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Dieu, à quoi la nôtre ne puisse aussi s'étendre; ce qui est cause que nous la portons ordinairement au-delà de ce que nous connoissons clairement et distinctement; et lorsque nous en abusons de la sorte, ce n'est pas merveille s'il nous arrive de nous méprendre.

36.

imputées à

Dieu.

Or, quoique Dieu ne nous ait pas donné un enLesquelles ne tendement tout-connoissant, nous ne devons pas peuvent être croire pour cela qu'il soit l'auteur de nos erreurs, parceque tout entendement créé est fini, et qu'il est de la nature de l'entendement fini de n'être pas tout-connoissant.

Au contraire, la volonté étant de sa nature très étendue, ce nous est un avantage très grand de pouvoir agir par son moyen, c'est-à-dire librement; en sorte que nous soyons tellement les maîtres de nos actions, que nous sommes dignes de louange lorsque nous les conduisons bien car, tout ainsi qu'on ne donne point aux machines qu'on voit se mouvoir en plusieurs façons diverses, aussi justement qu'on sauroit désirer, des louanges qui se rapportent véritablement à elles, parceque ces machines ne représentent aucune action qu'elles ne doivent faire par le moyen de leurs ressorts, et qu'on en donne à l'ouvrier qui les a faites, parcequ'il a eu le pouvoir et la volonté de les composer avec tant d'artifice; de même on doit nous attribuer quelque chose de plus, de ce que nous choi

37.

Que la princi

pale perfecme est d'avoir

tion de l'hom

un libre arbi

tre, et que rend digne de louange ou de

c'est ce qui le

blâme.

38.

Que nos er

reurs sont des

défauts de no

tre façon d'a

gir, mais non point de notre

les fautes des

souvent être attribuées

aux autres maîtres, mais

Dieu.

sissons ce qui est vrai, lorsque nous le distinguons d'avec le faux par une détermination de notre volonté, que si nous y étions déterminés et contraints par un principe étranger.

Il est bien vrai que toutes les fois que nous faillons, il y a du défaut en notre façon d'agir ou en l'usage de notre liberté; mais il n'y a point pour cela de défaut en notre nature, à cause qu'elle est nature; et que toujours la même quoique nos jugements soient sujets peuvent vrais ou faux. Et quand Dieu auroit pu nous donner une connoissance si grande que nous n'eussions jamais été sujets à faillir, nous n'avons aucun non point à droit pour cela de nous plaindre de lui; car, encore que parmi nous celui qui a pu empêcher un mal et ne l'a pas empêché en soit blâmé et jugé comme coupable, il n'en est pas de même à l'égard de Dieu, d'autant que le pouvoir que les hommes ont les uns sur les autres est institué afin qu'ils empêchent de malfaire ceux qui leur sont inférieurs, et que la toute-puissance que Dieu a sur l'univers est très absolue et très libre. C'est pourquoi nous devons le remercier des biens qu'il nous a faits, et non point nous plaindre de ce qu'il ne nous a pas avantagés de ceux que nous connoissons qui nous manquent et qu'il auroit peut-être pu nous départir.

39.

Que la liberté

Au reste, il est si évident que nous avons une de notre vo- volonté libre, qui peut donner son consentement

noît sans

preuve, par la

seule expérience que

nous en

avons.

ou ne le pas donner quand bon lui semble, que lonté se concela peut être compté pour une de nos plus communes notions. Nous en avons eu ci-devant une preuve bien claire; car, au même temps que nous doutions du tout, et que nous supposions même que celui qui nous a créés employoit son pouvoir à nous tromper en toutes façons, nous apercevions en nous une liberté si grande, que nous pouvions nous empêcher de croire ce que nous ne connoissions pas encore parfaitement bien. Or ce que nous apercevions distinctement, et dont nous ne pouvions douter pendant une suspension si générale, est aussi certain qu'aucune autre chose que nous puissions jamais connoître.

