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jouoient tous les jours entre eux, à l'occasion du célebre vin émétique; les deux procès des Facultés de Médecine de Rouen et de Marseille, contre les Apothicaires des mêmes Villes, en 1664; les sarcasmes dont se régalerent les deux professions, dans leurs écrits publics; tout cela ne pouvoit qu'altérer beaucoup la confiance dont cet Art a besoin, et qu'il s'est conciliée, depuis, en renonçant à la pédanterie et à l'empirisme, et en daignant parler un langage plus humain, qui les fit entendre et du malade et de ceux qui l'entou

rent. >>

« Les habiles gens de cette profession qui sont parmi nous aujourd'hui ne ressemblent plus aux originaux de L'Amour Médecin. Des découvertes sans nombre, faites depuis ce tems-là, des études mieux soignées, nous donnent nécessairement des Médecins plus instruits.... Pourquoi donc les tableaux que Moliere nous a laissés des Docteurs de son tems nous font-ils rire encore ? C'est que les habiles gens, de tout état, sont toujours en petit nombre ; c'est que dans une profession nombreuse il est inévitable qu'il ne s'y glisse des particuliers qui cherchent à suppléer

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aux talens qu'ils n'ont pas par quelques dehors qui puissent en avoir l'air ; c'est qu'enfin, pour abuser le vulgaire, l'ancienne pédanterie est encore et sera toujours une ressource merveilleuse. Il y aura toujours des gens qui, comme Guenaut, (l'un des premiers Médecins de Louis XIV) diront qu'on ne sauroit attraper l'écu blanc des malades si on ne les trompe. »

« C'est de ce Médecin qu'un charretier disoit plaisamment Laissons passer Monsieu le Docteux, c'est li qui nous a fait la grace de tuer le Cardinal (Mazarin ). Les Romains, à la mort du Pape Adrien VI, firent placer sur la porte de son Médecin cette inscription: Au libérateur de son pays. »

« Ce qu'il y a d'étonnant, c'est que Moliere osât, sous les yeux du Roi, jouer les quatre premiers Médecins de la Cour. N'est-il pas na→ turel d'imaginer qu'il en avoit, au moins, prévenu son maître, ou plutôt qu'il avoit reçu de ce maître même le conseil de peindre ces nouveaux caracteres, comme il en avoit reçu jadis, chez le Sur-Intendant Fouquet, celui de peindre le chasseur des Fâcheux ? ( D'après M. de Soye

court.

court. Voyez le Catalogue des Pieces de Moliere, tome treizieme des Comédies du Théatre François de notre Collection.) Le silence des quatre premiers Médecins et celui de leur Corps, après la représentation de L'Amour Médecin, fortifient beaucoup cette idée. On n'a qu'à se peindre ce que produiroit aujourd'hui la liberté que Moliere prit alors.... »

« Moliere voulut, au moins, déguiser les noms des Médecins qu'il mit dans cette Piece; et il pria son ami Despréaux, à qui la langue grecque étoit familiere, de lui en forger qui leur fussent convenables. >>>

«<< Ceux que lui fournit le satyrique marquoient, en effet, le caractere de chacun de ces Messieurs. Il donna à M. Desfougerais celui de Des Fonandrés, qui signifie tueur d'hommes; à M. Esprit, qui bredouilloit, celui de Bahis, qui signifie aboyant ; à M. Guénaut celui de Macroton › qui signifie long ton, parce qu'il parloit lentement; à M. Daquin, apôtre de la saignée, celui de Tomès, qui signifie coupant. » Voilà pour les quatre premiers Médecins du Roi. Quant au cinquieme Médecin que Moliere

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a introduit dans sa Piece, on ne sait pas bien qui il avoit eu en vue. Boileau lui a fourni pour ce dernier le nom de Fillerin, qui veut dire ami de la mort.

« Il faut remarquer, pour cet Ouvrage, comme pour tous ceux où Moliere a joué les Médecins, qu'il n'en a jamais fait le sujet principal de ses Comédies, continue M. Bret, et qu'il ne les a placés que comme caracteres secondaires et faits pour égayer l'action à laquelle ils étoient subordonnés. >>

«La liberté de jouer les Médecins est aussi ancienne que l'Art du Théatre.... Chez les Grecs, Aristophane, dans sa Comédie des Nuées; chez les Latins, Plaute, dans sa Comédie des Ménechmes; et, parmi les Moralistes, chez les Grecs encore, Athénée; chez nous Montaigne et Gui-Patin, Médecin, lui-même, ne les ont pas ménagés dans leurs écrits. »

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Montaigne, le plus gai de nos Moralistes, et, par conséquent, le plus fait pour être connu d'un Auteur comique, avoit consacré le chapître 37 du second livre de ses Essais à des plaisanteries sur les Médecins, qu'il n'aimoit gueres plus que Mo

liere, et dont ce dernier a bien su profiter, dans plus d'un endroit. »

« Cependant, tout ce que Moliere s'est permis contre les Médecins de son tems est bien au-dessous de ce qu'en écrivoit leur confrere Gui-Patin; et Moliere auroit pu dire, comme Montaigne, qu'il ne faisoit que les pincer tandis qu'on les égorgeoit. En effet, il n'y a qu'à parcourir les Lettres de Gui-Patin pour voir que Moliere fut pour eux un ennemi moins terrible.... >>

<< Moliere n'avoit donc pas attaqué dans les Médecins des gens dont la considération étoit bien entiere de son tems; et l'on voit qu'il les ménagea même beaucoup plus qu'un homme de leur robe n'avoit fait avant lui.... »

« Le dénouement vrai, simple et comique de L'Amour Médecin peut être considéré comme un des meilleurs qui se trouvent dans le Théatre de Moliere. Le grand nombre de copies qu'on s'est efforcé d'en faire prouve le mérite du tableau original. »

Les freres Parfaict, dans leur Histoire du Théatre François, parlent d'une Comédie du même titre, de Pierre de Sainte-Marthe, à la

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