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KOUTOUSOFF mettre à la tête de l'armée, quoiqu'il eût alors plus de soixante-dix ans. L'empereur céda enfin à cette opinion, qui n'était pas la sienne; et le début du nouveau général de l'armée fut cette horrible boucherie de Borodino, qui livra Moscou à Napoléon. En mémoire de la victoire qu'il remporta à Smolensk sur Davout et sur Ney, l'empereur Alexandre lui décerna le titre de prince Smolenskoï. Sachant bien quel était le sort réservé à l'ennemi sur les bords de la Bérézina, il ne le poursuivit que lentement; et la campagne était terminée quand il arriva à Vilna, où il reçut l'empereur. Mais cette campagne avait épuisé ses forces. Il n'était pas d'avis que les Russes franchissent l'Oder; et après avoir publié à Kalisch cette fameuse proclamation, en date du 25 mars 1813, dans laquelle il plaidait si éloquemment la cause de l'Europe, de l'Allemagne et de l'humanité en général, il mourut, le 28 avril, à Bunzlau, où un monument a été érigé à sa mémoire.

KOWNO, gouvernement de l'ouest de la Russie, formé en 1843 avec la plus grande partie des cercles septentrionaux du gouvernement de Wilna, compte, sur une superficie d'environ 430 myriamètres carrés, une population de 988,287 habitants, dont très-peu de Russes.

Kowno, chef-lieu du gouvernement, sur le chemin de fer | de Saint-Pétersbourg à Berlin, compte une population de plus de 26,000 habitants; et sa situation au confluent du Niémen et de la Willia la rend le centre d'un commerce important. Elle possède un bel hôtel de ville et dix églises, dont une luthérienne. Plus de la moitié des habitants sont juifs ou Allemands; ils se livrent avec succès à la fabrication de la bière et de l'hydromel. Un incendie a détruit en partie Kowno en avril 1865.

KOZLOF, ville de Russie, dans le gouvernement de Tambof, sur le Voronetz, avec 25,000 âmes, a été fondée par le tsar Michel pour arrêter les incursions des Tatars. Il y a de nombreuses fabriques.

KRABS ou CREPS, partie de dés qui se joue avec deux dés et un cornet. Le joueur que le sort a désigné pour tenir les dés annonce le point qu'il veut prendre ce point doit être au moins cinq, au plus neuf. Si du premier coup il amène le point voulu, il a gagné, et l'on dit qu'il a eu le point de chance; s'il amène un krabs, il a perdu. Si la chance donnée est cinq ou neuf, les krabs sont deux, trois, onze et douze. Si la chance donnée est six ou huit, les krabs sont deux, trois, onze. Les krabs n'ont d'effet que pour le premier coup. On conçoit en effet que si, au lieu d'amener la chance donnée à un krabs, le joueur amène un autre nombre, ce nombre est la chance contraire à la chance donnée; et l'on jette les dés jusqu'à ce que l'on ait amené une de ces chances. On connaît encore deux manières de jouer le krabs, l'une dite à la table ronde, l'autre de la banque portugaise.

KRAFT (ADAM), célèbre sculpteur de Nuremberg, né dans cette ville, vers 1429, et mort à Schwabach, en 1507. A Nuremberg, où existent encore beaucoup de ses œuvres, il exécuta entre autres le fronton du couvent de Saint-Michel, vers 1462, l'ensevelissement du Christ sur le côté extérieur de l'église Saint-Sébald, vers 1492; le tabernacle de l'église Saint-Laurent, de 1496 à 1500, où il a trouvé moyen de placer son propre portrait; de même, à Schwabach, le tabernacle de l'église Saint-Martin, vers 1505. Il est aussi l'auteur des tabernacles de Kalcreuth, Kattzwang et Furth, du merveilleux ciboire de la cathédrale d'Ulm, et d'un grand nombre de reliefs. Son style, quoique dur et anguleux, se distingue par des caractères riches et pleins de vie; et la partie décorative de ses travaux nous montre le plus brillant développement de la dernière période du style gothique. KRAKEN, animal fabuleux décrit pour la première fois par Pontoppidan et qui se voit de temps à autre dans les mers du Nord. On lui donna 600 pieds de long, une tête de cheval et une longue crinière blanche. Le géographe Buræus, qui en aperçut un, le prit pour une terre nouvelle et il en fixa la position sur une de ses cartes. En 1808, un

KRASNOI

5 jeune kraken échoua sur la plage de Stronsa, l'une des Orcades les magistrats dressèrent acte de cet événement dont le savant Barclay fut témoin; l'animal mesurait 55 pieds; il avait le dos couvert d'une crinière dont les soies brillaient dans l'obscurité. Le kraken doit-il être assimilé au fameux serpent de mer ou à un poulpe gigantesque? Plusieurs naturalistes sont d'avis qu'on ne doit pas absolument en nier l'existence et qu'on peut le rattacher avec quelque vraisemblance à l'espèce si dangereuse des grands poulpes.

KRANTZ (JULES-FRANÇOIS-ÉMILE), marin français, né le 21 décembre 1821, fut admis à seize ans à l'École navale. Il était lieutenant de vaisseau lorsqu'il prit part à l'expédition de Crimée, où les services qu'il rendit lui valurent la croix d'officier de la Légion d'honneur. Capitaine de vaisseau le 6 avril 1867, il fut appelé dans la dernière guerre à concourir à la défense de Paris et fut promu en 1871 au grade de contre-amiral. M. Krantz est un des plus savants officiers de la marine; parmi les publications qui ont fait sa réputation, nous indiquerons les Éléments de la théorie du navire (Toulon, 1852, in-8°).

