A ces mots le corbeau ne se sent pas de joie; Et, pour montrer sa belle voix, Il ouvre un large bec, laisse tomber sa proie. Vit aux dépens de celui qui l'écoute: Jura, mais un peu tard, qu'on ne l'y prendroit plus. en son espece dans le temps nix de la poésie chantante; que Boileau parlant d'un son net parfait, nous dit, Que cet heureux phénix est encore à trouver; et qu'ici le renard voyant le corbeau, qui, perché sur un arbre, tenoit en son bec un fromage, s'avise, pour l'étour dir et lui faire oublier son fromage, de lui dire que s'il a la voix aussi charmante que le plumage, il est le phénix des hôtes de ces bois éloge flatteur, qui ne manqua pas de produire l'effet qu'en attendoit le renard. : (**) Nonnulli falsum hunc phoenicem credidere, nihilque usurpa isse ex his quæ vetus memoria firmavit. (Tacit. An. 1. VI, p. 204.) III. La Grenouille qui se veut faire aussi U grosse que le Bœuf. N E grenouille vit un boeuf Qui lui sembla de belle taille. Elle, qui n'étoit pas grosse en tout comme un œuf, Disant: Regardez bien, ma sœur, Est-ce assez? dites-moi, n'y suis-je point encore? Le monde est plein de gens qui ne sont pas plus sages: IV. Les deux Mulets. DEUX mulets cheminoient, l'un d'aveine chargé, Et faisoit sonner sa sonnette: Le mulet, en se défendant, Se sent percer de coups: il gémit, il soupire. Ami, lui dit son camarade, Il n'est pas toujours bon d'avoir un haut emploi: Si tu n'avois servi qu'un meûnier, comme moi, Tu ne serois pas si malade. UN V. Le Loup et le Chien. N loup n'avoit que les os et la peau, Tant les chiens faisoient bonne garde: Ce loup rencontre un dogue aussi puissant que beau, Gras, poli, qui s'étoit fourvoyé par mégarde. L'attaquer, le mettre en quartiers, Sire loup l'eût fait volontiers: Mais il falloit livrer bataille; A se défendre hardiment. Le loup donc l'aborde humblement, |