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Peuples vraiment heureux ! veuillent les destinées
De son empire aimable éterniser le cours ;
Et, pour votre bonheur, prolonger ses années
Aux dépens de vos jours!

Puisse l'auguste fils qui marche sur ses traces',
Et que le ciel lui-même a pris soin d'éclairer,
Conserver à jamais les vertus et les grâces
Qui le font adorer!

Digne fruit d'une race en héros si féconde,
Puisse-t-il égaler leur gloire et leurs exploits,
Et devenir, comme eux, les délices du monde,
Et l'exemple des rois !

VI.

SUR LES DIVINITÉS POÉTIQUES.

C'est vous encor que je réclame,
Muses, dont les accords hardis
Dans les sens les plus engourdis
Versent cette céleste flamme
Qui dissipe leur sombre nuit,
Et qui, flambeau sacré de l'âme,
L'éclaire, l'échauffe et l'instruit.

Nymphes, à qui le ciel indique
Ses mystères les plus secrets,
Je viens chercher dans vos forêts
L'origine et la source antique
De ces dieux, fantômes charmants,
De votre verve prophétique
Indisputables éléments.

Je la vois, c'est l'ombre d'Alcée
Qui me la découvre à l'instant,
Et qui déjà, d'un œil content,
Dévoile à ma vue empressée
Ces déités d'adoption,
Synonymes de la pensée,
Symboles de l'abstraction.

C'est lui; la foule qui l'admire Voit encore, au son de ses vers, Fuir ces tyrans de l'univers

1 Puisse l'auguste fils, etc. Présage heureux, que l'événe ment ne justitia point. Auguste III ne marcha qu'en apparence sur les traces de son père, ne prit de lui que ses goûts ruineux, et abandonna tous les soins du gouvernement à un favori assez adroit pour que ce monarque, jaloux de son autorité comme le sont tous les princes incapables de gouverner, crût toujours l'exercer lui-même. Successivement chassé de son électorat, et forcé d'abandonner la Pologne, il reyint s'ensevelir à Dresde dans la plus profonde inaction, et mourut d'un violent accès de goutte, le 5 octobre 1763.

Dont il extermina l'empire :
Mais déjà, sur de nouveaux tons,
Je l'entends accorder sa lyre;
Il s'approche, il parle : écoutons.
Des sociétés temporelles

Le premier lien est la voix,
Qu'en divers sons l'homme, à son choix,
Modifie et fléchit
pour elles;

Signes communs et naturels,
Où les âmes incorporelles

Se tracent aux sens corporels.

Mais, pour peindre à l'intelligence
Leurs immatériels objets,
Ces signes, à l'erreur sujets,
Ont besoin de son indulgence;
Et, dans leurs secours impuissants,
Nous sentons toujours l'indigence
Du ministère de nos sens.

Le fameux chantre d'Ionie
Trouva dans ses tableaux heureux
Le secret d'établir entre eux
Une mutuelle harmonie :
Et ce commerce leur apprit
L'art inventé par Uranie
De peindre l'esprit à l'esprit.

Sur la scène incompréhensible
De cet interprète des dieux,
Tout sentiment s'exprime aux yeux,
Tout devient image sensible;
Et, par un magique pouvoir,
Tout semble prendre un corps visible,
Vivre, parler et se mouvoir.

Oui, c'est toi, peintre inestimable,
Trompette d'Achille et d'Hector,
Par qui de l'heureux siècle d'or
L'homme entend le langage aimable,
Et voit, dans la variété

Des portraits menteurs de la Fable,
Les rayons de la vérité.

Il voit l'arbitre du tonnerre
Réglant le sort par ses arrêts;
Il voit sous les yeux de Cérès
Croître les trésors de la terre;
Il reconnaît le dieu des mers
A ces sons qui calment la guerre
Qu'Éole excitait dans les airs.

Si dans un combat homicide
Le devoir engage ses jours,

Pallas, volant à son secours,
Vient le couvrir de son égide;
S'il se voue au maintien des lois,
C'est Thémis qui lui sert de guide,
Et qui l'assiste en ses emplois.

