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Roscius' entre sur la scène de bonne grace : oui, Lélie; et j'ajoute encore qu'il a les jambes bien tournées, qu'il joue bien, et de longs rôles; et que pour déclamer parfaitement il ne lui manque, comme on le dit, que de parler avec la bouche: mais est-il le seul qui ait de l'agrément dans ce qu'il fait? et ce qu'il fait, est-ce la chose la plus noble et la plus honnête que l'on puisse faire? Roscius d'ailleurs ne peut être à vous ; il est à une autre ; et, quand cela ne seroit pas ainsi, il est retenu: Claudie attend, pour l'avoir, qu'il se soit dégoûté de Messaline. Prenez Bathylle, Lélie: où trouverez-vous, je ne dis pas dans l'ordre des chevaliers que vous dédaignez, mais même parmi les farceurs, un jeune homme qui s'élève si haut en dansant, et qui passe mieux la capriole? Voudriez-vous le sauteur Cobus, qui, jetant ses pieds en avant, tourne une fois en l'air avant que de tomber à terre? ignorez-vous qu'il n'est plus jeune? Pour Bathylle, dites-vous, la presse y est trop grande; et il refuse plus de femmes qu'il

'Sans traduire les noms antiques par des noms modernes, comme l'ont fait hardiment des fabricateurs de clefs, on peut croire que, dans tout ce paragraphe, La Bruyère dirige les traits de son ironie amère contre quelques grandes dames de ce temps, qui se disputoient scandaleusement la possession de certains comédiens, danseurs ou musiciens, tels que Baron, Pécourt, et

autres.

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n'en agrée. Mais vous avez Dracon le joueur de flûte nul autre de son métier n'enfle plus décemment ses joues en soufflant dans le hautbois ou le flageolet; car c'est une chose infinie que le nombre des instruments qu'il fait parler: plaisant d'ailleurs, il fait rire jusqu'aux enfants et aux femmelettes. Qui mange et qui boit mieux que Dracon en un seul repas? Il enivre toute une compagnie, et se rend le dernier. Vous soupirez, Lélie: est-ce que Dracon auroit fait un choix? ou que malheureusement on vous auroit prévenue? Se seroit-il enfin engagé à Césonie, qui l'a tant couru, qui lui a sacrifié une si grande foule d'amants, je dirai même toute la fleur des Romains; à Césonie, qui est d'une famille patricienne, qui est si jeune, si belle, et si sérieuse? Je vous plains, Lélie, si vous avez pris par contagion ce nouveau goût qu'ont tant de femmes romaines pour ce qu'on appelle des hommes publics, et exposés par leur condition à la vue des autres. Que ferez-vous, lorsque le meilleur en ce genre vous est enlevé? Il reste encore Bronte le questionnaire': le peuple ne parle que de sa force et de son adresse; c'est un jeune homme qui a les épaules larges et la taille ramassée, un négre d'ailleurs, un homme noir.

Pour les femmes du monde, un jardinier est un jardinier, et un maçon est un maçon: pour quelques

'Le bourreau.

autres plus retirées, un maçon est un homme, un jardinier est un homme. Tout est tentation à qui la

craint.

Quelques femmes donnent aux couvents et à leurs amants: galantes et bienfaitrices, elles ont jusque dans l'enceinte de l'autel des tribunes et des oratoires où elles lisent des billets tendres, et où personne ne voit qu'elles ne prient point Dieu.

Qu'est-ce qu'une femme que l'on dirige? est-ce une femme plus complaisante pour son mari, plus douce pour ses domestiques, plus appliquée à sa famille et à ses affaires, plus ardente et plus sincère pour ses amis; qui soit moins esclave de son humeur, moins attachée à ses intérêts; qui aime moins les commodités de la vie ; je ne dis pas qui fasse des largesses à ses enfants, qui sont déja riches, mais qui, opulente elle-même et accablée du superflu, leur fournisse le nécessaire, et leur rende au moins la justice qu'elle leur doit; qui soit plus exempte d'amour de soi-même, et d'éloignement pour les autres; qui soit plus libre de tous attachements humains? Non, dites-vous, ce n'est rien de toutes ces choses. J'insiste, et je vous demande : Qu'est-ce donc qu'une femme que l'on dirige? Je vous entends, c'est une femme qui a un directeur.

Si le confesseur et le directeur ne conviennent point sur une règle de conduite, qui sera le tiers qu'une femme prendra pour surarbitre?

Le capital pour une femme n'est pas d'avoir un directeur, mais de vivre si uniment qu'elle s'en puisse passer.

Si une femme pouvoit dire à son confesseur, avec ses autres foiblesses, celle qu'elle a pour son directeur, et le temps qu'elle perd dans son entretien, peut-être lui seroit-il donné pour pénitence d'y

renoncer.

Je voudrois qu'il me fût permis de crier de toute ma force à ces hommes saints qui ont été autrefois blessés des femmes: Fuyez les femmes, ne les dirigez point; laissez à d'autres le soin de leur salut.

C'est trop contre un mari d'être coquette et dévote; une femme devroit opter.

J'ai différé à le dire, et j'en ai souffert; mais enfin il m'échappe, et j'espère même que ma franchise sera utile à celles qui, n'ayant pas assez d'un confesseur pour leur conduite, n'usent d'aucun discernement dans le choix de leurs directeurs. Je ne sors pas d'admiration et d'étonnement à la vue de certains personnages que je ne nomme point. J'ouvre de fort grands yeux sur eux; je les contemple: ils parlent, je prête l'oreille; je m'informe; on me dit des faits, je les recueille; et je ne comprends pas comment des gens en qui je crois voir toutes choses diamétralement opposées au bon esprit, au sens droit, à l'expérience des affaires du monde, à la connoissance de l'homme, à la science de la religion

et des mœurs, présument que Dieu doive renouveler en nos jours la merveille de l'apostolat, et faire un miracle en leurs personnes, en les rendant capables, tout simples et petits esprits qu'ils sont, du ministère des ames, celui de tous le plus délicat et le plus sublime: et si au contraire ils se croient pour un emploi si relevé, si difficile, accordé à si peu de personnes, et qu'ils se persuadent de ne faire en cela qu'exercer leurs talents naturels et suivre une vocation ordinaire, je le comprends en

nés

core moins.

Je vois bien que le goût qu'il y a à devenir le dépositaire du secret des familles, à se rendre nécessaire pour les réconciliations, à procurer des commissions ou à placer des domestiques, à trouver toutes les portes ouvertes dans les maisons des grands, à manger souvent à de bonnes tables, à se promener en carrosse dans une grande ville, et à faire de délicieuses retraites à la campagne, à voir plusieurs personnes de nom et de distinction s'intéresser à sa vie et à sa santé, et à ménager pour les autres et pour soi-même tous les intérêts humains; je vois bien, encore une fois, que cela seul a fait imaginer le spécieux et irrépréhensible prétexte du soin des ames, et semé dans le monde cette pépinière intarissable de directeurs.

La dévotion vient à quelques uns, et sur-tout aux femmes, comme une passion, ou comme le foible

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