Page images
PDF
EPUB

ADRASTE.

Non; ce n'est pas ce qu'il me faut.

HALI.

Ah! Monsieur, c'est du beau bécare!

ADRASTE.

Que diantre veux-tu dire avec ton beau bécare?

HALI.

Monsieur, je tiens pour le bécare. Vous savez que je m'y connois? Le bécare me charme! Hors du bécare point de salut en harmonie! Écoutez un peu ce trio?

ADRASTE.

Non; je veux quelque chose de tendre et de passionné, quelque chose qui m'entraîne dans une douce rêverie.

HALI.

Je vois bien que vous êtes pour le bémol; mais il y a moyen de nous contenter l'un et l'autre. Il faut qu'ils vous chantent une certaine scene d'une petite Comédie que je leur ai vu essayer. Ce sont deux Bergers amoureux, tout remplis de langueur, qui, sur bémol, viennent séparément faire leurs plaintes dans un bois, puis se découvrent, l'un à l'autre, la cruauté de leurs maîtresses; et là-dessus vient un Berger joyeux, avec un bécare admirable, qui se moque de leur foiblesse !

ADRASTE.

J'y consens. Voyons ce que c'est.

HALI.

Voici, tout juste, un lieu propre à servir de

scene; et voilà deux flambeaux pour éclairer la Coinédie.

ADRASTE, faisant placer Hali près de la maison de D. Pedre.

Place-toi contré ce logis, afin qu'au moindre bruit que l'on fera dedans je fasse cacher les lumieres.

FRAGMENT DE COMÉDIE, Chanté et accompagné par les Musiciens qu'Hali a amenés.

SCENE PREMIERE.

PHILENE, TIR CIS.

PREMIER

[ocr errors]

MUSICIEN, représentant Philene.

I du triste récit de mon inquiétude »Je trouble le repos de votre solitude,

» Rochers, ne soyez point fâchés ! » Quand vous saurez l'excès de mes peines secrettes, >>> Tout rochers que vous êtes,

» Vous en serez touchés !

SECOND MUSICIEN, représentant Tireis.

» Les oiseaux réjouis, dès que le jour s'avance, » Recommencent leurs chants dans ces vastes forêts;

» Et moi, j'y recommence

Mes soupirs languissans, et mes tristes regrets!

» Ah! mon cher Philene!

PHILENE.

» Ah! mon cher Tircis !

TIRCIS.

» Que je sens de peine!

PHILENE.

» Que j'ai de soucis!

TIRCIS.

»Toujours sourde à mes vœux est l'ingrate Climene !

PHILENE.

>> Cloris n'a point, pour moi, de regards adoucis!

TOUS DEUX ENSEMBLE.

» O loi trop inhumaine!

» Amour, si tu ne peux les contraindre d'aimer, »Pourquoi leur laisses-tu le pouvoir de charmer? »

SCENE I I.

UN PATRE, PHILENE, TIRCIS.

TROISIEME MUSICIEN, représensant un Pâtre.

PAUVRES amans, quelle erreur

» D'adorer des inhumaines !
>> Jamais les ames bien saines
Ne se payent de vigueur;

>> Et les faveurs sont les chaînes
» Qui doivent lier un cœur.

>> On voit cent Belles ici,
>> Auprès de qui je m'empresse.
A leur vouer ma tendresse
>> Je mets mon plus doux souci;
» Mais lorsque l'on est tigresse,

» Ma foi! je suis tigre aussi !
PHILENE ct TIRCIS, ensemble.
»Heureux, hélas ! qui peut aimer ainsi ! »
HALI, à Adraste.

Monsieur, je viens d'ouïr quelque bruit au-dedans.
ADRAST E.

Qu'on se retire vîte, et qu'on éteigne les flambeaux.

(Les Musiciens et les Laquais s'éloignent.)

SCENE V I.

D. PEDRE, ADRASTE, HALI. D. PEDRE, sortant de sa maison, en bonnet de nuit et en robe de chambre, avec une épée sous son bras, part.

Il y a quelque tems que j'entends chanter à ma

porte; et, sans doute, cela ne se fait pas pour rien. Il faut que, dans l'obscurité, je tâche à découvrir

quelles gens ce peuvent être.

[blocks in formation]

(D. Pedre se met derriere eux, et les écoute.)

ADRAST E.

Quoi! tous nos efforts ne pourront obtenir que je parle un moment à cette aimable Grecque ; et ce jaloux maudit, ce traître de Sicilien, me fermera toujours tout accès auprès d'elle ?

[ocr errors]

HALI.

Je voudrois de bon cœur, que le diable l'eût emporté, pour la fatigue qu'il nous donne, le fâchcux, le bourreau qu'il est! Ah! si nous le tenions ici, que je prendrois de joie à venger, sur son dos, tous les pas inutiles que sa jalousie nous fait faire !

ADRASTE.

Si faut-il bien, pourtant, trouver quelque moyen, quelque invention, quelque ruse, pour attraper notre brutal. J'y suis trop engagé pour en avoir le dé menti; et, quand j'y devrois employer....

HALI, l'interrompart , en regardant la

D. Pedre.

porte de

Monsieur, je ne sais pas ce que cela veut dire,

« PreviousContinue »