Plus heureux, si son cœur n'aspire
Qu'aux douceurs de la liberté,
Astrée est la divinité

Qui lui fait chérir son empire:
S'il s'élève au sacré vallon,
Son enthousiasme est la lyre
Qu'il reçoit des mains d'Apollon.

Ainsi consacrant le système
De la sublime fiction,
Homère, nouvel Amphion,
Change, par la vertu suprême
De ses accords doux et savants,
Nos destins, nos passions même,
En êtres réels et vivants.

Ce n'est plus l'homme qui, pour plaire,
Étale ses dons ingénus;

Ce sont les Grâces, c'est Vénus,
Sa divinité tutélaire :

La sagesse qui brille en lui,

C'est Minerve dont l'œil l'éclaire,
Et dont le bras lui sert d'appui.

L'ardente et fougueuse Bellone
Arme son courage aveuglé :
Les frayeurs dont il est troublé
Sont le flambeau de Tisiphone :
Sa colère est Mars en fureur;
Et ses remords sont la Gorgone
Dont l'aspect le glace d'horreur.

Le pinceau même d'un Apelle
Peut, dans les temples les plus saints,
Attacher les yeux des humains

A l'objet d'un culte fidèle,
Et peindre sans témérité,
Sous une apparence mortelle,
La divine immortalité.

Vous donc, réformateurs austères
De nos priviléges sacrés ;
Et vous, non encore éclairés
Sur nos symboliques mystères,
Éloignez-vous, pâles censeurs,
De ces retraites solitaires

Qu'habitent les neuf doctes Sœurs.

Ne venez point, sur un rivage
Consacré par leur plus bel art,
Porter un aveugle regard :
Et loin d'elles tout triste sage
Qui, voilé d'un sombre maintien,
Sans avoir appris leur langage,
Veut jouir de leur entretien !

Ici l'ombre impose silence
Aux doctes accents de sa voix :
Et déjà dans le fond des bois,
Impétueuse, elle s'élance;
Tandis que je cherche des sons
Dignes d'atteindre à l'excellence
De ses immortelles leçons.

VII.

SUR LE DEVOIR ET LE SORT

DES GRANDS HOMMES.

Nous honorons du nom de sage
Celui qui, content de son sort,
Et loin des vents et de l'orage
Goûtant les délices du port,
Sait, au milieu de l'abondance,
Dans une noble indépendance
Trouver la gloire et le repos;
Mais cette sagesse tranquille,
Vertu dans un mortel stérile,
N'est point vertu dans un héros.

Pour jouir d'une paix chérie
Les cieux ne nous l'ont point prêté;
Il est comptable à sa patrie
Des dons qu'il tient de leur bonté :
Cette influence souveraine
N'est pour lui qu'une illustre chaîne
Qui l'attache au bonheur d'autrui;
Tous les brillants qui l'embellissent,
Tous les talents qui l'ennoblissent,
Sont en lui, mais non pas à lui.

Il sait, et c'est un avantage
Peu connu de ses vains rivaux,
Que son véritable partage
Sont les veilles et les travaux;
Que sur tous les êtres du monde
Des dieux la sagesse profonde
Étend ses regards généreux

Et qu'éclos de leurs mains fertiles,
Les uns naissent pour être utiles,
Les autres pour n'être qu'heureux.

Ainsi, victime préparée

Pour le bonheur du genre humain,
Victime non moins consacrée
A l'empire du souverain,

Soit sur la mer, soit sur la terre,

Soit dans la paix, soit dans la guerre,
D'une foi mâle revêtu,

Son prince, dont il est l'organe,
Sa propre vertu le condamne

A s'immoler à sa vertu.

La dépendance est le salaire

Des présents que nous font les cieux :
Un roi parle; il faut, pour lui plaire,
Quitter sa patrie et ses dieux :
Héros guerriers, héros paisibles,
Il faut à ses lois invincibles
Asservir vos talents vainqueurs.
Partez, volez, âmes viriles;
Courez lui soumettre les villes,
Allez lui conquérir les cœurs.