KRASICKI (IGNACE), poëte polonais, né en 1734, à Dubiecko, d'une famille célèbre dans les armes et dans les lettres, se destina à la carrière ecclésiastique, et après avoir séjourné pendant quelque temps à Rome, fut nommé chanoine à Lemberg, puis, en 1767, évêque d'Ermeland. Quand son évêché passa sous la souveraineté de la Prusse, Frédéric, qui se plaisait dans sa conversation, conçut pour lui une vive estime. « J'espère bien, monsieur l'évêque, lui dit-il un jour, que vous m'emmènerez avec vous dans le paradis, sous votre manteau épiscopal? Impossible, sire, répondit le prélat; Votre Majesté l'a trop rogné pour que je puisse faire de la contrebande. >>

En 1795, Krasicki fut nommé archevêque de Gnesne; il mourut en 1801, à Berlin. Parmi ses ouvrages, on doit citer en première ligne son poëme héroï-comique Myszeis, traduit en français par Lavoisier (Wilna, 1817), dont il emprunta le sujet à la chronique de Kadlubeck, suivant laquelle le roi de Pologne Papiel aurait été dévoré par des rats et des souris; puis sa Monomachia, ou la Guerre des moines. Son Antimonomachia est moins estimée. Ses Fables offrent quelque analogie avec celles de Gellert pour la naïveté et la simplicité. Il règne dans ses satires une douce et innocente plaisanterie, mais tournant souvent à la fadeur.

KRASINSKI (ADAM-Corvin), évêque de Kaminiec, né en 1714, s'attacha, dans sa jeunesse, à la fortune de Stanislas Leczinski. Lors de l'avènement de Poniatowski au trône de Pologne, il occupait depuis 1759 son siége épiscopal, ce qui lui donnait rang de sénateur. Il travailla sourdement à la ruine de la domination russe. De concert avec Soltyk, évêque de Cracovie, il organisa avec un admirable dévoûment l'insurrection formidable qui devait éclater à un moment donné sur tous les points du territoire à la fois; on sait que Pulawski précipita le dénouement de la conjuration en formant la fameuse confédération de Bar. Lorsque la cause des patriotes succomba, Krasinski fut livré aux Russes par les Prussiens; mais Catherine lui accorda sa grâce. En 1788, il reprit sa place à la Constituante polonaise. Il mourut en 1805, laissant un neveu, Vincent KRASINSKI, général russe, mort en 1858, et fameux dans les annales de la trahison.

KRASNOI ou KRASNOÉ, petite ville du gouvernement russe de Smolensk, sur le Dnieper, avec environ 16,000 habitants, est célèbre dans l'histoire des guerres modernes par la bataille que les Français, commandés par Murat et Ney, y gagnèrent, le 12 août 1812, sur les Russes aux ordres de Rajewski. Dans celle qui s'y livra du 16 au 19 novembre de la même année, l'armée française fut complétement mise en déroute par les généraux russes Koutousoff et Miloradowitsch; et indépendamment d'un grand nombre de morts, de blessés et de canons, elle y laissa aux mains de l'ennemi 23,000 prisonniers.

KRASSOVA - KREMNICZ

KRASSOVA, comitat de Hongrie, dans le cercle de la | qui entourent Krefeld, dans un rayon de trois à quatre myria

Theiss ultérieure, formant avec les comitats de Tèmes et de Torontal le Banat hongrois, est borné au nord par le comitat d'Arad, à l'est par la Transylvanie, au sud par le Régiment de frontières de Valachie, et à l'ouest par le comitat de Tèmes. C'est l'un des comitats de Hongrie les plus étendus; sa superficie est de 76 myriamètres carrés. A l'exception des contrées riveraines du Tèmes et du Krasso, il est partout montagneux. Quoique moins fécond que les deux autres comitats du Banat, il n'en est pas moins l'une des régions les plus fertiles de la Hongrie et même de l'Europe; car le sol y donne à peu près sans travail et sans engrais les plus riches produits. Mais sa population, presque complétement valaque, ne sait pas tirer partie de tels avantages; et on y trouve souvent de vastes parties de sol, d'une richesse extrême, laissées absolument sans culture. Le produit principal est le maïs, que la population préfère au froment. On y cultive aussi beaucoup de fruits, de prunes surtout, qui servent à fabriquer une espèce d'eau-de-vie. Les produits des mines sont aussi fort importants; elles donnent en moyenne chaque année 20 marcs d'or, 11,000 marcs d'argent, 10,000 quintaux de cuivre, 2,000 quintaux de fer, etc., etc. Le marbre qu'on tire des carrières de Szaszkla le dispute pour la blancheur et la pureté au marbre de Carrare. Mais la principale richesse de ce comitat consiste dans ses inépuisables gisements houillers, dont le produit annuel s'élève maintenant en moyenne à 500,000 quintaux.

