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Lise entend dire d'une autre coquette qu'elle se moque de se piquer de jeunesse, et de vouloir user d'ajustements qui ne conviennent plus à une femme de quarante ans. Lise les a accomplis; mais les années pour elle ont moins de douze mois, et ne la vieillissent point. Elle le croit ainsi; et, pendant qu'elle se regarde au miroir, qu'elle met du rouge sur son visage, et qu'elle place des mouches, elle convient qu'il n'est pas permis à un certain âge de faire la jeune, et que Clarice en effet, avec ses mouches et son rouge, est ridicule.

Les femmes se préparent pour leurs amants, si elles les attendent: mais, si elles en sont surprises, elles oublient à leur arrivée l'état où elles se trouvent; elles ne se voient plus. Elles ont plus de loisirs avec les indifférents; elles sentent le désordre où elles sont, s'ajustent en leur présence, ou disparoissent un moment, et reviennent parées.

Un beau visage est le plus beau de tous les spectacles; et l'harmonie la plus douce est le son de voix de celle que l'on aime.

L'agrément est arbitraire: la beauté est quelque chose de plus réel et de plus indépendant du goût et de l'opinion.

L'on peut être touché de certaines beautés si parfaites, et d'un mérite si éclatant, que l'on se borne à les voir et à leur parler.

Une belle femme qui a les qualités d'un honnête

homme est ce qu'il y a au monde d'un commerce plus délicieux: l'on trouve en elle tout le mérite des deux sexes.

Il échappe à une jeune personne de petites choses qui persuadent beaucoup, et qui flattent sensiblement celui pour qui elles sont faites: il n'échappe presque rien aux hommes; leurs caresses sont volontaires: ils parlent, ils agissent, ils sont empressés, et persuadent moins.

Le caprice est dans les femmes tout proche de la beauté, pour être son contre-poison, et afin qu'elle nuise moins aux hommes, qui n'en guériroient pas sans reméde.

Les femmes s'attachent aux hommes par les faveurs qu'elles leur accordent : les hommes guérissent par ces mêmes faveurs.

Une femme oublie d'un homme qu'elle n'aime plus jusqu'aux faveurs qu'il a reçues d'elle.

Une femme qui n'a qu'un galant croit n'être point coquette: celle qui a plusieurs galants croit n'être que coquette.

Telle femme évite d'être coquette par un ferme attachement à un seul, qui passe pour folle par son mauvais choix.

Un ancien galant tient à si peu de chose qu'il céde à un nouveau mari; et celui-ci dure si peu, qu'un nouveau galant qui survient lui rend le change.

Un ancien galant craint ou méprise un nouveau

rival, selon le caractère de la personne qu'il sert.

Il ne manque souvent à un ancien galant, auprès d'une femme qui l'attache, que le nom de mari: c'est beaucoup; et il seroit mille fois perdu sans

cette circonstance.

Il semble que la galanterie dans une femme ajoute à la coquetterie. Un homme coquet, au contraire, est quelque chose de pire qu'un homme galant. L'homme coquet et la femme galante vont assez de pair.

Il y a peu de galanteries secrétes: bien des femmes ne sont pas mieux désignées par le nom de leurs maris que par celui de leurs amants.

Une femme galante veut qu'on l'aime: il suffit à une coquette d'être trouvée aimable, et de passer pour belle. Celle-là cherche à engager; celle-ci se contente de plaire. La première passe successivement d'un engagement à un autre; la seconde a plusieurs amusements tout à-la-fois. Ce qui domine dans l'une, c'est la passion et le plaisir; et dans l'autre, c'est la vanité et la légèreté. La galanterie est un foible du cœur, ou peut-être un vice de la complexion: la coquetterie est un déréglement de l'esprit. La femme galante se fait craindre, et la coquette se fait haïr. L'on peut tirer de ces deux caractères de quoi en faire un troisième, le pire de

tous.

Une femme foible est celle à qui l'on reproche

une faute, qui se la reproche à elle-même, dont le cœur combat la raison; qui veut guérir, qui ne guérira point, ou bien tard.

Une femme inconstante est celle qui n'aime plus; une légère, celle qui déja en aime un autre ; une volage, celle qui ne sait si elle aime et ce qu'elle aime; une indifférente, celle qui n'aime rien.

La perfidie, si je l'ose dire, est une menterie de toute la personne: c'est dans une femme l'art de placer un mot ou une action qui donne le change, et quelquefois de mettre en œuvre des serments et promesses qui ne lui coûtent pas plus à faire qu'à

des

violer.

Une femme infidéle, si elle est connue pour telle de la personne intéressée, n'est qu'infidèle: s'il la croit fidéle, elle est perfide.

On tire ce bien de la perfidie des femmes, qu'elle guérit de la jalousie.

Quelques femmes ont, dans le cours de leur vie, un double engagement à soutenir, également difficile à rompre et à dissimuler: il ne manque à l'un que le contrat, et à l'autre que le cœur.

A juger de cette femme par sa beauté, sa jeunesse sa fierté, ses dédains, il n'y a personne qui doute que ce ne soit un héros qui doive un jour la charmer: son choix est fait, c'est un petit monstre qui manque d'esprit.

Il y a des femmes déja flétries, qui, par leur comIly

plexion ou par ou par leur mauvais caractère, sont naturellement la ressource des jeunes gens qui n'ont pas assez de bien. Je ne sais qui est plus à plaindre, ou d'une femme avancée en âge qui a besoin d'un cavalier, ou d'un cavalier qui a besoin d'une vieille.

Le rebut de la cour est reçu à la ville dans une ruelle, où il défait le magistrat même en cravate et en habit gris, ainsi que le bourgeois en baudrier, les écarte, et devient maître de la place: il est écouté, il est aimé; on ne tient guère plus d'un moment contre une écharpe d'or et une plume blanche, contre un homme qui parle au roi et voit les ministres. Il fait des jaloux et des jalouses; on l'admire, il fait envie: à quatre lieues de là, il fait pitié.

Un homme de la ville est pour une femme de province ce qu'est pour une femme de ville un homme de la cour.

A un homme vain, indiscret, qui est grand parleur et mauvais plaisant, qui parle de soi avec confiance, et des autres avec mépris; impétueux, altier, entreprenant; sans mœurs ni probité; de nul jugement et d'une imagination très libre, il ne lui manque plus, pour être adoré de bien des femmes, que de beaux traits et la taille belle.

Est-ce en vue du secret, ou par un goût hypocondre, que cette femme aime un valet; cette autre, un moine; et Dorine, son médecin?

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