Toutefois si de votre zèle
Vous voulez recevoir le prix,
Revenez : l'absence infidèle
Enfante peu de favoris:
Les récompenses les plus dues
Sont souvent des dettes perdues
Pour qui tarde à les répéter;
Et, sur l'absent qui les mérite,
Le présent qui les sollicite
Est toujours sûr de l'emporter

Le mérite oublié du maître,
Et souvent même dédaigné,
Ne se fait jamais bien connaître
Dans un point de vue éloigné :
En vain, sous d'illustres auspices
Produirait-il de ses services
Le témoignage glorieux;
Sa présence est le seul langage
Qui puisse en assurer le gage:
Les rois ont le cœur dans les yeux.

C'est à ces astres vénérables
D'illuminer ses actions;
C'est de leurs rayons favorables
Qu'il doit tirer tous ses rayons;
Bientôt leur céleste influence
Va le combler d'une affluence
De biens, de gloire et de splendeurs;
Et, l'éclairant d'un nouveau lustre,
Porter sa destinée illustre

Au plus haut sommet des grandeurs.

Installé dans le rang sublime
Où l'ont placé leurs justes lois,
Il peut d'un pouvoir légitime
Exercer les plus vastes droits;
Il peut, pour foudroyer le vice,
De la force et de la justice
Réunir le double soutien ;
Il peut enfin, fidèle oracle,
Faire trouver sans nul obstacle
Le bonheur public dans le sien.

Mais si jamais un noir orage,
Longtemps suspendu dans son cours,
Fait sur lui crever le nuage
Élevé durant ses beaux jours;
C'est alors que, libre de crainte,
Le dépit que masquait la feinte
Se change en mortelles fureurs,
Et que l'Envie empoisonnée,
Par l'impunité déchaînée,
Dépouille toutes ses terreurs.

Sa gloire aussitôt obscurcie,
Vaine ombre d'un jour éclipsé,
Disparaît souillée et noircie
Par le mensonge intéressé;
Canal impur, qui, dans leurs courses
Infectant les plus belles sources,
Change en erreur la vérité,
L'industrie en extravagance,

La grandeur d'âme en arrogance,
Et le zèle en témérité.

Tout fuit, tout cherche un nouveau maître;

Ses complaisants les plus flatteurs
Sont les premiers qu'on voit paraître
Entre ses prudents déserteurs :
En vain ses qualités suprêmes
Forcent les témoignages mêmes
A l'équité les moins soumis ;
En vain par ses bontés célèbres
Cent noms sont sortis des ténèbres :
Les malheureux n'ont point d'amis.

O vous! que la bonne fortune
Maintient à l'abri des revers,
De la terre charge importune,
Peuple inutile à l'univers,
Au sein de la béatitude,
Bornez-vous; fixez votre étude
Aux choix des plaisirs les plus doux;
Et, dans l'oisive nonchalance
De votre paisible opulence,

Ne songez qu'à vivre pour vous :

Tandis que le zèle héroïque,
Esclave de sa dignité,
A la félicité publique
Consacrera sa liberté,

Ou, perdu dans la foule obscure,
Et d'une vie ingrate et dure
Traînant les soucis épineux,

Verra, sans murmure et sans peine,
De la prospérité hautaine

Briller le faste dédaigneux.

VIII.

A LA PAIX.

O Paix ! tranquille Paix ! secourable immortelle,
Fille de l'harmonie et mère des plaisirs,
Que fais-tu dans les cieux, tandis que de Cybèle
Les sujets désolés t'adressent leurs soupirs?

Si, par l'ambition de la terre bannie,
Tu crois devoir ta haine à tes profanateurs,
Que t'a fait l'innocence, injustement punie
De l'inhumanité de ses persécuteurs?

Équitable déesse, entends nos voix plaintives:
Vois ces champs ravagés, vois ces temples brûlants,
Ces peuples éplorés, ces mères fugitives,
Et ces enfants meurtris entre leurs bras sanglants.

