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amoureux de Lucinde, qu'il ne la demande en mariage, et qu'il ne l'obtienne, opine pour que Sganarelle donne sa fille à un homme qui l'a anciennement demandée. Lucrece, desirant devenir l'héritiere de Sganarelle, est d'avis qu'on ne marie point Lucinde et qu'on la fasse Religieuse. Sganarelle, sans s'en rapporter à aucun de ces conseils, est bien résolu à ne point marier sa fille, dans la crainte d'être obligé à lui donner une dot; mais il fait venir chez lui plusieurs Médecins, qui consultent ensemble, sans s'entendre, ni s'accorder sur l'état de la malade, et sur les remedes qu'il faudroit lui administrer. Lucinde, à l'insu de son pere, est aimée d'un jeune homme, nommé Clitandre, qu'elle paye de retour, et Lisette, sa suivante, imagine de faire passer Clitandre, aux yeux de Sganarelle, pour un Médecin, fort habile, de sa connoissance, et de l'introduire auprès de sa maîtresse, afin d'aviser ensemble aux moyens de faire consentir le pere à les unir. Clitandre dit à Sganarelle que sa fille desire d'être mariée; que c'est là sa maladie, que s'il veut qu'elle guérisse, il ne faut pas la contrarier, et qu'il doit feindre de ne pas s'op

poser à ses voeux. Il ajoute qu'il feindra lui-même d'être l'épouseur. Sganarelle est forcé de se prêter à cette prétendue feinte. On envoje chercher un Notaire, qu'on fait croire à Sganarelle être un éleve du Médecin ; et quand le contrat est signé, on découvre tout à Sganarelle, qui enrage d'avoir été trompé, mais qui est obligé, malgré lui, d'approuver le mariage, auquel il a donné les mains, de si bonne grace, sans s'en douter.

une

La Comédie, la Musique, le Ballet, troupe de Jeux, de Ris, de Plaisirs, de Trivelins, de Scaramouches, de Médecins, d'Opérateurs et de Valets, chantans et dansans, exécutent plusieurs Entrées, mêlées de chants et de danses, dans le cours et à la suite de la Piece, laquelle elles sont analogues.

vj

JUGEMENS ET ANECDOTES

SUR

L'AMOUR MÉDECIN.

LA

musique du Prologue et des Intermedes de cette petite Comédie fut l'une des premieres compositions dramatiques de Lully, dit Voltaire, dans ses jugemens sur les Pieces de Moliere. Cette Comédie est aussi le premier Ou vrage dans lequel Moliere ait joué les Médecins. Ils étoient fort différens de ceux d'aujourd'hui. Ils alloient, presque toujours, en robe et en rabat, et consultoient en latin. Si les Médecins de notre tems ne connoissent pas mieux la nature, ils connoissent mieux le monde, et savent que le grand art d'un Médecin est l'art de plaire. Moliere peut avoir contribué à leur ôter leur pédanterie; mais les moeurs du siecle, qui ont changé, en tout, y ont contribué davantage. L'esprit de

raison s'est introduit dans toutes les Sciences, et la politesse dans toutes les conditions. >>

«La modestie de Moliere ne lui permettoit pas de croire qu'un Ouvrage proposé, fait, appris et représenté en cinq jours, pût être soutenable, lorsqu'il seroit dépouillé des avantages de l'action théatrale (comme il le dit dans son Avis au Lecteur); mais dans cette espece d'impromptu il étoit dans son véritable genre, observe M. Bret. (Avertissement placé au - devant de L'Amour Médecin, édition de Moliere avec des commentaires) Fléau de tous les ridicules, Moliere en avoit saisi un, c'étoit celui de la charlatanerie en Médecine. L'attaquer, le détruire, c'étoit servir l'humanité; et Moliere dans ce combat important n'employa que ses armes, toujours sûres de leurs coups, le rire et la vérité. »

« On a dit qu'une querelle de la femme de Moliere avec celle d'un Médecin, chez qui elle demeuroit, et qui lui avoit donné congé, avoit été la source de toutes les plaisanteries dont son mari poursuivit, sans relâche, la Faculté de Médecine.»>

« Quelqu'un a dit aussi, et tout le monde l'a

répété, que L'Amour Médecin étoit le premier Ouvrage dans lequel Moliere eût attaqué les Médecins. Cependant, la premiere scene du troisieme acte de son Festin de Pierre avoit déja annoncé leur art comme une des grandes erreurs qui soient parmi les hommes; et toute cette scene est pleine de traits de la plus grande force contre

eux. >>

« A l'égard du premier fait, on seroit tenté de croire qu'il fut inventé par quelque Médecin du tems, pour décrier le motif qui faisoit agir Moliere. »

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« Les Médecins de ce tems-là, courant les rues de Paris en habit de Docteurs sur leurs mules consultant gravement, en latin, sur les maladies les plus ordinaires, avoient, eux-mêmes, depuis nombre d'années, répandu sur leur profession un ridicule ineffaçable, par leurs divisions et par les injures dont ils s'accabloient mutuelle

ment. >>

« Ce qui s'étoit passé dans la derniere maladie du Cardinal Mazarin, qui avoit dit au Roi, avant de mourir, que tous les Médecins n'étoient que des charlatans; les scenes bouffonnes qu'ils

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