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vous, des mouvemens de joie qui m'empêchent de pouvoir parler.

CLITANDRE.

Ah! Madame, que je serois heureux, s'il étoit vrai que vous sentissiez tout ce que je sens, et qu'il me fût permis de juger de votre ame par la mienne! Mais, Madame, puis-je, au moins, croire que ce soit à vous à qui je doive la pensée de cet heureux stratagême, qui me fait jouir de votre présence?

LUCINDE.

Si vous ne m'en devez pas la pensée, vous m'êtes redevable, au moins, d'en avoir approuvé la proposition, avec beaucoup de joje.

SGANARELLE, à demi-voix , à Lisette. Il me semble qu'il lui parle de bien près ?

LISETTE, de même.

C'est qu'il observe sa physionomie, et tous les traits de son visage.

CEITANDRE, à demi-voix, à Lucinde.

Serez-vous constante, Madame, dans ces bontés que vous me témoignez ?

Mais, vous

LUCINDE, de même.

serez-vous ferme dans les résolutions

que vous avez montrées ?

CLIT ANDRE.

Ah! Madame, jusqu'à la mort. Je n'ai point de plus forte envie que d'être à vous, et je vais le faire paroître dans ce que vous m'allez voir faire.

SGANARELLE, haut, à Clitandre, en se rapprochant. Hé bien, notre malade? Elle me semble un peu plus gaie?

CLIT ANDRE, se levant, et allant au devant de Sganarelle, à demi-voix.

C'est que j'ai déja fait agir sur elle un de ces remedes que mon art m'enseigne. Comme l'esprit a grand empire sur le corps, et que c'est de lui, bien souvent, que procedent les maladies, ma coutume est de courir à guérir les esprits, avant que de venir au corps. J'ai donc observé ses regards, les traits de son visage et les lignes de ses deux mains; et, par la science que le Ciel m'a donnée, j'ai reconnu que c'étoit de l'esprit qu'elle étoit malade, et que tout son mal ne venoit que d'une imagination déréglée, et d'un desir dépravé de vouloir être mariée. Pour moi, je ne vois rien de plus extravagant et de plus ridicule que cette envie qu'on a du mariage!

SGANARELLE, à part.

Voilà un habile homme !

CLITAN DRE.

Et j'ai eu, et aurai pour lui, toute ma vie, une aversion effroyable!

SGANARELLE

Voilà un grand Médecin!

CLITAN DRE.

part.

Mais, comme il faut flatter l'imagination des malades, et que j'ai vu en elle de l'aliénation d'esprit, et même qu'il y avoit du péril à ne lui pas donner un prompt secours, je l'ai prise par son foible, et lui ai

dit que j'étois venu ici pour vous la demander en mariage. Soudain, son visage a changé, son teint s'est éclairci, ses yeux se sont animés; et, si vous voulez, pour quelques jours, l'entretenir dans cette erreur, vous verrez que nous la tirerons d'où elle est.

SGANARELLE, à demi-voix.

Oui-dà, je le veux bien !

CLITANDRE.

Après, nous ferons agir d'autres remedes pour la guérir entiérement de cette fantaisie.

SGANARELEE.

Oui cela est le mieux du monde.... ( A Lucinde.) Hé bien, ma fille! voilà Monsieur qui a envie de t'épouser, et je lui ai dit que je le voulois bien.

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Quoi vous êtes dans les sentimens d'être mon mari?

Oui, Madame.

CLITANDRE.

LUCINDE.

Et mon pere y consent?

SGANARELLE,

Qui, ma fille.

LUCINDE.

Ah! que je suis heureuse, si cela est véritable!

CLITANDRE.

N'en doutez point, Madame. Ce n'est pas d'aujour d'hui que je vous aime, et que je brûle de me voir votre mari. Je ne suis venu ici que pour cela; et, si vous voulez que je vous dise nettement les choses comme elles sont, cet habit n'est qu'un pur prétexte inventé, et je n'ai fait le Médecin que pour m'approcher de vous, et obtenir plus facilement ce que je souhaite.

LUCINDE.

C'est me donner des marques d'un amour bien tendre, et j'y suis sensible autant que je puis.

SGANARELLE, à part.

O la folleô la folle! ô la folle!

LUCINDE.

Vous voulez donc bien, mon pere, me donner Mon

sieur pour époux?

SGANARELLE, lui prenant

Oui.... Çà, donne-moi ta main

la main.

(A Clitandre.)

....

Donnez-moi aussi un peu la vôtre, pour voir.

CLIT ANDRE, feignant de résister.

Mais, Monsieur....

SGANARELLE, riant.

Non, non; c'est pour.... pour lui contenter l'esprit.... Touchez là.... (Il leur met la main l'une dans l'autre.) Voilà qui est fait.

CLITANDRE,

CLITANDRE, d Lucinde, en lui mettant au doigt un anneau, qu'il prend à l'un des siens.

Acceptez, pour gage de ma foi, cet anneau que je vous donne.... ( A demi-voix, à Sganarelle.) C'est un anneau constellé, qui guérit les égaremens d'esprit.

LUCINDE.

Faisons donc le contrat, afin que rien n'y manque. CLITANDRE, feignant d'hésiter.

Hélas! je le veux bien, Madame.... ( A demi-voix, à Sganarelle.) Je vais faire monter l'homme qui écrit mes remedes, et lui faire croire que c'est un Notaire. SGANARILLE.

Fort bien !

CLITANDRE, appelant.

Hola! Faites monter le Notaire que j'ai amené avec

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