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foi, de morale, de discipline ou même d'histoire, et dont l'Église a reçu ou approuvé les décisions, la doctrine et les opinions. Il existe un grand nombre de Pères grecs, tels que saint Justin, saint Clément d'Alexandrie, Hermias, Origène, saint Athanase, saint Basile, saint Grégoire de Nazianze, saint Jean Chrysostome. Mais ces trois derniers auteurs sont les plus classiques, en ce que, tous trois élevés à Athènes, tous trois nourris dans la poésie et l'éloquence antique, tous trois disciples de Libanius, le plus habile rhéteur de son temps, ils ont reproduit avec plus de bonheur que les autres l'harmonieuse pureté qui avait distingué l'époque de Périclès. Saint Basile, saint Grégoire de Nazianze et saint Jean Chrysostome, ce triumvirat de l'éloquence chrétienne, ont beaucoup parlé et beaucoup écrit, tous trois avec succès avec des qualités diverses. Ce qu'il importe aux candidats de connaître, ce n'est pas une partie plus ou moins considérable de leur œuvre, mais bien plutôt les discours qui peuvent le mieux caractériser le génie oratoire de chacun d'eux. Sous ce rapport, la décision des critiques et l'usage ont désigné généralement pour le Choix des Discours des Pères grecs, six discours aussi intéressants par le fond que par la forme, savoir : deux de saint Basile, deux de saint Grégoire et deux de saint Jean Chrysostome. Les deux discours de saint Basile ont pour titres, l'un: Discours adressé aux jeunes gens sur l'utilité qu'ils peuvent retirer de la lecture des auteurs païens; l'autre : Panégyrique du martyr Gordius. Les deux discours de saint Grégoire de Nazianze sont intitulés, l'un: Oraison funèbre de Césaire; et l'autre : Panégyrique des Machabées. Les deux discours de saint Jean Chrysostome sont, l'un : l'Homélie au peuple d'Antioche sur le retour de l'évêque Flavien; et l'autre : l'Homélie sur la disgrâce d'Eutrope1.

S Ler. Discours tirés de saint Basile.

Saint Basile naquit l'an 329 à Césarée en Cappadoce, d'une famille chrétienne, originaire du Pont, où il fit ses premières études avec de brillants succès. Il se rendit ensuite à Constantinople, où il suivit les leçons de Libanius, et de là, pour se

1. Ces discours ont été réunis en un volume, sous le titre de Choix de Discours des Pères grecs, avec analyses et notes par M. J. Genouille. Ce recueil a été adopté par le Conseil de l'instruction publique.

perfectionner dans la littérature grecque, à Athènes, où il se lia avec Grégoire de Nazianze et le prince Julien (depuis empereur) [p. 584]. Son mérite lui fit offrir une place parmi les maîtres, dont les talents appelaient auprès d'eux l'élite de la jeunesse de toutes les provinces; mais saint Basile préféra retourner dans sa patrie. Il y professa la rhétorique et y exerça quelque temps avec distinction la profession d'avocat; mais en 357, il renonça au monde, vendit et distribua son bien aux pauvres, se retira dans une solitude du Pont, et y fonda, sur les bords de l'Iris, un monastère qui servit de modèle à presque tous ceux d'Orient [p. 650]. Ordonné prêtre en 364, il fut nommé, malgré sa résistance, évêque de Césarée en 370. Il s'occupa avec zèle d'instruire son peuple par la prédication, chercha å rétablir dans l'Église la paix troublée par les hérétiques, ét combattit plusieurs hérésies, entre autres cellè d'Arius, qui niait la divinité de Jésus-Christ. Il résista à l'empereur Valens qui, pour le forcer à embrasser l'arianisme, le menaça deux fois de l'exil, sans le vaincre, ni pouvoir signer lui-même l'arrêt. Saint Basile mourut à Césarée, un an après la bataille d'Andrinople (278) où Valens fut défait et tué par les Goths [p. 587]. Son oraison funèbre fut prononcée par saint Grégoire de Nazianze.

Outre les deux discours qui font partie du Choix des Pères grecs, on a de saint Basile un grand nombre d'Homélies, I'Hexameron (§, six; hμépa, jour) ou recueil de discours sur les six jours de la création, des traités de morale et d'ascétisme, des commentaires sur diverses parties de l'Écriture et de nombreuses Lettres. Partout on y admire une élégance gracieuse et fleurie, unie à une dialectique vigoureuse et à des connaissances profondes.