La population, divisée en 17 bourgs à marché et 219 villages, se compose (1857) de 234,180 âmes, et pour la nationalité est ainsi répartie: 15,000 Allemands, 10,140 Croates, 3,300 Hongrois; tout le reste est d'origine valaque. On y compte 40,000 catholiques, 1,500 juifs, 600 luthériens, 450 calvinistes: le reste se compose de grecs non-unis. Le commerce et l'industrie, qui pourraient être si florissants, y sont encore extrêmement négligés. Les exportations consistent, sans parler des produits des mines, en bois à brûler et à construire, en eau-de-vie de prunes, en fruits, cuirs, etc.; elles se font, pour la plus grande partie, par le canal de Béga. Le chef-lieu du comitat est Lugos, bourg à marché, sur les rives du Tèmes; il est peuplé de 10,385 habitants, la plus grande partie Valaques.

KRASZNA, comitat situé sur les frontières de la Hongrie et de la Transylvanie, qui fut longtemps compris dans la circonscription de la Transylvanie, mais qui depuis 1836 a été réincorporé à la Hongrie, est borné au nord et à l'est par le comitat de Szolnok, au sud par celui de Kolos et à l'ouest par celui de Bihar. Sa superficie est de 14 myriamètres carrés, et sa population de 59,435 habitants, dont un tiers Magyares et le reste Valaques. Il est presque partout montagneux et couvert de forêts, de sorte que la seule partie qui en soit susceptible de culture, ce sont ses nombreuses vallées, parfois aussi assez larges; mais la culture du sol ne produit pas assez pour suffire aux besoins de la consommation locale. Le chef-lieu est le bourg à marché du même nom, situé sur la Kraszna, avec 4,000 âmes. KRAYER. Voyez CRAYER.

KREFELD, ville de commerce et de fabriques, située dans l'arrondissement de Dusseldorf, province du Rhin (Prusse), est régulièrement construite, avec des rues larges et propres, et compte 52,000 habitants, dont 800 mennonites, 28,000 catholiques, 13,000 protestants et 600 juifs. Krefeld est le grand centre de la fabrication des étoffes de soie et des velours dans la monarchie prussienne, et ses produits s'exportent dans tous les pays du monde. Depuis qu'aux XVII et XVIII° siècles, des réformés et des mennonites, persécutés pour leurs opinions religieuses, y ont transporté cette industrie toute spéciale, elle y a pris les plus magnifiques développements, et occupe aujourd'hui au delà de 20,000 ouvriers, qui fabriquent chaque année pour plus de 40 millions de francs de produits. Les velours et les rubans de velours sont fabriqués plus particulièrement dans les villages

mètres, et on en envoie des quantités considérables même en France. L'industrieuse population de cette ville ne se borne pas à la fabrication des soieries et des velours; elle a aussi des manufactures de lainage, d'articles de bonneterie en laine et en coton, de draps, de toiles, et des ateliers pour la construction des machines. On y trouve aussi des mégisseries, des distilleries, des brasseries, des savonneries, des fabriques de produits chimiques; et le commerce de denrées coloniales y est fort important. Krefeld a un tribunal de commerce et une justice de paix, un collége et divers autres établissements d'instruction publique. Un chemin de fer la relie au Rhin, au chemin de fer de Cologne à Minden, et à ceux de Belgique et de France.

KREML ou KREMLIN. Les Russes donnent le nom de kreml à une forteresse, ou encore à un quartier, le plus souvent situé au milieu d'une ville, entouré d'un rempart et d'un mur. C'est dans ce sens qu'on dit le kreml de Smolensk, de la Grande-Novogorod, de Wladimir, de Nischni-Novogorod, de Kasan, etc.; mais c'est celui de Moscou qu'on regarde comme le kreml par excellence.

Le Kreml de Moscou, l'un des cinq quartiers principaux de cette vieille capitale de l'empire, quoiqu'il ne soit pas dans l'endroit le plus élevé de la ville, est cependant encore à plus de 33 mètres au-dessus de la Moskowa, qui coule à ses pieds; il a plus d'une demi-lieue de circuit et est entouré d'un mur épais, flanqué d'un grand nombre de vieilles tours. Depuis 1830 on en a transformé en promenades et en boulevards les environs immédiats. Il ne renferme que des bâtiments appartenant à la couronne, entre autres le nouveau château impérial, construit en 1849, l'arsenal, contenant une collection d'armes précieuses, beaucoup de canons enlevés à l'ennemi et qui sont rangés tout autour de ses murailles, le trésor, l'ancien palais du patriarche de Moscou, servant aujourd'hui aux réunions des synodes, entin deux monastères et plusieurs cathédrales et églises. Au nombre de ces églises on distingne la cathédrale du Couronnement, la cathédrale des sépultures, où se trouvent réunis les tombeaux de tous les grands-princes et czars jusqu'à Pierre le Grand, et l'église où on prépare les saintes huiles. Il faut aussi citer le clocher, haut de 90 mètres et doré en véritable or au titre des ducats, l'Iwan-Weliki, c'est-à-dire le grand Iwan, avec sa cloche gigantesque, pesant 400 milliers, et une autre cloche colossale, du poids de 120 milliers.

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Dès l'an 1280 il est question d'un palais construit dans ce Kreml par le fils cadet du grand-prince Alexandre Newsky, Daniel Alexandrowitsch. Mais il ne devint célèbre qu'à partir de l'époque où, en 1328, le grand-prince Danilowitsch transféra sa résidence souveraine de Wladimir à Moscou ; ce fut lui qui entoura le Kreml, d'un mur d'enceinte. Quarante ans plus tard le grand-prince Iwan Danilowitsch Kalita agrandit considérablement le Kreml et l'entoura de fortes murailles flanquées de tours en pierre. Eu 1355 un incendie dévora le Kreml; mais le grand-prince Dmitri Iwanowitsch Donskoï le reconstruisit, sur un plag encore plus grandiose.

