4 XX. La Discorde: LA déesse Discorde ayant brouillé les dieux, Chez l'animal qu'on appelle homme Elle et Que-si-que-non 2, son frere, Elle nous fit l'honneur en ce bas univers A celui des mortels 3 qui nous sont opposés, (1) La pomme d'or pretendue par Junon, Pallas et Vénus, et qui fut donnée à la derniere par Paris. (2) Que si, que non, termes que répetent incessam 1 ment ceux qui sont en dis- Gens grossiers, peu civilisés, Et qui, se mariant sans prêtre et sans notaire, Pour la faire trouver aux lieux où le besoin La Renommée avoit le soin De l'avertir; et l'autre, diligente, Couroit vite aux débats, et prévenoit la Paix; Faisoit d'une étincelle un feu long à s'éteindre. La Renommée enfin commença de se plaindre Que l'on ne lui trouvoit jamais De demeure fixe et certaine ; Bien souvent l'on perdoit, à la chercher, sa peine: Gomme il n'étoit alors aucun couvent de filles, L'auberge enfin de l'hyménée pour antipodes; et nous sommes leurs qutipodes à leur égard, étant opposés à eux, comme ils le sont à nous. LA XXI. La jeune Veuve. A perte d'un époux ne va point sans soupirs: On fait beaucoup de bruit ; et puis on se console. Sur les ailes du Temps la tristesse s'envole; Le Temps ramene les plaisirs. Enire la veuve d'une année Et la veuve d'une journée La différence est grande; on ne croiroit jamais L'une fait fuir les gens; et l'autre a mille attraits: On le dit; mais il n'en est rien, Dd Partoit L'époux d'une jeune beauté pour l'autre monde. A ses côtés sa femme Lui crioit: Attends-moi, je te suis; et mon ame, Aussi-bien que la tienne, est prête à s'envoler. Le mari fait seul le voyage. La belle avoit un pere, homme prudent et sage: A la fin, pour la consoler: Ma fille, lui dit-il, c'est trop verser de larmes: Qu'a besoin le défunt que vous noyiez vos charmes? Puisqu'il est des vivants, ne songez plus aux morts. Je ne dis pas que tout-à-l'heure Une condition meilleure Change en des noces ces transports: Mais après certain temps souffrez qu'on vous propose Un époux, beau, bien fait, jeune, et tout autre chose Que le défunt. Ah! dit-elle aussitôt, Le Un cloître est l'époux qu'il me faut. pere lui laissa digérer sa disgrace. Un mois de la sorte se passe; L'autre mois, on l'emploie à changer tous les jours En attendant d'autres atours. Revient au colombier '; les jeux, les ris, la danse, (1) Les Amours rentrent en foule dans le cœur de la veuve, leur véritable domai ne, leur séjour naturel et ordinaire: ce que La Fontaine a pris plaisir d'appeller Reve nir au colombier; expression proverbiale, qui a été introduite dans la langue par allusion à ce que font les pigeons, qui, transportés bien loin de chez eux, reviennent tou Ont aussi leur tour à la fin: Dans la fontaine de Jouvence 2. Le pere ne craint plus ce défunt tant chéri. Que vous m'avez promis? dit-elle. jours au colombier où ils ont reçu leur premiere nourri ture. (2) Dans les plaisirs dont la jeunesse aime à faire son unique amusement. Par la fontaine de Jouvence (fiction romanesque) on entend une eau qui a la propriété de rajeunir ceux qui en boivent. Grand dommage est que ceci soit sor nettes: Filles connois qui ne sont pas jeunettes, Plaisante conclusion d'un an. Dd a |