1° Discours adressé aux jeunes gens sur l'utilité qu'ils peuvent retirer de la lecture des auteurs païens. Ce discours a pour objet d'engager la jeunesse, lorsqu'elle étudie les poëtes et les anciens auteurs, à y discerner avec sagesse ce qu'il y a de bon en eux et ce qu'on doit en effet rejeter.

Saint Basile commence par rappeler ses titres à la confiance de ses jeunes auditeurs, sà longue expérience et la tendresse toute paternelle qu'il leur porte. Après cet exorde insinuant, qu'il appuie adroitement d'une maxime empruntée à Hésiode, il pose en principe, comme orateur chrétien, que, destinés à la vie éternelle, nous ne devrions, à la rigueur, estimer et rechercher que ce qui peut être utile pour y parvenir, et que par

conséquent l'Écriture sainte devrait être le principal objet de nos études. Mais les études profanes sont une excellente préparation, et plus tard un ornement convenable à la vie spirituelle; ce qu'il prouve non-seulement par l'exemple de Moïse et de Daniel, qui s'instruisirent l'un dans la science des Égyptiens [p. 325], et l'autre dans la science des Chaldéens [p. 336], mais aussi par les nombreux rapports qu'il y a entre la morale de ces génies distingués et la morale de l'Évangile.

Mais si les sciences profanes ne sont pas inutiles, il faut faire un choix dans les sources où il convient de puiser. Il y a en effet bien des choses qu'il faut proscrire; mais, comme l'abeille sait tirer le miel des fleurs qui ne semblent propres qu'à flatter la vie et l'odorat, ainsi le chrétien saura prendre ce qu'il y a d'utile, sans toucher à ce qu'il peut y avoir de pernicieux. On peut donc étudier les poëtes, puisque la poéŝie d'Homère tout entière n'est qu'un magnifique éloge de la vertu; les historiens, quand ils nous transmettent les louables actions des rands hommes; les philosophes enfin, lorsqu'ils nous enseignent à mépriser le corps pour ne nous occuper que de l'âme, à perfectionner de plus en plus notre raison, à mépriser les richesses, et à fuir la flatterie, l'ambition et toutes les passions qui ne captivent, hélas! que trop souvent le cœur de l'homme.

2o Panégyrique du martyr Gordius. —Gordius était de Césarée, où il avait souffert le martyre dans la persécution de Dioclétien [p. 570]. Quand la liberté eut été rendue par Constantin au christianisme, Césarée honora d'un culte public l'homme généreux dont elle avait admiré l'héroïque conduite. C'est à ̧ l'anniversaire de sa fête que saint Basile prononça son panégyrique.

C'était un citoyen d'une naissance obscure, et qui ne s'était élevé dans l'armée qu'au grade de centurion. Quand parut l'édit de persécution, il quitta les camps, s'enfuit au désert, et reparut par la suite à Césarée au milieu d'une fête profane en l'honneur de Mars. Conduit devant le gouverneur de la ville, il confessa Jésus-Christ et fut mené au supplice.

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Au premier aspect, aucun sujet ne paraît moins propre à l'éloquence ni la patrie, ni la noblesse, ni les richesses ou les honneurs de Gordius ne pouvaient prêter au moindre développement oratoire; et d'ailleurs, dit saint Basile, à quoi servent pour des chrétiens ces misérables hochets de la vanité humaine? Mais l'orateur, après un exorde tiré d'une circonstance locale,

nous montre le martyr qu'il célèbre, préludant par son courage au milieu des combats, à ces autres combats plus terribles qu'il devait soutenir pour la foi. A peine l'édit de persécution a-t-il paru, qu'aussitôt, et sans effort comme sans regret, Gordius abandonne et sa famille, et ses foyers, et les plaisirs du monde qu'il méprise, et l'espoir d'honneurs légitimes qu'il dédaigne. Ici commence l'admirable narration du martyre : la pompe des jeux, l'apparition soudaine de Gordius, les menaces, les caresses qu'emploie tour à tour le gouverneur de Césarée, et enfin les efforts que multiplient auprès de lui quelques amis encore charnels, qui le supplient, comme autrefois Éléazar, de sauver ses jours par une condescendance coupable; rien n'est oublié de ce qui peut relever la grandeur de cette âme d'élite, L'orateur s'efface tout entier devant son héros partout on ne voit, on n'entend que Gordius; les gestes, les paroles les plus simples sont présentés avec tant d'art, ou plutôt tant de naturel, qu'on les admire sans qu'il soit besoin de s'attacher aux réflexions qui les relèvent. Quant à la morale qui doit ressortir, dans la péroraison, de tout discours prononcé dans une chaire chrétienne, c'est encore le martyr, et non l'orateur, qui la donne, lorsque, motivant ses refus d'apostasie, Gordius rappelle, avec autant de naïveté que d'éloquence, les motifs de persévérer hautement dans une religion qui fait luire à nos yeux toute une éternité de bonheur.