Lors de la retraite de Moscou, le 23 octobre 1812, Napoléon essaya de faire sauter le Kreml; cette tentative ne réussit que partiellement, et déjà, sous le règne d'Alexandre ler, toute trace de cet essai de destruction avait disparu.

KREMNICZ (en hongrois Karmarcz), dans une profonde vallée du comitat de Bars, et ancienne ville libre royale. La ville intérieure, entourée d'une vieille muraille en pierre, ne se compose en tout, avec la forteresse, que de 39 maisons, tandis qu'on en compte 582 dans les faubourgs. Une fontaine jaillissante, alimentée par un grand canal, fournit d'eau potable toutes les habitations. La population, forte en 1857 de 8,603 âmes, et complétement allemande d'origine, a pour principale ressource l'exploitation des mines importantes voisines de la ville. Autrefois

KREMNICZ on frappait chaque année à Kremnicz pour 3 à 4 millions de pièces d'or et d'argent provenant de ces mines; mais le produit en a beaucoup diminué dans ces derniers temps, et n'est plus guère en moyenne que de deux quintaux d'or, quatorze quintaux d'argent et quatre cents quintaux d'autres métaux, moins précieux. Toutes les machines servant à l'exploitation des mines sont mises en mouvement par la chute d'eau du canal.

Des données historiques dignes de foi établissent que Kremnicz fut fondée au commencement du douzième siècle, par le roi Geysa II, au moyen de colons allemands, qu'il attira dans le pays pour en exploiter les richesses métalliques.

KREMSIER (en slave Kromierziz), chef-lieu d'une capitainerie du cerle d'Olmütz en Moravie (Autriche), dans la fertile plaine d'Hanna, sur les rives de la March, qu'on y passe sur un pont en chaînes de 23 mètres de développement, résidence d'été de l'archevêque d'Olmütz et siége d'un tribunal de cercle de première classe, compte avec ses faubourgs 9,110 habitants. On y trouve un collège de Piaristes, trois belles églises, une école militaire et un magnifique palais archiepiscopal, avec un vaste parc, une riche galerie de tableaux, un cabinet de physique, une collection de médailles, et une bibliothèque de 13,000 volumes. Kremsier devint en 1231 siége épiscopal; et après avoir considérable. ment souffert pendant la guerre des hussites, il fut pris d'assaut et brûlé, en 1643, par les Suédois aux ordres de Torstenson. Reconstruit complétement en 1690, incendié en 1752, et rebâti encore une fois alors, le palais archiepiscopal de Kremsier servit en 1848 aux séances de la première diète autrichienne après qu'on l'y eut transférée. Ouverte le 15 novembre 1848, cette assemblée fut dissoute le 7 mars 1849.

KRETHI et PLETHI, c'est-à-dire bourreaux et coureurs. Ainsi s'appelaient les gardes du corps du roi David, que commandait Benaïa, fils d'Ioïada. Des commentateurs modernes prétendent, sans autorités suffisantes, ne voir là que les noms propres des Philistins du sud et du midi, qui auraient fait à la cour du roi David un service militaire analogue à celui que les Suisses acceptaient encore tout récemment dans diverses cours. Ce qui milite en faveur de la première interprétation, c'est l'antique usage des cours d'Orient, et qui s'est perpétué jusqu'à nos jours en Perse et en Turquie, d'après lequel les krethi servent à l'exécution des condamnations capitales, et les plethi sont employés comme courriers.

KREUTZER (RODOLPHE), compositeur et violoniste justement célèbre, naquit à Versailles, le 17 novembre 1776, d'un père allemand d'origine, attaché à la chapelle du roi, Élève de Stamitz et de Viotti, il développa et agrandit la méthode de ce dernier, et devint l'un des membres les plus distingués de cette grande école de violon qui, fondée en Italie par Tartini et Pugnani, continuée en France par Bail lot, Kreutzer et Rode, atteignit en Allemagne son apogée avec Spohr, et dont la clarté pleine de finesse, l'harmonie grandiose et la brillante habileté dans le maniement de l'archet ne seront jamais effacées par les qualités, plus éblouissantes que brillantes, des successeurs de Paganini. En 1790 Kreutzer, premier violon au Théâtre-Italien, fut chargé par Desforges de composer la musique d'un drame historique sur Jeanne d'Arc. Quelques jours seulement lui suffirent pour achever cette partition, dont le succès fut tel, que d'autres auteurs n'hésitèrent pas à lui confier leurs ouvrages. Le 15 janvier 1791, Kreutzer fit représenter sur le même théâtre Paul et Virginie, et au mois d'août suivant Lodoska, opéra-comique, dont l'ouverture est à bon droit restée populaire, quoique comme partition il soit inférieur à Paul el Virginie, composition à laquelle on ne rendit pas toute la justice qu'elle méritait; car les connaisseurs n'hésitent pas à la regarder comme ravissante d'effet et pleine de chaleur, d'élégance et de naïveté.

Kreutzer avait une assez singulière façon de composer : c'était en marchant à grands pas dans sa chambre, en chan.tant ses mélodies et en les accompagnant sur son violon.