De quels débordements de sang et de carnage
La terre a-t-elle vu ses flancs plus engraissés ?
Et quel fleuve jamais vit border son rivage
D'un plus horrible amas de mourants entassés ?

Telle autour d'Ilion la mort livide et blême
Moissonnait les guerriers de Phrygie et d'Argos,
Dans ces combats affreux où le dieu Mars lui-même
De son sang immortel vit bouillonner les flots.

D'un cri pareil au bruit d'une armée invincible
Qui s'avance au signal d'un combat furieux,
Il ébranla du ciel la voûte inaccessible,
Et vint porter sa plainte au monarque des dieux.

Mais le grand Jupiter, dont la présence auguste
Fait rentrer d'un coup d'œil l'audace en son devoir,
Interrompant la voix de ce guerrier injuste,
En ces mots foudroyants confondit son espoir :

« Va, tyran des mortels, dieu barbare et funeste1, Va faire retentir tes regrets loin de moi;

Va, tyran des mortels, etc. Homère, au cinquième livre de l'Iliade, v. 890 et suiv.

De tous les habitants de l'Olympe céleste
Nul n'est à mes regards plus odieux que toi 1.

Tigre à qui la pitié ne peut se faire entendre,
Tu n'aimes que le meurtre et les embrasements:
Les remparts abattus, les palais mis en cendres,
Sont de ta cruauté les plus doux monuments.

La frayeur et la mort vont sans cesse à ta suite,
Monstre nourri de sang, cœur abreuvé de fiel,
Plus digne de régner sur les bords du Cocyte,
Que de tenir ta place entre les dieux du ciel.

Ah! lorsque ton orgueil languissait dans les chaînes
Où les fils d'Aloüs te faisaient soupirer,
Pourquoi, trop peu sensible aux misères humaines,
Mercure, malgré moi, vint-il t'en délivrer?

La Discorde, dès lors avec toi détrônée,
Eût été pour toujours reléguée aux enfers;
Et l'altière Bellone, au repos condamnée,
N'eût jamais exilé la Paix de l'univers.

La Paix, l'aimable Paix, fait bénir son empire;
Le bien de ses sujets fait son soin le plus cher :
Et toi, fils de Junon, c'est elle qui t'inspire
La fureur de régner par la flamme et le fer.

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Chasté Paix, c'est ainsi que le maître du monde
Du fier Mars et de toi sait discerner le prix :
Ton sceptre rend la terre en délices féconde,
Le sien ne fait régner que les pleurs et les cris.
Pourquoi donc aux malheurs de la terre affligée
Refuser le secours de tes divines mains?
Pourquoi, du roi des cieux chérie et protégée,
Céder à ton rival l'empire des humains?

Je t'entends: c'est en vain que nos vœux unanimes
De l'Olympe irrité conjure le courroux;
Avant que sa justice ait expié nos crimes,
Il ne t'est pas permis d'habiter parmi nous.

Et quel siècle jamais mérita mieux sa haine?
Quel âge plus fécond en Titans orgueilleux ?
En quel temps a-t-on vu l'impiété hautaine
Lever contre le ciel un front plus sourcilleux?

La peur de ses arrêts n'est plus qu'une faiblesse :
Le blasphème s'érige en noble liberté;
La fraude au double front, en prudente sagesse,
Et le mépris des lois en magnanimité.

I Littéralement traduit d'Horace, à l'endroit cité : ἔχθιστος δέ μοί ἐσσι θεῶν, οἱ ὄλυμπον ἔχουσιν· Αἰεὶ γάρ τοι ἔρις τε φίλη, πόλεμοί τε, μάχαι τε.

Voilà, peuples, voilà ce qui sur vos provinces
Du ciel inexorable attire la rigueur;
Voilà le dieu fatal qui met à tant de princes

La foudre dans les mains, la haine dans le cœur.

Des douceurs de la paix, des horreurs de la guerre,
Un ordre indépendant détermine le choix :
C'est le courroux des rois qui fait armer la terre;
C'est le courroux des dieux qui fait armer les rois.

