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d'une autre part, le bonheur du ciel et le triomphe du juste, avec une telle vivacité d'expressions, avec une telle noblesse d'images, avec une mélancolie si douce et si suave, que les auditeurs doivent être encouragés, consolés, réjouis même par la perspective qu'il offre à leur piété.

2° Panégyrique des Machabées. On connaît l'histoire des Machabées, ces illustres défenseurs de l'indépendance de leur pays [p. 339]. Quoique antérieure à Jésus-Christ, leur fête était célébrée dans quelques églises, et c'est à l'un des anniversaires de cette fête que saint Grégoire de Nazianze prononça le panégyrique des sept frères Machabées, martyrs de leur foi, qui appartenaient à la même famille.

Les combats et les triomphes des Machabées, tel est le sujet du discours.

Après un exorde ex abrupto, saint Grégoire discute en quelques mots s'ils méritent ou non d'être appelés martyrs, et. passant rapidement sur Éléazar, victime comme eux de la foi, il en vient presque de suite aux Machabées. Il ne fait pas le récit de leurs souffrances; mais il fait ressortir en traits de feu leur fermeté, leur constance dans la foi, leur mépris des supplices, et surtout la générosité héroïque avec laquelle leur mère offre sept fois à Dieu un sanglant holocauste. La péroraison est une courte exhortation à combattre avec le même courage les Antiochus persécuteurs que nous portons en nousmêmes, c'est à dire nos passions et nos vices.

$ III. Discours tirés de saint Jean Chrysostome.

Saint Jean Chrysostome (c.-à-d. bouche d'or), naquit, en 344, à Antioche, en Syrie, d'un général de l'empire. Après avoir étudié la rhétorique sous Libanius, il fréquenta le barreau, qu'il quitta pour se livrer tout entier, dans la solitude, à l'étude des Écritures et à la pratique des austérités chrétiennes. En 381, Flavien, évêque d'Antioche, l'ordonna prêtre et le garda quelque temps près de lui comme son vicaire; il se fit dans ces fonctions une telle réputation d'éloquence et de sainteté, que l'empereur Arcadius, fils de Théodose, l'appela au siége archiépiscopal de Constantinople (398); mais les intrigues de l'impératrice Eudoxie, dont il avait blâmé les rapines et les désordres, le firent déposer et exiler. Contraint, malgré son grand âge, à faire des marches forcées pour se rendre au lieu de son exil, il succomba en route, et mourut, en 407, à Comane, en Cappadoce. Outre les discours qui font partie du Choix des Pères grecs,

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on doit à saint Jean Chrysostome un grand nombre d'homélies, de discours et de panégyriques, les traités du Sacerdoce, de la Providence, etc., des Commentaires sur l'Écriture et des Lettres. Saint Jean Chrysostome a été surnommé l'Homère des orateurs chrétiens. Son éloquence réunit les mérites de Démosthène et de Cicéron, l'énergie du premier, la facilité et l'abon-、 dance du second.

1o Discours au peuple d'Antioche sur le retour de l'évêque Flavien. — L'an 387, l'empereur Théodose avait frappé d'un impôt extraordinaire les différentes provinces de l'Orient. A cette nouvelle, le peuple d'Antioche, capitale de la Syrie, se souleva et courut la ville, renversant et brisant les statues de l'empereur, de son père, de ses fils et de l'impératrice Flaccille. Théodose ordonna pour le punir, de fermer le théâtre, le cirque et les bains publics, d'ôter à la cité rebelle son territoire et ses priviléges et de la réduire à l'état et au titre de simple bourg.

Les habitants, revenus à eux-mêmes, songèrent à fléchir le courroux de l'empereur, et, à leur prière, Flavien, évêque d'Antioche, oubliant et l'hiver, et sa vieillesse, et l'état d'une sœur mourante, partit pour Constantinople où se trouvait Théodose. Les commissaires impériaux, touchés de compassion, suspendirent, jusqu'à son retour, l'exécution de leurs ordres. Dans cet intervalle, Chrysostome prononça vingt Homélies, comparables à tout ce qu'Athènes et Rome ont produit de plus éloquent. L'art en est merveilleux. Incertain du parti que voudra prendre Théodose, il mêle ensemble l'espérance du pardon et le mépris de la mort, et pour distraire ses auditeurs de la crainte présente, il leur en inspire une plus vive, les occupant du souvenir de leurs péchés et leur montrant le bras de Dieu levé sur leurs têtes et infiniment plus terrible que celui du prince. Enfin un courrier envoyé par Flavien annonce le pardon. Chrysostome monte en chaire et le redit au peuple dans l'homélie dont voici l'analyse :