S II. Discours tirés de saint Grégoire de Nazianze.

Saint Grégoire de Nazianze naquit l'an 328, près de Nazianze, en Cappadoce. Après avoir étudié à Césarée de Palestine et à Alexandrie d'Égypte, il se rendit à Athènes avec saint Basile, son compatriote. Ordonné d'abord évêque de Sosima, bourg de Cappadoce, il gouverna ensuite comme coadjuteur l'église de Nazianze, dont son père était évêque. En 376, il vint à Constantinople, dont l'empereur Théodose le Grand le nomma archevêque; mais des intrigues le firent renoncer à ce haut rang. Rentré dans sa patrie, il y vécut dans la solitude, se livra à la composition des nombreux écrits qui attestent la beauté de son génie, et mourut en 389. Outre les discours qui font partie du Choix des pères grecs, on lui doit quarante-huit autres discours ou sermons, de nombreuses lettres et cent soixante-dix-huit poëmes on pièces de vers. L'abondance, l'élégance, la grâce, facilité sont les caractères distinctifs de son style; on y trouve

la

aussi une sensibilité vive, une imagination riche qui l'entraîne quelquefois au delà des bornes du goût.

1o Oraison funèbre de Césaire. - Un frère chrétien pleurant un frère chrétien, un fils chrétien consolant deux vieillards chrétiens qui viennent de perdre l'un de leurs enfants, tel est le sujet de cette oraison funèbre.

Avant le christianisme, l'oraison funèbre n'avait guère loué que les vertus physiques et terrestres, et il fallait, pour attacher l'auditeur, tout le fracas de la gloire humaine, telle que les païens se l'étaient faite. Mais l'orateur chrétien se présente, appuyé sur l'immortalité céleste, et, au lieu de ces éloges où la vanité des vivants avait bien plus de part que la mémoire des morts, et dont le langage était plus de convention que de sentiment, on voit luire pour celui qu'il regrette ici-bas la gloire et la félicité la plus pure; pour des amis, pour une famille en larmes, la plus puissante des consolations, l'espoir de se réunir un jour dans le sein de Dieu à l'objet aimé ; pour les autres, des enseignements utiles qui se perpétueront dans tous les siècles. La vie de Césaire avait été une vie cachée : ni les honneurs, ni la gloire militaire, ni d'éclatants services rendus à son pays ne le relevaient aux yeux du monde. Il s'était contenté d'être utile aux hommes, mais sans ambition et sans faste: il fallait, pour immortaliser son nom, la double consécration de la religion et du génie.

Saint Grégoire choisit pour exorde l'éloge des parents de Césaire; mais ces parents sont aussi les siens; mais l'unique gloire sur laquelle l'orateur appuie, c'est qu'ils ont formé de bonne heure, et par leurs leçons et par leurs exemples, le cœur de leurs fils à la religion et à la vertu. Suivent quelques détails de famille, dont la personne même de l'orateur fait tout le prix. Le mérite de Césaire l'approche de plus en plus des princes, comme sénateur, comme médecin de la cour; mais la piété l'approche de Dieu, et les persécutions de Julien [p.584] en font un confesseur du Christ, titre dont s'enorgueillissaient le plus les chrétiens après les palmes du martyre.

Jusqu'ici, c'est à peu près le même plan et les mêmes idées que dans les orateurs du paganisme : c'est le tribut payé aux choses de la terre. Mais quand saint Grégoire entreprend de consoler son vieux père et de rappeler aux assistants leur unique et véritable patrie qui est le ciel, l'œuvre du christianisme commence et alors saint Grégoire nous peint, d'une part, l'incertitude des choses humaines, la vanité de la vie, et 1. B. Lettres.

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