C'est par eux que sur nous la suprême vengeance
Exerce les fléaux de sa sévérité,

Lorsque après une longue et stérile indulgence
Nos crimes ont du ciel épuisé la bonté.

Grands dieux ! si la rigueur de vos coups légitimes
N'est point encor lassée après tant de malheurs;
Si tant de sang versé, tant d'illustres victimes,
N'ont point fait de nos yeux couler assez de pleurs;

Inspirez-nous du moins ce repentir sincère,
Cette douleur soumise, et ces humbles regrets,
Dont l'hommage peut seul, en ces temps de colère,
Fléchir l'austérité de vos justes décrets.

Échauffez notre zèle, attendrissez nos âmes,
Élevez nos esprits au céleste séjour,

Et remplissez nos cœurs de ces ardentes flammes
Qu'allument le devoir, le respect et l'amour.

Un monarque vainqueur, arbitre de la guerre,
Arbitre du destin de ses plus fiers rivaux,
N'attend que ce moment pour poser son tonnerre,
Et pour faire cesser la rigueur de nos maux.

Que dis-je? ce moment de jour en jour s'avance:
Les dieux sont adoucis, nos vœux sont exaucés;
D'un ministre adoré l'heureuse providence 1
Veille à notre salut : il vit; c'en est assez.
Peuples, c'est par lui seul que Bellone asservie
Va se voir enchaîner d'un éternel lien :
C'est à notre bonheur qu'il consacre sa vie;
C'est à votre repos qu'il immole le sien.

Reviens donc, il est temps que son vœu se consommė,
Reviens, divine Paix, en recueillir le fruit :
Sur ton char lumineux fais monter ce grand homme,
Et laisse-toi conduire au dieu qui le conduit.

Ainsi, du ciel calmé rappelant la tendresse,
Puissions-nous voir changer par ses dons souverains

1 D'un ministre adoré, etc. Le cardinal de Fleury qui, après avoir conduit, avec sa prudence ordinaire, la guerre de 1723 à 1736, venait de la terminer gloricusement par le traité qui valut le royaume de Naples et de Sicile à D. Carlos, et à la France la cession à perpétuité du duché de Lorraine.

Nos peines en plaisirs, nos pleurs en allégresse, Et nos obscures nuits en jours purs et sereins!

IX.

A M. LE COMTE DE LANNOY,

GOUVERNEUR DE BRUXELLES.

SUR UNE MALADIE DE L'AUTEUR, CAUSÉE PAR UNE
ATTAQUE DE PARALYSIE, EN 1738.

Celui qui des cœurs sensibles
Cherche à devenir vainqueur,
Doit, pour les rendre flexibles,
Consulter son propre cœur';
C'est notre plus sûr arbitre :
Les dieux ne sont qu'à ce titre
De nos offrandes jaloux :
Si Jupiter veut qu'on l'aime,
C'est qu'il nous prévient lui-même
Par l'amour qu'il a pour nous.

C'est cette noble industrie,
Comte, qui, par tant de nœuds,
T'attache dans ta patrie
Tous les cœurs et tous les vœux :
Rappelle dans ta pensée,

A la nouvelle annoncée
Du dernier prix de ta foi,
Tous ces torrents de tendresse
Dont la publique allégresse
Signala son feu pour toi.

En moi-même, ô preuve insigne!
Jusqu'où n'a point éclaté
D'un caractère si digne
L'intarissable bonté!
Dans le calme, dans l'orage,
Toujours même témoignage,
Surtout dans ces tristes jours,
Dont la lumière effacée
De ma planète éclipsée
Me fait sentir le décours.

Malheureux l'homme qui fonde
L'avenir sur le présent,
Et qu'endort au sein de l'onde
Un zéphire séduisant!
Jamais l'adverse fortune,
Ma surveillante importune,
Ne parut plus loin de moi;
Et jamais aux doux mensonges
Des plus agréables songes,
Je ne prêtai tant de foi.

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