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LE MÉDECIN

MALGRÉ LUI,

COMÉDIE,

EN TROIS ACTES, EN PROSE,

DE MOLIERE;

Représentée, pour la premiere fois, sur le Théatre du Palais-Royal, le 9 Août

1666.

A

GERONTE, pere de Lucinde.

LUCINDE, fille de Géronte.

LEANDRE, amanr de Lucinde.

SGANARELLE, mari de Martine.
MARTINE, femme de Sganarelle.

M. ROBERT, voisin de Sganarelle.
VALERE, domestique de Géronte.

LUCAS, mari de Jacqueline, et domestique de

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MALGRÉ LUI,

COMÉDIE.

ACTE PREMIER.

(Le Theatre représente d'abord le devant de la maison de Sganarelle.)

SCENE PREMIERE.

N.

SGANARELLE, MARTINE.

SGANARILLE.

ON, je te dis que je n'en veux rien faire, et que c'est à moi de parler et d'être le maître.

MARTINE.

Et je te dis, moi, que je veux que tu vives à ma fantaisie; et que je ne me suis point mariée avec toi pour souffrir tes fredaines.

SGANAREL LE, à part.

Oh! la grande fatigue que d'avoir une femme, et

qu'Aristote a bien raison quand il dit qu'une femme est pire qu'un démon!

MARTINE.

Voyez un peu l'habile homme, avec son benêt d'Aristote !

SGANARELLE.

Oui, habile homme. Trouve moi un faiseur de fagots qui sache, comme moi, raisonner des choses; qui ait servi six ans un fameux Médecin, et qui ait su, dans son jeune âge, son Rudiment par cœur.

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Que maudits soient l'heure et le jour où je m'avisai d'aller dire oui !

SGANARELLE.

Que maudit soit le bcc cornu de Notaire qui me fit signer ma ruine!

MARTINE.

C'est bien à toi, vraiment, à te plaindre de cette affaire! Devrois-tu être un seul moment sans rendre graces au Ciel de m'avoir pour ta femine, et méritoistu d'épouser une personne comme moi ?

SGANARELLE.

Il est vrai que tu me fis trop d'honneur, et que j'eus lien de me louer la premiere nuit de nos noces. ... Eh! morbleu ne me fais point parler là-dessus. Je dirois de certaines choses....

MARTINE, l'interrompant.

Quoi! que dirois-tu ?

SGANARELLE.

Baste! laissons là ce chapitre. Il suffit que nous savons ce que nous savons, et que tu fus bien heureuse de me trouver.

MARTINE.

un

Qu'appelles tu bien heureuse de te trouver ? Un homme qui me réduit à l'hôpital, un débauché, traître, qui mange tout ce que j'ai !

SGANARELLE.

Tu as menti; j'en bois une partie.

MARTINE.

Qui me vend, piece à piece, tout ce qui est dans le

logis!

SGANARELLE.

C'est vivre de ménage.

MARTIN E.

Qui m'a ôté jusqu'au lit que j'avois!

SGANARELLE,

Tu t'en leveras plus matin.

MARTIN E.

Enfin, qui ne laisse aucun meuble dans toute la

maison !

SGANARELLE.

On en déménage plus aisément.

MARTIN E.

Et qui, du matin jusqu'au soir, ne fait que jouer et

que boire!

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