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Mais tu vis par les sillons verts,
De petits fourmis et de vers,
Ou d'une mouche ou d'une achée;
Tu portes au temps la béchée
A tes fils non encore ailés,
D'un blond duvet emmantelés.

Aussi jamais la main pillarde
D'une pastourelle mignarde,
Parmi les sillons espiant
Vostre nouveau nid pepiant,
Quand vous chantez, ne le dérobe
Ou dans sa cage ou sous sa robe.
Vivez, oiseaux, et vous haussez
Toujours en l'air, et annoncez,
De vostre chant et de vostre aile,
Que le printemps se renouvelle.

BELLEAU

BELLEAU (Remi), né à Nogent-le-Rotrou en 1528, et mort à Paris en 1577, fut un des sept poëtes de la Pléiade française. On l'appelait le gentil Belleau, et Ronsard le surnommait le peintre de la nature. « Les Bergeries de Belleau, dit M. Sainte-Beuve, présentent quelquefois des scènes champêtres vivement retracées; surtout il y a une profusion de couleurs et d'images bien contraire à l'idée qu'on se fait de la simplicité de la vieille langue. Brillant et suranné à la fois, vieilli et non pas antique, ce style ne ressemble pas mal à ces étoffes que portaient les petits-maîtres du temps passé, et dont le lustre terni éclate encore par places. La pièce du mois d'Avril est celle qui a le mieux conservé sa fraîcheur. >>

AVRIL

Avril, l'honneur et des bois
Et des mois;

Avril, la douce espérance

Des fruits qui, sous le coton
Du bouton,

Nourrissent leur jeune enfance;

Avril, l'honneur des prez vers,
Jaunes, pers,

Qui d'une humeur bigarrée,
Émaillent de mille fleurs
De couleurs

Leur parure diaprée ;

Avril, c'est ta douce main

Qui, du sein

De la nature, desserre

Une moisson de senteurs

Et de fleurs

Embosmant l'air et la terre.

Avril, la grâce et les ris
De Cypris,

Le flair et la douce haleine;

Avril, le parfum des dieux,
Qui des cieux

Sentent l'odeur de la plaine.

C'est toi, courtois et gentil,
Qui d'exil

Retires ces passagères,

Ces arondelles qui vont
Et qui sont

Du printemps les messagères.

L'aubépine et l'églantin,

Et le thym,

L'œillet, le lis et les roses,
En ceste belle saison,

A foison

Montrent leurs robes escloses.

Le gentil rossignolet,

Doucelet,

Découpe dessous l'ombrage
Mille fredons babillards,

Frétillards,

Au doux son de son ramage.

Mai vantera ses fraîcheurs,
Ses fruits meurs,

Et sa féconde rosée,

La manne, le sucre doux,
Le miel roux

Dont sa grâce est arrosée.

Mais moi, je donne ma vois

A ce mois

Qui prend le surnom de celle
Qui de l'escumeuse mer
Vit germer

Sa naissance maternelle.

MALHERBE

MALHERBE (François DE) naquit à Caen, l'an 1555.

La sagesse des pensées, l'unité et la gravité de ton, l'harmonieuse élégance de style, la régularité portée à l'excès et préférant la froideur même à la licence, qui devaient être les caractères du xviie siècle, naquirent avec lui. Ce fut en effet en l'an 1600 que Malherbe fit paraître ses premiers ouvrages. Tout en déclarant à Ronsard une guerre à mort (1), son but semblait être de poursuivre la réforme qu'avait tentée ce poëte, c'est-à-dire de donner à la langue la vraie dignité qui lui manquait encore, mais de la poursuivre par une autre route. Au lieu d'emprunter, comme Ronsard, au grec et au latin les formes nouvelles que réclamait le français, ce fut du fonds même de la langue qu'il prétendit, à force de correction et de travail, tirer toutes ses richesses; en même temps il voulut contenir dans des bornes rigoureuses et la pensée et l'expression. Il suffit à Malherbe d'un bien petit nombre de vers pour réussir dans cette grande entreprise; mais son infatigable patience imprima à chacun d'eux toute la perfection qu'il était capable de leur donner. Sa réforme fut à la fois un acte de bon sens et d'art, et la langue surtout lui eut les plus grandes obligations; malheureusement il exagéra lui-même ses principes: sa régularité tourna souvent en rigorisme austère, et rien n'adoucit la pesanteur des chaines qu'il imposa à ceux qui lui succédèrent. Comme poëte, il enseigna le premier la science de l'enchaînement correct des idées, la majesté et l'harmonie de la versification. Dans quelques-unes même de ses odes, surtout dans celle à Louis XIII au moment de son départ pour la Rochelle, il porta la vigueur et le mouvement presque jusqu'au sublime; mais il ne connut jamais la grâce ni l'abandon, qui semblaient répugner à la sévérité de sa nature; et l'on ne trouve chez lui quelques traces de sensibilité que dans ses fameuses Stances à du Perrier sur la mort de sa fille (2).

Malherbe est mort à Paris en 1628.

(1) Un jour (il était de mauvaise humeur sans doute), il prit les œuvres de Ronsard, et biffa ses vers l'un après l'autre jusqu'au dernier.

(2) Baron, Résumé de l'Histoire de la Littérature française.

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