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KREUZNACH

Lors de la création du Conservatoire, il y fut tout aussitôt appelé comme professeur de violon. En 1801, Rode étant parti pour la Russie, Kreutzer lui succéda comme violon solo de l'Opéra. En 1816 il fut nommé chef d'orchestre de notre première scène lyrique. En 1824 il quitta la direction de l'orchestre de l'Opéra pour prendre celle de toute la musique de ce théâtre. Mais il ne conserva ces fonctions que peu de temps, et dès 1826 il fut admis à faire valoir ses droits à la retraite. Le refus fait par l'Opéra de recevoir l'opéra de Mathilde, qu'il présenta l'année suivante, lui causa un vif chagrin. Il mourut le 6 janvier 1831, à Genève, où l'avait conduit le délabrement de sa santé.

Voici la liste de ses principaux ouvrages: Jeanne d'Arc à Orléans (1790); Paul et Virginie (1791); Charlotte et Werther (1792); Le Siége de Lille (1793); La Journée de Marathon (1793); Astyanax (1801); Aristippe (1808); Jadis et Aujourd'hui (1808); François Ier (1808); La Mort d'Abel (1810); Antoine et Cléopátre, ballet (1809); Le Camp de Sobieski (1813); L'Oriflamme, en société avec Méhul et Berton, etc. (1814); la Princesse de Babylone(1816); Les Deux Rivaux, en société avec Spontini, Persuis et Ber ton, etc. (1816); Le Carnaval de Venise, ballet, en société avec Persuis (1816); La Servante justifiée, ballet (1818); Clari, ballet (1820); Ipsiboć (1823); etc., etc. Il a aussi arrangé la musique du ballet de Paul et Virginie, dont il a tiré les principaux matériaux de son opéra.

KREUTZER (CONRADIN), compositeur distingué, né en 1782, à Moskirch, dans le pays de Bade, mort en Russie, en 1849, fonda sa réputation par les charmantes mélodies qu'il composa pour les Chants de Voyage et de Printemps d'Uhland, ainsi que par ses airs pour voix d'homme. Il fit de nombreux voyages artistiques comme pianiste, et écrivit plusieurs concertos pour clavecin, des sonates, etc., ainsi qu'un oratorio, Moïse, et plusieurs autres compositions religieuses, jusqu'au moment où il s'appliqua exclusivement à la composition des opéras. Il fut tour à tour chef d'prchestre à Stuttgard, à Donaueschingen, à Vienne, et en dernier lieu à Riga, où il termina ses jours. Ses opéras n'ont pas tous obtenu la même popularité; ceux qui réussirent le plus généralement sont Liboussa et Le Camp de Grenade. Le texte de son opéra de Mélusine, représenté pour la première fois à Berlin, en 1833, a été écrit par Grillparzer, qui dans le principe le destinait à Beethowen. Un opéra inédit qu'il laissait en mourant, Aurelia, a été repré-, senté avec assez de succès sur différents théâtres d'Allemagne.

KREUZER, nom d'une petite monnaie ayant cours en Allemagne, et qui dérive de la croix (kreuz), dont elle porte l'empreinte. On a frappé des kreuzer en argent et en cuivre; et ils circulaient dans tous les pays où l'on comptait par florins. On comptait 60 kreuzer au florin, et 90 au thaler. On n'en frappe plus aujourd'hui qu'au sud de l'Allemagne, et ils portent toujours les armoiries de la puissance qui les émet. Dans les États du sud qui font partie du Zollverein, on frappe des kreuzer et des fractions de kreuzer (le plus souvent des 1/2 et des 1/4 de kreuzer) en cuivre et des pièces de trois et de six kreuzer, comme monnaie de billon. En Autriche il y a des pièces d'argent de 20, de 10, de 5 et de 3 kreuzer, et des pièces de cuivre d'un kreutzer, d'un 1/2 et d'un 1/4 de kreuzer.

KREUZNACH, ville du cercle de l'arrondissement de Coblentz, dans la province du Rhin (Prusse), sur la Nahe, et sur le chemin de fer de Bingen à Trèves, avec 12,000 habitants, dans une charmante contrée, est surtout célèbre par ses eaux minérales, qui y attirent chaque année un grand nombre de baigneurs. Cette fort ancienne cité, dont font mention des documents remontant à l'an 819, est située dans une ravissante contrée, à 130 mètres au-dessus du niveau de la mer. Ses sources, découvertes déjà vers la fin du quinzième siècle, n'ont été utilisées par la médecine que dans ces derniers temps. Celles dont on se sert le plus ordinairement sont la source d'Elice (6o R.), le Karlsham

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mer (13° R.), et le Munster-am-Stein (23° R.). On les emploie comme boisson et pour bains dans les affections scrofuleuses, les maladies de la peau et au début de la phtisie pulmonaire. Consultez Engelmann, Kreuznach (1843). KRISS, poignard malais, porté par les habitants de tout l'archipel. On en fabrique de plusieurs formes différentes, courts et longs, droits et recourbés. La poignée et le fourreau sont en général travaillés et couverts d'ornements. Des hommes de tous rangs portent le kriss, il y en a même qui en habit de cérémonie en ont trois ou quatre à leur ceinture.

KRONSTADT. Voyez CRONSTADT.

