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Et ne confesser point qu'il n'est pire aventure Que de ne la voir pas ?

I

Certes, l'autre soleil d'une erreur vagabonde
Court inutilement par ses douze maisons';
C'est elle, et non pas lui, qui fait sentir au monde
Le change des saisons.

Avecque sa beauté toutes beautés arrivent;
Ces déserts sont jardins de l'un à l'autre bout :
Tant l'extrême pouvoir des grâces qui la suivent
Les pénètre partout!

Ces bois en ont repris leur verdure nouvelle
L'orage en est cessé, l'air en est éclairci;
Et même ces canaux ont leur course plus belle,
Depuis qu'elle est ici.

De moi, que les respects obligent au silence,
J'ai beau me contrefaire et beau dissimuler;
Les douceurs où je nage ont une violence
Qui ne se peut celer.

Mais, ô rigueur du sort! tandis que je m'arrête
A chatouiller 3 mon âme en ce contentement,
Je ne m'aperçois pas que le destin m'apprête
Un autre partement 4.

Arrière ces pensers que la crainte m'envoie!
Je ne sais que trop bien l'inconstance du sort :
Mais de m'ôter le goût d'une si chère joie,
C'est me donner la mort.

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4 Le prince de Condé ne tarda pas, en effet, de s'enfuir de Fontainebleau. Il se retira d'abord en Flandre, et ensuite à Milan, avec la princesse son épouse, et ne rentra en France qu'en 1610, après la mort du roi.

Partement, pour départ, se retrouve dans quelques poëtes postérieurs à Malherbe; mais ce mot n'est plus usité aujourd'hui que dans le style marotique.

5 Malherbe était en Bourgogne lorsqu'il composa ces stances; elles sont fort belles, et même assez passionnées. (MEN.)

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1 Le mot secrétaire, pour désigner une personne qui a la confidence et le secret d'une autre, a été fréquemment employé en ce sens par nos poëtes anciens et modernes. Cependant j'apprends de M. de Racan que, lorsque Malherbe publia ces stances, on bláma cet endroit. S'il y a quelque chose à redire ici, ce n'est pas au mot de secrétaires, c'est à celui de vrais: (MÉN.)

2 Il parle à ses pensers comme à des personnes. Il n'y a rien de plus commun dans la poésie que de personnitier ainsi les choses inanimées. (MÉN.)

Mon roi, par son rare mérite,

A fait que la terre est petite

Pour un nom si grand que le sien;

Mais si mes longs travaux faisaient cette conquête,
Quelques fameux lauriers qui lui couvrent la tête,
Il n'en aurait pas un qui fût égal au mien.

Aussi quoique l'on me propose
Que l'espérance m'en est close,
Et qu'on n'en peut rien obtenir,

Puisqu'à si beau dessein mon désir me convie,
Son extrême rigueur me coûtera la vie,
Ou mon extrême foi m'y fera parvenir.

Si les tigres les plus sauvages
Enfin apprivoisent leurs rages,
Flattés par un doux traitement;

Par la même raison pourquoi n'est-il croyable
Qu'à la fin mes ennuis la rendront pitoyable,
Pourvu que je la serve à son contentement?

Toute ma peur est que l'absence
Ne lui donne quelque licence

De tourner ailleurs ses appas;

Et qu'étant, comme elle est, d'un sexe variable,
Ma foi, qu'en me voyant elle avait agréable,
Ne lui soit contemptible 2 en ne me voyant pas.

Amour a cela de Neptune

Que toujours à quelque infortune
Il se faut tenir préparé.

Ses infidèles flots ne sont point sans orages;
Aux jours les plus sereins on y fait des naufrages,
Et même dans le port on est mal assuré.

Peut-être qu'à cette même heure
Que je languis, soupire et pleur,
De tristesse me consumant,

Elle, qui n'a souci de moi ni de mes larmes,
Étale ses beautés, fait montre de ses charmes,
Et met en ses filets quelque nouvel amant.

