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mens, en qualité d'intendant. Cléante est aussi engagé de cœur, avec une jeune personne, nommée Mariane, qui se croit sans autres parens que sa mere, sous la conduite de laquelle elle vit, dans l'infortune, comme Valere. Mais Harpagon a envie de se remarier; et il a chargé une intrigante, nommée Frosine, de tâcher à lui faire épouser cette même Mariane, qu'il croit plus fortunée qu'elle ne l'est, et pour laquelle il s'est senti du penchant, en la voyant passer plusieurs fois près de chez lui. Cléante apprend, avec douleur, que son père est son rival, et celui-ci est furieux lorsqu'il découvre la tendresse mutuelle qu'éprouvent l'un pour l'autre Mariane et Cléante. Outre cette raison de s'en vouloir, le pere et le fils ont déja eu ensemble un violent débat, parce que l'excessive avarice du pere, laissant manquer le fils des choses les plus nécessaires, l'a contraint à avoir recours à un usurier pour en emprunter de l'argent, par l'entremise d'un courtier, faiseur d'affaires, et que le pere et le fils ont appris, l'un et l'autre avec une égale indignation, que l'un d'eux s'avilisoit par des prêts sordides, et que l'autre se ruinoit en se soumettant à lui

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payer les intérêts énormes qu'il exigeoit. Cependant, La Fleche, valet de Cléante, a découvert qu'Harpagon a caché dans un coin retiré de son jardin une cassette qui renferme une très-grosse somme d'argent ; et, autant pour se venger de ce qu'Harpagon l'a faussement soupçonné plusieurs fois d'avoir voulu le voler, que pour rendre service à son jeune maître, en lui mettant cette cassette entre les mains, il l'enleve du lieu de sa retraite, et l'apporte à Cléante. Harpagon qui alloit, à tous momens visiter son trésor, s'apperçoit qu'on le lui a dérobé. Dans la colere épouvantable où cette perte le met, il envoie chercher un Commissaire; il veut faire pendre tout le monde, et se pendre, lui-même, s'il ne retrouve pas ce qu'il a perdu. Un certain Maître Jacques, remplissant chez lui les places de cocher et de cuisinier, et ayant à se plaindre de Valere, qui, pour ne se pas faire renvoyer de la maison, est obligé d'approuver, malgré lui, et de seconder l'extrême lésine qui s'y exerce sur tout au grand mécontentement des autres domestiques, accuse ce prétendu intendant d'avoir volé la cassette. Valere interrogé, par Harpagon

et par le Commissaire, sur un crime d'abus de confiance dont on le suspecte, croit qu'il est question de son amour pour Élise, et de la promesse qu'il a reçue d'elle d'être son époux, à l'insu de son pere, et il s'avoue coupable, en apparence, mais il se dit en état de réparer cette faute, en faisant connoître que, par sa naissance, il n'est pas indigne d'aspirer à la main d'Élise. En effet, il est fils d'Anselme, qui a échangé pour ce nom celui de D. Thomas d'Alburci, qui est noble Napolitain, et qui a été obligé de quitter Naples avec sa famille et tous ses biens, pour des troubles politiques auxquels il a eu part. Le vaisseau qui portoit cette famille fugitive ayant fait naufrage, Anselme s'est sauvé, avec sa fortune, mais il a cru sa femme et deux enfans qu'il avoit d'elle, un garçon et une fille, péris pendant la tempête, comme eux-mêmes l'ont cru englouti sous les flots. Il étoit prêt à chercher dans un second hymen avec Elise, la consolation de la perte de sa famille, lorsqu'il apprend qu'elle est échappée, ainsi que lui, à la fureur des ondes, que son épouse est vivante, et qu'il retrouve ses deux enfans dans Mariane et dans

Valere, dont il étoit le rival, sans le savoir. Il lui cede la main d'Élise, et donne celle de Mariane à Cléante, qui en rapportant la cassette à son pere en obtient, enfin, la permission de l'épouser. Harpagon ne renonce à Mariane luipour même, et ne consent à ce double mariage de ses deux enfans, qu'à condition qu'il ne leur donnera point de dot, qu'Anselme paiera au Commisaire les frais d'informations faites contre Valere, qu'il se chargera seul de tous ceux que coûteront les deux noces, et qu'il lui fera présent, à lui, d'un habit neuf, pour pouvoir s'y montrer convenablement.

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JUGEMENS ET ANECDOTES

SUR

L'AVAR E.

CETTE excellente Comédie avoit été donnée au Public en 1667; mais le même préjugé qui fit tomber Le Festin de Pierre, parce qu'il étoit en prose, avoit fait tomber L'Avare, dit Voltaire, dans ses Jugemens sur les Pieces de Moliere. Pour ne point heurter de front le sentiment des critiques, et sachant qu'il faut ménager les hommes quand ils ont tort, Moliere donna au Public le tems de revenir, et ne rejoua L'Avare qu'un an après. Le Public, qui, à la longue, se rend toujours au bon, donna à cet Ouvrage les applaudissemens qu'il mérite. On comprit alors qu'il peut y avoir de fort bonnes Comédies en prose, et qu'il y a peut-être plus de difficulté à réussir dans ce style ordinaire, où l'esprit seut soutient l'Auteur, que dans la versification, qui, par la rime, la cadence et la mesure, prête des

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