KRUCKOWIECKI (JEAN, comte), général polonais, né vers 1770, entra fort jeune au service, et fit la campagne de 1796 contre la France en qualité d'aide de camp de Wurmser. En 1806, l'appel qu'adressa Napoléon aux Polonais le décida à entrer au service du grand-duché de Varsovie, et il fit les campagnes de 1807 à 1813 avec assez de distinction pour être promu au grade de général de brigade. Il commandait une division d'infanterie dans l'armée polonaise lorsque éclata la révolution de novembre 1830. Il se mit alors, mais inutilement, sur les rangs pour l'élection d'un général en chef de l'armée nationale. On lui contia bien le commandement d'une division d'infanterie; mais ennemi personnel de Skrzynecki, il ne fut pas admis à faire partie de l'armée active. Appelé aux fonctions de gouverneur de Varsovie, il sut y maintenir l'ordre, ct déploya beaucoup d'activité dans la construction des fortifications de la capitale, sans pour cela obtenir la confiance publique. Ayant insulté le général Skrzynecki à son retour de la bataille d'Ostrolenka, il dut donner sa démission, et il fut même un instant question de le traduire devant un conseil de guerre. On l'accuse aussi de n'avoir point été étranger aux scènes sanglantes qui éclatèrent à Varsovie en août. Tout aussitôt après, il fut de nouveau nommé gouverneur de la capitale, et réussit à y rétablir l'ordre. Son crédit croissant à mesure que diminuait celui dont avaient joui jusque alors Skrzynecki et Dembinski, il devint tout à fait l'homme de la situation, et le 17 août les députés, quoique bon nombre d'entre eux se défiassent de lui, lui déférèrent la présidence du gouvernement. C'est ainsi que lorsque Paskewitsch vint attaquer la capitale, le pouvoir suprême se trouvait aux mains de Kruckowiecki, qui n'avait ni la capacité nécessaire pour diriger les opérations militaires, ni le courage de mourir, et qui, tout au contraire, à l'effet de se ménager les bonnes grâces de l'empereur, négligea, dit-on, d'employer les moyens les plus propres à assurer la défense de Varsovie. Après une conférence avec Paskewitsch, Kruckowiecki signa l'acte de soumission de la capitale, et se livra ensuite entre les mains du vainqueur, qui ne le traita pas aussi généreusement qu'il l'avait espéré, et qui le relégua dans l'intérieur de la Russie. Il est mort à Varsovie, en 1850.

KRÜDENER ( JULIANE, baronne DE), célèbre par ses tendances mystiques, naquit à Riga, le 11 novembre 1766, et fut élevée avec soin dans la maison de son père, le baron de Vietinghoff, l'un des plus riches propriétaires de la Courlande. Elle était encore toute jeune enfant quand elle arriva à Paris avec ses parents, dont la maison était un rendez-vous pour les beaux esprits. On admirait l'esprit et les connaissances de cette jeune fille, qui plaisait moins encore par sa beauté que par les grâces et les charmes de toute sa personne. Mais dès cette époque elle annonçait une tendance marquée à la rêverie et à la mélancolie. A l'âge de quatorze ans, on la maria au baron de Krüdener (né en 1744), gentilhomme livonien, aussi distingué par l'élévation de ses sentiments que par l'étendue de ses connaissances, qu'elle suivit à Copenhague, puis à Venise, où il remplit longtemps les fonctions d'envoyé russe, et à qui elle donna un fils et une fille. Mais, entraînée par la vivacité de son caractère et par les séductions du monde, elle commit de nombreuses imprudences, qui détruisirent irréparablement son bonheur domestique. Une séparation intervint

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entre les deux époux, et en 1791 madame de Krüdener revint habiter la maison paternelle à Riga, où elle fut recherchée avec empressement à titre de jolie femme. Cependant, elle eut bientôt assez de la vie paisible mais monotone de Riga, et s'en alla alors résider alternativement à Paris et à SaintPétersbourg. Dans ces deux capitales, son ardeur au plaisir lui attira encore quelques désagréments, et à Paris le beau chanteur Garat passa généralement pour son amant. Quoi qu'il en ait pu être, la publication du roman intitulé Valérie, ou lettres de Gustave de Linar à Ernest de G. (2. vol., Paris, 1804), ouvrage dans lequel elle décrivait des situations par où elle avait passé, des sentiments qu'elle avait éprouvés, produisit dans cette capitale une vive sensation, et lui assigna un rang distingué dans le monde littéraire. En 1806 elle faisait partie de la société intime de la belle reine Louise de Prusse; et déjà à cette époque elle donnait dans le piétisme et le mysticisme. Plus tard, elle revint encore à Paris. En 1812 on la trouve à Genève, et en 1813 en Allemagne. C'est à ce moment qu'elle se crut appelée par Dieu à prêcher l'Évangile aux pauvres. Née luthérienne, elle se disait catholique, et prétendait avoir des révélations habituelles de la part de Dieu, ainsi que des relations fréquentes avec Jésus-Christ et la sainte Vierge. Revenue à Paris en 1814, elle tenait dans sa maison des assemblées religieuses, fréquentées par les personnages les plus importants. Elle décrivit alors, sous le titre de : Le Camp des Vertus, la grande fête militaire célébrée dans les plaines de Châlons par l'armée russe. En 1815 elle exerça un grand crédit sur l'esprit de l'empereur Alexandre, quand ce prince eut reconnu la justesse d'une prédiction qu'elle lui avait faite l'année précédente, à savoir que Napoléon s'échapperait de l'ile d'Elbe et tenterait encore de bouleverser l'Europe. Ce fut donc, à la lettre, sous les auspices de madame de Krüdener qu'un nouveau ministère remplaça chez nous, en septembre 1815, celui dont M. de Talleyrand avait été le président. Il paraît que c'est elle encore qui inspira à Alexandre l'idée de la sainte-alliance, laquelle, dans sa pensée, n'avait pour objet que le bonheur des hommes; et elle prétendait y intéresser les souverains en les liant par un acte religieux. C'est alors que commença son bizarre apostolat, qui fit tant parler d'elle, et qu'elle se mit à annoncer la prochaine venue du règne de Jésus-Christ sur la terre.

