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foux, et la ruse adroite de son valet le rend possesseur de la belle Isidore. >>>

« Le succès du Sicilien à la Cour vengea Moliere des airs avantageux qu'avoit pris Benserade avec lui, depuis la Pastorale comique. Il se permit même, dans la suite, un ressentiment plus direct contre cet orgueilleux Poëte de Cour. Il s'attacha à composer, dans le goût de ce belesprit, des vers à la louange du Roi, qui représentoit Neptune dans Les Amans magnifiques. Il ne mit que Louis XIV dans sa confidence, et l'imitation fut si fidelle que toute la Cour s'y trompa et en fit des complimens à Benserade, qui se défendit peu d'en être l'Auteur. Moliere alors laissa tomber le masque, et fit connoître aux partisans enthousiastes de Benserade que son talent, si singuliérement prôné, n'étoit pas, du moins, inimitable. »

« Ménage remarque, avec peu de justesse, ( Ménagiana, tome premier, page 44 ) que la prose de Moliere est ampoulée, poétique, remplie d'expressions précieuses et même de vers; que L'Amour Peintre est tissu de vers, non rimés, de six, de cinq ou de quatre pieds. Cette assertion

suffiroit seule pour prouver que cet Auteur n'avoit aucun goût, et qu'il a bien mérité d'être le Vadius des Femmes savantes.... La prose de Moliere a quelques-uns des défauts du tems; mais elle sera toujours un modele de clarté, de précision et de naturel.>>

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« Le même observateur dit encore que la prose de Moliere valoit beaucoup mieux que ses vers. De ces deux affirmations il devoit résulter sans doute, que Ménage auroit donné à Moliere des leçons d'écrire, tant en vers qu'en prose ? C'est ce qui étoit pour Ménage utile à prouver.»>

« Le Sicilien étant destiné à faire partie d'une fête de Louis XIV, Moliere y avoit fait entrer des scenes de chant et un ballet comique. Il termina aussi cet Ouvrage par un ballet général, plaisamment lié à l'action. Le Roi, MADAME, Mademoiselle de La Valliere, et plusieurs Seigneurs et Dames de la Cour y danserent. (Tels que le Marquis de Villeroy, le Marquis de Rasan, Madame de Rochefort et Mademoiselle de Brancas.) La Tragédie de Britannicus n'avoit point encore paru, et Racine n'avoit point encore fait entendre à son maître les vers sublimes.

de cette Tragédie qui lui firent abandonner les ballets où il aimoit à se montrer. ( Voyez les Jugemens et Anecdotes sur Britannicus, tome douzieme des Tragédies de notre Collection. ) »

Ce fut Lully qui mit en musique le fragment de Comédie-lyrique inséré dans la quatrieme scene du Sicilien, les morceaux de chant François et Italien, et la danse de la neuvieme, ainsi que le ballet de la fin de la Piece.

« Dans ce fragment de Comédie, en deux scenes chantées, Moliere paya encore le tribut de servitude de la Poésie relativement à l'art du chant, dit M. Bret, dans les Observations qu'il a placées à la suite du Sicilien. Il parla aux rochers, comme tous les rimeurs lyriques. Il leur dît de n'être pas fâchés, et qu'ils seroient touchés des douleurs de Philene, &c. Heureusement ces deux scenes sont courtes, et se suppriment aujourd'hui au Théatre. »

« C'est à l'imitation de la scene onzieme du Sicilien, scene charmante, dont on ne trouveroit aucun modele chez les Anciens, que nous devons nos petites Comédies dans le genre agréable et galant; mais celle-ci a sur les autres l'avantage

d'être, en même tems, une situation très-comique, puisque c'est le jaloux, lui-même, qui a présenté à sa chere esclave le faux Peintre qui le trompe.... >>

« Il semble que Moliere, dans la scene treizieme, où Hali cherche à occuper D. Pedre pour l'empêcher d'entendre ce que dit le faux Peintre à Isidore, se soit rappelé la scene sixieme du troisieme acte du Médecin malgré lui, où Sganarelle joue, à-peu-près, le même personnage auprès de Géronte; mais Moliere est toujours étonnant, soit qu'il imite les Anciens, soit qu'il s'imite lui-même. Son génie et son art lui fournissent des ressources qui ne permettent pas de confondre les deux objets.... >>

LE SICILIEN,

O U

L'AMOUR PEINTRE,

COMÉDIE-BALLET,

EN UN ACTE ET EN PROSE, MÊLÉE DE CHANTS ET DE DANSES,

DE MOLIERE;

Représentée, pour la premiere fois, devant le Roi, à Saint-Germain-en-Laye, le s Janvier 1667, et à Paris, sur le Théatre du Palais-Royal, le 10 Juin suivant.

A

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