Après avoir béni Dieu dans un exorde plein d'élan, Chrysostome fait ressortir la résignation d'Antioche qui s'en était remise à Dieu de son sort futur, l'héroïsme de son pasteur qui avait tout bravé pour sauver son troupeau, la clémence de l'empereur qui oubliait un sanglant outrage, et par-dessus tout les impénétrables vues de la Providence, qui sait tirer du mal un plus grand bien; puis il rapporte à son auditoire le discours de Flavien à Théodose, l'un des plus beaux morceaux d'éloquence qui existent. « Le saint évêque n'y dissimule point les torts de son peuple; il les avoue, mais sans bassesse, et en les rejetant

sur la malice de l'ennemi du salut. Mais Théodose peut acquérir la plus belle de toutes les gloires: il suivra l'exemple de Constantin, qui, en pareille circonstance, répondit qu'il ne se sentait point blessé ; il montrera la même clémence qu'il a montrée jadis pour des criminels, à la solennité de Pâques, et il honorera le christianisme, auquel les juifs et les païens eux-mêmes feront honneur de ses vertus. Tel est d'ailleurs le sort d'Antioche, en proie aux plus funestes craintes, que personne ne croira son crime impuni; mais si Théodose ferme l'oreille aux prières du pontife, organe du Dieu suprême, Flavien s'exilera d'une ville dont l'attentat est si grand qu'il n'a pu trouver grâce devant le plus clément des empereurs. » A la suite de ce discours, Chrysostome, pour péroraison de son homélie, redit le pardon accordé par l'empereur, annonce à ses auditeurs la promesse qu'il a faite à Flavien de les venir consoler lui-même, et les engage, pour fêter dignement ces bonnes nouvelles, à devenir meilleurs, plus pieux, en un mot plus chrétiens.

2o Discours sur la disgrâce d'Eutrope. — Eutrope, né dans la condition la plus abjecte, et vendu successivement à différents maîtres, avait longtemps traîné dans les plus vils emplois une vie de corruption et d'infamie. Attaché comme eunuque au palais des empereurs, il commença sa fortune sous Théodose, et parvint par ses intrigues, sous le faible Arcadius, à la faveur la plus scandaleuse. Flatteur bas et rampant avec le maître, il pesait de toute son arrogance sur les grands, et s'attirait la haine du peuple par ses exactions et ses rapines. En 399, l'empereur le nomma consul en Orient, et dès lors l'eunuque ne ménagea plus rien. Enivré de tant d'honneurs, il osa et crut pouvoir insulter jusqu'à l'impératrice; mais Arcadius, irrité, signa sur-le-champ l'exil de son indigne favori.

Aussi lâche dans le malheur qu'insolent dans la prospérité, Eutrope, que poursuivait le courroux du peuple, des soldats, de l'empereur même, chercha un refuge auprès des autels, que lui-même avait cependant dépouillés du droit d'asile. Chrysostome était alors archevêque de Constantinople. Seul entre tous, il entreprit la défense d'un homme dont jadis ses vertus lui avaient mérité la haine. On le vit tantôt s'opposer à la fureur des soldats, tantôt implorer la clémence du prince; et quand la curiosité ou la haine poussait tout un peuple autour d'Eutrope, pâle, abattu, tremblant, n'attendant plus que la mort la plus affreuse, soudain le saint évêque parut dans la chaire chrétienne et prononça l'homélie dont voici l'analyse :

Dans un exorde simple et imposant, Chrysostome rappelle aux assistants la vanité et l'instabilité des choses de la terre. Il n'y accuse pas Eutrope; mais il le montre puni par ses propres angoisses; mais il le met sous la sauvegarde d'un Dieu clément; mais il redit les augustes maximes de l'Evangile sur le pardon des iujures; et à sa voix, après une vive et touchante péroraison, ce peuple, naguère furieux, sent la compassion entrer dans son cœur; il abjure des sentiments de haine et de vengeance, il sort de l'église en gémissant et en implorant à la fois pour Eutrope et la miséricorde divine et la clémence de l'empereur. Ce fut le plus beau triomphe de l'éloquence.

N° 4.
Homère.