A Bâle, où elle alla s'établir à la fin de 1815, elle prit pour acolyte un jeune ecclésiatique da Genève, appelé Empeytaz (voyez MOMIERS), qui essaya un instant de jouer le rôle de Fénelon auprès de cette autre madame Guyon; mais les désordres publics et la désunion dans les familles causés par ses prédications la forcèrent de s'éloigner de cette ville. Les mêmes faits se reproduisirent à Larrach, à Aarau et dans d'autres localités. Devenue dès lors suspecte à toutes les polices, parce que ses prédications et son ardent prosélytisme provoquaient partout des troubles, et les gouvernements autrichien et français lui ayant interdit l'entrée de leurs frontières respectives, elle alla avec sa fille et sa suite passer quelque temps à Leipzig, d'où on finit, en 1818, par la reconduire sous bonne escorte jusqu'à la frontière russe. En y arrivant, elle fut prévenue qu'il lui était également interdit d'aller à Saint-Pétersbourg et à Moscou. Elle se dirigea donc sur Riga, où elle ne fut pas plus tôt arrivée qu'elle se mit à prêcher de plus belle, car elle était plus persuadée que jamais de sa mission divine; et le ton de conviction profonde et même d'autorité dont elle en parlait lui faisait force prosélytes, comme il ne manque jamais au reste d'arriver aux réformateurs religieux, dupes ou fripons. Les conversions gagnant de proche en proche, madame de Krüdener parvint à faire lever le véto qui lui interdisait le séJour de Saint-Pétersbourg. Elle y revit l'empereur Alexandre, qui s'était toujours senti un faible pour ses doctrines romantico-religieuses, et dont l'esprit, visiblement affaibli, donnait maintenant plus que jamais dans le mysticisme. Il la visitait souvent; mais il ne voulut pourtant jamais lui per

KRŮDENER

mettre de prêcher publiquement; l'empereur comprenait en effet que risquer de se mettre à dos son clergé orthodoxe en raison de la tolérance publique qu'il accorderait à une propagande hérétique serait jouer gros jeu. Bientôt même il se brouilla décidément avec madame de Krüdener, qui s'était vivement éprise pour la cause des Grecs et qui dans ses divagations politico-mystiques ne se gênait pas pour divulguer quelques comdences que l'empereur lui avait faites dans le temps au sujet de la politique des czars en Orient. Madame de Krüdener reçut donc un jour de la direction de la police l'ordre formel d'avoir à quitter Saint-Pétersbourg. C'était à la fin de 1822, et elle s'en revint en Livonie, où elle passa encore dix-huit mois, continuant sa mission apostolique dans les salons de Riga, à défaut de temples ou d'églises. Puis en juin 1824, avee sa fille et son gendre, elle se rendit en Crimée, dans l'intention d'y fonder une colonie qui se composerait de ses adeptes, une nouvelle Sion. La colonie à fonder, on le sait, est de nos jours la dernière ressource, l'ultima ratio, ou, à bien dire, le suicide final de l'homme ou de la femme de génie incompris. Madame de Krüdener, elle toute la première, eut recours à ce moyen héroïque. Le gouvernement russe cette fois la laissa faire; et là, toujours incorrigible, on la vit encore prêcher, tantôt en français, tantôt en allemand, ces braves Tatares, qui ne pouvaient deviner à qui elle en voulait, puisque les langues dont elle se servait pour les ramener à la vraie foi étaient pour eux comme du grec ou de l'hébreu. C'est au milieu de ces travaux apostoliques que la mort vint surprendre madame de Krüdener, à Karasoubazar, le 15 décembre 1824, six mois à peine après son arrivée en Crimée. Consultez Eynard, Vie de madame de Krüdener (Paris, 1849). [C'était chose vraiment curieuse que de voir une femme élégante, accoutumée au luxe et d'une haute naissance, embrasser, malgré la faiblesse de sa complexion, la vie errante et rude des plus intrépides missionnaires, répandre de riches aumônes et se tout refuser; voyager à pied,❘ supporter avec résignation la fatigue et des avanies continuelles; chassée de partout, ne se rebuter de rien; se plaindre quelquefois, mais avec douceur, et en vue du bonheur de l'humanité, auquel elle croyait contribuer : son véritable culte, c'était la charité dans toute sa perfection. L'on prêta à ses œuvres des intentions politiques : c'était la peu connaître; car la politique lui semblait vile, et toute duplicité lui inspirait une profonde horreur. En 1817 elle écrivait au ministre de Bade : « C'est au Seigneur à ordonner, et à la créature à obéir. C'est lui qui expliquera pourquoi la faible voix d'un femme a retenti devant les peuples, a fait | ployer les genoux au nom de Jésus-Christ, arrêté le bras des scélérats, fait pleurer l'aride désespoir, demandé et obtenu de quoi nourrir des millions d'affamés..... Il fallait une mère pour avoir soin des orphelins et pleurer avec les mères.....; une femme élevée dans les douceurs du luxe, pour dire aux pauvres qu'elle était bien plus heureuse sur un banc de pierre en les servant...; une femme simple, pour confondre les sages...; une femme courageuse qui, ayant tout possédé, pût dire, même aux reines, que tout n'est rien... » La vie toute d'abnégation, toute de bienfaisance, de mon excellente mais un peu folle cousine, attirait autour d'elle nombre de vrais ou faux néophytes, dont la masse effrayait les gouvernants; mais je puis affirmer que tout fut vérité, charité, candeur, chez cette femme, si spirituelle dans les écarts de son imagination, si respectable en dépit d'erreurs, qui n'eurent constamment pour objet que la félicité présente et future de l'homme. C'est l'esprit qui égare le cœur chez la plupart d'entre nous: chez madame de Krüdener, c'était, selon l'expression du duc de La Rochefoucault, l'esprit qui était la dupe du cœur ; et ceux qui ont connu la consciencieuse exaltation de son âme sentent qu'elle s'était exactement peinte elle-même par cette phrase : « L'on ne résiste guère à l'envie de communiquer aux autres ce qui nous a profondément ému nous-même. Cle Armand D'ALLONVILLE. I

