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patibles avec une fubftance multiple & étenduë.

La différence de la fenfation & de la pensée nous fait connoître clairement les différentes natures des substances qui en font affectées. L'ame fpirituelle eft caractérifée par les réflexions, par les raifonnements, par la capacité de faire des progrès en profitant de l'expérience, par la notion du fouverain être; elle eft occupée de l'avenir, & dirigée par fon esfence au défir de l'immortalité : parce que fa nature la porte à chercher un bonheur proportionné à la grandeur de fon origine. Nous appercevons, au contraire, que les bêtes ont les fenfations les plus déliées & les plus vives. Quelquesunes nous furpaffent en cette partie ; mais elles ne vont pas plus loin. Elles excellent dans cette fphére matérielle; mais elles n'en fortent pas. Elles ont des yeux, & ne voient pas à notre maniére; la vifion ne produifant chez elles aucune idée. Elles font pourvues de fens trèsfubtils; mais il ne fe paffe rien, ni au dedans ni au dehors, qui ne fe rapporte à la matière : tout, en elles, eft dirigé à leur confervation & à leur nourriture. Elles trouvent, dans les objets matériels qui fe préfentent à leurs fens, de quoi

remplir

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remplir la capacité d'une ame pareillement matérielle.

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Si les bêtes avoient quelque idée quelque connoiffance même la plus bornée, il leur feroit naturel de vouloir la manifefter comme elles manifestent leurs fenfations par les cris ou par les careffes. Or aucune efpéce de bête ne s'efforce de manifefter des idées, tandis que toutes indiquent vivement leurs fenfations. Aucune efpéce de bête n'a jamais tenté d'inftituer des fignes pour repréfenter des pensées. Il feroit inutile de dire qu'elles peuvent avoir entr'elles des fignes d'inftitution que nous n'entendions pas:car il eft moralement impoffible qu'ils ne fuffent différents, fuivant la diverfité des tems & des lieux, comme les fignes d'inftitution, ou les langues, le font parmi les hommes. Or il eft très-certain que les bêtes n'ont point entr'elles de ces fignes d'inftitution différents les uns des autres.

Chaque efpéce eft bornée à une forte d'induftrie; l'abeille, à fon miel ; l'araignée, à fa toile; le caftor, à fa maifon : tout le refte leur eft indifférent. L'ame fenfitive du coquillage & de l'éponge eft de la même nature, que celle du finge ou de l'éléphant: il n'y va que du plus au moins.

Or ce principe fenfitif, purement ma

Tome II.

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tériel, fe diffout avec la matiére, comme le feu s'éteint, lorsque la matiére, qui lui fervoit d'aliment, eft confumée. Il n'y a aucun rapport, ni aucune conféquence d'une faculté purement fenfitive & matérielle, à l'ame fpirituelle de l'homme. Cette opinion eft, non-feulement conforme à la fainte écriture; mais entiérement fondée fur les termes précis de l'auteur facré.

L'effence fpécifique de la fubftance qui anime les bêtes, eft expreffement déterminée par le paffage de la Genése où Dieu dit: que la (1) terre produife les ames des bêtes. Ce paflage décide deux chofes: 1. que les bêtes ont des ames vivantes; & que par conféquent elles ne font pas des automates, fuivant la philofophie Cartéfienne; 2. que ces ames font purement matérielles, comme pro duites de la terre.

Ce n'eft point ici une expreffion vulgaire, emploïée indirectement, dans un fujet étranger,& qui ne puiffe être tirée à

(1) Producant aquæ reptile animæ viventis, & volatile fuper terram, fub firmamento cœli. Gen. c. I. v. 20. Producat terra animam viventem in genere fuo, jumenta & reptilia & befias terræ, fecundùm fpecies fuas; factumque eft ità. Gen. c. 1. v. 24. Voilà donc les ames matérielles des poiffons & des oifeaux tirées de l'eau ; & celles des bêtes terreftres, in rées de la terre.

Conféquence pour réfoudre une question philofophique: c'est un récit où l'intention de l'auteur facré eft de nous apprendre de quelle maniére les ames des bêtes ont été produites par le créateur; c'est une partie de l'histoire de la création, & une révélation expreffe de l'origine matérielle de ces ames. Un témoignage fi clair, fi direct, fi authentique, ne peut laiffer aucun doute que le principe, qui anime les bêtes, ne foit une ame vivante O une ame terreftre.

la

hexamer. homil. 9.

Je ne rougis point de l'évangile (dit S.Ba- S. Bafil. in file fur cette même queftion des ames des bêtes,en citant(1)S. Paul.)Je ne fçais point, Lorfque l'écriture fainte a parlé, avoir recours à des fyftêmes d'imagination,qui n'ont pas plus de réalité que les fonges. Dironsnous, continue ce Pére de l'églife, que terre eft animée,ou qu'elle avoit dans fon fein des ames fenfitives pour les produire? Ce feroit une conféquence fauffe: mais celui qui a fait le commandement, lui a donné le pouvoir de l'exécuter. Quand Dieu a dit: que la terre produife les herbes & les plantes, elle ne les contenoit pas davantage au dedans d'elle-même. Le chefne & le cyprès n'étoient pas davantage dans fon fein, que les ames fenfitives des bêtes. C'est la parole (1)Secundùm evangelium meum per Jesum Chriftum, Rom. c. 2. v. 16.

d'induftrie

divine, qui a eté la fource de toutes les productions.

Exemples Après nous être affûrés de la nature & de fidélité, de l'ellence de ce principe intérieur, pas& d'autres fons aux traits les plus remarquables des bonnes qua- fenfations exquifes, auxquelles on a donné les noms de la fidélité, de l'industrie

lités des bê

Bes.

Edit. Sal

il

& des autres bonnes qualités des bêtes. Il n'eft pas douteux que l'antiquité crédule à l'excès, n'ait débité fur ce fujet comme fur touts les autres, bien des hiftoires fabuleuses. Il ne faut donc point perdre de vûë que la plupart de ces récits font inventés;que dans ceux qui font véritables, y a bien des circonftances changées & exagérées; qu'on a prêté aux bêtes des motifs qu'elles étoient, à coup für, incapables d'avoir; & que ce qui a été remarqué avec fondement, de plus merveilleux en elles, a été produit par le concours des fenfations & de l'inftinct, ou de ce méchanifme dépourvû de toute intelligence, mais dirigé par l'ordre que créateur y a établi.

Sous le confulat d'Appius Junius, & de Plin. lib. 8. P. Silius on ne put jamais, au rapport 40. Solin. de Solin, féparer un chien de fon maître condamné à mort. Il l'avoit fuivi en prifon, il l'accompagna au fuplice, faisant des heurlements affreux. Lorfqu'on lui eut donné à manger, il portoit les mor

maf. c. 15. Dio Caff

lib. 58.

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