40. Que nous sa

vons aussi très certainement que

donné toutes

choses.

Mais, à cause que ce que nous avons depuis connu de Dieu nous assure que sa puissance est si grande que nous ferions un crime de penser que nous eussions jamais été capables de faire aucune chose Dieu a préorqu'il ne l'eût auparavant ordonnée, nous pourrions aisément nous embarrasser en des difficultés très grandes, si nous entreprenions d'accorder la liberté de notre volonté avec ses ordonnances, et si nous tâchions de comprendre, c'est-à-dire d'embrasser et comme limiter avec notre entendement toute l'étendue de notre libre arbitre et l'ordre de la Providence éternelle.

41.

Comment on

Au lieu que nous n'aurons point du tout de peine à nous en délivrer, si nous remarquons que notre peut accorder

bitre avec la

divine.

notre libre ar- pensée est finie, et que la toute-puissance de Dieu, préordination par laquelle il a non seulement connu de toute éternité ce qui est ou qui peut être, mais il l'a aussi voulu, est infinie. Ce qui fait que nous avons bien assez d'intelligence pour connoître clairement et distinctement que cette puissance est en Dieu; mais que nous n'en avons pas assez pour comprendre tellement son étendue que nous puissions savoir comment elle laisse les actions des hommes entièrement libres et indéterminées ; et que d'autre côté nous sommes aussi tellement assurés de la liberté et de l'indifférence qui est en nous, qu'il n'y a rien que nous connoissions plus clairement; de façon que la toute-puissance de Dieu ne nous doit point empêcher de la croire. Car nous aurions tort de douter de ce que nous apercevons intérieurement et que nous savons par expérience être en nous, parceque nous ne comprenons pas une autre chose que nous savons être incompréhensible de

42. Comment en

core que nous

jamais faillir,

c'est néan

sa nature.

Mais, parceque nous savons que l'erreur dépend de notre volonté, et que personne n'a la volonté ne voulions de se tromper, on s'étonnera peut-être qu'il y ait de l'erreur en nos jugements. Mais il faut remarquer qu'il y a bien de la différence entre vouloir être trompé et vouloir donner son consentement à des opinions qui sont cause que nous nous trompons quelquefois. Car, encore qu'il n'y ait per

moins par notre volonté que nous faillons.

sonne qui veuille expressément se méprendre, il
ne s'en trouve presque pas un qui ne veuille don-
der son consentement à des choses qu'il ne con-
noît
pas distinctement: et même il arrive souvent
que c'est le désir de connoître la vérité qui fait
que ceux qui ne savent pas l'ordre qu'il faut tenir
pour la rechercher manquent de la trouver et se
trompent, à cause qu'il les incite à précipiter leurs
jugements, et à prendre des choses pour vraies,
desquelles ils n'ont pas assez de connoissance.

43.

que nous ne saurions failgeant que des

lir en ne ju

choses que nous aperce

vons claire

ment et dis

Mais il est certain que nous ne prendrons jamais le faux pour le vrai tant que nous ne jugerons que de ce que nous apercevons clairement et distinctement; parceque Dieu n'étant point trompeur, la faculté de connoître qu'il nous a donnée ne sauroit faillir, ni même la faculté de vouloir, lorsque tinctement. nous ne l'étendons point au-delà de ce que nous connoissons. Et quand même cette vérité n'auroit pas été démontrée, nous sommes naturellement si enclins à donner notre consentement aux choses que nous apercevons manifestement, que nous n'en saurions douter pendant que nous les aper

cevons de la sorte.

44. Que nous ne

Il est aussi très certain que toutes les fois que nous approuvons quelque raison dont nous n'avons saurions que pas une connoissance bien exacte, ou que nous nous trompons, ou si nous trouvons la vérité, comme ce n'est que par hasard,

, que nous ne sau

mal juger de ce que nous

n'apercevons pås clairement, bien

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