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KRUSENSTERN ( ADAM-JEAN DE ), célèbre navigaleur russe, naquit en Esthonie, en 1770. Dès 1793 il servit sur la flotte anglaise, et en 1798 et 1799 il alla aux Indes orientales et poussa jusqu'à Canton. A cette époque il adressa au gouvernement russe sur la possibilité d'ouvrir dans ces contrées des débouchés avantageux au commerce de pelleteries de la Compagnie Russo-Américaine, des mémoires que le gouvernement de Paul Ir ne prit point en considération. En revanche, Alexandre témoigna le plus vif intérêt pour la réalisation de ses plans; et Krusenstern ne tarda point à être chargé d'une expédition ayant à la fois pour but d'explorer avec plus de soin qu'elles ne l'avaient encore été les côtes de l'Amérique russe, et de renouer avec l'empire du Japon des relations de commerce qui venaient d'être interrompues. Deux vaisseaux furent mis à sa disposition; et le 7 août 1803 il mit à la voile du port de Cronstadt, où il était de retour le 19 août 1806, sans avoir perdu un seul homme de ses équipages. Ce premier voyage de circumnavigation effectué par la marine russe fut incontestablement l'un des plus importants dont fasse mention l'histoire des voyages, en raison des nombreuses découvertes qui la signalèrent et des renseignements positifs qu'il fit acquérir sur des contrées jusque alors mal connues. Une foule de rectifications importantes relatives à la géographie et à l'hydrographie, les travaux curieux des naturalistes adjoints à l'expédition et de Krusenstern lui-même sur des questions de physique, d'histoire naturelle, d'ethnographie et de linguistique, complètent les richessses scientitiques recueillies pendant cette mémorable expédition, dont Krusenstern a publié l'histoire sous le titre de Voyage autour du Monde, dans les années 1803-1806 (3 vol. in-4°, Saint-Pétersbourg, 1810-1812). Ce livre, écrit en allemand, ne tarda pas à être traduit dans toutes les langues de l'Europe. Il faut encore compter parmi les résultats de cet important voyage les Essais sur l'hydrographie du grand Océan ( Leipzig, 1819), par Krusenstern; son Atlas de l'océan Pacifique (2 vol., Saint-Pétersbourg, 1824-1827); son Recueil de Mémoires hydrographiques, pour servir d'analyse et d'explication à l'Atlas de l'océan Pacifi que (2 vol., 1824-1827); enfin, ses Suppléments au Recueil de Mémoires hydrographiques (1835). Krusenstern fut secondé dans son expédition par les capitaines russes Belligshausen et Otto Kotzebue. Il est mort le 12 août 1846, dans son domaine d'Ass, en Esthonie.

KRYLOFF (JWAN-ANDREEWITSCH), célèbre fabuliste russe, né en 1768, à Moscou, était le fils d'un officier sans fortune, que les nécessités du service forcèrent à aller s'établir avec sa famille à Orenbourg, en 1771, à la suite des troubles provoqués par Pugatscheff. Quand ils eurent été comprimnés, le père de Kryloff obtint un emploi civil à Twer, où il continua de résider jusqu'à sa mort, arrivée en 1780. Un Français, précepteur des enfants du gouverneur de Twer, initia le jeune Kryloff à la connaissance de notre langue et de notre littérature. Les quelques livres qu'il trouva dans la succession paternelle, Kryloff les lut sans choix et avec avidité, en s'abandonnant ensuite aux rêves de son imagination. C'étaient les pièces de théâtre qui l'avaient le plus vivement impressionné. Aussi dès l'âge de quinze ans composa-t-il un petit opéra, La Diseuse de bonne aventure au moyen du marc de café, qu'un libraire lui acheta 60 roubles; et avec cet argent-là Kryloff se procura bien vite les œuvres de Racine, de Molière et de Boileau. L'étude de ces deux derniers écrivains développa ses tendances satiriques. Un an après la mort de son père, il obtint une place dans les bureaux de l'administration civile de Twer. En 1786 il termina une tragédie, Philomèle, qui n'a point été représentée, mais qu'on a insérée dans le Théâtre Russe, et passa alors dans l'administration des finances. Il venait de perdre sa mère, objet de toute sa tendresse, lorsqu'en 1788 il fut attaché au cabinet de l'empereur, poste que deux ans plus tard il quitta avec le rang de secrétaire provincial. Pour pouvoir se consacrer en toute liberté à la culture des lettres,

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