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foient qu'elles fuffent publiques, & oùíès d'un chafcun: afin qu'on ne le requist de chofe indecente & injufte,comme celui-là. g Clare cùm dixit, Apollo,

Labra movet metuens audiri : Pulchra Laverna Da mihi fallere, da juftum fanctumque videri, Noctem peccatis, & fraudibus objice nubem. Les Dieux punirent grievement les iniques vœux d'Edipus en les lui octroyant. Il avoit prié que les enfans vuidaffent entr'eux par armes la fucceffion de fon estat : il fut fi miferable, de fe voir pris au mot. Il ne faut pas demander, que toutes chofés fuivent noftre volonté, mais qu'elles fuivent la prudence.

Il femble, à la verité, que nous nous fervons de nos prieres, comme d'un jargon, & comme ceux qui employent les

g Qui, après avoir invoqué Apollon, d'une voix herte & diftincte, dictout bas, remuant à peine les Jevres de peur d'être entendu: Belle Laverne, donne - moi les moyens de tromper: fais-moi passer pour homme jufte & irréprochable: Cache mes crimes & mes fourberies fous les ombres d'une nuit obfcure. H Ep. 17. l. I, v. 19, &c.

paroles fainctes & divines à des forcelleries & effects 13 magiciens: & que nous facions noftre compte que ce foit de la contexture, ou fon, ou fuitte des mots ou de noftre contenance, que depende leur effect. Car ayants l'ame pleine de concupifcence, non touchée de repentance, ni d'aucune nouvelle reconciliation envers Dieu, nous lui allons prefenter ces paroles que la mémoire prefte à noftre langue : & efperons en tirer une expiation de nos fautes. Il n'est rien si aisé, fi doux, & fi favorable quela Loi: elle nous appelle à foi, ainfi 14 fautiers & deteftables comme nous fommes: elle nous tend les bras & nous reçoit en fon giron, pour vilains, ords & bourbeux, que nous ayons à eftre à l'advenir. Mais encore en recompenfe, la faut-il regarder de bon œil: encore fautil recevoir ce pardon avec action de graces: & au moins pour cet inftant que nous

13 Oumagiques, comme nous parlons aujourd'hui. 14 Pécheurs, crimineis.

nous adreffons à elle, avoir l'ame defplai fante de fes fautes, & ennemie des paf-. fions qui nous ont pouffés à l'offenser. Ni les Dieux, ni les gens de bien, dict Platon 15 n'acceptent le prefent d'un mefchant :

Immunis aram fi tetigit manus
Non fomptuofa blandior hoftia
Mollibit averfos Penates,
Farre pio & faliente micâ.

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CHAPITRE LVII.

De l'Aage.

E ne puis recevoir la façon, de quoi nous establiffons la durée de noftre vie,' Je vois que les Sages l'accourfiflent bien

35 De Legib. I. IV. p. 715, 717. Tom. II, h Si vous approchez de l'Autel avec des mains innocentes & pures, un peu de fel & de farine mêJés enfemble que vous offrirez à vos Dieux Penates," leur fera tout auffi agreable qu'une victime de grand prix. Horat. L. III. Od. 23, 3f, 17, &c.

fort au prix de la commune opinion. Comment, dit le jeune Caton, à ceux qui le vouloient empefcher de fe tuer, fuis-je à cette heure en aage, où l'on me puisse reprocher d'abandonner trop toft la vie? Si n'avoit-il que I quarante & hui& ans. Il eftimoit cet aage là bien meur & bien avancé, confiderant combien peu d'hommes y arrivent. Et ceux qui s'entretiennent de ce que je ne fçai quel cours, qu'ils nomment naturel, promet quelques années au delà, ils le pourroient faire, s'ils avoient privilege qui les exemptaft d'un fi grand nombre d'accidens, auxquels chafcun de nous eft en butte par une naturelle subjection, qui peuvent interrompre ce cours qu'ils fe promettent. Quelle refverie efl-ce de s'attendre de mourir d'une defaillance de forces, que l'extrefme vieilleffe apporte, & de fe propcfer ce but à noftre

■ Plutarque, dans la Vie de Caton d'Utique, ch.

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durée ; veu que c'est l'efpece de mort la plus rare de toutes, & la moins en ufage? Nous l'appellons feule naturelle, comme fi c'eftoit contre nature, de voir un homme fe rompre le col d'une cheute,s'eftouffer d'un naufrage, fe laiffer furprendre à la pefte ou à une pleurefie, & comme fi noftre condition ordinaire ne nous prefentoit à tous ces inconvenients. Ne nous flattons pas de ces beaux mots, on doit à l'adventure appeller pluftoft naturel, ce qui eft general, commun & univerfel.

Mourir de vieilleffe, c'eft une mort ra▾ re, finguliere & extraordinaire, & d'autant moins naturelle que les autres : c'eft la derniere & extreme forte de mourir : plus elle eft efloignée de nous, d'autant eft-elle moins efperable, C'est bien la borne, au-delà de laquelle nous n'iron's pas, & que la loi de nature a preferit, pour n'eftre point outrepaflée : mais c'est un sien rare privilege de nous faire durer jufquelà. C'eft une exemption qu'elle donne par faveur particuliere à un feul, en l'efpace

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