Homère est l'auteur de deux grandes épopées, l'Iliade et l'Odyssée. Ce poëte naquit au xe ou au IXe siècle avant notre ère, en Ionie, probablement à Smyrne, dans l'Asie Mineure. Six autres villes, Chios, Colophon, Salamine, Rhodes, Argos et Athènes, se disputèrent l'honneur de lui avoir donné le jour. On l'a surnommé le père de la poésie épique ou de la poésie ionienne et le prince des poëtes grecs. Ses poëmes, que chantaient les rhapsodes homérides, furent réunis au vio siècle par Pisistrate, chef de l'État athénien. Outre l'Iliade et l'Odyssée, seuls ouvrages que le programme entend désigner, on attribue à Homère plusieurs Hymnes mythologiques; la Batrachomyomachie, poëme héroï-comique dont les héros sont les rats et les grenouilles, etc.

1o Iliade.

L'Iliade, poëme épique en vingt-quatre chants, n'est qu'un simple épisode du siége de Troie (tov) [p. 373]: c'est le récit de la colère d'Achille et de ses résultats. Le vaillant Achille, insulté par Agamemnon, se retire dans son camp; son absence affaiblit l'armée des Grecs et ranime le courage des Troyens, qui sortent de leurs murailles et livrent plusieurs combats où ils sont presque toujours vainqueurs : ils portaient déjà la flamme sur les vaisseaux ennemis, lorsque Patrocle, ami d'Achille, demande et obtient de se revêtir de ses armes, pour repousser l'ennemi. Hector attaque Patrocle et l'immole : Achille, que n'avaient pu fléchir les prières des chefs, revole au combat, venge la mort de Patrocle par celle d'Hector, ordonne les funérailles de son ami, et livre à Priam, pour une rançon, le corps de son fils. Tous ces faits se passent en qua

rante-sept jours. Le fond de l'Iliade est historique. Homère y a ajouté tous les ornements, toutes les inventions que pouvaient lui fournir le génie poétique et la mythologie.

2° Odyssée. —L'Odyssée, poëme épique en vingt-quatre chants, raconte non la vie d'Ulysse ('Odvσσεúç), comme le fait supposer le titre, mais seulement les aventures d'Ulysse depuis la prise de Troie jusqu'à son retour dans l'île d'Ithaque, dont il était roi.

Dix ans s'étaient écoulés depuis qu'Ulysse avait quitté les rivages de Troie. D'insolents ravisseurs, connus sous le nom de prétendants ou poursuivants de Pénélope, dissipaient ses biens, et ils voulaient contraindre cette fidèle épouse à contracter un second hymen et à faire parmi eux un choix toujours différé jusque-là, mais désormais inévitable. C'est à ce moment que s'ouvre la scène de l'Odyssée. Télémaque, fils d'Ulysse, va dans le continent de la Grèce interroger Nestor et Ménélas sur le sort de son père. Pendant qu'il est à Lacédémone, Ulysse part de l'île de Calypso, et, après une pénible navigation, il est jeté par une tempête dans l'île des Phéaciens, voisine d'Ithaque. Dans un temps où le commerce n'avait pas encore rapproché les peuples, on s'assemblait autour d'un étranger pour entendre le récit de ses aventures. Ulysse, pressé de satisfaire une cour où le goût du merveilleux régnait à l'excès, raconte au roi des Phéaciens les prodiges qu'il a vus, l'attendrit par la peinture des maux qu'il a soufferts, et en obtient des secours pour retourner dans ses États: il y arrive, il se fait reconnaître à son fils et prend avec lui des mesures efficaces pour se venger de leurs ennemis communs. Tous ces faits se passent en cinquante-huit jours. L'Odyssée a servi de modèle à Fénelon pour la composition de son Télémaque, qui n'est en quelque sorte qu'une continuation ou un appendice de l'épopée d'Homère.

Le style de l'Iliade et de l'Odyssée est simple, clair, harmonieux, abondant, plein d'images et de comparaisons. Ces poëmes sont écrits en vers hexamètres et dans le dialecte ionien, dialecte plus doux que tous les autres, et qui donne à la poésie d'Homère une mélodie inimitable. Ce dialecte évite en général les contractions dans les noms et dans les verbes, ainsi que toute union dans les mots; il fait des changements et des additions de voyelles ou de diphthongues, des retranchements ou des changements de consonnes pour adoucir la prononciation; il rejette une grande partie des aspirations; il change les brèves en longues et en diphthongues, et vice versa; il aime à employer ou ε pour a; enfin il rejette l'augment dans les verbes,

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