centres, un bien-être plus factice que réel. Faute de calculer juste on a cru que cette facilité de gagner de l'argent allait durer toujours et créer un état normal pour la société. On ne s'est pas aperçu que l'équilibre, nécessaire partout, se trouvait rompu, et que le mécanisme de l'économie politique ne pourrait plus fonctionner.

"L'agriculture a langui, les fermiers se sont appauvris; faute de bras, des terres fertiles sont demeurées incultes, pendant que les manufactures encombrées d'ouvriers fabriquaient des objets plus qu'il n'en fallait pour la consommation. Les grands manufacturiers ne trouvant plus à écouler leurs marchandises ont fermé leurs usines et jetté sur le pavé des milliers de familles qui ne comptaient pour vivre que sur leur salaire de chaque jour.

Aujourd'hui on s'aperçoit que le moyen le plus sûr de mettre un peuple à l'abri des crises financières, c'est de coloniser et de faire des familles de cultivateurs.

"Une terre quelque peu fertile qu'elle soit, produira toujours assez pour nourrir le colon intelligent, laborieux et économe. En Europe, où les propriétés sont toutes morcelées, une famille vit sur quelques arpents de terre, et le voyageur canadien est toujours étonné de ce fait quand il passe en France.

"Les avantages offerts aux colons auraient pour effet de faire revenir des centres manufacturiers et des villes, où ils sont agglomérés, les travailleurs qui ont déserté la vie des champs. L'agriculture, mise en honneur partout, comme

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