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2o. COMPOSITION LATINE OU FRANÇAISE.

Une composition latine ou une composition française est un assemblage d'idées, de faits et de phrases à trouver, à disposer et à exprimer, soit en latin, soit en français, sur un même sujet, avec la variété et la convenance que ce sujet exige.

Nous diviserons nos conseils aux candidats sur la composition en deux parties : 1o de la composition en général; 2o des diverses espèces de compositions.

$ 1er. De la composition en général.

La définition que nous avons donnée ci-dessus, comprend toute la théorie de la composition latine ou française.

En effet, un sujet quelconque étant donné avec une matière1 plus ou moins développée, il faut d'abord reconnaître les éléments de cette première donnée, et trouver, par la méditation du sujet, les idées et les faits, tant principaux qu'accessoires, qui doivent former la contexture de la composition. C'est ce qu'on appelle l'invention. L'invention, pour être féconde, exige que l'on médite à fond son sujet. Plus on l'a médité, plus il inspire d'intérêt, plus l'imagination s'échauffe, plus elle fournit de pensées, de sentiments, de tours convenables; tout devient alors facile, aisé, naturel; car le meilleur style est attaché au sujet; c'est lui qui le donne; il ne faut pas l'emprunter d'ailleurs.

Il ne suffit pas d'avoir trouvé les matériaux d'une composition, il faut encore les présenter et les disposer dans l'ordre le plus favorable, selon la nature, l'intérêt et le but du sujet que l'on traite. C'est ce qu'on appelle la disposition. Si c'est la fécondité de l'esprit qui doit briller dans l'invention, c'est la prudence et le jugement qui doivent éclater dans la disposition. On a comparé les moyens fournis par l'invention aux matériaux d'un édifice en vain auront-ils été choisis avec soin et tra

1. On appelle matière le plan ou le canevas que l'on trace par écrit et que l'on dicte aux candidats sur le sujet.

vaillés avec art, ils n'auront de mérite réel qu'autant qu'une réflexion prudente et judicieuse les aura mis à leur place. Mais s'ils étaient rassemblés au hasard, la composition ressemblerait à un amas confus de pierres éparses ou entassées, aussi inutiles que désagréables à la vue.

Après avoir trouvé et disposé, il faut exprimer par la parole les idées ou les faits, les pensées ou les sentiments que le sujet comporte. C'est ce qu'on appelle style ou élocution. Le style ou l'élocution est l'expression de la pensée, la forme extérieure qui rend sensibles les conceptions de l'intelligence, avec tous les ornements dont elles sont susceptibles et qui peuvent les faire valoir. L'élocution est au sujet ce que le coloris est à la peinture. L'imagination du peintre invente d'abord les principaux traits du tableau; son jugement met ensuite chaque partie à sa place; mais le coloris lui est nécessaire pour animer tout l'ouvrage, donner aux objets de l'éclat et rendre l'expression parfaite. De même, le fond d'une composition est dans les choses et dans les pensées; l'ordre et la distribution en forment le dessin et le contour; mais c'est l'élocution qui achève l'ouvrage de l'invention et de la disposition, et lui communique l'âme et la vie, la grâce et la force.

La composition roule sur un même sujet, Le sujet doit être un, non-seulement de fond, mais encore de ton et de couleurs. C'est l'unité qui est la règle fondamentale de toute composition littéraire. Sans unité, il n'y a de rapport ni entre les données de l'invention, ni entre les lignes de la disposition, ni entre les formes de l'élocution. Ce n'est plus un corps un et parfait dans son ensemble, ce sont des lambeaux, des membres épars, qui ne constituent rien de vrai, de bon et de beau.

Enfin, pour faire d'une composition un tout qui agrée et qui plaise, il faut encore la variété et la convenance. La variété flatte l'esprit, émeut le cœur ou charme l'imagination, sans détruire l'unité du sujet et du style, et fondant ensemble les différentes espèces de style et les tempérant l'un par l'autre, elle en bannit la monotonie et l'uniformité. La convenance approprie le style à la série des idées, des sentiments ou des images que comporte le sujet ; à chaque tirade, elle sait varier les couleurs et en assortir les nuances; elle diversifie la forme des phrases et évite ces éternels pronoms et conjonctions, je, tu, il, qui, que, etc., dont les phrases des jeunes gens sont si souvent embarrassées, et qui rendent trop souvent leur style si lourd et si monotone.

A ces règles générales de la composition, ajoutons une re

commandation qui ne manque pas d'importance. Le premier travail, heureux quelquefois, est presque toujours rempli de fautes ou d'imperfections, et s'en contenter, ce serait courir le risque d'un insuccès. Il faut donc revenir sur sa composition, pour en examiner et en corriger les constructions, les liaisons, les tours, les expressions qui présenteraient quelque chose d'impropre, d'incorrect ou d'irrégulier.

§ 2. Des diverses espèces de composition.

Il y a autant d'espèces de composition, que l'on peut avoir à traiter d'objets divers et sous des formes différentes. Le nombre en peut donc être fort considérable, et si l'on voulait être complet, il faudrait mentionner la narration, l'amplification, la description, le tableau, l'éthopée ou portrait, le parallèle, l'allégorie, le discours, la fable, la fiction, la lettre, le dialogue, la dissertation, les rapports, les réflexions morales ou historiques, etc. Dans l'impossibilité où nous sommes d'indiquer exactement le cadre où seront pris et renfermés les sujets de compositions latines ou françaises1, nous croyons devoir nous borner à donner quelques détails sur les principaux genres d'exercices de style, tels que la narration, le discours, la lettre et la dissertation.

1o Narration.