Tout beau, pensers mélancoliques,
Auteurs d'aventures tragiques,
De quoi m'osez-vous discourir?
Impudents boute-feux de noise et de querelle,
Ne savez-vous pas bien que je brûle pour elle,
Et que me la blâmer c'est me faire mourir?

Dites-moi qu'elle est sans reproche,

1 Ce comme elle est est superflu, et quand il ne le serait pas, il n'a pas bonne grace en vers. (MÉN.)

2 Vaugelas pense que Malherbe a préféré ici contemptible à méprisable, pour éviter de rimer, à la césure, avec agréable qui termine le vers précédent.

Que sa constance est une roche, Que rien n'est égal à sa foi. Prêchez-moi ses vertus, contez-m'en des merveilles; C'est le seul entretien qui plaît à mes oreilles : Mais pour en dire mal n'approchez point de moi.

XXIII.

BALLET DE MADAME'.

DE PETITES NYMPHES, QUI MÈNENT L'AMOUR PRISONNIER AU ROI 3.

1610.

A la fin, tant d'amants, dont les âmes blessées Languissent nuit et jour,

Verront sur leur auteur leurs peines renversées,
Et seront consolés aux dépens de l'Amour.

Ce public ennemi, cette peste du monde;
Que l'erreur des humains

Fait le maître absolu de la terre et de l'onde,
Se trouve à la merci de nos petites mains.

Nous le vous amenons dépouillé de ses armes,
O roi, l'astre des rois !

Quittez votre bonté, moquez-vous de ses larmes,
Et lui faites sentir la rigueur de vos lois.

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1 Cette pièce, qui ne fut point imprimée dans le Recueil de vers sur le trépas d'Henri le Grand, donné par du Peyrat en 1610, se trouve, pour la première fois dans l'édition de 1630; ce qui vient sans doute de ce que Malherbe, comme le dit Ménage d'après Racan, n'avait pas mis la dernière main à ses vers. (St. MARC.)

2 Malherbe, ordinairement si sensé et si juste, ne l'est pas toujours. Il est ampoulé quelquefois, ou plutôt, ce fleuve, égal et paisible dans sa course, devient tout à coup un torrent impétueux qui fait du fracas, et qui tombe dans des précipices. (BOUHOUKS,)

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XXV'.

A LA REINE, MÈRE DU ROI,

PENDANT SA RÉGENCE.

1611.

Objet divin des âmes et des yeux,

Reine, le chef-d'œuvre des cieux, Quels doctes vers me feront avouer Digne de te louer ?

Les monts fameux des vierges que je sers
Ont-ils des fleurs en leurs déserts,
Qui, s'efforçant d'embellir ta couleur,
Ne ternissent la leur?

Le Thermodon a vu seoir autrefois
Des reines au trône des rois :
Mais que vit-il par qui soit débattu
Le prix à ta vertu?

Certes nos lis, quoique bien cultivés,
Ne s'étaient jamais élevés
Au point heureux où les destins amis
Sous ta main les a mis3.

A leur odeur l'Anglais se relâchant,
Notre amitié va recherchant ;
Et l'Espagnol (prodige merveilleux!)
Cesse d'être orgueilleux 4.

De tous côtés nous regorgeons de biens;
Et qui voit l'aise où tu nous tiens
De ce vieux siècle aux fables récité
Voit la félicité.

Quelque discord murmurant bassement Nous fit peur au commencement:

Ces stances, dont tous les vers sont masculins, ne purent être chantées, parce que le premier vers est trop court d'une syllabe. J'ai appris cette particularité de M. de Racan, de qui j'ai appris aussi que Malherbe n'avait point d'oreille pour la musique, et qu'il n'a jamais pu faire des vers sur les airs que les musiciens lui donnaient. (MÉN.)

2 Fleuve de Thémiscyre, province de Cappadoce, du pays des Amazones.

voisine

3 Ce défaut d'accord, entre le verbe et son nominatif, a été regardé par Ménage et Saint-Marc comme une faute d'impression: il n'y faut voir peut-être qu'une licence poétique autorisée par l'exemple des Grecs et des Latins, qui mettent souvent au singulier un verbe régi par un pluriel neutre. Quoi qu'il en soit, Ménage n'a pas osé toucher ici au texte de Malherbe. 'On venait d'entamer les négociations relatives au double mariage qui fut conclu, l'année suivante, entre Louis XIII et l'infante d'Espagne, le prince d'Espagne et madame Élisabeth de France.

