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amoureux de la Plaideuse, ( Corine, fille de la veuve Argine, qui a un procès considérable ) a fait chercher pour elle l'argent nécessaire à l'aliment de son procès. Un Notaire (nommé Barquet) lui annonce l'usurier qui doit lui faire le prêt.

Il sort de mon étude.

(dit Barquet à Ergaste. )

Parlez-lui.

ERGASTE, reconnoissant son pere dans l'usurier.
Quoi! c'est là celui qui fait le prêt?

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Quoi! c'est donc toi, méchant! filou! traître! po

tence !....

(Voyant qu'Ergaste veut le fuir.)

C'est en vain que ton ceil évite ina présence.

Je t'ai vu !

ERGASTE.

Qui doit être, enfin, le plus honteux,

Mon pere? et qui paroît le plus sot de nous deux ?

Philippin, valet d'Ergaste, lui trouve un autre usurier qui lui prêtera quinze mille livres.

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A votre pere il feroit des leçons,

( dit-il à son maître.)

Têtebleu! qu'il en sait! et qu'il fait de façons !

Il veut bien nous fournir les quinze mille francs;
Mais, Monsieur, les deniers ne sont pas tous comptans.
Admirez le caprice injuste de cet homme !
Encor qu'au denier douze il prête cette somme,
Sur bonne caution, il n'a que mille écus

Qu'il donne argent comptant.

ERGAST E.

Où donc est le surplus?

PHILIPPIN.

Je ne sais si je puis vous le conter sans rire.
Il dit que,
du Cap-vert, il lui vient un navire,
Et fournit le surplus de la somme en guenons,
En fort beaux perroquets, en douze gros canons,
Moitié fer, moitié fonte, et qu'on vend à la livre.
Si vous voulez ainsi la somme, on vous la livre, &c.

Il n'y a point de doute que Moliere ne se soit approprié cette situation, ajoute M. Bret. Sûr d'embellir ce qu'il empruntoit, il ne s'en faisoit aucun scrupule. C'étoit également travailler aux progrès de la Scene Françoise, puisque de pareilles beautés auroient été perdues pour elle, dès qu'elles

se trouvoient dans des Ouvrages consacrés à l'oubli. Le plagiat consiste dans le mystere qu'on en fait, et, plus encore, à dérober sans fruit. »

« L'étude suivie que Riccoboni a faite des ressemblances des scenes de L'Avare de Moliere avec quelques scenes de Pieces du Théatre Italien, lui a fait trouver dans la scene septieme du premier acte de cette Comédie, entre Harpagon et l'intrigante Frosine, des rapports avec la Piece Italienne intitulée Arlequin dévaliseur de maisons.... Mais il est étonnant qu'il n'ait pas plutôt révélé une ressemblance plus sûre du commencement de cette scene avec un endroit de la scene deuxieme du premier acte d'une Comédie de l'Arioste, qui a pour titre Gli suppositi (Les supposés), et que Moliere a presque traduit, ainsi que l'endroit de la cinquieme scene du troisieme acte, où Maître Jacques raconte à Harpagon ce que dans le monde on dit de lui, et de son excessive avarice.... >>

Il y a aussi quelques scenes dans L'Avare qui paroissent encore être imitées de quelques autres de la Piece Italienne La Cameriera nobile, ou La Femme-de-chambre de qualité; telles que la sixieme

scenes,

du troisieme acte, où Valere donne des coups de bâton à Maître Jacques, après avoir eu l'air d'être épouvanté par lui; la quatrieme scene du quatrieme acte, où Maître Jacques feint de raccommoder ensemble Harpagon et son fils, et d'Arlequin dévaliseur de maisons, deux autres la douzieme du troisieme acte où Cléante fait présent du diamant de son pere à Mariane ; et les deuxieme et troisieme du cinquieme acte, où Maître Jacques accuse Valere d'être le coupable dont Harpagon a à se plaindre, et où Valere prend le change sur cette accusation. « Riccoboni blâme Moliere d'avoir donné à Harpagon un nombreux domestique; mais dès qu'il est d'état à avoir un carrosse et des chevaux, la plus haute avarice n'a pu lui conseiller rien de mieux, dit M. Bret, que de trouver dans le même individu et son cocher et son cuisinier, de laisser mourir de faim ses chevaux, d'avoir une voiture mal en ordre et des gens mal habillés. A l'égard de l'intendant, il ne faut pas perdre de vue qu'il ne lui coûte rien. Il falloit observer, au contraire, qu'il y avoit beaucoup d'art de la part de Moliere d'avoir placé son avare

dans un état qui exigeoit de lui quelqu'espece de représentation. Si Harpagon étoit un homme du peuple, rien ne le gêneroit dans sa passion basse et sordide; mais un homme condamné, malgré lui, au supplice des valets et d'une maison soutenue, offre pour le Théatre un ressort actif et destiné à produire un plus grand nombre d'effets comiques. C'est un des défauts de L'Avare de Plaute, qu'Euclio passe pour un homme pauvre.... Son indigence connue écarte de lui le ridi cule. »>

Riccoboni, et, depuis lui, J. J. Rousseau, reprochent à Moliere d'avoir fait parler Cléante trop peu respectueusement à son pere, dans la scene cinquieme du quatrieme acte.

à

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« C'est un grand vice d'être avare et de prêter usure dit J. J. Rousseau, dans sa Lettre à d'Alembert, sur les Spectacles, à l'occasion de l'article Geneve de l'Encyclopédie; mais n'en estce pas un plus grand encore à un fils de voler son pere, de lui manquer de respect, de lui faire mille insultans reproches, et quand ce pere irrité lui donne sa malédiction, de répondre, d'un air goguenard, qu'il n'a que faire de ses dons? Si

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