La narration est l'exposé d'un fait et des différentes circonstances qui l'ont précédé, accompagné ou suivi. Ce n'est pas une suite de traits isolés, un milieu sans commencement ou sans fin; c'est un tout, complet en soi-même et dans chacune de ses parties; aussi l'a-t-on définie avec raison un petit drame, ayant son exposition, son nœud et son dénoûment.

Les principales qualités de la narration sont : la précision, la vraisemblance et l'intérêt.

La précision consiste à ne rien dire de trop. Pour être précis, le narrateur doit commencer et finir à propos, n'omettre rien d'essentiel, éviter les détails inutiles et qui ne concourent pas à l'action, ne point perdre le sujet de vue, ne point s'égarer dans les digressions, ne se répéter jamais. Mais il ne faut pas confondre la précision avec la concision : la première, en re

1. Voyez, page XVIII, les détails que nous avons donnés sur le premier sujet de composition latine dicté à la faculté des lettres de Paris en janvier 1853.

jetant tout ce qui est surabondant, conserve au sujet son intérêt ; la seconde, en le réduisant aux proportions d'une sèche analyse, nuit à la clarté et détruit l'intérêt.

La vraisemblance exige que toutes les convenances de temps, de personne, d'action, de lieu, soient observées avec soin; que le narrateur se conforme à l'usage, à l'opinion, à la nature; que l'ordre réel ou probable des choses et des temps soit scrupuleusement conservé. On peut ajouter à la vraisemblance en exposant les motifs et les conséquences, en insistant, mais toujours avec mesure, sur les points importants du récit. L'intérêt dépend avant tout de la nature du sujet : cependant il est presque toujours possible de l'augmenter, et quelquefois même de le faire naître. Il faut, pour cela, y rattacher des détails agréables, faire ressortir les contrastes, et, quand on le peut, ménager des épisodes inattendus ou pathétiques.

Avant toute chose, et nous ne saurions trop insister là-dessus, le candidat doit étudier la nature du sujet qu'on lui donne à traiter, et y approprier les développements et jusqu'au style luimême. C'est ainsi que des détails gracieux, qui plairaient dans une historiette légère, seraient déplacés, s'il s'agissait d'exposer des faits touchants ou sérieux, et réciproquement.

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On distingue quatre sortes principales de narrations : la narration historique, la narration légère ou badine (historiette anecdote, conte), la narration fabuleuse ou poétique et la narration oratoire; mais la règle est la même pour toutes. Voici les titres de deux sujets de narration: Ciceronis mors; Passage du grand Saint-Bernard par l'armée française.

2o Lettre.

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La lettre est un genre de composition peu déterminé pour le fond, quoiqu'il le soit pour la forme. En effet, il n'y a aucun sujet sur lequel on ne puisse écrire ses pensées ou ses sentiments sous forme de lettre ou de correspondance, sujet philosophique ou religieux, historique ou mythologique, littéraire ou scientifique, etc.; mais alors, la lettre n'est point une véritable correspondance, une véritable lettre : ce n'est qu'une dissertation ou une narration, et elle en suit les règles. [Voir plus haut et plus bas.]

La lettre, en tant que correspondance, épître, missive, est une conversation écrite entre deux personnes séparées par la distance. Or, la conversation doit être simple, naturelle, facile, familière, mais décente entre amis, polie avec des infé

rieurs ou des étrangers, respectueuse avec des supérieurs ou des personnes graves: tels doivent être aussi les caractères de la lettre.

Nous ne parlerons pas de ces catégories dans lesquelles on a rangé les lettres, telles que lettres de bonne année, de félicitation, de condoléance, de demande, d'excuses, de conseils, de reproches, de recommandation, de récits, etc. Les préceptes que l'on donnerait à cet égard, seraient nécessairement imparfaits: ils manqueraient surtout de cet à-propos, de cette personnalité, si je puis parler ainsi, dont on ne peut prévoir tous les cas et qui ne peut être bien sentie que par celui qui écrit.

Voici les titres de deux sujets de lettre Pompeii magni ad Ptolemæum epistola; Lettre du prince de Condé à Louis XIV.

3° Discours.

On entend par discours, dans les sujets de composition, les paroles que l'on met dans la bouche de tel ou tel personnage, placé dans telle ou telle position ou circonstance, pour louer ou blâmer, pour conseiller ou dissuader, pour accuser ou défendre, en un mot pour exprimer une suite de pensées conformes à la situation de celui qui parle et de celui qui écoute.

Or, la raison elle-même nous trace la marche que doit suivre un discours. L'orateur doit d'abord s'assurer des dispositions de son auditoire, pour en profiter si elles lui sont favorables, ou pour les changer si elles lui sont contraires : c'est l'office de l'exorde. Il convient ensuite d'exposer clairement le sujet, avec les divisions qu'il comporte et les circonstances nécessaires à l'intelligence de ce sujet : c'est l'objet de la proposition, de la division et de la narration. Ce sujet doit être alors appuyé sur de bonnes preuves; et si l'adversaire a mis en avant une opinion contraire, les arguments qu'il a fait valoir doivent être renversés par d'autres ; de là deux parties encore : la confirmation et la réfutation. Enfin, il faut donner au discours une conclusion propre à satisfaire l'auditoire, c'est la péroraison.

Un discours peut donc renfermer sept parties : l'excorde, la proposition, la division, la narration, la confirmation, la réfutation et la péroraison.

L'exorde est le début et l'annonce du discours. Il a pour but de préparer sommairement l'auditeur à la connaissance du sujet, en même temps qu'il provoque son attention et sa bienveillance. On distingue quatre espèces principales d'exordes: le simple, qui consiste dans l'exposition brève, nette et sans

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