Mais sans effet presque il s'évanouit Plus tôt qu'on ne l'ouït.

Så fabuleuse royauté.

Tu menaças l'orage paraissant,
Et tout soudain obéissant,

Il disparut comme flots courroucés

Que Neptune a tancés.

Que puisses-tu, grand soleil de nos jours,
Faire sans fin le même cours,

Le soin du ciel te gardant aussi bien
Que nous garde le tien!

Puisses-tu voir sous le bras de ton fils

Trébucher les murs de Memphis, Et de Marseille au rivage de Tyr Son empire aboutir!

Les vœux sont grands: mais avecque raison
Que ne peut l'ardente oraison!

Et, sans flatter, ne sers-tu pas les dieux
Assez pour avoir mieux?

XXVI1.

LES SIBYLLES,

SUR LA FÊTE DES ALLIANCES DE FRANCE

ET D'ESPAGne.

1612.

LA SIBYLLE PERSIQUE.

Que Bellone et Mars se détachent,
Et de leurs cavernes arrachent
Tous les vents des séditions;
La France est hors de leur furie,
Tant qu'elle aura pour alcyons
L'heur et la vertu de Marie ".

LA SIBYLLE LIBYQUE.

Cesse, Pô, d'abuser le monde : Il est temps d'ôter à ton onde

* Ces stances furent mises en musique par Boisset, et chantées le premier jour des fêtes du Camp de la place Royale, données les 5, 6 et 7 avril 1612, pour la publication des mariages arrêtés du roi Louis XIII avec l'infante d'Espagne Anne d'Autriche, et de madame Élisabeth, sœur du roi, avec le prince depuis roi d'Espagne, Philippe IV. (ST MARC.)

Il existe une relation imprimée de ces fêtes; elle a pour titre: LE CAMP DE LA PLACE ROYALE, et renferme toutes les stances comprises ici sous le n° 26.

a De Médicis.

L'Arne, sans en faire autres preuves,
Ayant produit cette beauté,
S'est acquis l'empire des fleuves.

LA SIBYLLE DELPHIQUE.

La France à l'Espagne s'allie;
Leur discorde est ensevelie,
Et tous leurs orages finis.
Armes du reste de la terre
Contre ces deux pleuples unis
Qu'êtes-vous que paille et que verre!

LA SIBYLLE cumée.
Arrière ces plaintes communes,
Que les plus durables fortunes
Passent du jour au lendemain !
Les nœuds de ces grands hyménées
Sont-ils pas de la propre main
De ceux qui font les destinées?

LA SIBYLLE ÉRYTHRÉE.

Taisez-vous, funestes langages,
Qui jamais ne faites présages
Où quelque malheur ne soit joint;
La Discorde ici n'est mêlée,
Et Thétis n'y soupire point
Pour avoir épousé Pélée.

LA SIBYLLE SAMIENNE.

Roi, que tout bonheur accompagne,
Vois partir du côté d'Espagne
Un soleil qui te vient chercher.
O vraiment divine aventure,
Que ton respect fasse marcher
Les astres contre leur nature!

LA SIBYLLE CUMANE '

O que l'heur de tes destinées
Poussera tes jeunes années
A de magnanimes soucis!
Et combien te verront répandre
De sang des peuples circoncis
Les flots qui noyèrent Léandre"!

LA SIBYLLE HellespontIQUE.

Soit que le Danube t'arrête,

Les anciens regardaient cette sibylle comme l'auteur des livres sibyllins, et l'honoraient sous le nom d'Amalthee. Il ne faut pas la confondre avec la sibylle Cumée, ou de Cumes, ville de l'Ionie.

2 Léandre périt dans l'Hellespont, en traversant le détroit à la nage pour aller voir Héro renfermée dans une tour à Sestos.

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