Page images
PDF
EPUB

d'une large inftruction de fciences utiles. Les 8 meftis, qui ont defdaigné le premier fiege de l'ignorence des lettres, & n'ont peu joindre l'autre (le cul entre deux felles: defquels je fuis, & tant d'autres) font dangereux, ineptes, importuns : ceux-ci troublent le monde. Pourtant de ma part je me recule tant que je puis dans le prémier & naturel fiege, d'où je me fuis pour néant effayé de partir.

La Poëfie populaire & purement naturelle a des naïvetés & graces par où elle fe compare à la principale beauté de la poëfie parfaite felon l'art : comme il se void ès villanelles de Gafcongne & aux chanfons, qu'on nous rapporte des Nations qui n'ont cognoiffance d'aucune fcience, ni mefme d'efcriture.

La Poëfie mediocre qui s'arrefte entre deux, eft defdaignée, fans honneur, &

8 Proprement metiz fignifie engendré de divers "genres, dit Nicot, comme le léopard du lion & d'une Panthere, un mulet d'une jument & d'un âne, - a

fans prix. Mais parce qu'après que le pas a efté ouvert à l'efprit, jistrouvé, comme il advient ordinairement, que nous avions prins pour un exercice mal-aifé & d'un rare fubject, ce qui ne l'eft aucunement; & qu'après que noftre invention a 'esté eschauffée, elle descouvre un nombre infini de pareils exemples, je n'en adjoufterai que cettui-ci : que fi ces Effais eltoient dignes qu'on en jugeast, il en pourroit advenir, à mon advis, qu'ils ne plai roient guere aux Efprits communs & vulgaires, ni guere au finguliers & excellens: ceux-là n'y entendroient pas affez, ceux-ci y entendroient trop : ils pourroient vivoter en la moyenne region.

CHAPITRE L V.

Des Senteurs.

IL fe dit d'aucuns, 1 comme d'Ale

xandre le grand, que leur fueur efpandoit un' odeur fouefve, par quelque rare & ex

■ Plutarque, dans la Vie d'Alexandre, c, 1.

traordinaire complexion: dequoi Plutar→ que & autres recherchent la caufe. Mais la commune façon des corps eft au contraire & la meilleure condition qu'ils ayent, c'est d'eftre exempts de fenteur. La douceur mefme des haleines plus pu res, n'a rien de plus parfaict, que d'eftre fans aucune odeur qui nous offense: com me font celles des enfants bien fains. Voilà pourquoi dit Plautend

2 Mulier cùm beně olet, ubi nihil olét.

« La plus exquife fenteur d'une femme, » c'est ne fentir rien. « Et les bonnes fenteurs eftrangeres, on a raifon de les tenir pour fufpectes, à ceux qui s'en fervent, & d'eftimer qu'elles foient employées pour couvrir quelque defaut naturel de ce cofté-là. D'où naiffent ces rencontres des Poëtes anciens, c'eft puïr, que fentir bon.

2 Plautus, Monstell. A&t. I, Sc. 3. vs, 117. Il y a dans Plaute Ecaftor mulier rectè olet, cùm nihil olet.

[ocr errors]

a Rides nos, Coracine, nil olentes : Malo quàm benè olere, nil olere.

Et ailleurs.

b Pofthume, non benè olét, qui béné semper olet.

J'aime pourtant bien fort à eftre entretenu de bonnes fenteurs, & hai outre mefure les mauvaises, que je tire de plus loing que tout autre:

c Namque fagacius unus odoror

Polypus, an gravis hirfutis cubet hircus in alis; Quàm canis acer ubi lateat fus.

Les fenteurs plus fimples & naturelles, me femblent plus agreables. Et touche ce foing principalement les Dames. En la plus efpeffe Barbarie, les femmes Scythes, après s'eftre lavées, se saupoudrenr & encrouftent tout le corps & le vifage,

a Tu te moque de moi, Coracinus, parceque je ne fuis point parfumé : & moi, j'aime mieux ne rien fentir, que de fentir bon. Mart. L. VI Ep. ss, v. 4.

b Et qui toujours fent bon, Pofthumus, fent mouvnis. Id. L. II, Epigr.12, vf. 4.

c Car je fens plus finement les mauvaises odeurs qu'un chien d'excellent nez ne flaire la bange d'un fanglier. Horat. L. Epod. Od. 12, vf. 4, &c.

de certaine drogue, qui naist en leur terroir, odoriferante. Et pour approcher les hommes, ayants ofté ce fard; elles s'en trouvent & polies & parfumées. Quelque odeur que ce foit, c'eft merveille combien elle s'attache à moi, & combien j'ai la peau propre à s'en abreuver. Celui qui fe plaint de nature dequoi elle a laiffé l'homme fans inftrument à porter les fenteurs au nez, a tort; car elles fe portent elles mefmes. Mais à moi particulierement, les mouftaches que j'ai pleines, m'en fervent: fi j'en approche mes gans ou mon mouchoir, l'odeur y tiendra tout un jour elles accufent le lieu d'où je viens. Les eftroits baifers de la jeuneffe, favoureux, gloutons & gluans, s'y colloient autrefois, & s'y tenoient plufieurs heures après. Et fi pourtant je me trouve peu fubject aux maladies populaires qui 3 fe chargent par la converfation, & qui naiffent de la contagion de l'air; & me fuis

[blocks in formation]
« PreviousContinue »