Mais que de deux marauds la surprise infidèle O mon Dieu, mon Sauveur, puisque par la raison Fais que de ton appui je sois fortifié; XXIX. SUR LA MORT D'UN GENTILHOMME QUI FUT ASSASSINÉ. Belle âme, aux beaux travaux sans repos adonnée, Tu penses que d'Ivry la fatale journée, Toutefois, bel esprit, console ta douleur; Il faut par la raison adoucir son malheur, Et telle qu'elle vient prendre son aventure. Il ne se fit jamais un acte si cruel : qui se trouve entre ces deux écrivains, et on a prétendu que ce qui avait donné lieu à la méprise de Voltaire, c'est que le nom de Piles était commun à M. de Clermont, l'une des victimes de la funeste journée de Saint-Barthélemy, et à Ludovic de Fortia, assassin du jeune Malherbe, et frère puîné de Paul de Fortia, gouverneur de Marseille. LIVRE CINQUIÈME. POÉSIES DIVERSES ET FRAGMENTS. I. SUR LE PORTRAIT D'ÉTIENNE PASQUIER, AVOCAT AU PARLEMENT DE PARIS, QUE L'ON AVAIT PEINT SANS MAINS. 1585. Il ne faut qu'avec le visage L'on tire tes mains au pinceau : Tu les montres dans ton ouvrage, Et les caches dans le tableau. II. FRAGMENTS. AUX OMBRES DE DAMON. 1604. L'Orne comme autrefois nous reverrait encore Que les soleils3 nous seraient courts. Mais, ô loi rigoureuse à la race des hommes ! La Parque également sous la tombe nous serre; Tout ce que la grandeur a de vains équipages, 'Rivière qui passe à Caen. Elle est désignée dans Ptolomée sous le nom de öλeva, dont on a fait le mot Orne. (MÉN.) 2 Les fleurs ont été appelées par les poëtes les étoiles de la terre; on peut de même appeler les étoiles les fleurs du ciel. (MÉN.) 3 C'est-à-dire les jours. (MÉN.) Mais quoi! c'est un chef-d'œuvre où tout mérite J'ai vu maintes beautés à la cour adorées, sous le nom de Nérée', 1 Cette stance est admirable, à dessous près, qui est un adverbe, et dont Malherbe a fait une proposition. (CHEVREAU.) 'Nérée est ici l'anagramme de Rénée, qui, d'après ce que j'ai ouï dire, était le nom d'une dame de Provence. Depuis que J'allais bâtir un temple éternel en durée, Si sa déloyauté ne l'avait abattu', Lui peut bien ressembler du front, ou de la joue; Mais quoi! puisqu'à ma honte il faut que je l'avoue, Elle n'a rien de sa vertu. L'âme de cette ingrate est une âme de cire, Souvent de tes conseils la prudence fidèle Et de m'assujettir à de meilleures lois : Enfin, après quatre ans, une juste colère Que le flux de ma peine a trouvé son reflux : La femme est une mer aux naufrages fatale; III. SUR ML MARIE DE BOURBON'. 1610. N'égalons point cette petite René, roi de Sicile, a possédé cette province, à titre de comte, son nom y est en effet devenu fort commun. - Les poètes déguisent d'ordinaire sous des anagrammes les véritables noms de leurs maitresses. Ainsi du Bellay, par un renversement de lettres, a appelé Olive, sa maitresse dont le nom était Viole. (MÉN.) On objecte que la déloyauté de Nérée ne peut pas avoir abattu ce temple, puisqu'il n'était pas encore bati: on répond qu'il était bati dans l'esprit du poëte, et que c'est là que la déloyauté de la nymphe l'a abattu. (MÉN.) Fille de François de Bourbon, prince de Conti, et de Louise-Marguerite de Lorraine, fille de Henri I, duc de Guise. VII. AU NOM DE M. PUGET, POUR SERVIR DE DÉDICACE A L'ÉPITAPHe de sa feMME. 1614. Belle âme qui fus mon flambeau, Reçois l'honneur qu'en ce tombeau Je suis obligé de te rendre. 1614. Ames pleines de vent, que la rage a blessées, Connaissez votre faute, et bornez vos pensées En un juste compas; Attachez votre espoir à de moindres conquêtes : Soucis, retirez-vous, faites place à la joie, Les vertus de la reine et les bontés célestes IX. FRAGMENT. 1614. Allez à la malheure2, allez, âmes tragiques, Qui fondez votre gloire aux misères publiques, Et dont l'orgueil ne connaît point de lois; Les fléaux de la France et les pestes du monde. Jamais pas un de vous ne reverra mon onde, Regardez-la pour la dernière fois. X. FRAGMENT. 1614. O toi, qui d'un clin d'œil, sur la terre et sur l'onde, Fais trembler tout le monde, Briare, ou plutôt Briarée, car c'est ainsi qu'il faut l'appeler, avait cent mains. Apollodore dit qu'outre ses cent mains, it avait cent tètes. Pour Typhon, il n'avait qu'une tête dont il touchait les cieux, mais au bout de ses deux mains, dont l'une pouvait atteindre à l'orient et l'autre à l'occident, il avait, suivant le même auteur, cent têtes de dragon, et on prétend que c'est là ce que notre poëte a voulu dire; je ne le pense pas. (MÉN.) 2 Ce mot a subi toutes les vicissitudes de la langue : formé du latin mala hora, il s'écrivit d'abord male heure, puis mal'heure, ensuite malheure; enfin il perdit son e muet final, et changea de genre sans changer de signification. Il ne lui reste plus qu'à perdre la lettre médiane pour devenir tout à fait méconnaissable. Ce retranchement sera un des premiers indices de la décadence de notre langue. Où mon peu de lumière est si près du couchant, Un objet si puissant ébranla ma raison; XXI. FRAGMENT A M. LE CARDINAL DE RICHELIEU '. 1624. Grand et grand prince de l'Église, Richelieu, jusques à la mort, Quelque chemin que l'homme élise, Il est à la merci du sort. Nos jours filés de toutes soies Ont des ennuis comme des joies; Et de ce mélange divers Se composent nos destinées, Comme on voit le cours des années Composé d'étés et d'hivers. Tantôt une molle bonace Nous laisse jouer sur les flots; Tantôt un péril nous menace, Plus grand que l'art des matelots : Et cette sagesse profonde c'est que de vers, pour ne connaitre pas que ceux-là sont de ma façon. Si vous en goûtez la rime, goûtez-en encore mieux la raison. » Il est à remarquer que ces vers sont les seuls que Malherbe ait faits en rime plate. (MÉN. ) 1 Malherbe avait composé ces deux stances plus de trente ans avant que le cardinal de Richelieu, auquel il les adressa, fút cardinal, et il en changea seulement les quatre premiers vers pour les accommoder à son sujet; mais le cardinal de Richelieu, qui avait connaissance que ces vers n'avaient pas été faits pour lui, ne les reçut pas agréablement quand on les lui présenta : ce qui fit que Malherbe ne les continua pas. (MÉN.) |